Journal de bord

jeudi 30 octobre 2014

Cuir épais

[…] Being gay has given me a deeper understanding of what it means to be in the minority and provided a window into the challenges that people in other minority groups deal with every day. It’s made me more empathetic, which has led to a richer life. It’s been tough and uncomfortable at times, but it has given me the confidence to be myself, to follow my own path, and to rise above adversity and bigotry. It’s also given me the skin of a rhinoceros, which comes in handy when you’re the CEO of Apple. […]

Businessweek, Tim Cook: “I’m Proud to be Gay.”

Mais on s’en fout !

Il y a de nombreuses personnes pour se réjouir du “coming out” officiel de Tim Cook. Ne serait-ce que parce que c’est un “role model” important.

Pourtant, je vois pas mal de réactions dans mon fil twitter du style “Putain les gars, mais on s’en fout de sa sexualité”. Et je les trouve blessantes. Oh, elles ne sont pas toujours mal intentionnées, mais le résultat est là.

Par transfert, j’imagine qu’un ami me dise “oh, mais je m’en fiche complètement de ta sexualité”. Et je prendrais ça comme une claque dans la figure, parce que je comprendrais “oh, mais je me fiche de qui tu es vraiment, d’une part importante de ta personne”. Nous vivons dans une société si hétéronormée, que celui qui est conforme au standard dominant ne se rend plus compte que la sexualité est plus large que ce qui se passe dans une chambre à coucher, qu’elle est constitutive de la personnalité, de la psyché, de l’être, et qu’elle peut être l’objet d’un combat identitaire, et trop souvent de souffrances infligées par la caste sexuellement dominante.

Un petit conseil en passant, si vous vous définissez comme hétéro, gardez-vous une petite gêne, un peu d’humilité, avant de commenter une sortie de placard. C’est un peu comme pour un WASP qui va commenter une affaire de racisme, ou un “gamer”, une affaire de sexisme.

Et, réfléchissez-y un instant, quand il s’agit de coucher avec quelqu’un, vous ne vous fichez absolument pas de savoir quelle est la sexualité de la personne en face de vous. Votre “monde idéal” où tout cela n’a aucune importance n’existera jamais. Je m’intéresse aux autres, à ce qu’ils font, à ce qu’ils pensent, à ce qui les émeut, comment ils mangent, comment ils baisent et avec qui, comment ils jouissent. Souffrant d’un déficit familial d’éducation judéo-chrétienne, je ne compartimente pas les gens, vous m’intéressez globalement, entièrement, pas par morceaux que je prendrais soigneusement le temps de choisir.

Enfin, s’il y a eu, à cause de Tim Cook, un seul jeune homosexuel, dans un environnement qu’il lui a fait intérioriser qu’il était une sous-merde en raison de sa sexualité, à reconsidérer ses ambitions à la hausse, alors la contribution du PDG d’Apple a été utile. Je vous invite d’ailleurs à la lire, ou relire, elle est exemplaire. Elle n’est pas exhibitionniste, elle est politique. Quand ton environnement social, familial, ne t’offre rien de bon, les contributions des personnages publics sont capitales.

Voilà, c’est ma réaction à chaud. Il y a sans doute beaucoup d’autres choses à dire.

P.S., 31 octobre :

Coming out célébrité

[Par Mary Lambert. Via Le Roncier.]

[…] Tim Cook ne parle pas de sa vie privée, il dit seulement que les gens se trompent sur sa vie. Expliquer qu’on n’est pas hétérosexuel, ce n’est pas parler de sa vie privée, c’est corriger la vie privée qu’on nous prête d’office. Dans ce contexte, il n’y a le choix qu’entre mentir ou faire un geste explicite pour corriger. C’est beaucoup moins parler de sa vie privée que par exemple George Clooney qui se marie à Venise. Cela fait bien longtemps que les personnages publics hétérosexuels mettent en avant leur famille, leur hétérosexualité de manière générale, que ce soit dans leur bureau avec leurs photos de famille et de vacances, ou dans leur communication publique, sur Facebook par exemple. Il n’y a pas de raison pour que quand on parle d’homosexualité, tout à coup ça devienne de l’exhibitionnisme. […]

Libération : “Le coming out de Tim Cook contribue à l’image positive d’Apple”, via Ydikoi.

Voir ausi Sacrip’Anne : “Alliés boulet”.

1. Le 30 octobre 2014,
Sacrip'Anne

Je fais le parallèle avec les gens racisés, selon la terminologie actuelle, qui dénoncent les gens qui disent “je ne vois pas la couleur, je vois l’individu”.

Or, si c’est parfaitement vrai et sincère, ce que ça veut vraiment dire c’est “je n’ai pas de jugement sur (la couleur / la sexualité / le genre,…) des gens.

La formulation en devient maladroite et blessante, en effet. Et ça c’est seulement pour les gens les mieux intentionnés.

Et par ailleurs, ça demande des efforts quand on fait partie de la norme, de la majorité écrasante, de voir en quoi un critère différenciant peut porter des années de lutte contre soi même, contre le monde, de souffrances, d’humiliations, et comment, quand finalement, on nous dit que tout ça, on s’en fout, effectivement c’est violent.

C’est bien sûr à nous, la majorité non questionnée, de faire cet effort, celui là et bien plus encore, pour ne jamais s’arrêter à une vision “facile” du monde où si tous les gens ne sont pas pareil, on s’en fout on s’aime.

C’est à nous, si nous voulons le rendre meilleur, ce monde, de faire l’effort d’écouter, de comprendre, de savoir se taire parfois au lieu de dire des conneries, de blesser.

Quant à ce coming-out, je lui trouve une merveilleuse conclusion, le cuir tanné qui aide à diriger une grosse boîte, oui, on voit bien.

Voilà. Ma réaction à chaud. Et toi je t’aime comme t’es, na !

2. Le 30 octobre 2014,
Krysalia

il y ceux dont parle sacripanne, les “bien intentionnés” et je sais qu’ils sont nombreux. Mais je crois qu’il existe aussi un tas de gens qui se voudraient neutres, qui ne le sont pas vraiment, et qui disent “mais on s’en fout de savoir qu’il est gay” dans le sens “beuah, j’ai pas besoin de savoir ça”.

Dans leur cas, entendre qu’une personne est gay serait comme entendre qu’une personne mange ses crottes de nez ou aime se nettoyer les entre-orteils deux fois la semaine, ou qu’il lèche parfois son assiette à table. Ils voient ça comme quelque chose du domaine de la TMI : too much information, autrement dit la vie privée qui devrait rester privée tant elle est gênante à entendre.

Et donc, on leur demanderait qu’ils se prétendraient tout à fait neutres et bienveillants :D. “moi j’ai rien contre ça mais pourquoi il laisse pas ça dans le domaine du privé frisson de gêne”.

Bah justement, il ne laisse pas ça dans le domaine du privé parce que ne pas l’y laisser fait une vraie différence. Comme dit si bien Laurent, combien de jeunes ont maintenant un modèle en tête qui vient enrichir les représentations d’êtres humains aux sexualités variés à qui ils peuvent s’identifier ? (et si ça ne faisait la différence que pour un d’entre eux ce serait déjà de quoi se réjouir).

Sans ordre d’importance on peut dire ensuite que c’est important aussi pour le cheminement de cette personne qui fait son coming out, peut être bien. Je ne le connais pas mais s’il le fait, c’est sûrement que lui y trouve quelque chose, pour lui et pour les autres. Difficile de lui dénier ça en prétendant à la fois savoir mieux que lui ce qui compte, et être neutre.

C’est aussi important au niveau politique, parce qu’on ne fait pas passer les mêmes lois quand on sait que des gens puissants sont concernés et que cette info est publique, ou quand seulement des “petites gens” le sont publiquement. Demander à une personne comme lui de garder ça privé ou dire qu’on s’en fout, c’est aussi affirmer qu’on ne souhaite pas avoir une société qui change vers plus de visibilité et de respect.

et puis dans la société ou on vit, faire son coming out n’est pas quelque chose d’anodin ni de facile (et paradoxalement chaque coming out contribue à changer ça pierre par pierre). Alors balancer à quelqu’un qu’on n’en a rien à foutre de ce truc qui est très important pour lui, ça n’a de toute façon rien de respectueux non plus :/.

3. Le 30 octobre 2014,
g

Il me semble cependant qu’une société dans laquelle on pourrait vraiment s’en foutre, de l’orientation sexuelle d’un dirigeant, à moins d’avoir une histoire intime avec la personne en question, serait un progrès. (On en est encore loin, oui, hélas)

4. Le 30 octobre 2014,
Laurent

@g

Personnellement, je vis comme ça. Pour reprendre les termes du Capitaine, j’en ai strictement rien à foutre de l’orientation sexuelle des gens. Ça ne m’intéresse pas. Mes potes pédés sont considérés au même tarif que les autres. Leurs problèmes de cœur s’expriment à travers des relations avec des hommes au lieu de femmes. D’accord, et alors ? Je les écoute, les console et les réconforte avec le même intérêt et la même affection. Ça me semble si normal et naturel que des sorties du placard comme celle de Tim Cook ou Jodie Foster me sont presque incompréhensibles. Probablement parce qu’ils ne s’adressent pas à moi. De ce fait, les mots de Laurent me rappellent une réalité qui m’est bien étrangère et difficile à comprendre.

(Je n’ai pas la syntaxe claire, mais à ma décharge il est 2h30 du matin.)

5. Le 30 octobre 2014,
Cqoicebordel

[Il y a de bonnes chances que je me fasse insulté suite à ce commentaire, mais tant pis]

Je comprend tout à fait tes arguments, et je suis globalement d’accord avec ceux-ci. Effectivement, si son annonce a pu aider ne serait-ce qu’une seule personne, ça valait le coup.

Mais je fais partit de ces gens qui disent qu’ils s’en foutent. Tout simplement parce que je ne fais pas partie du cercle intime/proche/amicale de Tim Cook. Je n’ai pas envie de le connaître particulièrement. Je n’ai pas envie de connaître sa psyché. Je me fout complètement de ce qu’il pense, de ce qu’il mange, de qui il baise. Tout comme je me fous des histoires de cul de François Hollande, et de ce qu’il mange au petit déjeuner, ou du 7e mariage de l’actrice hollywoodienne megasuperstar. Je ne lis pas les magazines people pour la même raison : je m’en fous.

Oui, connaître la sexualité du possible futur partenaire à un sens, tout comme connaître la sexualité des amis, parce qu’on veut les connaître le mieux possible, les aider et les soutenir par tous les moyens possibles si nécessaire, et que ça peut nous permettre de mieux appréhender leurs psychés.

Mais pour Tim Cook, j’en ai rien à foutre.

Je peux comprendre que pour toi ce soit important, mais comprend également que pour moi, ça ne l’est pas. C’est un peu notre liberté à tous les deux ;o)

6. Le 31 octobre 2014,
La mouche du coche

Comme d’habitude on regarde le doigt et pas la lune. L’important n’est là encore PAS de connaitre l’orientation sexuelle de tel ou tel, mais de se demander QUI met en avant cette déclaration dans tous les médias mondiaux, et POURQUOI est-elle mis en avant.

7. Le 31 octobre 2014,
Laurent

@Mouche à merde : Ce sont les LGBT et les juifs. Ils complotent contre toi, car ça les fait ricaner. Voilà, t’es content maintenant ? T’as eu la réponse que tu voulais. Passe ton chemin.

8. Le 31 octobre 2014,
Q@F

Tim Cook interdit de séjour en Russie ?

Vitaly Milonov: “What could [Tim Cook] bring us? The Ebola virus, AIDS, gonorrhea? They all have unseemly ties over there…”

Ebola is the new AIDS and it’s sooooooo gay… #Facepalm…

On lui dit pour Alan Turing ?

9. Le 1 novembre 2014,
la mouche du coche

Je comprends que mes commentaires puissent en énerver certains et paraissent un peu obsessionnels mais je pense sincèrement qu’il nous faut profiter d’internet pour passer à l’âge adulte de la prise d’information. Il nous faut bien saisir que derrière certaines dépêches, il y a quelqu’un qui n’est pas toujours bien intentionné et peut vouloir nous piéger en nous montant les uns contre les autres, en l’espèce, les heteros contre les homos. (D’où le malaise de l’auteur de l’article ci-dessus qui ressent sans comprendre pourquoi, le piège tendu.)

Bref. Quand le sage nous montre la lune, il nous faut regarder ni le doigt, ni la lune, mais si le sage est vraiment sage. :-)

10. Le 1 novembre 2014,
Krysalia

tiens, la mouche à merde a enfin décidé de regarder d’un autre oeil les dépêches du pape ? un peu de lucidité, enfin. il était temps.

11. Le 2 novembre 2014,
supersucker

Pour moi, et je suis navré de vous contredire, mais, oui, son coming out, je m’en fous. Mais je m’en fous dans le sens où c’est toujours la même personne pour moi. Quand des personnes de mon entourage m’avouent leur homosexualité (il n’y en a pas tant que ça, mais quelques-uns quand même), je leur réponds, que pour moi, ça m’est égal. Elles seront toujours les mêmes personnes pour moi, je les regarderai avec les mêmes yeux, je leur apporterai la même affection, je les considèrerai de la même manière, qu’elles soient homo ou hétéro. L’empathie, et même la compassion devant ces annonces, le fait de plisser les yeux et de dire “han, les pauvres, quelles épreuves ils ont dû traverser, il faut absolument les protéger, ne plus faire de blagues ou de réflexions pour ne surtout pas les choquer” est ce qui les stigmatise encore plus. Tout comme le cliché du “meilleur ami gay” des pouffiasses accro au shopping dessert de manière éhontée la cause homosexuelle en les enfermant dans un cliché de folle précieuse, la surcompassion de leur coming out en fait un évènement grave.

12. Le 2 novembre 2014,
Grulon

Accessoirement… Quelqu’un qui s’en “foutrait” vraiment, au sens proposé bienveillant et bien attentionné, ne se sentirait pas obligé de le dire. Et même si on a pas la tête à ça, pas le temps, pas envie de lire…

Blah ? Touitter !