Wagashi - pâtisserie japonaise
La pâtisserie japonaise traditionnelle (wagashi) est fort méconnue en France. Pourtant, les Parisiens ont la chance d’avoir des établissements de grande qualité où ils peuvent s’initier à cet art.
Cette pâtisserie venue d’Asie se distingue par ses préparations légères, peu sucrées, aux parfums délicats et subtils (voire, parfois trop subtils). L’intérêt est placé avant tout dans le plaisir visuel et les textures. Ce n’est pas avec les wagashis que vous risquez l’écoeurement, mais juste la ruine, car ces plaisirs sensuels appartiennent à la catégorie mets de luxe.
Le terme wagashi est récent, il date de la fin de l’ère Taishô (1912-1926) — wa voulant dire japonais, et gashi, sucrerie, douceur, fruit. Il fut créé pour différentier la pâtisserie traditionnelle de la nouvelle (yogashi), importée de l’Occident. Si le terme est moderne, cet art remonte à des temps très anciens, et son histoire est intimement liée à celle du pays et de sa religion :
En 538 (ou 552, selon les dates traditionnelles), le bouddhisme apparaît sur l’archipel. Il a été importé avec l’importante vague d’immigration coréenne (kikajin) qui a commencé au début du VIe siècle, principalement dans les régions actuelles d’Ôsaka et de Nara. Le roi du Paekche (ouest de la Corée) aurait alors fait porter une statue en bronze doré de Bouddha au roi du Japon, afin que ce dernier bénéficie de la “Lumière”.
En 553, ou peu après, c’est presque une expédition savante qui vient du Paekche. Prêtres, devins, médecins, hommes de sciences, artisans qualifiés, c’est toute une culture et des savoir-faire qui débarquent de la Corée en mission quasi-civilisatrice. Outre les nouvelles croyances occultant les dieux anciens (kami), c’est quantité de nouveaux usages et technologies qui arrivent : métallurgie, textiles, travail de la laque, peinture, fabrication du papier, écriture et usages culinaires. Le Japon entre dans l’histoire, c’est ce qu’on appelle la culture d’Asuka (585-670).
Le Japon avait déjà une tradition de la riziculture sur sa côte Ouest (Yayoi), importée de Chine depuis plusieurs siècles. C’est donc sans problème que les religieux venus de Corée ont pu développer la confection de gâteaux votifs, à base de riz (moshi et dango).
À l’époque de Nara (710-794), le bouddhisme se structure (voire s’étatise) et les liens avec la Chine sont étroits. En 752, le grand Bouddha Vairoçana de Nara est inauguré en grande pompe par un important contingent de moines chinois. Dans le réseau des temples d’État (kokubunji), on fabrique des gâteaux de riz servant d’offrande aux ancêtres, comme dans tous les temples du continent.
Longtemps cantonnés à un usage rituel, les gâteaux de riz prennent peu à peu place sur la table des familles nobles au cours des siècles qui suivirent. Il faut savoir que dans ces temps anciens, si les modestes populations du Yayoi cultivaient du riz, ce n’était pas pour leur consommation, mais pour payer l’impôt. Manger du riz n’était alors pas du tout dans la culture populaire.
L’époque de Heian (794-1185) qui suit est une sorte d’âge d’or de la culture japonaise, quintessence du Yamato damashi (esprit japonais). La cour, installée à Kyôto, développe un art de vivre raffiné. Les gâteaux de riz s’imposent sur les tables, et comme en-cas. On trouve des références dans la littérature au tsubakimochi, gâteau de riz (mochi) enveloppé d’une feuille de camélia.
Par la suite, les préparations se sont raffinées à la fin de l’époque de Muromachi (1392-1573) et pendant l’époque de Momoyama (1578-1615), notamment avec les premiers contacts avec les occidentaux. Le commerce avec le Portugal (les Portugais arrivent à Tanegashima en 1543), et plus tard l’Espagne, a amené de nouvelles recettes et ingrédients, et c’est de cette rencontre que date l’introduction du sucre et des oeufs dans les préparations. Les wagashis prennent leur place dans la cérémonie du thé qui se développe à cette époque (le thé est arrivé de Chine au XIIe siècle).
Au cours du XVIIe siècle (époque d’Edo), la pâtisserie se démocratise et devient courante dans les cérémonies de thé, ainsi que comme cadeau. Les formes classiques de wagashi de développent pour atteindre celles qui sont encore produites de nos jours.
L’influence étrangère très présente durant l’ère Meiji (1868-1912) a considérablement marqué la pratique de la pâtisserie, et le wagashi a incorporé nombre de techniques occidentales au profit d’une créativité à son apogée et de formes sans cesse renouvellées.
Le wagashi, c’est d’infinies variations au gré du créateur qui peuvent être classées dans 4 catégories : les gelées (yokan), les sucreries (higashi, pièces moulées en pâte de sucre et farine de riz), les gâteaux de riz (manju, boules cuites à la vapeur) et les gâteaux cuits au four (yakigashi, monaka, sortes de sandwichs fourrés aux haricots). Les ingrédients de base sont le sucre de canne (wasambon-tô), les haricots (azuki, blancs et rouges), la farine de riz et la farine de blé, le kanten (agar-agar) pour les gelées. On trouve également le soja et la pomme de terre, et peu de matières grasses, ce qui en fait des desserts riches en protéines très digestes.
Dans le pays où la chute d’un pétale de fleur de cerisier est une expérience esthétique et existentielle de premier ordre, où la préparation de thé donne lieu à une cérémonie codifiée, la pâtisserie ne pouvait être un quelconque plaisir sucré pour fin de repas. On y trouve donc une recherche esthétique très poussée et une intégration des grands piliers culturels du Japon (nature et saisonnalité, poésie, mythologie) qui en font le support d’émotions esthétiques à part entière, et ces wagashis se veulent autant des sollicitations de l’esprit qu’une fête des cinq sens, et même des tentatives d’union avec le sacré. La présence des saisons y est très importante : si vous pouvez trouver tous les gâteaux tout au long de l’année dans une pâtisserie française, il n’en est rien au Japon où beaucoup de recettes sont associées à une période de l’année. Ce n’est qu’au printemps que vous pourrez trouver le tô-zakura (horizon vaporeux de cerisiers en fleurs)…
Les wagashis se dégustent de façon privilégiée avec un thé vert. Ce ne sont nullement des desserts dans le sens occidental du terme, ils ne sont pas associés au repas. Thé et wagashis sont une fête des sens et de l’esprit qui se suffit à elle-même.
Wagashis de la pâtisserie Minamoto Kitchoan
Ce samedi, avec mon lapin, nous nous sommes rendus chez Minamoto Kitchoan, nouvelle pâtisserie sur la place de la Madeleine. Une grande initiation, voire révélation, pour moi. Voici un petit aperçu de nos découvertes :
Usagi (lapin), saveur citron (yuzu).
Le lapin est associé à la lune. Très populaire, il est signe d’heureux présage. Si visuellement le lapin ressemble à une pâte sablée dure, il est en fait tout en tendresse et moelleux, et il fond en bouche. Texture soyeuse et arômes d’agrumes, de cédrat.
Yarimizu : gelée à la prune rouge et aux feuilles de shiso (sarriette). Tout en fraîcheur, texture de pulpe de fruit et goût discret de prune.
Saisaika : un biwa (nèfle), fruit traditionnel japonais, immergé dans une gelée à base de jus de fruits. L’élégance et la forme du fruit symbolise l’été. Goût franc du fruit et fraîcheur en bouche.
Kinkandaifuku (haricot blanc, farine de riz et kumquat). Couverture gélatineuse et élastique de farine de riz cachant un kumquat enrobé de pâte de haricot blanc. Une fois coupé en deux, aspect d’un oeuf mollet.
Macchamanjyu (haricot blanc, farine de blé et thé vert). Coupé en deux, il laisse apparaître un coeur vert foncé. Sensation de légéreté. Parfum si délicat de thé vert qu’on a tendance à le chercher dans l’impression douce et sucrée.
Tsuya (farine de blé, haricot rouge). Sandwich aux arômes faisant penser au sarrasin, d’une grande légéreté, fourré aux haricots rouges. Un grand classique des wagashis.
Sorbet muscat : gelée au raisin. Une explosion de fraîcheur aromatique et sucrée en bouche. À consommer après passage au congélateur.
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Mise à jour. Quelques autres wagashis essayés en janvier 2005 :
Hanatsubomi : cédrat confit et pâte de haricots blancs.
Suikanshuku : kaki garni de pâte de haricots rouges et pâte de haricots blancs.
Daifuku chocolat : farine de riz et chocolat blanc, saupoudré de thé vert.
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Pâtisseries japonaises
Minamoto Kitchoan
17, place de la Madeleine, 75001.
Tél. 01 40 06 91 28
Métro : Madeleine.
Ne vous laissez pas intimider par la boutique un peu luxueuse, il faut entrer et laisser place au plaisir des yeux. Prenez votre temps, tout votre temps, le personnel est à votre disposition pour vous renseigner, vous expliquer (n’hésitez pas à poser des questions), tout en étant souriant, courtois et pas pressant (ils sont japonais…). Compter de 2,60 à 5 euros par pièce (généralement 3 €). Boîte de 10 usagis (lapins), 20 €. Bon à savoir, l’essentiel de ce que vous voyez en vitrines est factice. Corollaire, ce n’est pas parce que c’est devant vos yeux que c’est disponible !
Aussi à Londres : 44 Piccadilly, London W1J ODS, et à New-York : 608 Fifth Avenue, NY 10020.
Toraya
10, rue Saint-Florentin, 75001.
Tél. 01 42 60 13 00
Métro : Concorde, Madeleine.
Pionnière à France, cette pâtisserie-salon de thé a ouvert ses portes en 1980. Toraya est fournisseur officiel en wagashis de Renault-Nissan. Ne pas rater les splendides hana-ôgi.
Chajin
24, rue Pasquier, 75008.
Tél. 01 53 30 05 24
Métro : Madeleine, Saint-Augustin, Havre-Caumartin.
Salon de thé. Cérémonies du thé organisées régulièrement. Quelques pâtisseries (yokan, wasanbon, daifuku, omogashi).
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P.S. Il y a hélas peu de ressources vraiment intéressantes sur le Web, que ce soit en français ou en anglais. La connaissance du wagashi est encore confinée au Japon. Je crois que le wagashi va être de plus en plus connu et vénéré par les occidentaux, alors que les jeunes Japonais se nourrissent de plus en plus de confiseries industrielles des multinationales de l’agro-alimentaire. Alors, si les Japonais viennent nous acheter des macarons Ladurée, en retour, initions-nous au wagashi.
Mr Peer
Ah ben ça tombe bien, j’avais envie de m’essayer à toute celà… Le lapin ça fait quand même très kawaii :)
albinoal
J’en salive en pleine nuit devant mon écran. Je risque bien demain de faire un petit détour par la madeleine, même s’il me manque le background culturel pour transformer ça en experience existentielle…
Le lapin
Pas nécessaire de transformer cela en expérience existencielle. Il faut être prêt simplement à goûter à quelque chose de différent. Ça s’appelle de la curiosité ! Après, on aime ou on n’aime pas !
jchris
Tu cites l’excellent Toraya : tout est dit ! J’imagine que tu vas déjeuner chez Kinugawa de temps à autre ?
Oli
Oui, même éloge pour Toraya. Et merci pour ce billet qui fait saliver :-)
karl
hehe… plus que mercredi, jeudi, vendredi, samedi, dimanche… lundi avion, Mardi JAPON !!!! jusqu’au 23 septembre ;)
Martine
Que c’est joli tout ça! Tu as tout goûté dans la même journée?
Le lapin
Le Capitaine est plus gourmand que moi. C’est tout dire!
Martine
Je suis certaine qu’il a commencé par le lapin! ;-)
Laurent
Heu, oui, le lapin a disparu juste après la prise de vues. Hmmm…
autchoz
Parfois en effet, les parfums délicats des patisseries japonaises sont trop subtils pour être appréciés. Mais l’esthétique est là. Il faut savoir déguster avec les yeux. Tout un ar japonais.
jul
ca me donne l’au à la bouche. J’ai trop envie de gouter ca!
jul
ca me donne l’eau à la bouche. J’ai trop envie de gouter ca!
pucci
merci beaucoup pour les adresses à Paris. J’y cours. Le shiso n’est pas de la sariette mais de la Perilla. Voici un lien explicatif. http://toildepices.free.fr/fr/plantes/angio_dic/lamiacee/perilla/frutescens.html
Carol
Bonjour Dans notre salon de thé japonais à Paris, vous pouvez choisir de plus de vingt thés verts japonais, directement importés de nos plantations à Uji et Shizuoka, et prendre le thé avec une pâtisserie japonaise (yokan, wasanbon, daifuku, omogashi) ou même déguster un délicieux Uji Kintoki (glace pilé par une machine japonaise avec sirop de matcha, notre glace au matcha artisanal, et azuki) et dans un vrai chashitsu (salle de thé japonais avec tatami et shoji) au 24, rue Pasquier, Paris 8ème. 01 53 30 05 24. (Cérémonies du thé programmées toutes les semaines.)
Confitería Merlo
Excelentes aportes de una cultura gastronómica poco desarrollada y conocida en Argentina. Muchas gracias por la generosidad de poner en la web las imágenes. Silvia Visciglio Alcides Merlopich
Valerie
Comment ne pas saliver devant ces photos… Souvenirs de saveurs et de fondants inimitables… :-))) C’est vrai que les Wagashis sont (pour le moment encore!) assez meconnus en dehors du Japon, peut-on imaginer (ou rever?!?) qu’il deviennent aussi populaires que les sushis?!?
rosalie
bonjour je recherche un site internet ou on peut commander des petites boites avec assortiments de gâteaux japonais (boite d’environ 8cm sur 5 cm) C’est pouir l’année prochaine je me marie et pour changer des dragées une petite boite japonaise serait la bienvenue…si vous avez des tuyaux n’hésitez pas!!! Merci
omar
c’est vraiment délicieu, et ça donne envie pour le Ramadon
Gyp6
Plaisir sensuel mêlant tout à tour visions ennivrantes de formes et couleurs raffinées, de touchers délicats de matières exceptionnelles, odorat comblé par les effluves de parfums d’ailleurs. Et enfin extase gustative après les premières bouchées hésitantes…
L’éphémère présence de ces trésors patissiers, rythmée par les saisons, fait des Wagashi une tentation digne des 7 péchés…
Ce week end, j’irais encore vendre mon âme chez Toraya…
Gyp6
stéphanie
Bonjour
Il y a déjà plusieurs semaines que je me suis dit, il faut que j’y aille. Hé bien ça y est!!! Je suis allée à toraya. J’ai acheté les wagashis de Novembre. Et je suis allée à Minamoto kitchoan ou j’ai acheté plein de pâtisseries aussi. Je n’ai pas encore goûté car je voudrai les prendre en photos. Ils sont trés beau surtout la feuille verte avec les flocons de neiges.Pour info, j’en ai eu pour 50 euros. La plupart que j’ai pris coûté 3,50 euros environs et deux à 5 euros pour 12 gâteaux.Donc faut prévoir… Je suis trés contente. Enfin!
stéphanie
C’est encore moi!! J’en ai goûté deux à la patate douce. Ils étaient vraiment délicieux, doux, délicat, trés fins…et peu sucré ce qui est trés agréable. Je regrette de ne pas avoir pris celui à la gelée de prune qui paraissait rafraîchissant.
bigwig
Ah, la patisserie et le Japon : ça ne fait qu’un.
Chaque région a sa spécialité et les boutiques se trouve souvent près des centres d’intêret touristique. Elles proposent toujours des produits d’ecxellente qualité.
Ton article est fort bien fait, très complet.
Si vous le souhaitez , je vous invite à venir découvrir mes portofolios consacrés au Japon.
http://frederic.filhol.free.fr/portofolios/portofolios.html
charlotte
moi je connais un salon de thé ou a eux leur truc ce n’est pas la patisserie mais le thé! il font des thé super bon et il sont aussi a emporté: nom: zen zoo adresse: 13 rue chabanais 75002 Paris tel: 0142962728
Anne Onyme
connaissez vous un autre magasin japonais, car celui de la madeleine va fermer
Den
C’est très triste que Minamoto Kitchen aie fermé le 31/7/8 pile au moment de l’ouverture du salon de thé et patisseries Fauchon juste en face. Grâce à votre article, je découvre l’existence des deux autres salons; ouf! Merci aussi pour les adresses à l’étranger. Il paraît qu’il y a aussi un salon dans le 16e?
RONDOUDOU
voila une liste des restos et salons de thé japonais “labelisés” mais elle n’est pas tres a jour : http://www.cecj.fr/liste_arr.html
la pinta
Bonjour,
J’ai utilisé une de tes photos pour mon dernier article… N’hésites pas à me faire savoir si cela ne te convient pas et je l’enlèverai ! Si par ailleurs, tu disposes d’une recette de monaka, je suis vraiment preneuse !!
Blah ?