[Ceci est un billet de Nicolas Vanbremeersch.]

Merci à Laurent d’accepter ma demande de publier chez lui un billet qui ravira les amateurs du genre : la narration du consommateur perdu dans l’enfer du service client d’Orange.

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Je suis, outre un ex-blogueur, un “entrepreneur”, qui a besoin, en situation de mobilité (en déplacement chez des clients en province, quand je prolonge un week-end, quand je suis en réunion chez un client, quand je suis en séminaire professionnel toute la journée, quand je suis en semi-vacances) d’un accès à internet pratique et efficace. Bref, je suis le client type, cœur de cible des offres 3G des opérateurs mobiles. La PME, coco, y’a que ça de vrai pour faire de la masse.

La 3G, c’est le Graal. L’avenir. En tout cas le présent. Comme l’explique mon histoire.

L’histoire

Il y a un an, donc, je passe en agence France Telecom Orange, et je souscris une offre 3G Orange. Le commercial est un peu survendeur, je pense, puisqu’il me parle d’illimité, et de compatibilité de cette carte PCMCIA dont il me vante les mérites, avec Windows Vista. À l’époque, un peu dans l’urgence, je ne fais pas tellement attention à ces fariboles, que j’écoute, un peu crédule, sous le charme de la promesse vantée par tant de publicités du “haut débit mobile”.

Je me connecte, je peux regarder des vidéos de tecktonik sur YouTube dans le TER breton, envoyer les slides de la dernière présentation à mes collaborateurs depuis mon hôtel, et même livebloguer en direct lors de divers événements (sans compter la joie de pouvoir, bêtement, échanger des e-mails avec ses collaborateurs). Tout va bien : j’étais à l’époque sous Windows XP, et ça me semblait tourner pas trop mal, pour des usages occasionnels.

Vista et la 3G : débuts difficiles

Je migre ensuite sous Windows Vista. Erreur, je sais. Je m’en mords encore les doigts tous les jours. Mais enfin, que voulez-vous, quand on a besoin d’un nouveau PC, fin 2007, et qu’on n’est pas un hypertechnicien, il est difficile de faire autrement (sauf à passer sous Mac, mais j’utilise trop d’applications dédiées aux PC, bref, c’est un autre sujet).

Évidemment, ma carte PCMCIA ne fonctionne plus. Et Orange n’a pas, à l’époque, de matériel adéquat. Soit. Pendant quelques semaines, j’utiliserai un deuxième PC pour la mobilité en sus de mon nouveau. Follement pratique !

Orange sort ensuite, enfin, une clé USB 3G+, pour ces drôles de personnes utilisant des ordinateurs modernes (enfin, sous Vista) et souhaitant se connecter en mobilité (ça paraît bizarre, non, de vouloir avoir le dernier VAIO et, en même temps, une carte 3G ?). J’appelle le service client d’Orange, en mars, pour en bénéficier. Je passe par divers filtres, au 3970, pour tomber sur quelqu’un, de je ne sais quel service (commande à distance, je crois), qui me propose une clé USB en remplacement de ma carte PCMCIA. Je lui fais part du fait que je ne souhaite pas me réengager, puisque le matériel que j’avais commandé était inutilisable et m’avait été vendu comme compatible. Il m’envoie une clé pour 1 € et m’assure qu’évidemment, cela ne m’engage à rien. Je la reçois quelques jours après.

Ainsi qu’un courrier qui mentionne que je suis réengagé pour douze mois avec Orange.

La clé que je reçois alors est une clé ICON II. Magie : elle est livrée brute, telle quelle, sans explication, ni manuel d’utilisation digne de ce nom. Une boîte en plastique et vous devez vous y prendre vous-même (enfin, il y a une page qui dit : mettez la carte SIM dans l’emplacement et branchez sur le port USB). Et là, impossible de faire marcher le bouzin. Je passe une heure et demie avec différents interlocuteurs chez Orange à comprendre comment ça peut marcher, je parcours des dizaines de pages sur des forums, je cherche des drivers à télécharger, rien n’y fait. Lassé, en plein rush professionnel, je laisse tomber au bout de quelques jours : je me remettrai à lutter contre l’inanité du service client et technique d’Orange plus tard.

J’ai autre chose à faire, figurez-vous.

Reprise : l’échec

Cette reprise à lieu mi-juillet : j’ai à nouveau un besoin urgent et important de mobilité, partant pour un déplacement qui s’annonce assez long. Je tente alors de faire en sorte de me connecter, et passe à nouveau des heures avec mes amis du 3970. Service client, service technique, service après-vente, service machinbidule, ne quittez pas. Impossible de se connecter. Au bout de plus d’une heure, un soir, j’obtiens enfin quelqu’un qui semble compétent, et m’indique que mon problème est un problème de clé défaillante, mais que, comme je l’ai commandée par le 3970, ils ne la voient pas dans leur système. Il me faudrait contacter le service réclamations, qui seul peut résoudre mon problème, en éditant une facture. Allez comprendre : la clé qu’on m’avait envoyée avait disparu de chez Orange. Plus de référence.

Problème : il est vingt heures, et les deux heures passées n’ont pas suffi. J’ai redémarré mon ordinateur dix fois, retourné la carte SIM, la clé, installé, désinstallé, repris, recommencé dans tous les sens, mais le service réclamations est indisponible, il est vingt heures.

Je rappelle le lendemain. Nouveau marathon : expliquer à nouveau toute l’histoire, recommencer, attendre. Se faire raccrocher au nez. Appeler quatre fois pour entendre que tous les opérateurs sont occupés. Et enfin tomber, un peu par hasard, excédé, sur quelqu’un du “service après-vente” qui s’occupe du problème, et m’envoie sous 48 heures une nouvelle clé. Passage par le “service réclamations” pour demander un remboursement, excédé et usé par des heures avec trop de “services” qui n’en offrent pas au bout du fil. On consent à me rembourser deux mois (alors que ça fait plus de six que je n’ai pas été connecté) de remboursement. Je passe l’éponge : mon objectif est de me connecter, enfin, et de pouvoir échanger des emails et des fichiers avec mes clients.

Réception de la nouvelle carte. Même problème. Même impossibilité de me connecter. M’auraient-ils envoyé cette nouvelle clé 3G ICON 225 qui se fait buzzer sur tout plein de blogs ? Non, la même grosse clé D’AVANT. Retour au 3970. Ah, le 3970, je pourrais chanter la mélodie d’attente par coeur, à présent. Même marathon, mêmes appels sans succès, mêmes déconnexions, au bout de trente minutes, quand on me balance d’un “service” à un autre.

Et, hasard, enfin quelqu’un qui comprend et m’explique, et résout la situation en trois minutes. Plus de six heures cumulées de temps d’attente pour ça. Une carte SIM mal insérée (deux techniciennes m’avaient pourtant bien spécifié qu’il fallait l’introduire dans ce sens, pas das l’autre).

Bonheur de la connexion

Enfin, je peux me connecter. Ça ne durera pas. Tout juste trois jours, à peine.

Pendant ces trois jours, j’ai une activité “normale” sur le web : 2 à 3 heures de connexion par jour, pas de peer to peer, quelques vidéos regardées sur YouTube, quelques mails échangés, des blogs lus, des twitters, des discussions sur Google Talk, des documents échangés et téléchargés. Rien d’ahurissant. L’usage limité et qu’on peut attendre logiquement d’un “utilisateur nomade”.

Chose agaçante : la clé déconnecte de façon intempestive toutes les cinq minutes, manifestement quand il y a une période d’inactivité prolongée. Pour éviter de saturer les lignes, sans doute. On redécouvre l’internet du temps des modems 56K, avec quand même un meilleur débit (en 3G+, les vidéos sur YouTube passent bien).

Retour en enfer : ligne coupée

Trois jours après, alors que j’ai une échéance professionnelle importante (l’envoi de plusieurs dossiers de consultation publique, dont on sait combien ils sont lourds en termes de procédures), j’ai la surprise de ne pas pouvoir me connecter, à nouveau. Après plusieurs tentatives, je compose à nouveau mon numéro favori, le 3970.

Et là, après un appel infructueux (j’entends la nana du service client qui, elle, ne m’entend pas), après deux appels où “tous les correspondants sont occupés”, je tombe sur une personne qui me dit que ma ligne est suspendue pour “surconsommation ”. On ne m’aurait pas prévenu, hein, non. Surconsommation ? J’aurais consommé 1,22 Go en l’espace de trois jours.

Allez, je veux bien le croire, je n’aurais pas trop regardé à la consommation de vidéos, un peu abusé sur les pièces jointes et les formulaires administratifs. Après tout, aujourd’hui, une consommation de l’ordre de 130 Mo à l’heure ne me paraît pas totalement aberrante. Suffit de quelques vidéos et pièces jointes (je ne parle pas de faire du Seesmic ou du chat vidéo à la pelle, hein).

Problème : à cause de ces 229 Mo de trop, par rapport à une offre dont j’apprends qu’elle est limitée à 1 Go par mois (quelle absurdité !), on me demande : 229 € de plus, payables immédiatement, pour remettre ma ligne en l’état.

Oui. 1 Mo, c’est 1 €.

Orange facture, pour la 3G, le méga-octet presque le prix d’un litre de gasoil. En 2008, à l’heure des pubs vantant le “haut débit mobile”, consommer une chanson en streaming coûte 4 €, une vidéo de piètre qualité et quelques minutes sur YouTube coûte le prix de quelques places de cinéma.

Vous ne le croyez pas ? Moi non plus, je n’y pensais même pas.

Je pourrais tout essayer : service réclamations, service client, service après-vente, je n’obtiendrai pas la remise en route de mon “service”. Il faut que je paie illico 229 €, pour une remise en route de ma ligne, sous 48 heures (laissez-moi rire jaune : mes appels d’offres nécessitent une remise de dossiers avant cette date). Mon dernier appel au service réclamations se termine par un “je ne peux rien pour vous”, sans appel, avec fourniture de l’adresse du “service consommateur ” pour envoyer un courrier. Mon argument, selon lequel j’ai payé six mois pour un service absent, soit 360 €, contre un dépassement de 229 €, n’est évidemment pas pris en compte.

Conclusion(s)

1. La 3G est une illusion totale

La 3G, selon Orange, est une illusion pour imbéciles (ou pour milliardaires). Selon mes calculs, pour une consommation nomade usuelle, c’est une facture de plusieurs milliers d’euros par mois. Oui, plusieurs milliers d’euros par mois. Seules quelques très grandes entreprises, qui ont des capacités d’achat importantes (et besoin de ce genre d’artifices pour attirer leurs salariés) peuvent s’offrir ce luxe ultime.

Oubliez les promesses des publicités. Avec 1 Go par mois, vous pouvez regarder environ une demi-vidéo YouTube par jour. C’est la réalité de cette offre : vous proposer le Minitel, sous l’habillage alléchant du “haut débit mobile”.

La 3G, c’est de la merde. Tout simplement. Une arnaque, quelque chose qui est limité à un dépannage coûteux, occasionnel. Pas le service professionnel qu’on pourrait être en droit d’attendre, en 2008, d’un opérateur mobile leader. On en est encore, en 2008, à l’époque Radiocom 2000, celle du gadget hyper coûteux, demandant un SMIC pour parvenir à un service acceptable. Un SMIC. On est loin d’une offre pouvant apporter au grand public, ou au marché (pourtant juteux) des PME une offre digne de leur intérêt.

Alors toi, patron de PME, acheteur pour une petite boîte, qui hésite à équiper ta boîte, qui hésite à sauter le pas du “haut débit mobile” : sache que tu te places dans la position d’un pigeon en puissance. Tu as encore des plumes ? Orange va tenter de te les enlever une à une, par la seule force de son système complètement déconnecté de ta réalité.

2. Le “service” client Orange ne connaît pas la notion de service

Il connaît le nom de service : service client, service technique, service après-vente, service réclamation, service vente à distance, service consommateur… Ce sont des noms d’organigramme, des noms internes, tous incompétents et transférant (avec interruptions) votre appel à un autre “service”. Tomber sur quelqu’un de compétent relève du hasard.

Seul le “service réclamation” semble doué d’une forme d’autonomie, relative. Si vous voulez obtenir quoi que ce soit de normal, d’humain, demandez tout de suite le “service réclamation”. Si vous espérez un support technique, oubliez : seul le hasard peut vous faire tomber sur quelqu’un que compétent (j’appelle hasard le fait de tomber sur une solution acceptable après plus de 30 appels). Vous avez plus de chances en échangeant sur les forums spécialisés.

J’ai passé au total sans doute plus de quinze heures en ligne avec le 3970. Sans jamais avoir eu le sentiment d’être pris en charge de manière sérieuse et légitime.

3. Les opérateurs mobiles aimeraient devenir le centre de votre vie

À vivre avec ces appels incessants pour obtenir de simplement pouvoir utiliser un service pour lequel on paie, on se met à penser que ces gens, là, dans les bureaux des opérateurs de téléphonie mobile ont un fantasme : devenir le centre de votre vie. L’interlocuteur quotidien de leur cible. Oh, pas pour leur fournir des services, mais pour les faire dialoguer, plus ou moins poliment, avec leurs “services”.

Problème, le client n’a pas que ça à faire. Il est bête, le client rêvé de ces opérateurs, le petit patron de PME, mais il a des occupations plus utiles que de dépenser de l’énergie à tenter d’obtenir de “services” multiples que son matériel fonctionne. Il a simplement besoin de se concentrer sur son activité, et de disposer des moyens adéquats pour ce faire, sans y passer trop de temps (ce pour quoi il est d’ailleurs souvent prêt à payer). Dans mon cas, c’est sans doute plus de 4 à 5 jours-hommes (la base de comptage de toute activité de conseil) que j’ai passés avec ces gens, iniques et sans solutions.

Si l’on ne passe pas ce temps, si on se relâche, si on laisse tomber, on est perdu : on paie le mois prochain, on se voit réengagé. Seule solution : entrer en guerre, lutter, prendre mot à mot son adversaire, enregistrer soi-même toutes les conversations avec ces pauvres personnes perdues dans un système, dans leurs centres d’appels on ne sait où.

Je me suis fait raccrocher au nez, alors que j’étais poli et courtois, mais ferme dans mes demandes, six fois. Je me suis fait perdre dans les méandres des services une dizaine de fois.

La seule arme qui vous reste, dans ce genre de cas, c’est l’espoir de disposer d’un contre-pouvoir, ou d’un lieu d’expression qui serve de défouloir. Ça ne rembourse pas le temps et l’argent perdu. Ça donne juste le sentiment que, dans l’immensité de l’Internet, cela servira à quelqu’un.

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Je vous laisse. Mon courrier, demandant la résiliation de mon contrat, partira quand j’en aurai le temps (comme si je n’avais que ça que de remplir un recommandé avec formules). Ma boîte y perdra encore les quelques centaines d’euros qu’Orange lui aura bouffés. Elle y survivra.

NB : Toutes les opérations de “buzz” pour la 3G ne vaudront pas un bon placement Google sur les bons termes en signe d’alerte au consommateur crédule : le meilleur “buzz” est encore de fournir un service adéquat au blogueur qui sommeille en chacun de nous.

Nicolas Vanbremeersch, râleur blogueur invité.