“Miscellanées”

actus et opinions

Amour et sérodiscordance

Photo Antonio Foncubierta.

Ce n’est qu’après avoir fermé la porte que j’ai ouvert les vannes. Je n’avais pas pleuré comme ça depuis longtemps. Jamais la solitude ne m’était apparue de façon aussi aiguë. Je me sentais mal comme si j’avais été battu. Une douleur enragée. J’avais le ventre qui voulait hurler, qui voulait vomir tout ce qui lui restait de vie. Je voulais mourir. Je n’en voulais plus de cette vie. J’ai fait alors ce que je sais le mieux faire ; survivre. Chasser les idées qui me venaient en tête : les couteaux, le verre brisé, les lames de rasoir, les médicaments. J’ai pris un somnifère en me disant que tout irait mieux demain. Je projetais de m’emmurer chez moi. Séropositif ou séronégatif, ça devient un pattern, les gars se vident sur moi puis s’en vont. La nuit me fait peur. [Amours, vertiges et chlorophylle : “Sois prêt”.]

Mon modeste conseil est à la lumière de mon expérience, tout en sachant que les conseilleurs ne sont pas les payeurs. Ne le dites pas. Votre statut sérologique est une anecdote parmi d’autres, il ne vous définit pas en tant qu’homme. Même si ce détail a parfois trop, et naturellement, tendance à envahir votre quotidien et votre psyché. Alors que chez l’autre béotien, la nouvelle outrepassera, obscurcira, déformera la réalité de votre être.

Attendez donc qu’il ait de vrais sentiments, l’envie exprimée d’une relation plus durable, voire même qu’il vous aime. Il sera alors temps de faire l’inventaire… de montrer le bord ébréché de la soupière… Cela sera le test ultime et non la carte de visite balancée au premier prospect qui passe.

Si malgré tout, l’autre fuit… et bien, c’est qu’il ne vous méritait pas et que c’est un sale con égocentrique, peureux et lâche, et dites-vous que vous vous épargnez une relation douloureuse, condamnée à l’échec, avec un pauvre mec qui ne vous aimait pas tant que ça. Avec un sale type couard et stupide.

Tout est une question de chronologie, ne pas mettre la charrue avant les bœufs. Le souci d’honnêteté et de vérité vous honore. Mais, il ne doit pas virer au masochisme. Parce qu’à jouer l’exhibition totale de votre bulletin de santé le soir de votre première baise, vous vous condamnez, sauf à de très rares exceptions, à vous en prendre plein la gueule. C’est humain. L’homme est gouverné par ses peurs. Et bien plus que vous ne pouvez le croire. La poltronnerie est la qualité la mieux partagée dans le genre humain. J’en sais quelque chose.

Ne soyez pas sadique non plus, l’autre attend Éros et vous voudriez lui balancer tout de suite Thanatos en pleine gueule.

Si l’homme est amoureux, que vous avez été assez sage pour attendre, et qu’il persiste malgré votre séropositivé, alors qu’il aurait peut-être pris la poudre d’escampette le premier soir, dites-vous que vous lui avez fait un inestimable cadeau, vous l’avez fait avancer, vous avez influé sur son système de valeurs et sa vision de la vie, de la mort, de l’amour, ces trois machins dont nous sommes esclaves, de ces trois fils qui tissent notre existence d’animal humain. Vous êtes devenu une borne sur la route de sa vie, une précieuse étape.

Si vous m’autorisez à revenir sur ma modeste expérience, ma vie n’aurait pas été la même s’il me l’avait dit le premier soir, ou même les suivants, qu’il était non seulement séropositif, mais qu’il avait le sida. Les trithérapies n’existaient pas. J’étais à l’époque dans le déni total, je fuyais les malades, je refermais le journal quand il parlait du sujet, je me refusais à aller faire un test, je ne voulais rien voir. Une connaissance atteinte était effacée de mon périmètre, je la tenais éloignée le plus possible de mon esprit. Je ne répondais pas aux invitations, pourtant nombreuses, au funérarium. Je vivais ma jeunesse, ma fête, mes paillettes. Loin, le plus loin possible du réel.

Il me l’aurait dit, je serais parti.

Mais, il me l’a dit alors que je l’aimais, et, comme je l’aimais, ce genre de détail n’avait plus d’importance.

Depuis, il est mort dans mes bras et j’en ai pas mal chié. Je me suis fait des nuits douloureuses. J’ai passé une dizaine d’années à pleurer, et je pleure encore en écrivant ces mots. Mais, je ne lui en voudrais jamais de n’avoir rien dit, parce qu’il m’a laissé un cadeau en partage, celui de la conscience de la valeur de la vie. Et, ce n’est pas gratuit. Sans compter l’amour.

Ça vaut aussi pour ici.

Aujourd’hui, il n’y a pratiquement aucun risque à vivre avec un séropositif (souvent avec des charges virales presque indécelables grâce aux progrès de la science), à baiser et se faire baiser avec une capote. Il est plus dangereux de traverser la rue. Alors quoi ?

François a son conseil aux séronégatifs :

Mon modeste conseil est à la lumière de mon expérience. Demandez-le lui.

Jusqu’ici je ne l’ai jamais demandé, partant du principe que ça n’avait pas d’importance pour moi et que c’était à l’autre de choisir le moment de le dire. Je croyais, à tort, que ça pouvait faciliter les choses.

J’ai été passionnément amoureux récemment. J’ai su, sans le lui demander ni lui sans me le dire, qu’il était séropo. Je ne peux pas dire que ça n’avait pas d’importance bien sûr, ça n’a rien d’anodin, mais ça n’entamait en rien mes sentiments pour lui. Et j’ai continué en roue libre sur mon principe d’attendre qu’il fasse le premier pas. Il m’a refermé la porte au nez, sans jamais aborder le sujet, si ce n’est par un laconique “j’ai essayé de me projeter dans l’avenir…” Je ne saurais jamais s’il a anticipé une réaction négative de ma part, et il l’aura fait à tort dans ce cas, mais comment aurait-il pu savoir que la sérodiscordance n’était pas un problème rédhibitoire pour moi, quand elle tue dans l’oeuf tant d’histoires naissances ?

Laurent donne un conseil, que je respecte, aux séropos. Mais l’amour ça se joue à deux. Alors mon conseil à ceux que l’amour rend positivement aveugles et qui se sont posé la bonne question, il existe une façon simple de soulager l’autre du fardeau de l’aveu.

Demandez-le lui.

Si tous les mecs étaient comme François, ce billet n’existerait pas.

Photo Antonio Foncubierta.

1. Le 31 mars 2007,
william

Ca fait mal au coeur… Mais bon merde quoi, avec une prévalence de presque 20% chez les homos parisiens faut arrêter de se voiler la face aussi. Le coup du “je suis passif ce serait trop risqué une relation suivie”, quel flanc! C’est ce genre d’idées qu’il faut abattre et je ne suis pas sûr que cela passe par des conduites de honte, de secret et de discrimination vis à vis de la séropositivité. Bien au contraire.

2. Le 31 mars 2007,
Laurent

Le secret n’est pas la honte, il faut apprendre à sortir de certains schémas judéo-chrétiens…

3. Le 31 mars 2007,
padawan

Mon modeste conseil est à la lumière de mon expérience. Demandez-le lui.

Jusqu’ici je ne l’ai jamais demandé, partant du principe que ça n’avait pas d’importance pour moi et que c’était à l’autre de choisir le moment de le dire. Je croyais, à tort, que ça pouvait faciliter les choses.

J’ai été passionnément amoureux récemment. J’ai su, sans le lui demander ni lui sans me le dire, qu’il était séropo. Je ne peux pas dire que ça n’avait pas d’importance bien sûr, ça n’a rien d’anodin, mais ça n’entamait en rien mes sentiments pour lui. Et j’ai continué en roue libre sur mon principe d’attendre qu’il fasse le premier pas. Il m’a refermé la porte au nez, sans jamais aborder le sujet, si ce n’est par un laconique “j’ai essayé de me projeter dans l’avenir…” Je ne saurais jamais s’il a anticipé une réaction négative de ma part, et il l’aura fait à tort dans ce cas, mais comment aurait-il pu savoir que la sérodiscordance n’était pas un problème rédhibitoire pour moi, quand elle tue dans l’oeuf tant d’histoires naissances ?

Laurent donne un conseil, que je respecte, aux séropos. Mais l’amour ça se joue à deux. Alors mon conseil à ceux que l’amour rend positivement aveugles et qui se sont posé la bonne question, il existe une façon simple de soulager l’autre du fardeau de l’aveu.

Demandez-le lui.

4. Le 31 mars 2007,
NonsJoke

@ Embruns :

Ça vaut aussi pour ici.

Je ne suis pas séro+. Ni même séro-. Ni même homosexuel. Mais ce que vous dites tous les deux dépassent de loin les conditions particulières d’un homme en particulier …

Premiers posts pour lequels je verse une larme.

Merci.

5. Le 31 mars 2007,
Maxime

Le sida fait peur. Et les campagnes de préventions axées sur la peur n’y sont, à mon avis, pas innocentes…

6. Le 31 mars 2007,
william

J’aime assez le conseil de padawan.

7. Le 31 mars 2007,
Pierre-Yves

Je prends note du conseil et j’y réfléchirai.

Ce virus dans ma vie est plus qu’une anecdote. Et à l’âge où il est arrivé, il a influencé ma façon de vivre, d’envisager l’avenir, mes choix de carrières et mes relations. Je pense que d’être passé à travers cette expérience très éprouvante a fait de moi ce que je suis en tant qu’homme.

Je ne vois pas trop comment je peux me laisser connaître si je dois constamment faire attention à ce que je dis. Si je dois cacher chez moi les médicaments, la documentation. Si je ne peux pas parler de ce suivi médical qui revient aux trois mois et qui me fait vivre des émotions assez intenses chaque fois. Et choisissant la dissimulation, j’entraîne avec moi tous ceux qui m’entourent et qui devront aussi se surveiller pour ne pas échapper des indices. (Dans le cas de l’histoire que j’ai raconté, j’ai « patiné » pendant une semaine et ç’a été un exploit de ne pas tomber.)

C’est le silence et le secret qui font que, même si la maladie et ses traitements ont évolué, C’est encore un tabou et un facteur de discrimination particulièrement dans le milieu gai. Ce tabou est directement relié au fait que cette maladie soit associée avec la sexualité et avec l’homosexualité. Je suis peut-être idéaliste, mais j’espère qu’un jour cette maladie aura le même statut qu’une autre maladie grave. Le commentaire de François met en lumière la peur immense qui règne encore. Personne ne pose cette question, malheureusement. Ne pas poser la question, c’est une façon de ne pas vouloir entendre la réponse.

Mais bon, je ne suis pas masochiste. J’ai envie de vivre une relation vraie. Et je n’ai pas envie que le statut sérologique ne devienne un facteur de sélection, ni dans un sens, ni dans l’autre. J’ai l’impression que quand mes idées, mes positions face à ces questions seront mieux établies, je serai plus « convaincant ». D’ici là, j’essaierai la patience…

8. Le 31 mars 2007,
MarcelD

Bonjour Permets moi de faire juste une petite remarque sur ce que tu viens d’écrire. Tu ne peux pas dire que celui qui a peur de la mort est “un sale con égocentrique, peureux et lâche” et “un sale type couard et stupide”. Même s’il s’agit d’une méconnaissance, d’un manque de confiance dans le devenir d’une relation amoureuse. Les gens font ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont pour faire ou pas face à cette sérodiscordance. Il existe des personnes dont je fais parti où le simple mot “mort” déclenche tout un processus incontrôlé de douleurs. J’ai des crises de larmes lorsque je lis un fait divers où j’apprends qu’une personne a perdu la vie, je ne la connais même pas, mais paf, je me prends une baffe. J’ai écrit récemment que je suis souvent victime de malaise vagale par exemple au cinéma, où à l’hôpital. Je bataille, je ferraille quotidiennement pour surmonter cette peur (cette lâcheté) mais ça ne fait pas de moi un sale con. Et oui, si j’entends de la bouche de celui avec qui je viens juste de m’embarquer dans une aventure qu’il est séropo, je défaille. Un cri muet de douleur sort de mes entrailles, et je ne peux pas rester. Mon corps entier m’ordonne de fuir. Lâche, peureux mais assurément pas un sale connard. Mais je dois relativiser tes propos, sans doute écrits sous l’émotion, que je respecte. Enfin, je me suis engagé pour accompagner des gens qui sont séropositifs, souvent eux mêmes complètement perdus, on leur tient la main, d’autres ont la force, le courage de continuer à vivre et supporter les médicaments en silence. Chacun fait comme il peut devant la grande faucheuse. Sincèrement. MarcelD

9. Le 31 mars 2007,
anonyme

… Bien sûr… Ils ne rappellent jamais, une fois qu’on leur a dit… Ils s’enfuient sans rien dire. Et ils s’efforcent d’oublier. Mais ils n’y parviennent jamais…

Ils sont gênés quand on les croise de nouveau, un jour par hasard: je le vois dans leurs yeux, ils n’ont rien oublié. On le voit immédiatement: dès qu’ils vous voient… Un dixième de seconde suffit pour qu’ils se souviennent. Et qu’ils ne pensent plus qu’à ça. Ils ne pourront plus jamais vous voir, sans aussitôt penser à ça…

Ce mauvais souvenir enterré refait surface brutalement et leur explose au visage: ne pas trembler, ne pas rougir, esquisser un salut, tenter de sourire… Un frisson les parcourt quand nos deux peaux se touchent. Je l’attendais ce frisson. Je sais bien qu’il va venir, il vient toujours… Mais chaque fois, il me serre le coeur et me transperce l’âme… Car moi, je vois autre chose quand je vous vois… J’ai d’autres souvenirs de vous… des corps qui se frôlent et s’enmèlent, des regards qui se croisent et se fondent… et qui provoquaient autrefois d’autres genres de frissons.

Que c’est pénible pour eux… Je le vois dans leurs yeux…. Ca crève les yeux qu’ils sont terrorisés. Et c’est moi qui leur fait peur. C’est dur de se se regarder dans une glace et de se dire: “tu fais peur”.

Alors finalement ces rencontres finissent pas être aussi pénibles pour moi que pour eux. J’évite peu à peu les lieux où je peux les croiser…. Et ils ne viennent plus là où ils savent me trouver… Nous traçons au fil du temps une frontière invisible, nous délimitons des mondes: ici c’est chez toi, ici c’est chez moi.

Un apartheid silencieux se met en place, et j’y contribue moi-même: je participe moi même à dessiner la frontière de ma propre prison.

C’est que je suis comme eux, finalement. Amour et sérodiscordance, je n’y crois pas, je n’y crois plus, moi non plus… Rien que le mot sonne mal à mes oreilles: un amour discordant, c’est absurde, ça ne peut pas exister… c’est totalement contradictoire… C’est discordant. …

10. Le 31 mars 2007,
padawan

« Si tous les mecs étaient comme François, ce billet n’existerait pas. »

Cétrodoneur, merci :o), mais l’honnêteté m’oblige à préciser que je n’ai pas toujours été comme ça. Moi aussi ça m’a fait peur, et la peur rend con. J’ai été con. Ce qui m’a permis de changer c’est de voir à quel point j’ai pu blesser quelques personnes. Je remercie ce prétendant éconduit qui m’a dit un jour « je me sens comme un pestiféré ». Il faudrait être parfaitement insensible, ou un indécrottable con (l’un n’empêchant pas l’autre), pour ne pas réfléchir après avoir reçu une telle baffe. J’ai fait mon examen de conscience, et la conclusion en a été que la peur, même irrationnelle, justement parce qu’irrationnelle, ne pouvait servir d’argument valable, même pas pour de l’auto-persuasion. Comment pouvais-je être capable de faire l’amour comme ça avec de parfaits inconnus, sans que le virus ne me pose alors le moindre problème, mais devienne brusquement une barrière infranchissable au « plus si affinités » ? Il y a eu quelques jours où le citoyen de seconde zone et l’ancien militant anti-discriminations a eu du mal à se regarder dans la glace.

Je ne peux pas dire « je m’en moque » car je ne peux pas me moquer que la personne que j’aime soit séropo. Je ne peux pas dire « ça n’a pas d’importance » parce que ça en a, pour les deux. Mais je ne peux pas prétendre être capable d’aimer vraiment quelqu’un si l’hypothèse de la maladie est plus létale que la maladie elle-même. Et ce n’est pas l’apanage du VIH, combien de couples se brisent sur le mot cancer ?

Ceci dit, je ne jetterai pas la pierre à ceux à qui ça pose un problème, à condition qu’ils se posent sincèrement la question, pour eux et dans leur rapport à l’autre. Qu’ils comprennent, par exemple, les similitudes entre ça et un coming out, et toutes les difficultés qui vont avec. Qu’ils soient capables de faire en sorte que la part d’égoïsme qui les bloque ne les rende pas inhumains avec l’autre.

Tu m’as écris il y a quelques mois « Putain, l’amour on le prend là où il se trouve ! » Je n’ai pas eu qu’une lecture géographique de ce conseil.

11. Le 31 mars 2007,
tardif
12. Le 31 mars 2007,
padawan

Une note d’humour, en voyant la pub en bas de ce billet : peut-on tomber amoureux d’un mec qui s’habille au BHV Homme ? (Des mystères des algos de pub AdSense de Google.)

13. Le 1 avril 2007,
fiuuu

mais qui est donc ce tardif qui a mis un lien ver mon chez moi ????????

14. Le 4 avril 2007,
tardif

un admirateur ;-)

15. Le 4 avril 2007,
jean michel

et bien moi j’y suis allé et au bout de cinq j’ai compris ne pas l’aimer assez pour aller jusqu au bout de nous .je n’ai plus supporté les medicaments dans le frigo,dans le placard,son corps qui foutait le camp,plus suporter de m’endormir en me demandant si dans la nuit il s’arreterai de respirer,plus suppporter d’imaginer de devoir appeler sa famille s’il arrivait quelque chose.definitivement je ne l’aimais pas assez.depuis que je suis parti il se porte a merveille et attaque sa éé eme année de sida…nouveaux traitement charge virale indetectable . et moi je me sens encore des gransds soirs de culpabilité.

16. Le 5 avril 2007,
Pierre-Yves

Depuis 10 ans, la situation en matière de VIH a changé radicalement. Les traitements, l’espérance et la qualité de vie, les connaissances sur la transmission se sont beaucoup améliorés. Ces changements ont eu lieu dans la réalité, mais pas dans les mentalités. Au contraire, le fait qu’il n’y ait pratiquement plus de morts (dans les pays riches) et que la maladie soit devenue invisible rend le déni social encore plus profond. Je n’ai fait que parler de ça, ces derniers jours. J’ai entendu et lu tous les points de vues, toutes les opinions. J’ai beaucoup réfléchi.

Parfois, j’aurais envie de me faire imprimer un t-shirt « je suis séropositif », ou de me faire tatouer un + au milieu du visage. J’ai envie de le dire, de l’affirmer, de crier « oui ça existe » et de botter le cul des autruches qui ont la tête plantée dans le sable. Je ne veux pas vivre caché et perpétuer le secret. Je serais alors complice de la misère de milliers d’hommes et de femmes séropositifs qui vivent dans le silence autour de moi, dans tous les milieux. Le silence c’est lourd et c’est souffrant. Je serais aussi complice des milliers de morts dans le tiers-monde parce que les traitements ne sont pas accessibles et que les compagnies pharmaceutiques ont tous les droits.

Tant pis, si je risque de me retrouver seul. Je ne veux pas d’un homme qui vivrait à mes côtés sans connaître mes peurs et mes aspirations. Je ne veux pas d’un homme qui a peur de perdre son érection dès qu’il enfile un condom. Je ne veux pas d’un homme qui se croit immortel et qui rêve d’un conjoint idéal, musclé, bronzé, épilé aux mensurations formatées et, forcément, séronégatif.

Je crois qu’il existe encore des hommes capables d’humanité, d’intelligence et de courage. Je suis peut-être idéaliste. Mais bon, ça en prend. J’ai des amis séronégatifs qui ont vécu des histoires d’amour avec des séropositifs. Je connais des séronégatifs pour qui le statut sérologique n’a aucune importance.

Si au cours de l’histoire les homosexuels étaient restés dans le placard, l’homosexualité ne serait pas tolérée et banalisée comme elle l’est aujourd’hui. Chacun doit prendre la décision pour lui-même. Moi, je choisis de sortir.

Je suis qui je suis. J’existe. Et je suis séropositif.

Blah ?