André Zucca, reporter photographe
Son parcours
André Zucca est né à Paris en 1897. Il est le fils unique d’une couturière piémontaise, Erminia Zucca et d’un père brodeur qui ne l’a pas reconnu. Entre 14 et 17 ans, il vit à New-York en compagnie de sa mère.
Il commence sa carrière de photographe dans les années 20 au journal de théâtre et cinéma Comoedia. Il épouse en 1933 la jeune comédienne Irène Dié (1909-1963). Le couple vit à Montmartre, au Bateau-Lavoir, puis rue Saint-Vincent.
Épris d’aventure, il réalise son premier grand reportage en 1935-36 à travers l’Italie, la Yougoslavie et la Grèce [1]. En 1937, il part six mois sur le vieux cargo Min [2] de la Compagnie des Messageries Maritimes, pour un voyage du Havre au Japon, via le canal de Suez. Il revient via la Chine, l’Inde, puis se rend au Sahara marocain. Il vend ses photos à différents journaux comme Paris-Soir, Match, Life, Picture Post.
En 1939, il devient attaché au 2e Bureau (services de renseignement). L’hiver 1939-1940, il est envoyé comme correspondant de guerre sur le front de Carélie, pour couvrir les combats de l’armée finlandaise contre l’armée soviétique [3]. Début 1940, il travaille en France avec Joseph Kessel sur la drôle de guerre, pour le quotidien Paris-Soir.
En juin 1940, les Allemands occupent Paris. En septembre 1940, les autorités d’occupation décrètent l’interdiction de photographier à l’extérieur. [4]
En août 1941, il devient correspondant du journal allemand Signal. Il obtient ainsi une carte de presse, un laissez-passer, des rouleaux de pellicules noir et blanc et couleurs.
Après la Libération, il est arrêté en octobre 1944 pour atteinte à la sûreté extérieure de l’État. Il est relâché sur intervention du colonel Antoine Moyen, adjoint du général Lattre de Tassigny. André Zucca quitte alors Paris en mai 1945 pour vivre à Garnay, près de Dreux. Les éléments à charge étant jugés insuffisants, les poursuites sont abandonnées en octobre 1945.
Sous le pseudonyme de “Piernic”, il ouvre une boutique de photographie à Dreux en 1952. Il fait des photographies de mariage, des portraits, etc. en Eure-et-Loir. Après la faillite de son commerce en 1965, il retourne à Paris, à Montmartre, où il meurt en 1973.
En 1986, la Bibliothèque historique de la Ville de Paris achète aux enfants du photographe, Pierre (photographe de plateau et réalisateur) et Nicole, l’ensemble du fonds photographique.
Son travail sous l’Occupation
Pour Signal, André Zucca fait un travail de reporter photographe tout à fait classique, plus de dix mille clichés noir et blanc en témoignent. Il couvre ainsi les grandes manifestations à Paris : les visites officielles, les grandes messes des partis collaborationnistes (meeting du Parti Populaire Français au Vél’d’Hiv, 8 août 1943), les discours publics (Jean Hérold-Paquis, 6 septembre 1943), les commémorations (obsèques nationales de Philippe Henriot, 1er juillet 1944), les bombardements (Boulogne-Billancourt, 3 mars 1942, Montmartre, 20 avril 1944), la mode et la vie parisienne (courses à Longchamp), les faits de guerre (débarquement de Dieppe, août 1942).
Fin novembre 1942, il part pour un reportage sur le sabordage de la Flotte à Toulon. En chemin, il s’arrête à Manosque pour rencontrer et photographier Jean Giono.
Le cuirassé Strasbourg, fleuron de la Flotte de haute mer française, sabordé et coulé droit à l’appontement n°6 de Milhaud, le 27 novembre 1942, fait la couverture du “Signal” n°1943-3.
Il utilise aussi ses pellicules noir et blanc (du moyen format 6x6 pour son Rolleiflex) pour des travaux plus personnels, que ce soit des recherches esthétiques ou des souvenirs.
André Zucca reçoit également en dotation des autorités allemandes le rare film inversible Agfacolor 16 ASA, en rouleaux de 36 vues. L’Agfacolor-neu a été inventé en 1936 (le Kodachrome date de 1935), sa première utilisation remonte aux compétitions de natation des Jeux olympiques de Berlin.
Bien que Signal soit un des rares journaux au monde à publier des photographies en couleurs dans un encart central de 4 pages, André Zucca fait un usage en grande partie personnel de ces films, l’essentiel de sa production n’ayant aucun intérêt pour un magazine comme Signal. Effectivement, le journal n’a jamais publié une seule photo en couleurs de Zucca. Le photographe semble considérer son Agfacolor comme une plaisante expérimentation et un apprentissage, plus que comme un outil de travail.
De plus, l’Agfacolor était d’un usage difficile. Sa sensibilité extrêmement faible le condamnait à des prises de vue exclusivement en extérieur avec un soleil radieux et des vitesses lentes (1/100e dans le meilleur des cas). Pour ce film, Zucca utilise un Leica équipé d’un objectif Zeiss Tessar 50 mm ouvrant à 3,5.
“The Interchangeable Leica Lenses” - Brochure d’octobre 1937, imprimée en Allemagne.
Ces photos couleur sont exceptionnelles à plus d’un titre. Elles sont le seul témoignage en couleurs de Paris sous l’Occupation, conjointement aux photos du soldat allemand Walter Dreizner (mais ce dernier se concentrait plus sur les beautés féminines, “ah, les petites de femmes de Parissss…”, qu’autre chose).
Du fait de l’usage de la couleur, elles rendent ce passé plus proche du spectateur, plus prégnant que n’importe quelle photo en noir et blanc. La couleur a tendance à abolir la distanciation naturelle que nous avons par rapport aux autres visuels de cette époque ; en cela, elles sont troublantes.
Le magazine Signal
Signal est le plus célèbre magazine de la Seconde Guerre mondiale. Fleuron de la propagande allemande, cette vitrine de prestige se veut le “magazine de l’Europe nouvelle”.
Destiné à l’étranger (il n’est pas diffusé en Allemagne), le magazine a pour mission de glorifier la puissance de la Wehrmacht et de justifier les choix politiques de l’Allemagne. Principalement axé sur les nouvelles militaires, politiques et économiques, on y trouve également des pages sur la mode, l’histoire, les arts ou le cinéma.
La maquette moderne, qui laisse une large place à la photographie, la bichromie noir-rouge, le format 27 x 36,5 cm, sont très largement inspirées du Life américain et du Match français (ancêtre du Paris-Match de 1949).
D’un point de vue historique et documentaire, Signal est un important fonds de photographies uniques sur les puissances de l’Axe, dont certaines sont parmi les plus célèbres de la période. Une très grande partie de ces photographies étaient produites par l’armée elle-même, grâce à de nombreux correspondants de guerre au cœur des différents théâtres d’actions (Propagandatruppe). Ces militaires dédiés à la “guerre de l’information” étaient équipés de boîtiers Leica IIIc.
Signal est édité par l’entreprise de presse Deutscher Verlag. Il s’agit en fait de la Ullstein-Verlag, fondée en 1877 par Leopold Ullstein, saisie en 1934 dans le cadre de l’aryanisation économique, et rebaptisée Deutscher Verlag en 1937. Cet éditeur était célèbre entre les deux guerres pour ses nombreux titres, dont le Berliner Illustrirte Zeitung, un quotidien illustré. La Deutscher Verlag publiera également l’hebdomadaire du NSDAP, Das Reich, et l’éphémère Panzerbär. Après-guerre, la famille Ullstein récupérera son bien.
Publié sous le contrôle du commandement des forces armées allemandes (Oberkommando der Wehrmacht), il est relativement indépendant du ministère de la propagande de Joseph Goebbels (Reichsministerium für Volksaufklärung und Propaganda).
Pour son premier numéro, le 15 avril 1940, Signal est imprimé à Berlin en quatre versions : allemande, française, italienne et anglaise. Par la suite, de nombreuses autres langues seront ajoutées, et plus de 100 traducteurs sont employés à Berlin à cet effet (toutes les versions sont quasiment identiques, étant des traductions de la version allemande). Le magazine est diffusé dans les pays de l’Axe (à l’exception de l’Allemagne), les pays occupés et les pays neutres, comme la Suisse, la Finlande, l’Espagne, le Portugal, les États-Unis (en 1940-41).
L’impression sera ensuite délocalisée de Berlin, c’est ainsi l’imprimerie Curial-Archereau à Paris qui assurera à partir de 1941 la fabrication des éditions pour la France, la Belgique et la Suisse. La distribution en zone libre et Afrique du Nord est assurée par Hachette.
Au plus fort de son tirage, en juin 1943, c’est 2 426 000 exemplaires, toutes langues confondues, qui seront imprimés, dont 800 000 pour la version française. Le magazine ne subit que rarement les restrictions de papier et le meilleur lui est toujours réservé.
Le magazine a une pagination de 40 à 48 pages et une périodicité plus ou moins bimensuelle (17 numéros en 1940, 23 en 1941 et 1942, 24 en 1943, 19 en 1944, 5 en 1945).
Pour le message politique, le magazine s’inscrit dans la propagande officielle : l’Allemagne n’a pas voulu la guerre, c’est la responsabilité de l’Angleterre qui a poussé les nations dans le chaos. Après la rupture du pacte germano-soviétique, ce sera le tour de la “Russie bolchévique”, naguère encensée, d’être dénoncée comme un artisan de la guerre, coupable de crimes odieux.
Jusqu’à l’année 1942 incluse, le journal est constitué de deux parties, séparées par une double page centrale de photos en couleurs. La première partie est consacrée à l’actualité et aux succès de l’armée allemande, la seconde, à la mode, l’art, l’histoire, le cinéma, montrant souvent une Allemagne moderniste à la pointe du progrès. On y trouve des publicités pour des produits et entreprises comme l’eau de Cologne 4711, Agfa, Audi, BMW, Commerzbank, Continental, Deutsche Bank, Dresdner Bank, Faber Castell, Henkel, Mauser, Mercedes-Benz, Merck, Olympia, Pelikan, Rolleiflex, Siemens, Telefunken, Zeiss, etc.
Jusqu’en 1943, contrairement aux autres titres de propagande, les allusions à la suprématie de la “race aryenne” et à la politique raciale allemande sont inexistantes. La vocation de vitrine à l’international incite à l’adoption d’un ton modéré. Dans l’iconographie, on ne verra jamais le moindre Untermensch.
Après la défaite de Stalingrad, le contenu politique est renforcé (il y a moins de victoires militaires à mettre en avant…). Part belle est faite à la “croisade de l’Europe contre le bolchévisme”, au recrutement de volontaires étrangers (LVF et Kriegsmarine en France). C’est après le débarquement allié en Italie (juillet 1943) que le ton se radicalise et qu’on peut y voir percer des attaques contre la “juiverie” internationale. L’Allemagne n’est plus en posture de vainqueur et le beau vernis craque…
Polémiques autour de l’exposition de la BHVP
L’exposition “Les Parisiens sous l’Occupation”, organisée par la Bibliothèque historique de la Ville de Paris, a été l’objet de polémiques qui sont l’évident symptôme que nous n’avons pas encore réglé de façon bien claire notre héritage historique de cette période. Nous touchons un certain tabou, comme j’ai pu le lire dans L’Express du 16 avril :
Mais surtout parce qu’ils nous confrontent à une capitale ensoleillée, aux terrasses bondées, où les bourreaux vert-de-gris semblent faire partie d’un paysage à la Prévert. Que ce « gai Paris » ait coexisté avec les rafles et les fusillés du mont Valérien est l’un des derniers tabous de notre mémoire collective.
Le malaise ne réside ni dans les photographies, ni dans les intentions de leur auteur, mais dans le regard de certains spectateurs, confrontés à une réalité qui n’est pas des plus réconfortantes au regard des “clichés” simplificateurs qui encombrent souvent la tête. Ne pas vouloir regarder franchement les faits, cela s’apparente à du déni. Oui, la collaboration a existé, oui, il y avait un semblant de vie normale à Paris, oui, les cinémas et théâtres étaient ouverts, oui, les enfants allaient jouer au parc, non, personne n’est mort de faim… La vie continuait tant bien que mal. Malgré le désagrément du ravitaillement, les nombreux tracas que j’ai exposés dans ce précédent billet, l’incertitude de l’avenir… et, pour le Juif, l’humiliation et la terreur, pour le Résistant, la rage intérieure au péril de sa vie, une grande partie des Parisiens vivaient au quotidien leur vie d’avant-guerre, métro-boulot-dodo, avec de temps en temps un divertissement comme le cinéma qui était alors très couru. La liberté, ou plutôt son manque, cela n’impressionne pas les émulsions photographiques. Il serait sans doute temps d’avoir collectivement une approche un peu plus décoincée de cette époque. Cette exposition a peut-être un mérite, celui de nous faire approcher le vécu d’une France avec 5 % de résistants, 5 % de collabos, 5 % de persécutés et 85 % de gens qui tentaient de faire avec. Cela doit-il gêner ?
Je ne pense pas qu’André Zucca fabriquait un travail de propagande en prenant ces photos-là, il ne faisait qu’être le touriste d’une ville qu’il aimait avec passion. Il n’omettait non plus pas des réalités moins reluisantes comme les Juifs étoilés, les miséreux en guenilles, la queue à la marchande de primeurs, ceux qui faisaient les poubelles des Halles. Il n’avait pas le projet de rendre compte d’une réalité globale à multiples facettes, de circonscrire une période, ce n’est pas un travail de reporter. C’est son Paris à lui. Un parmi d’autres.
Je vois une certaine hypocrisie et un aveuglement déplaisant à lire certaines réactions trop excessives (“L’exposition d’André Zucca perpétue la propagande nazie”…), quand il ne s’agit pas de tartufferie mensongère. J’ai souvent l’impression qu’il est des gens qui veulent à tout prix être scandalisés, qui réagissent toujours aux mêmes réactifs biens identifiés, comme le chiffon rouge excite le taureau. Prévisible et un peu dérisoire. Je retiens les mots de Pierre Marcelle chez Libération, en date du 10 avril, que je reprends à mon compte :
À la Mairie de Paris, le politiquement correct se découvre furieusement tendance, quoi qu’un petit peu à géométrie variable. On parle ici de l’exposition, à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris, des photos d’André Zucca, intitulée « Les Parisiens sous l’Occupation ». Le Journal du Dimanche du 30 mars en rendit compte en termes fantaisistes, mais sur un ton de procureur qui suffit, semble-t-il, à déclencher une de ces polémiques dont l’histoire de la collaboration est gourmande.
[…] Ces vérités d’évidence devaient ne l’être pas assez pour l’adjoint à la Culture de la mairie de Paris, Christophe Girard, qui s’en émut. Est-ce le retour de la doxa gaullo-mitterrandienne d’une France quasi unanimement résistante, à laquelle le discours du Vel’d’Hiv’de Jacques Chirac, en 1995, avait mis, crut-on, un terme salubre, qui pointe à travers l’indignation de l’édile ? Malaise pour malaise, c’en fut un autre que de découvrir, distribué depuis dimanche dernier à l’entrée de l’exposition, cet « avertissement » louvoyant qui, tout en rendant hommage à « un témoignage précieux », jette un doute bien peu historique sur le caractère inédit des images exposées et un implicite opprobre sur l’exposition, son commissaire Jean Baronnet, et le conservateur de la BHVP Jean Dérens. Songez ! « Dans ces images, nulle trace de la Résistance, pourtant présente à Paris dès 1940 », proclame, avec ses lunettes roses, l’avis au visiteur…
On peut certes déplorer, c’est affaire de point de vue, que mille photos « résistantes » n’aient été simultanément accrochées en regard de celles de Zucca, ou que le Nuit et Brouillard de Resnais ne soit projeté en boucle dans ces lieux. Reste que ce vertueux et municipal souci de « pédagogie » ne nous était pas apparu l’hiver dernier à l’Hôtel de Ville de Paris, où l’exposition « Paris en couleurs » présentait, sans aucun complément d’information, un diaporama de 45 photos de la même série du même André Zucca.
Last, but not least, afin que son propos aille au bout de sa fonction d’éducation civique, ou « citoyenne », on eût apprécié que cet « avertissement », non signé, ne restât pas anonyme comme une lettre de dénonciation.
Le seul reproche important qui peut être fait à cette exposition est le légendage des photos que j’ai trouvé un peu indigent, sans être plus lourd de conséquences que ça. [Voir en post-scriptum les critiques fondées que l’on peut aussi faire au titre donné à l’exposition.]
André Zucca est un témoin de son temps, un reporter photographe de talent, j’espère qu’au-delà de certaines déclarations trop enflammées, vertueuses à peu de frais, nous retiendrons qu’il était un artiste de valeur qui nous a légué une œuvre importante. Et que certaines dissertations facilement indignées rejoindont la poussière qu’elles n’auraient jamais dû quitter. André Zucca nous offre une vision en couleurs partielle, mais non moins réelle, de la période de l’Occupation, celle de son bon vouloir et de la poésie de son regard, pas celle d’un propagandiste. Penser autrement me paraît être une pénible erreur de jugement.
Pour les atrabilaires sur commande, je ne peux dire que tout ce qui est excessif et éloigné de la réalité des faits, est futile et vain. Et, si cela était de l’ordre du possible, j’aimerais bien voir certains héros en chambre plongés au cœur des mêmes événements. J’ai pour ma part assez de doute pour ne pas présupposer de mes choix dans ces circonstances et j’éprouve un peu de condescendance pour ceux pour qui tout est blanc ou noir et sans nulle obligation d’assumer leurs conceptions simplistes jusqu’aux dernières extrémités vitales.
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Post-scriptum. Des compléments par rapport à l’exposition :
- Je l’ai visité avant que la polémique démarre. Et, à aucun moment, je ne me suis senti pris “otage” d’une quelconque manipulation. Des panneaux, très riches en textes, expliquent tout de façon convenable dès le début de l’exposition. Il suffit de les lire. Ce que je trouve dommage, c’est certaines légendes de photos, très spartiates, du style “Rue de Rivoli.”, sans rien plus. J’aime bien l’idée du JDD d’avoir confié le commentaire de quelques photos à un historien comme Marc Ferro, cela aurait pu être fait dans le cadre de l’exposition.
Les Allemands avaient installé leurs centres de commandement dans différents hôtels comme le Meurice, qu’on voit ici. Regardez la rue. Elle est vide. Non seulement il n’y avait plus d’essence, mais les occupants avaient réquisitionné beaucoup de voitures. Des vélos-taxis ont remplacé les taxis. Et on a commencé à voir apparaître des voitures à gazogène vers 1942. Si le Meurice est ici pavoisé de drapeaux, les Allemands n’en avaient pas pour autant mis à tous les coins de rue. Dans certains quartiers, on les voyait d’ailleurs assez peu.
Ça a quand même plus de gueule qu’un “Rue de Rivoli” tout nu…
- Le titre de l’exposition prête le flanc à la critique. J’aurai préféré un “Photographies en couleurs d’André Zucca - Paris sous l’Occupation”. Il est quand même étrange de ne pas mettre le nom de l’artiste en grand dans le titre d’une exposition qui lui est exclusivement consacrée… Si l’on veut faire une exposition intitulée “Les Parisiens sous l’Occupation”, c’est un tout autre programme, il faut donner à voir des photographes différents, des clandestins comme des Allemands, et même aller au-delà du témoignage photographique seul. (Cette histoire de titre révèle peut être le pire, que les organisateurs de l’exposition n’assument pas tout à fait leurs choix…)
- Il est dommage que l’exposition fasse peu cas de l’œuvre en noir et blanc de Zucca à la même époque, bien plus conséquente, cela aurait donné un contrepoint intéressant — et plus noir —, avec, notamment, ces photos absolument effrayantes de meetings collabos.
J’ai montré le catalogue de l’exposition à ma mère qui était adolescente à Paris pendant l’Occupation. Outre les résurgences de souvenirs amusés (“ah, les socquettes blanches”, “ah, les gazogènes, ça puait”, “ah, oui, cet hiver, qu’est-ce qu’on a eu froid”, “ah, les vélos taxis”, “ah, le Pam-Pam”, “Je me souviens…”), la photo qui a causé sa réaction la plus vive ne fut pas une en couleurs, mais celle en noir et blanc de la page 9 :
“Ce salopard d’Henriot, on en a pas tué assez de ces salopards ! Regarde-moi ces salauds qui allaient à son enterrement !” Puis, regardant la page en regard : “Et ce Hérold-Paquis, ce pourri, il a eu que ce qu’il méritait !”
(Jean Hérold-Paquis a été fusillé le 11 octobre 1945.)
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De son côté, la presse étrangère observe que les Français ont bien des difficultés avec leur mauvaise conscience, et délivre une analyse proche de la mienne, comme dans The Independent à Londres :
[…] Is the exhibition so misleading? Is it so shocking that most Parisians, with relatively few Jews and few active members of the Resistance, simply kept on being Parisians between June 1940 and August 1944? The notion that the French capital suffered terribly under the Nazi yoke was first fostered by General Charles de Gaulle on 25 August 1944, the day the city was liberated by French and American tanks. In an impromptu speech in front of the city hall, with German and collaborationist snipers still active on the rooftops, he paid tribute to “Paris outragée! Paris brisée! Paris martyrisée!” (Paris ravished! Paris smashed! Paris martyrised!) In truth, as the historian Jean-Pierre Azéema points out in the book which goes with the exhibition, Paris was deliberately treated with kid gloves by the Nazi propaganda machine.
In 1940, Adolf Hitler had intended to flatten the city but he changed his mind. His propaganda chief, Joseph Goebbels, ordered as early as July of that year that the conquered French capital should be encouraged to be “animated and gay” so that life under the Nazis would appear attractive to Americans and other neutrals.
The philosopher, Jean-Paul Sartre, in an essay in 1945, took issue with his fellow Parisians who were already portraying the Nazi occupation as a prolonged misery. “Let’s get rid of the simplistic images,” he wrote. “No, of course, the Germans weren’t running up and down the streets all the time with guns in their hands …” The most troubling thing for most wartime Parisians, Sartre said, was a sense of “bad conscience” that they were not doing more to resist the occupiers.
[…] General de Gaulle fomented the myth after the war that all French people were either collaborators or résistants. In truth, of course, 90 per cent were neither.
Zucca was able to get hold of German Agfa colour film, and take pictures freely in the streets, because he was a collaborator. He was not necessarily a Nazi sympathiser. He is described by his family as a right-wing libertarian. He had been a globe-trotting photographer for Paris Match before the war.
After the liberation, an attempt was made to prosecute him but the charges were dropped. He sank into anonymity as a camera shop owner in the provinces.
His colour negatives, faded and scratched over the years, have been wonderfully restored and cleaned for the exhibition. They have been converted into digital form, at 5,000 by 3,300 pixels, using a technique developed (irony of sorts) by a German company. The colours have been sharpened and adjusted to what is believed to be close to their original values. Zucca seems to have taken the pictures for his own interest and amusement. They were not commissioned, or published, by his Nazi employers.
The leaflet handed out by the city hall suggests that Zucca, as a collaborator, deliberately set out to ignore the harsher side of wartime life in Paris. It is more likely that he just photographed what he saw.
French myths, and “bad conscience”, about the war die hard. Hence the edginess about an exhibition which suggests that ordinary Parisians led relatively ordinary lives under Nazi rule.
If anything, the exhibition should be praised for portraying an awkward, but important, historical truth. There is a kind of courage in even the most banal and contented photographs in the exhibition. The determination of Parisians to be themselves, to get on with their lives, was, itself, a kind of resistance to Nazism.
[The Independent, John Lichfield : “Paris, 1942: La vie en rose”.]
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Notes
[#1] Son reportage en Yougoslavie a fait l’objet d’une exposition au Musée de Normandie à Caen “Carnets de route d’un grand hibou : la Yougoslavie en 1935-1936”, du 24 mars 2007 au 13 mai 2007.
[#2] Java, construit en 1912 pour la Deutsche-Australische Dampfschiffs Gesellschaft à Hambourg. Récupéré par la Compagnie des Messageries Maritimes en 1919, au titre des réparations de dommages de guerre, rebaptisé Min en 1920. 7 729 tonneaux. Saisi en 1942 à Bizerte par les Allemands et passé en 1943 sous pavillon italien. Rebaptisé Conegliano. Coulé par une attaque aérienne alliée à Gênes.
[#3] Voir l’article “Guerre d’hiver” de Wikipedia.
[#4] 16 septembre 1940. Ordonnance :
Le Commandant en chef des Armées allemandes décrète :
Interdiction de photographier :
Est interdit dans la zone occupée de la France de photographier en plein air, ou du fond d’une enceinte et de l’intérieur d’une maison. Sont exemptées de cette interdiction les personnes militaires allemandes.
En outre, le Feld-Kommandant compétent pourra dispenser de cette interdiction, quand il y aura une garantie que les intérêts du Reich, en particulier à la sécurité des forces allemandes ne pourront être compromises ou lésées.
Tel permis sera accordé par écrit et à court terme, devant contenir une énumération des objets à photographier. La personne autorisée sera tenue de le porter sur elle. Au bout du terme accordé, les clichés (plaques et pellicules pour les épreuves devront être soumis au contrôle de la Kommandantur locale, à laquelle sera remis en même temps le permis.
be-rewt
Laurent je t’aime.
Guillermito
Ton article me donne envie de voir cette exposition. Et je suis tout a fait d’accord avec la proximité immédiate que donnent des images en couleurs. J’ai téléch… vu il y a peu un documentaire historique sur la seconde guerre mondiale avec - uniquement - des films en couleurs tirés de multiples archives. Ca change complètement et immédiatement le regard que l’on peut avoir sur cette époque et sur ces événements. Ce ne sont plus de simples images iconiques et figées d’un temps qui n’existe plus, et qui n’a aucun lien avec nous. Ca devient réel. Proche. On se dit : ce soldat, ce civil, qui marche dans le coin du cadre, ca pourrait être moi. Ca pourrait être hier ou avant-hier, pas soixante-dix ans plus tôt.
C’est un phénomène assez curieux.
KA
Se livrer à une critique de ce post me semble vain, tant nous sommes aux limites de l’innommable.
[Commentaire partiellement supprimé.]
Fabio
bravo. tu touches à l’essentiel à mon avis. l’hypocrisie. la réaction politiquement correcte. une image de la France qui dérange toujours. c’est brillant.
Eolas
Pourquoi “Karl” Zucca alors que l’article s’intitule André Zucca ?
@KA : Je ne sais pas pourquoi, je suis plus chiffonné par ton commentaire que par le billet… Bon, en fait si, je le sais, j’ai vu ta (très bonne aussi) chronique sur @SI (C’est payant, mais je ne peux pas croire que vous ne soyez pas encore abonné à @SI). Il y a donc un désaccord entre Laurent et toi sur la portée de cette exposition faite “brute de décoffrage”, sans avis au visiteur que ces photos ne sont pas libres et spontanées, car faites par un photographe officiel, agréé, dans un contexte d’occupation où le simple fait de photographier était prohibé (Au fait, les photos de Cartier-Bresson et Doisneau que tu montres étaient-elles faites clandestinement ? Tu ne le mentionnes pas.).
Tu t’en émeus et crains que le visiteur ne soit induit en erreur sur l’ambiance parisienne pendant l’Occupation, bref, pour toi, ces photos ne sont que des mensonges fabriqués pour la propagande.
Laurent estime que ces photos en couleur, qui n’étaient pas destinées à la publication et n’ont d’ailleurs jamais été publiées dans Signal, étaient plus un amusement d’un photographe de talent, et en effet, on peut imaginer qu’un reporter photographe qui découvrait la photo en couleur devait ressentir une excitation au moins comparable à celle d’un geek à qui on offre son premier iPhone. Et donc que ces photos recèlent une part de vérité sur le Paris occupé. Que les sujets qui sourient ne sont pas des acteurs payés par les Allemands, mais des vrais parisiens, et que si ce n’est pas parce qu’ils sourient qu’ils sont heureux, continuent néanmoins à vivre. Il en conclut qu’il y a là un témoignage rare de ce qu’était réellement la vie quotidienne pour les parisiens, qui a un intérêt historique.
Grâce à la confrontation des points de vue, j’ai pu me faire une opinion, qui penche plutôt du côté de Laurent. Je pense que ces photos sont plus des petits morceaux de vie anodins que des morceaux de propagande (elles n’ont pas été jugées dignes d’être publiées ; c’est donc qu’il n’apparaissait pas nécessaire de diffuser une image de vie quotidienne normale car c’était un point évident pour tout le monde). Il y a du mensonge, bien sûr : les soldats allemands défilent ou se promènent dans l’indifférence, pas de barbelés, et surtout, il fait toujours un soleil radieux, mais ça, c’est surtout pour des raisons techniques qu’explique Laurent : la sensibilité du film interdit de faire des photos par temps couvert.
La polémique née autour de cette exposition me paraît vaine, et m’attriste car elle révèle, et ta réaction teintée de cruauté aussi (ta remarque sur l’abonnement à Signal comme récompense vise à faire mal, pas à convaincre), que la blessure dont nous avons hérité de nos parents n’a pas encore cicatrisé. Je me fais une raison, j’espère juste que nous ne la passerons pas à nos propres enfants.
Tristan
Suggestions de corrections :
Cette phrase n’est pas claire : “Le magazine est diffusé dans les pays de l’Axe, à l’exception de l’Allemagne, les pays occupés et les pays neutres, comme la Suisse, la Finlande, l’Espagne, le Portugal, les États-Unis (en 1940-41).” C’est diffusé dans les pays de l’Axe, à l’exception des pays occupés ?
“jamais dû quitté.” -> “jamais dû quitter”.
Bonne lecture, comme toujours :-)
—Tristan
Eolas
Lu sur @SI(€):
Quand je disais que la blessure n’a pas encore cicatrisé, je me trompais. En réalité, elle est encore purulente, si on en est à cacher des expositions.
gasper
Je suis entièrement d’accord avec ton analyse concernant le déni de réalité et notre incapacité à regarder l’histoire qui est la notre comme nous le devrions.
Par contre, concernant l’exposition et les revirements de la mairie de Paris, il me semble qu’en relayant le titre “Paris sous l’occupation” tel quel, on donne aux photos de Zucca une dimension qu’elle ne méritent pas.
N’y a t-il pas eu 1000 “Paris occupé” selon que l’on soit juif, basané, blanc, indifférent, collaborateur passif, contributeur enthousiate ou résistant?
C’est comme tu le dis, le regard d’un talentueux photographe, ami et salarié des autorités d’occupation qui aura apporté sa part de vérité (irréfutable), mais dont l’ensemble des travaux ne saurait être le témoignage exclusif de cette période complexe.
il fallait changer le titre
Laurent Gloaguen
@Eolas : Karl ? Quel lapsus… :-) je devais penser à mon beau Karl au Japon. Je corrige…
De fait, il y a un moyen fort simple de se rendre compte que ces photos en couleurs (contrairement à beaucoup en noir et blanc qui sont des reportages commandés par Signal) n’ont pas été réalisées avec la propagande dans l’esprit, que ce ne sont certainement pas des “des mensonges fabriqués pour la propagande”, il suffit pour cela de deux choses pas très compliquées :
On peut alors se mettre à la place d’un secrétaire de rédaction de Signal : la majorité des clichés partent à la poubelle.
@Tristan : oui, effectivement, ce n’est pas clair du tout. Il faut lire, et je corrige : “Le magazine est diffusé dans les pays de l’Axe (à l’exception de l’Allemagne), les pays occupés et les pays neutres, comme la Suisse, la Finlande, l’Espagne, le Portugal, les États-Unis (en 1940-41).”
@Gasper : je suis d’accord avec vous, le titre de l’expo est critiquable.
En plus, c’est “Les Parisiens sous l’Occupation”, et non “Paris sous l’occupation” comme vous l’écrivez, ce qui est encore plus contestable. J’aurai préféré un “Photographies en couleurs d’André Zucca - Paris sous l’Occupation.”
Il est quand même étrange de ne pas mettre le nom de l’artiste en gros dans le nom d’une exposition qui lui est exclusivement consacrée… Si on veut faire une exposition intitulée “Les Parisiens sous l’Occupation”, c’est tout un programme, il faut donner à voir des photographes différents, des clandestins comme des Allemands, et même aller au delà du témoignage photographique seul.
Et oui, il y a eu “mille Paris occupés”.
Briscard
Tiens, marrant, j’avais cru laisser un commentaire… ça doit être la sintaxe Markdown que je maîtrise pas bien! Mais c’est pas grave: je vais le mettre chez @si: je suis abonné!
Jerome
Une très juste note, mesurée et qui replace dans le contexte.
Qu’il est agaçant, dès que l’on parle d’un sujet historique mal digéré, de voir monter au créneau la cohorte des bien-pensants, la brigade des repentants et l’armée des honteux !
La vraie vie, même dans le passé, ce n’est pas Hollywood, les bons contre les méchants. Le fait que CES photos-LA de Parisiens sous l’occupation ne montrent pas la tragique grandeur de la Résistance, l’infâmie des rafles et l’horreur des exécutions et des déportations ne dit pas qu’elles n’ont pas existé.
Y a-t-il maladresse du commissaire de l’exposition ? Probablement. Mais de là à parler d’apologie de la propagande…
Vanch’
“…aux limites de l’innommable”. La police de la pensée et de la reflexion se manifeste vite par ici mais aussi à la mairie de Paris (qui va retirer las affiches - entendu ce midi à la radio via le chargé de la culture) ce qui est moins étonnant vu le nombre de “bien pensants” au mètre carré. Il est à craindre qu’une horde de bisounours déboule ici (les kelblog, mendès-truc & cie) dans pas longtemps… Notre ère (médiatique)leur est favorable et les sujets consensuels (Aimé Césaire est mort celebrons le donc maintenant qu’y nous fait plus chier avec sa négritude, la Chine est méchante boycottons, etc.) flattant la bonne conscience occidentale sont légions…
En tout etat de cause merci Laurent pour ces 2 billets sur cette époque.
flo
C’est trop facile et trop raccourci que de résumer la polémique sur l’expo -sur sa muséographie plutôt- à une question de “bien-pensance” (terme d’ailleurs trop récupéré par certain courant pour n’être pas entaché et grisâtre à l’appréciation).
Le problème est que cette expo est assortie d’une absence totale de muséographie. Déroulé et ergonomie non réfléchis, explications absentes. Sur un tel sujet, ce n’est pas u nlanque : c’est un abîme. Cela rend l’icono littéralement illisible pour qui n’a pas d’arrière-fond (ce qui est le cas de la majorité des visiteurs), et partiellement illisible pour ceux qui ont un bout d’arrière-fond. Le non-dit mange l’espace. L’angle mort est étiré presqu’à 360 par le silence.
Du reste, le problème se serait également posé si on avait eu affaire à une expo située sur un axe radicalement opposé : imaginez par exemple une expo thématisée sur l’iconographie interne à la SS pendant les avancées à l’Est. Les einsatzgruppen (sonder et vorkommandos) ont produit des prises de vues étonnamment explicites et nombreuses. Montrer ces images sans rien, sans explication, sans réflexion sur l’ergonomie, aboutirait à un cafouillage total.
Toute icono a son angle mort. mais de certaines en ont qu’il n’est pas urgent de corriger ou combler (par exemple une expo sur l’icono Vuitton) ; d’autres devienent elles-même invisibles d’une certaine manière si on ne se pose pas la question de l’angle mort —et risque de collision.
Laurent Gloaguen
@Flo : je m’en voudrais pour ma part de résumer les polémiques de l’expo à de la “bien-pensance” (dieu que j’exècre ce terme, vous remarquerez que je ne l’utilise pas). Il y a des critiques fondées et posées que je partage, il y a des “cris d’orfraie” qui me gênent, venant parfois de gens qui n’ont même pas vu la dite exposition… Je n’aime pas les curées.
(En plus, l’amusant, c’est que cela donne une publicité disproportionnée à une petite exposition dans un sous-sol obscur où il y avait deux pelés et un tondu lorsque je m’y suis rendu. Je serais curieux de connaître l’impact sur la fréquentation.)
Quand vous dites qu’il n’y a pas de muséographie, vous versez dans l’excès. Et je crois, au contraire, que les gens qui vont à ce genre d’exposition ont le minimum de bagage historique et qu’ils savent lire, vous semblez mépriser l’intelligence du public. Ou bien m’en fais-je une trop haute idée ?
flo
Mais non je ne méprise pas l’intelligence du public ! je ne présume pas de ses connaissances historiques et iconographiques (et sur l’usage de “lire”, au sens de “lire une image”, ne prête pas à mon propos un sens qu’il n’aurait pas…). Sur un tel sujet on a besoin d’un peu plus que d’un “minimum de bagage”, même s’il n’est pas obligatoire d’avoir ingurgité toutes les thèses sur la question.
et non, il n’ y a pas de muséographie — mais c’est un truc qui arrive assez souvent à Paris, par exemple, si tu vas dans un musée à Londres, alors là tu te rends compte de ce que c’est, une vraie muséographie. Bien souvent nos espaces muséo et expos ne font que fonctionner comme des galleries, c’est dommage.
Briscard
Pour en finir une bonne fois pour toutes, @si, avec Françoise Denoyelle et Alain Korkos (le Ka d’ici)règle (enfin) son compte à Zucca. Bon, d’accord, faut être abonné…. Mais ça vaut bien cinq euros par mois, parole. (pour les liens vous vous démerdez: j’ai la flemme).
Docteur Peuplu
Cette photo couleur avec les drapeaux nazi, avec un rouge aussi vif, sont vraiment troublantes !!!
La couleur change vraiment tout, on a l’impression que c’est hier !
Enfin c’est quand même bizarre tout ça. La distorsion de la perception de l’Histoire. J’étais allé à Nüremberg il y a quelques années, les allemands traitent leur passé d’une manière incroyable (et ça force l’admiration). Certains bâtiments nazis ont été reconverti en musée sur le nazisme, à voir absolument.
Nichevo
C’est vraiment troublant la couleur et même si le film était en 16 asa, le photographe dispose aussi d’un leica avec une optique de Carl Zeiss. Le top quoi. Les photos sont nettes et j’ai peine à croire que la vitesse soit si basse et l’ouverture maximum. Le rouge chez Agfa, c’est quelque chose…
Laurent Gloaguen
@Nichevo : les photos paraissent nettes en petite taille, mais beaucoup sont légèrement floues. Les vitesses employées semblent être entre 1/2e et le 1/60e de seconde. C’est assez flagrant dans les scènes de foule, où les personnages non statiques sont dans un flou de mouvement.
Eolas
Et voilà, ce qui devait arriver arriva : Christophe Girard, adjoint à la culture, demande l’arrêt de l’exposition Zucca.
En France, en 2008, on en est encore à censurer des expositions parce que mon dieu, en regardant ces photos, on pourrait devenir nazi.
Y’a des baffes qui se perdent.
flo
Demander l’arrêt de l’expo est à côté de la plaque effectivement, parce que cela revient à suggérer que l’acte même d’exposer, en 2008, relève d’un acte de propagande. Or, si certaines photos font un peu lever le sourcil dans l’imagerie d’un Paris occupé dans la joie et la bonne humeur, si l’expo manque d’arrière-fond et de perspective muséographique, elle n’est pas elle-même un acte de propagande d’une idéologie interdite, et elle ne prend pas position “en faveur de”. Bon, ça paraît évident de dire ça, mais visiblement ce n’est pas de la dernière évidence.
Il serait plus pertinent de faire mettre en place la muséo et la perspective d’explication pour accompagner ces images. Qui du reste ne font pas l’éloge du nazisme (l’Etat de l’époque s’en est autrement chargé), et à ma connaissance ne le faisaient pas à l’époque puisqu’elles n’ont pas été publiées et semble-t-il n’ont pas été soumises à une sélection en vue d’une publication (point à confirmer ou infirmer, sur tout ou partie des images exposées).
Je pense que il n’y a aucune justification légale (ni légitime sur le fond) qui permette d’obtenir le retrait de l’expo. Donc à mon avis pas besoin de crier à une censure qui ne se produira probablement pas —sauf pressions relationnelles éventuelles ou “bon c’est marre” de la part des organisateurs de l’expo (qui auraient pu faire quand même un petit effort narratif depuis).
Je vois ça du reste non pas comme une tentative de censure, et pas même comme une intention sérieuse de faire arrêter l’expo, mais plutôt comme un coup de gueule poussé non sans un certain sens de l’opportunisme : “hé, visez ma propreté déontologique et politique”. Une posture grandiloquente, sans risque, sans grand engagement, un peu du théâtre médiatique quoi. Ce n’est pas l’histoire d’un futur censeur qui briderait une liberté d’expression, c’est l’histoire d’une maladresse exploitable par qui cherche visibilité.
Daniel Denise
Dans ce concert d’indignation qui tourne autour de cette exposition, vos billets sont d’une grande fraîcheur objective. Comme vous le dites également, ce qui est excessif est insignifiant. Sur le site arrêt sur image, la polémique bat son plein à grands renforts d’arguments. (j’y ai trouvé le lien de vos billets)
Comme s’il était nécessaire de défendre une “vraie” vision de la France à cette époque. Pour ma part le titre de l’exposition ne s’interprète pas comme une exposition didactique fabriquée avec l’aide d’un fond iconographique sur le thème, mais présente bien le regard d’un seul homme : Photographies de …
Pour ce choix de titre, quel est le vrai sujet, Paris sous l’occupation ou les photos de Zucca ou Paris sous l’occupation, Photos de Zucca ? Pour ma part ses images présentent plus d’intérêt de par leurs caractères historiques et anecdotiques que par un sens de la composition exceptionnel. Ce n’est qu’une appréciation subjective et personnelle qui ne demande pas à faire débat.
La couleur est la vraie plus value qui fait la différence et donne un nouveau regard sur cette période toujours écrite en noir et blanc.
La vraie polémique viendrait donc d’un manque d’informations dans l’exposition, masquant la vraie nature de ce Zucca.
Le bonheur des jours ensoleillés loin des lignes de front est ici interprété comme au service de la propagande, pour un peu, les farouches indignés soutiendraient qu’il s’agit d’un montage fabriqué de toute pièces.
Si l’exposition avait du s’appeler ” Chroniques photographiques d’un collabo au service de la propagande”, les images auraient t-’elles été différentes ?
Nous nous serions sans doute interrogé de savoir si elles n’étaient pas un peu le reflet d’une réalité ponctuelle ou non, et d’autres voix se seraient élevées.
Le débat est dans cet ailleurs et les photos de Zucca ne sont que le révélateur de notre propre vision subjective des événements passés.
Quand à savoir si Zucca a fait toutes ces photographies dans le seul but d’un service à la propagande, je ne suis pas dans la mesure d’y répondre, mais visiblement certains savent et n’usent pas de nuances à ce propos.
L’indignation est à ce prix.
Ach Parisss.
Jean
Tout en pensant à « la polémique » on pourra réécouter l’émission 2000 ans d’histoire de ce mardi 22 avril : 1940-1945, années érotiques et les remarques de l’auteur sur l’homophobie de « la résistance ». Semble-t-il on a pris beaucoup de plaisir au long de ces années noires.
Turtle Crazy
Elles sont quand même hallucinantes
les pubs Google sur Embruns…
andre
bonjour, je connais ces photos ,il y a bien longtemps ,j habitais au 94 rue chanpionnet et son fils et moi on jouaients avec ces leica que son pere cachait dans la cheminee quand il venait rendre visite … expo suberbe ,certaines personne me sont famillieres, vous qui critiquer ses photos et en meme temps cette epoque q auriez vous fait? BONNE JOURNEE.ANDRE
Ouinon
On en vient à la notion d’intention. La différence entre un urinoir de toilettes et l’urinoir de Duchamps ? Le choix, l’intention. La différence entre une boîte de soupe photographiée dans une pub et cette même boîte de soupe peinte par Warhol, intention. La différence entre une photo prise par un père de famille et une même photo prise par un photographe salarié d’un journal de propagande nazie est énorme (je pense à la photo des filles à lunettes en écrivant cela). L’intention et son contexte relatif sont à décrire dans la légende pour que le visiteur non initié puisse aller au delà de la simple contemplation esthétique ou du trop évident premier niveau de lecture de ces images. Que des parisiens se soient amusés pendant la guerre, c’est une chose (sur le nombre et la durée, c’est même assez logique, il suffisait juste d’aller les chercher au bon endroit et au bon moment), mais personnellement, je me pose plus la question des gens qui précisément, ne sont pas sur ces photos. Je n’ai pas à juger les personnes photographiées et leur époque mais par exemple, on peut très bien imaginer que le photographe avait préalablement indiqué à ces 3 filles dans quel journal pouvaient potentiellement être publié cette photo. Ça ne change pas le fait de s’amuser ou non mais ça change tout un tas d’autres choses qui visiblement, n’étaient pas très bien précisées au début de l’expo. Je pense également à une autre photo ou l’on voyait un couple d’amoureux… et un exemplaire du journal posé dans un coin.
Supprimer l’expo, certainement pas mais come beaucoup, je pense qu’il est fondamental de bien légender ces images. D’ailleurs, la plupart des documentaires réalisés sur l’époque de la 2e GM sont en grosse partie fait avec des images filmées ou photographiées par les nazis… ça n’enlève rien à leur intérêt historique mais il y a juste une manière de les présenter.
Lucein Lacombe
Mais ou peut-on s’abonner a cette revue ’Signal’ qui m’a l’air passionante ?? J’ai demande au kiosque, ils ne savent pas, c’est dommage !! ;););)
Laurent Gloaguen
@Ouinon : Il y a 2 photos, avec des “modèles” (des amis du photographe ?), qui sont effectivement clairement des mises en scène, qui sont “posées”. Elles contrastent clairement avec le reste et ne sont pas représentatives de l’ensemble de 250 photographies.
Jardins du Luxembourg, mai 1942 : “En suivant la mode”, trois jeunes filles avec lunettes de soleil identiques à monture blanche. P. 94 du catalogue.
Jardins du Luxembourg, mai 1942 : couple avec magazine Signal au premier plan (on remarque la même paire de lunettes de soleil dans les mains de la femme). P. 97 du catalogue.
Ce sont justement les deux photographies qu’utilise Alain Korkos pour étayer son discours sur ASI. Ce n’est pas très honnête.
Ouinon
Ben du coup je t’ai répondu chez André Gunthert, sans le faire exprès (aucun autre commentaire n’avait encore été publié sur son billet au moment ou j’ai écrit le mien). Je remarque au passage que le grand Laurent Gloaguen fait du copier/collé de commentaire, c’est du propre ;-)
Laurent Gloaguen
@ouinon : et oui, c’est la merde la pré-modération de commentaires :-)
André Gunthert
C’est juste parce que j’ai pas 5 mn pour mettre le plugin (en fait, c’est pas 5 mn, parce que du coup il faudrait que je passe en DC 2, etc. - je suis sûr que vous comprenez mon problème). Cela dit, je suis pas contre un coup de main ;-)
Ouinon
À André : moi j’en suis toujours à DC 1 avec le vieux plugin Captcha ou il faut faire des additions pour poster un billet, je ne peux donc pas t’être d’une grande aide ;-)
Damien B
Nicole Zucca dans “Revu et Corrigé” hier. Une prestation outreaugeusement à charge de Paul Amar, toute en sous-entendus et en “réorientation de débats” ; on en a l’habitude, c’est l’école Elkabbach. Une prestation dispensable (comme d’habitude) du patineur Klarsfeld, qui proposait d’ajouter des photos de rafles pour illustrer le quotidien des parisiens. Point d’orgue, l’intervention d’une résistante parisienne, que cette exposition a révolté, parce que ça n’était pas possible de laisser montrer ces mensonges, qui étaient vrais, mais qui ne concernaient qu’une petite minorité de parisien (plus petit que l’électorat du Nouveau Centre, c’est pour dire). Et au final, des invités plutôt taiseux… Si “Revu et Corrigé” a remplacé ASI, ce n’est pas toujours pour le meilleur (même si DS avait aussi ses travers).
Anne Onyme
moi qui suit tout simplement née parisienne, je n’avais jamais imaginé ma ville de cette façon; des endroits si familiers, devenu si étranges,
merci à nicole zucca et nous pretez un peu du passé de nos parents.
karl
Ce qui n’est pas en cause, en ce qui me concerne, ce n’est pas que l’on montre ces images qui sont souvent fort belles et émouvantes, mais l’absence d’explications qui les accompagnent. On ne peut passer sous silence le contexte dramatique de l’époque. Tous documents historiques, de quelques nature qu’ils soient, peuvent être montrés mais avec les analyses qui s’imposent. Sinon, on ne peut le nier, on est dans un négationisme rampant….
côté obscur
Cette exposition a été un sommet de faux-culisme de delanoë et Christophe girard. Pour se marrer, il faut aller sur l’excellent site delanopolis.fr et voir en particulier les photomontages sur les parisiens sous Baupin.
Hilarant.
monika
Tres bonne exposition. Ce serait un crime de la retirer.Je vivais à Paris, j’avais 12 ans et je reconnais tout. C’était tout à fait la vie que l’on voyait dans les rues. Il faut regarder avec les yeux ce qui est beau, et ne pas CHERCHER ABSOLUMENT une critique à faire.
xave
Je redébarque longtemps après la fête, mais à propos de cette expo, je viens de tomber cette chronique.
Et je suis content d’être tombé dessus, ne serait-ce que pour cette phrase :
jean.dequeecker
bonjour il y a une petite erreur dans la biographie d’andre zucca, il n’a pas fait faillite dans son magasin de dreux 20 rue du bois sabot, je le sais car c’est moi qui lui a racheté le magasin qui n’a donc jamais fermé et andré zucca a vécu 6 mois avec nous, or le temps de son escapade a toulon vieux souvenirs c”était en 1963/1964.c”était un homme super.
Blah ?