Dilution
Jusqu’en 2003, nous avions les “early adopters”, les créateurs. Depuis, le blogue se généralise. Et les promesses que vous donnent les vendeurs de blogues s’estompent. De vérités communément acceptées, elles se transforment en mensonges. Non, le blogue ne vous donnera plus une voix privilégiée sur l’Internet, sur les moteurs de recherche… Vous n’êtes plus qu’une voix parmi tant d’autres. Cela me rappelle les débuts de Geocities, vers 1996, si ma mémoire est bonne. Peu importe la date précise, j’y vois la même spéculation, les mêmes sottes espérances.
Nous sommes passés d’un certain élitisme, d’un club d’“happy few”, à une vulgarisation au sens large. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il n’y ait plus de blogues de qualité. Il y a plus d’opportunités d’en croiser quelques uns, mais le cycle de vie est souvent court et l’océan brownien repousse les limites. Quand je vois la liste des blogues que l’on cite toujours, j’y vois à 80 % des dinosaures de la blogosphère. Il est de plus en plus difficile de se faire une place dans cette jungle.
Le blogue, tel que nous l’avons connu, dans un petit cercle d’initiés, est mort. Nous devons en faire notre deuil.
Le blogue est devenu ordinaire. Il a même été récupéré par les marchands du temple. C’est devenu un produit. Vulgaire comme devenu un objet de consommation, comme une lessive. Comme un accessoire commun à une vie moderne. Il répond à un besoin, celui des gens à se raconter, et c’est un marché énorme.
Le traumatisme de l’irruption d’un Loic Le Meur est assez significatif à cet égard. Plus rien ne sera comme avant, et beaucoup l’ont senti, intuitivement. Mais, le mal est fait. Il n’y a pas à lapider le porteur de la mauvaise nouvelle. Il faut être lucide et raisonné. Il n’y a rien à reprocher à Loïc, il a fait son boulot, et plutôt pas mal.
Maintenant, il nous faut imaginer de nouveaux modes d’expression sur le Net. Pour ma part, je pense à des formes plus collaboratives et communautaires. Le blogue, en tant qu’aboutissement total du solipsisme de l’expression, est une impasse.
Le blogue est mort. Dans cette assertion, il y a la notion que le blogue n’évoluera plus. C’est désormais une forme figée. Le temps des chercheurs de la blogo appartient au passé. Place aux nouvelles inventions.
La seule règle est la suivante : peu importe le medium, c’est toujours la qualité qui fera la différence. Et cela est plutôt rassurant.
Maxime R.
Tiens, Pierre Carion avait vu juste ?
Jean-Marc Bondon
“Peu importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse”
L’outil n’est pas central, seul l’usage qu’il permet est intéressant. Qu’il y ait des millions de blogs, qu’importe, nous n’avons qu’une capacité limitée, de lecture, d’écriture et d’échange.
La masse écrase, mais ne réduit pas,les sous-ensembles de qualité existent.
Les technologies sont là. Il faut inventer l’usage, mettre en route des communautés d’acteurs, les animer autour d’un projet.
Ces communautés existent déjà, c’est le projet qu’il faut trouver maintenant.
merriadoc
Pas d’accord. Tu oublies dans ton analyse le facteur temps : le temps joue pour tous ceux qui recherchent la qualité. Car il est une autre règle : on ne tient pas longtemps à compter ses boutons sur son blog.
Le blog est mort ? Vive le blog.
Damien B
Que viennent faire les voyants et autres diseurs de bonne aventure là-dedans ? C’est une attaque basse contre Paco Rabanne ?
cyril
Pas vraiment d’accord avec toi, Laurent.
Pour moi, le blog ne devient intéressant, précisément, que lorsqu’il est adopté massivement. S’il restait confiné à une petite sphère “underground” où personne ne peut entrer, il n’aurait aucun intérêt (en tout cas pas plus que d’autres outils disponibles sur le Web). Le blog devient un outil intéressant (et même totalemet inédit) à partir du moment où des millions de gens l’utilisent (et aussi, comme le souligne Stéphane, quand il s’agit principalement de gens qui ne s’étaient jamais exprimé sur le Web auparavant).
C’est cela qui fait que le blog n’est pas juste un outil, mais un phénomène de société. Les “marchands du temple”, comme tu dis, n’y sont pour rien. Il y avait des millions de blogs dans le monde bien avant Loïc, et sans que personne ne l’ait vraiment voulu.
Je te rejoins pour dire qu’une époque est révolue : celle du blog-happy-few vaguement élitiste et où tout le monde se connaissait par son prénom. C’était sympa, mais c’est fini. Il nous reste maintenant à aller plus loin, et là je te rejoins, peut-être. Il nous faut inventer les outils qui vont permettre de donner du sens - de façon collective - à ces millions de blogs.
SAM
Au contraire, on a besoin que les plus expérimentés donnent de la voix. Le blog tel que tu le conduit, Laurent, n’a rien à voir avec le mien (moi qui suis si vulgaire et si déplaisant). C’est comme les livres : tout le monde peut en écrire mais les auteurs respectés ont plus de talent, enfin tel que je le perçois du bouge où je réside. Allez, bon vent Capitaine.
Dendromatt
Sur la démocratisation de l’outil, je m’étais interrogé il y a quelques années : http://www.dendromatt.net/?page=blog&more=2003-04-12+02%3A04%3A02
Sur son attrait pour les capitalistes aussi : http://www.dendromatt.net/?page=blog&more=2002-09-27+20%3A2
Comme nos analyses se rejoignent, je me permets un petit commentaire.
Même si l’engoument est passé de mode pour devenir un phénomène de masse, les blogs de qualité n’ont pas disparu. Mais il est vrai que la tâche de les trouver est rendue plus ardue tant les sites se revendiquant blogs sont devenus légions.
Le fait que ton expérience en la matière soit suffisament vieille pour observer et avoir du recul par rapport à la vulgarisation des blogs ne fait pas de toi une élite. Simplement un pionier.
Ce qui semble te déranger n’est pas tant que ce jouet soit désormais celui de nombreux autres que le fait que tu t’es déjà trop amusé avec, et qu’il t’ennuie.
Mais tu es un garçon plein de ressource et il me tarde de savoir ce vers quoi tu vas aller désormais :)
SAM
La solution pour retrouver un certain goût serait-elle d’évoluer vers le podcasting ? Je m’endormirais volontier bercé par ta douce voix.
Kate
Le blog réservé à l’élite? Alors que c’est un moyen de véhiculer tant d’idées, de propos, de lancer des discussions avec des gens de partout, de tous standings, de toutes cultures? C’est la qualité qui fait certains se détacher de la masse, de la quantité.
VeRso
Moi je suis, j’ouvre puis je ferme puis j’en ouvre un autre… j’apparais alors toujours nouvelle… mais je ne sais plus si le blog est bénéfique… pour moi, pour ceux qui me rencontrent… je suis comme vous, je suis en manque de lapin..
laurent javault
A lire le post de Laurent Gloasguen, je me sens doublement concerné. - Je suis un blogger né de la dernière pluie. Un Loïclemeurien. Je fais partie de ces gens qui se sont jetés sur les blogs en espérant en tirer quelque profit. En ce qui me concerne, cela ne consistait pas à vendre des tee-shirts, mais à écrire une fiction en épisodes, trouver un lectorat et, en cas de succès, un éditeur “papier”… - Je suis un blogger en échec. Mon blog n’a pas trouvé lecteur. Pas assez bon sans doute. J’ai laissé un dernier post très amer. J’ai l’impression d’avoir écrit dans le vide. Dans une indifférence totale. Et moi, totalement désenchanté…
Désenchanté, parce qu’entretemps, j’avais mordu à l’hameçon de la “convivialité”, découvert la vaste communauté des bloggers. Mais celle-ci s’est révélée aussi attachante qu’insaisissable ; un curieux mélange d’humain et d’anonymat. Et finalement, l’impression que c’est un monde sans repères.
Ces repères existaient-ils à l’origine ? Du temps du petit paradis numérique que vous décrivez ? Sans doute.
Mais les blogs et les ordinateurs se fichent comme de leur premier octet de nos états d’âmes. Parler de communauté, de convivialité, c’est oublier que tout cela ne repose EN REALITE que sur des machines, lesquelles transmettent l’information sans discernement. Et sans contrôle.
Je serais tenté de dire que les blogs ne sont pas humains mais qu’ils recèlent simplement des traces humaines. Des signaux humains ; et que nous sommes réduits à l’état de simulacres, ces sihouettes irréelles qui fascinaient et effrayaient les guerriers d’Homère.
Les blogs, c’est une arnaque à la convivialité. Dans mon blog (justement) je parle de bulle sociale. http://laurentjavault.typepad.com/
En revanche, je crois davantage, comme vous semble-t-il, à l’internet collaboratif. Car il n’est pas universel, c’est-à-dire sans hierarchie, mais tribal. Communautaire.
Communautariste ? D’autres dangers menacent sûrement… Les personnes les mieux intentionnées, les passionnés sincères, seront toujours dépassés par la technique, quand elle devient démocratique.
bobig
Personnellement j’ai découvert les blogs en 2000 via frederic madre (2balles.cc). J’en ai créé un, puis clôturé…j’en ai créé un autre…puis fermé..(le même profil que “verso”). J’ai tilté sur l’évolution des blogs avec les changements de licence de movabletype. la petite communauté des bloggers s’est rapidement rendu compte que les outils de blogging et les blogs eux mêmes avaient un potentiel commercial (ensuite arrivée de loic le meur..on voit typepad à toutes les sauces..) A ce propos, le blog de christophe ginisty est pour moi une nouvelle étape où le contenu refléte vraiment l’aspect publicitaire du blog qui ne jure que par la fréquentation ou le nombre de requêtes…une petite pieuvre de communicants se met en place qui renifle et essaie de mettre en avant ses “produits”. c’est assez drôle à observer
Après avoir fait une pause de blog de quelques mois (je tournais en rond et j’étais un peu intrigué par le boom des blogs) j’ai décidé de le reprendre. Peu importe si bloguer est devenu hype..le plaisir de partager est là avant tout. Le temps fera le tri entre ce qui est bon ou pas, sincére ou non, libre ou non.
ps : concernant internet et la communication, je vous conseille de lire “l’identification des schémas” de william gibson.
LaPorteSansPorte
Bonjour, Vous m’émerveillez et vous m’amusez avec tous les termes techniques auxquels je ne comprends rien. Je croyais qu’un blog servait à écrire et à échanger des idées. Jai été regarder à ladresse de Loïc Le Meur, cest dingue, on dirait que cest un robot qui habite le blog. Je me sens très en phase avec les propos de Laurent Javault (en version optimiste) mais je crois quHomère était le premier écrivain virtuel et nous ne somme pas si loin que ça de son monde. On sent très bien un peu partout que les blogueurs historiques sont énervés de voir la middle class intellectuelle déferler sur les blogs. Ca me rappelle louverture des premiers hypermarchés en France. Cétait un outil de distribution de masse fréquenté uniquement par des gens « biens » épouses de professionnels libéraux ou de cadres supérieurs. Le web est fondamentalement un outil de masse. Tous les dérivés du Web, comme les blogs vont appartenir à la masse des citoyens du monde et cest pas plus mal, non ? Bonne journée.
bobig
gniarf c’est vrai qu’en me relisant je pense qu’il n’y a que moi qui me comprend. zut !
Fuligineuse
Je suis d’accord avec Kate, Damien et qq autres. Cela n’a pas de sens de déplorer que les blogs ne soient plus l’apanage de quelques happy few. En ce qui me concerne, j’écris sur ce qui me plaît, et si cela intéresse certaines personnes tant mieux, sinon, je ne vais pas changer pour autant ma “ligne éditoriale”…
Nain Dien
Le blog est mort, vive le blog !
Damien B
Je n’ai rien dit moi :-) La seule difference maintenant, c’est que les cercles, les petites communautes, sont deja formes, et en nombre. Le nouveau venu se retrouve donc comme dans la Vrai Vie, a devoir chercher ses reperes, plutot que ceux-ci s’imposent a lui par la force de la Happy Fewness. Est-ce une bonne evolution ou pas ? Toujours est-il qu’on tourne en rond : qui est credible ? qui fait reference ? Pas de reponse. La blogosphere est devenu le plus gros generateur de bruit brun de l’internet.
Tristan
Lu dans libé : http://www.liberation.fr/page.php?Article=289737
> Julien, blogueur et directeur d’un site d’offres d’emplois, tend sa carte à qui veut la prendre, heureux d’appartenir au monde merveilleux du blog. «On se croirait revenu aux débuts d’Internet, théorise-t-il. Il y a cette petite effervescence, une communauté de gens qui veulent rencontrer du monde.» Ou qui cherchent à élargir leur carnet d’adresses.
Encore un qui a connu Internet en 99 avec les First Tuesdays et qui nous fait un coup de nostlagie ? ;-)
::seb::
“Le blogue, tel que nous lavons connu, dans un petit cercle dinitiés, est mort. Nous devons en faire notre deuil.” Il n’y a pas de quoi être nostalgique, la vulgarisation des technologies d’un groupe d’initié vers le plus grand nombre existe depuis ses débuts… C’est dans la logique même des avancées technologiques.
Pour ce qui est de l’avenir, je pencherai pour une convergence des Blogs, des CMS et des Wikis. Le futur proche sera collaboratif et communautaire. Et cela sera accessible au plus grand nombre même si le rapport signal/bruit du web devait encore en être déterioré.
bobig
personnellement je ne pense pas à une évolution de l’outil mais plutôt à une évolution du contenu. le texte, le son , la vidéo…
Antony
J’ai arrêté de bloguer durant 2 ans et par la même occasion d’en lire. Lorsque je suis revenu il y a 2 mois, je n’en revenais pas du nombre de blog qui avait poussé durant la période.
Pour moi, c’est avant tout un phénomène de mode, largement colporter par les medias. Lorsque suffisemment de gens auront testé puis abandonné, cela redeviendra comme avant, j’en suis sûr.
Stephane Le Solliec
Nan, le blog ne va pas disparaitre, parce qu’il est une évolution de nous même : nous sommes en train de nous numériser, et le blog est ce qui est le plus proche de notre identité digitale. Mon blog, c’est mon moi en-ligne, mon digital self.
Le phénomène va continuer lentement, les blogs renfermeront bientôt nos envies cadeaux(amazon wishlist), nos photos (flickr), les pages web que nous avons consultées (blogmarks), notre liste d’amis (foaf), etc …
Dans 5 ou 10 ans, les blogs seront devenus incroyablement riches et denses de notre identité numérisée, à tel point qu’on ne sera pas capable de dire si c’est un être humain qui blogue, ou si c’est un blogue qui a un être humain ;-)
zerchauve
il suffit d’inventer un nouveau moyen underground de communication !
Le top du top de la branchitude ;) c’est d’être un commentateur de blog, a la mode Saint Bernard etc. !
Des ghosts de la blogosphère, sans port d’attache !
Thomas
Je fais un pari : les lemuriens passeront, puis se lasseront et repartiront aussi vite qu’ils sont venus. Pour écrire tous les jours un billet sur “ma maison mon chien” lu par ma femme et mes trois copains qui se sentent obligés d’être sympas en postant des commentaires, il faut avoir une sacré confiance en soi…
Resteront plus longtemps, je pense, les blogs spécialisés qui apportent vraiment de l’info (techno, politique, art…), les blogs de stars, peut être les blogs de journalistes… et puis les blogs de gens talentueux, vétérans ou néophytes, qui sauront attirer grace à leur plume des milliers de fidèles chaque jour. Sans doute ceux là parviendront à se professionaliser.
Pour tous les autres, moins doués, les vidéo blogs de masse devraient commencer vraiment dans un an et nous divertir quelques mois.
e-cedric
Intéressant, ce billet, comme les commentaires qui vont avec (je fais un peu d’archéologie, je suis arrivé ici, rebondissant via google de requête en requête).
C’est un aspect complètement inexploité, d’ailleurs, le retour en arrière, dans la blogosphère.
nika
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Blah ?