Jean Guilloré est un ancien journaliste et auteur de livres pour enfants. Mais depuis une dizaine d’années, il se consacre sous le pseudonyme de John B. Root (à ne pas confondre avec cette autre biroute célèbre dans la blogosphère) à sa passion de toujours : le cul. C’est ainsi qu’il est devenu un réalisateur et producteur reconnu de films classés X. On lui doit des oeuvres incontournables (que je n’ai pas vu…) comme Concupiscence (1997), Les débutantes (1998), Le principe de plaisir (1999), etc.

Depuis novembre dernier, John B. Root s’est mis au blogue, ou plus exactement au sexblogue : Explicit, publié avec Blogger. Un blogue où il partage ses humeurs du moment selon une dichotomie claire : les jours pairs, où il est de bonne humeur, et les jours impairs, où il bande mou. John est un cyclothymique qui s’assume. Et quand John déprime, il devient insomniaque : “Whisky, branlette, branlette, whisky dans mon appartement désert à six heures du matin. On a la vie qu’on mérite.”

Alors, ça ressemble à quoi un blogue de réalisateur de vidéos cochonnes ? Vous imaginez tout de suite les confessions autosatisfaites d’un mec graisseux et concupiscent sur le mode : “j’ai fait un casting ce matin, les minettes étaient chaudes, elles sont bonnes, elles m’ont pompé le dard”. Et bien non, pas du tout. Tout le contraire en fait, ce blogue, son “gloubiboulga” pour reprendre ses termes, est diablement intéressant.

Un vrai blogue, avec des moments sincères et honnêtes, pas vraiment une opération de marketing… il ne manque que la fonction commentaires ! Second bémol, le blogue s’est un peu affadi depuis ses débuts.

Morceaux choisis :

Lui ai mal poliment répondu que l’art me faisait profondément chier. Le mot même est à proscrire. Je crois à l’artisanat, au travail, à l’humilité. J’aime les choses, pas le bruit qu’elles font. C’est une des raisons pour lesquelles je me plais dans mon métier. Dans le cul, on prend les choses et les gens de manière directe, frontale. [Choc frontal avec une pizza.]

Je pris le visage de mon amie dans mes mains pour lui avouer : “Mireille, vous avez là le plus beau trou de balle que j’ai jamais vu dans toute ma carrière. Et Dieu sait si j’en ai vu.” Eprouvée par l’effort, haletante et fière, elle m’offrit un sourire heureux. [Le fabuleux trou de balle de Mireille D.]

Voilà pourquoi, chez Breillat, chez Despentes, chez plein de nos jeunes et brillants cinéastes français, les scènes de sexe échappent à la censure : parce qu’elles n’ont de rapports qu’avec la douleur, le viol, l’opprobre, la prostitution, la folie, l’angoisse, le mal-être… Mais très rarement avec le plaisir. Ne nous y trompons pas, ces scènes de sexe-la, loin de gêner le censeur, sont un plaidoyer en faveur de l’ordre moral. [La fonction et l’organe.]

Blogguer, c’est un truc un peu désespéré, qu’on fait tout seul dans son coin, c’est pas un truc de frimeur, on n’en attend rien, on bloggue parce qu’on n’a pas le choix ; c’est des bouteilles à la mer qu’on lance en sachant que, même si quelqu’un les trouve, ça changera pas notre destin de naufragé ; c’est pas de la littérature, non plus, ça a à voir avec l’urgence, l’instant, l’improvisation, l’émotion du moment, c’est fragile, fugace, parfois drôle, souvent précieux. [Notre destin de naufragés.]

En savoir plus sur John B. Root : DeNuevo.org, Le Pornographe émerveillé.

À lire également : John B. Root, Lettre d’un pornographe consterné.