Journal de bord

jeudi 23 avril 2015

La tueuse aimait les hamsters

[…] Lorsqu’elles comparaissent en 1989 dans le box des accusés, la presse souligne son incompréhension. Le visage détendu des tueuses semble contredire leur acte. « Impossible de voir en Nathalie Ménigon la tueuse du PDG de Renault quand elle sourit nonchalamment à son destin en pouffant sous ses boucles brunes dans le box de la Cour d’assises de Paris », note un journaliste qui assiste au procès. Pour l’historienne Fanny Bugnon, l’insistance avec laquelle les médias soulignent l’aspect féminin des terroristes renforce le sentiment de l’incompréhension. Fanny Bugnon y voit une forme très révélatrice de sexisme. Dans notre société, les femmes sont en effet plutôt considérées comme des victimes. Et lorsqu’elles ne sont pas victimes, on leur cherche des excuses : elles étaient sûrement amoureuses ? Sous l’emprise d’un homme ? Elles bénéficient souvent d’une certaine mansuétude.

[…] La violence des femmes est transgressive dans les sociétés qui cherchent à renforcer la distinction mâle-femelle. Dans ces sociétés-là, c’est l’homme qui a le monopole de la violence.

[…] Comme pour alimenter, aux yeux du grand public, ce fantasme de la guerre des sexes, les journalistes reprennent sans vraiment vérifier une étrange information. « Les policiers assurent que Nathalie Ménigon donnait des morceaux de la serviette de Georges Besse à manger à ses hamsters » (Libération). L’information, d’abord relayée par des agences de presse, est reprise dans tous les journaux. Partout, les articles publiés le 24 février 1987 racontent que Nathalie Ménigon donnait des lambeaux de la serviette en cuir (volée à la victime) à ronger aux « hamsters qu’elle affectionnait tant »… Il s’avère que c’était une erreur. Un article publié dans Le Monde rétablit les faits : « les confidences policières recueillies par nos confrères précisaient, en réalité, que Nathalie Ménigon avait fabriqué un holster – étui d’arme au poing – avec ladite serviette. Holster, hamster, la consonance des mots et le goût du sensationnel ont fait le reste ».

Les 400 culs, Agnès Giard : “La sadique aimait les hamsters”.