Journal de bord

lundi 23 juin 2014

Le sous-marin Marisol

Selon vous, la cigarette électronique est un substitut sérieux pour le sevrage des fumeurs. Pourtant, le vapotage est dans la ligne de mire du ministère de la Santé. Comment l’expliquez-vous ?

Pr Robert Molimard : Ce projet de loi n’a rien à voir avec l’intérêt des fumeurs ni avec celui de la santé publique. Marisol Touraine, notre ministre de la Santé, n’est autre qu’un sous-marin de l’industrie pharmaceutique. La mesure qu’elle cherche à faire appliquer a pour but évident d’éliminer un concurrent des gommes et des patchs. Rendez-vous compte du marché formidable que représente la cigarette électronique ! Je le dis depuis des années : les fumeurs ne fument pas pour la nicotine, mais pour le geste, le fait de manipuler un objet et de le mettre à la bouche. Ils cherchent en priorité à assouvir un besoin comportemental. Là où les gommes et les patchs ne les soulagent que très peu, la cigarette électronique pallie le manque de manière révolutionnaire ! L’industrie pharmaceutique rêve donc de la récupérer à son compte, sous forme de médicament, et de commercialiser elle-même les e-liquides… C’est la même chose pour l’industrie du tabac, qui lorgne les énormes potentiels que représente le marché de la cigarette électronique. Imperial Tobacco, Philip Morris, BAT, Altadis, ont déjà acheté des entreprises fabriquant des e-cigarettes, ou vont les fabriquer elles-mêmes.

Il existe pourtant des incertitudes quant à l’innocuité du vapotage.

Tout d’abord, rappelons que le rapport de toxicité entre la cigarette électronique et le tabac est de l’ordre de 1 pour 1 000. Après, oui, il existe des incertitudes au sujet des arômes. On ne sait pas quels risques éventuels il y a à les inhaler à long terme, mais rien à voir avec la dangerosité du tabac, qui contient d’ailleurs souvent les mêmes. Par rapport au tabac, les avantages de la cigarette électronique sont évidents. Pas de combustion, donc pas d’incendies, pas d’oxyde de carbone, pas de goudrons, pas de fumée obscurcissant l’atmosphère et faisant tousser le voisin, pas de tabagisme passif. Si elle pouvait se substituer totalement ou en partie au tabac, quel prodigieux bénéfice pour la santé publique !

On parle aussi d’un risque pour les jeunes. Le vapotage en public les inciterait à entrer dans le tabagisme.

C’est faux. Les premiers résultats d’études montrent déjà que la cigarette électronique n’est pas une entrée dans le tabagisme. Les jeunes l’essaient, parce que c’est dans leur nature adolescente d’être curieux. En interdisant le vapotage, on ne fait que renforcer leur intérêt pour le produit, puisque c’est le propre de la jeunesse que de transgresser l’interdit.

Pour vous, interdire la cigarette électronique dans les lieux publics serait contre-productif ?

Oui, car, aujourd’hui, la cigarette électronique est en passe de supplanter tous les autres moyens d’arrêter le tabac. Sur les forums, on est impressionné par le nombre de vapoteurs qui disent combien vapoter les aide beaucoup, contrairement aux substituts nicotiniques. En interdisant la cigarette électronique dans les lieux publics, on la met sur le même plan que le tabac. Les vapoteurs sont montrés du doigt, alors que, pour la première fois, ils ont entre les mains le moyen de sortir du tabac. Et ça, c’est criminel.

Le Point : questions au professeur Robert Molimard.

1. Le 23 juin 2014,
Gilles

De toute façon ça va être voté donc…

Mais bizarrement, je suis plus enclin à accepter le vapotage passif que le tabagisme passif…

2. Le 25 juin 2014,
lolosquared

je suis un gros fumeur même pas un vapoteur mais habitué depuis des années à se restreindre anywhere, ça m’emmerderait drôlement d’avoir à subir des odeurs de chicha qui me donnent la nausée. mais vraiment. alors oui je suis contre aussi.

3. Le 26 juin 2014,
Christophe

Le début de l’article sur un éventuel “besoin comportemental” est très intéressant.

Quand je demande à de jeunes fumeurs “pourquoi tu fumes ?”, ils n’ont en général pas grand chose à me répondre. J’ai toujours pensé que c’était pour s’occuper, pour passer le temps, pour faire croire qu’ils étaient en pleine activité qu’ils fumaient. Car oui, c’est toujours mieux de fumer une clope en attendant un pote que de rester debout les mains dans les poches.

D’autres fument soit-disant pour “déstresser”. Why not, mais faudrait m’expliquer pourquoi tant de monde lutte contre le stress de cette manière-là ?

Peu de gens fument pour la nicotine. Beaucoup plus fument pour suivre un mouvement, faire partie d’une pseudo-communauté qui n’existe pas. C’est toujours le sentiment que j’ai eu.

Pour moi, ils n’assouvissent effectivement qu’un besoin comportemental (pour la majorité des fumeurs).

4. Le 27 juin 2014,
Krysalia

j’avais un article qui était d’accord avec christophe. si la nicotine était vraiment aussi addictive, elle serait le produit addictif vendu le moins cher au monde, trèèès, trèès en dessous de tout autre produit addictif.

En revanche la puissance des habitudes et toute la construction de sa journée tourne autour de la clope. les gestes, l’enchaînement des actions, la recherche de clopes, les objets du fumeur etc sont terriblement addictifs. (je me fume une clope et puis après je […]) (pendant que je fais […] je fume une clope) (quand j’attends […] je fume une clope). (ou j’ai mis mon briquet ?)…

Arrêter de fumer, surtout quand on fume depuis longtemps, c’est réorganiser toute sa vie à tous les niveaux, mémoire musculaire, déroulé de la journée etc. c’est extrêmement difficile, et même plus que de simplement se passer d’une substance.

Blah ? Touitter !