“Miscellanées”

lectures

Ludovic Roubaudi, “Le 18”

Ça me fait mal au clavier, mais je me dois de dire merci à ce petit con de Mathieu. Mercredi soir, lors de la réunion du club élitiste dont j’assume la présidence à titre honoraire, il m’a prêté un bouquin de poche qu’il venait de lire. J’ignore les raisons qui lui ont fait croire que ce roman aurait pu m’intéresser une seconde, tout comme je m’interroge sur ce que j’ai considéré comme un élan d’affection envers ma personne — on ne prête pas de romans à ses ennemis, et encore moins aux personnes qui vous indifférent.

L’autre surprise, c’est que je m’attendais, venant de Mathieu, à pas moins qu’un Schopenhauer, Kierkegaard, ou encore Spinoza… alors que l’ouvrage que je tenais dans les mains ressemblait plus à un roman de gare et qu’il exposait le flanc le plus dérisoire de son prêteur, son côté midinette se pâmant à la vue de machins rouges qui font pin-pon, jouet qu’il est du fantasme le plus éculé des pédés.

Ludovic Roubaudi, “Le 18”.

Or doncques, je me retrouvais avec “Le 18” d’un certain Ludovic Roubaudi, disponible chez Folio.

Je n’aime pas que l’on m’offre ou me prête des livres, je me sens obligé de les lire, comme par politesse. Le pire étant quand c’est l’auteur lui-même qui vous a soumis sa prose et que vous êtes pris dans l’obligation morale de lui faire un retour, et si possible, pas dans 6 mois. Vous imaginez déjà, avant même d’avoir lu une ligne, toutes les savantes formules qu’il vous faudra trouver pour épargner la sensibilité de l’écrivain. Pénible exercice de style. Ou vous craignez encore, qu’un soir de mauvaise lune, fatalitas, vous ne lui lâchiez un sincère “c’est vraiment à chier” dont vous vous sentirez ensuite coupable jusqu’à la fin de vos jours et qui mettra sans doute fin à une belle amitié.

C’est le soir même, profitant du moment d’oisiveté offert par le long trajet de retour en métropolitain vers mes pénates de l’Ouest parisien, que je commençais à lire le bouquin de Mathieu. Je fus presque immédiatement absorbé par cette littérature facile à lire et c’est presque à regret que je dus interrompre ma lecture, étant déjà arrivé à bon port. “Le 18”, c’est un petit roman qui se lit rapidement, autant en raison de sa faible pagination que de l’engouement qu’il suscite.

Le secret de Ludovic Roubaudi, c’est avant tout un rythme. Chacun des 24 chapitres est constitué d’une saynète, une “mini-nouvelle” en soi, se terminant invariablement par un point d’orgue, par une surprise, effet bien maîtrisé qui tient le lecteur en haleine. Ajoutons-y pas mal d’humour, un style vif, et une bonne dose d’humanité, le compte est bon.

“Le 18”, c’est bien sûr une histoire de pompiers, mais qui appartient au genre du conte moral écrit façon polar, sur fond de guerre des sexes. Il s’agit des aventures d’un jeune pompier, nommé Grand — on suppose que cette appelation impersonnelle est le reflet d’un trait physique –, dont la vie oscille entre le monotone sécurisant de la caserne et le tragi-comique des interventions de secours. Le pompier vit dans un microcosme reclus, fait d’ordre, de discipline et de propreté, un milieu protégé et réglementé où l’imprévu n’a pas sa place. Sa caserne est comme un cocon hors du monde, d’où il est éjecté périodiquement, au grè des sonneries, pour aller affronter dans la grande ville les plus sordides des réalités, les plus violentes et les plus tristes. De retour de mission, il retrouve ses repères, ses codes, son univers masculin, codifié, lénifiant et militaire, tous indispensables à son équilibre.

Mais, tout commence à aller de travers quand le confort tranquille du casernement est mis en péril par un événement totalement imprévu et inouï, un événement à secouer les murs de la vénérable caserne du Vieux-Colombier : la féminisation des armées fait une entrée fracassante chez les sapeurs, ce n’est rien moins que la nomination d’une capitaine à la tête de la brigade. La fin du monde, enfin, du leur, fait de conventions et de machisme ordinaire. Plus rien ne sera comme avant. Le sapeur Malavoie, grande gueule symbole de l’éternel masculin, entre en révolte, rien ne doit changer, la tension monte… et tout part en couilles, si je peux me permettre l’expression.

Il s’en suivra une cascade de mésaventures pour s’achever par la rédemption du plus irrécupérable des machos dans un dénouement moraliste et dévêtu (si, c’est possible)…

L’aspect plaisant de ce livre tient aussi du fait que l’on sent l’empreinte du vécu de sapeur dans la narration, de l’authentique dans les anecdotes et les détails. On se dit que “Le 18” nous propose une immersion sans fards dans le réel de la vie de pompier de Paris puisque son auteur en fut un. C’est cru, c’est direct… et, c’est très drôle. À 4 euros 50, ne vous privez pas… Moi, j’ai kiffé.

Notons par ailleurs que Ludovic Roubaudi tient un blogue depuis 2004. “C’est étrange le Blog. Comme une bouteille avec un message dans une mer de bouteilles pleines de messages…” [#]. Visiblement un gars bien, aux vues politiques bien assénées.

Ludovic Roubaudi : Le 18. Le dilettante, Gallimard, 2004.
Collection Folio, n° 4348. ISBN : 2-0703-0655-0.

1. Le 26 août 2006,
Martine

Hummm… Tu n’aimes pas les cadeaux et tu n’aimes pas qu’on t’offre ou te prête un livre. On fait quoi pour te faire plaisir alors (quand on est une fille, je veux dire)?

2. Le 26 août 2006,
Laurent

On se fait discrète ? ;-)

3. Le 26 août 2006,
Laurent

Nan, je plaisante (je vais passer pour un gros misogyne), je préfère la présence des gens aux cadeaux.

4. Le 26 août 2006,
Martine

Gros misogyne! (Fallait que je le dise quand même.)

5. Le 26 août 2006,
Dominique

Le maintien en détention de personnes qui ne sont plus physiquement et psychiquement aptes à pouvoir supporter les conditions d’internement n’est pas un problème politique, mais un problème humain, de simple humanité, même pour les plus grands criminels.

6. Le 26 août 2006,
padawan

“Le pire étant quand c’est l’auteur lui-même qui vous a soumis sa prose…”

Si j’avais su ! ;-)

7. Le 26 août 2006,
Laurent

Meuh !!! Qu’est-ce que j’ai encore écrit… Je ne pensais pas à toi, cher François.

8. Le 26 août 2006,
padawan

(mort de rire) :-P

En passant et pour rester dans le sujet, L. Roubaldi conseille chaudement deux livres de Bernard Du Boucheron.

9. Le 27 août 2006,
Jchris

Excellente découverte (les problèmes de poussette, c’est du vécu…!)…

10. Le 28 août 2006,
ron

Laurent, connaissais-tu 2 blogs gays déjà à l’époque, www.smab.st (pas worksafe, attention) et haxo.free.fr (me le suis fait, lui, tiens) que je lisais avec mon modem 56k. Si le premier continue vaillament, le second s’essouffle depuis quelques mois.

11. Le 2 septembre 2006,
Traou

Tiens j’avais manqué ce billet, que je redécouvre chez Tarquine (et je commente sans doute pour la première fois ici). Il se trouve que je connais fort bien “l’oeuvre” de Ludovic Roubaudi (3 romans à ce jour) et que je ne saurais trop recommander le meilleur d’entre eux, le premier : “Les Baltringues” (dont j’avais rêvé d’acquérir les droits pour en faire un film, d’ailleurs). C’est un petit bijou, l’histoire d’un groupe d’hommes, comme “le 18”, des monteurs de chapiteaux de cirque, dont la vie va être bouleversée par l’arrivée d’un… chien. J’ai lu son dernier “Les chiens écrasés”, cet été, où l’on retrouve son héros “Grand”, mais mon coeur reste acquis à ses “Baltringues”…

12. Le 6 septembre 2006,
bregman

“moi, j’ai kiffé !” -> embruns chercherait-il à se méanger aux djeuns ? 8-)

13. Le 9 septembre 2008,
Guillaume BIRO

Cher Ludovic Roubaudi, Internaute de fraiche date et inexpérimenté, mais désireux d’essayer de réaliser un joli site sur mon fils adoptif, Pascal AURIAT, je souhaite réunir un maximum de matériels ( photos, textes, disques, témoignages, articles, etc ) Je vous écris parce que j’ai retrouvé dans les archives de la Maman de Pascal un article découpé dans un journal(dont le nom n’est pas mentionné), signé Ludovic ROUBAUDI photo:Jean Pierre SANI article en couleur, encadré de rouge, gros titre en vert:”PASCAL AURIAT: UN PARTERRE DE GERBES BLANCHES EN SIGNE D’ADIEU” sous lequel il y a 2 photos en couleur, une vue d’ensemble de l’inhumation prise au cimetière Montparnasse, et un petit portrait couleur de Pascal . La lecture de votre article digne d’un véritable écrivain, m’ a tiré les larmes des yeux tant il est sincère , sensible et par là même, touchant. C’est incontestablement le plus beau papier qui ait été écrit à la suite des obsèques de mon fils et je tiens aujourd’hui à vous dire l’immense merci qu’à l’époque des circonstances tragiques et successives n’ont pas permis que je vous exprime. Je ne sais pas si ce message vous parviendra ou s’il se noiera dans l’immensité des écrits de la toile sans atteindre son destinataire, mai dans le cas où il vous parviendrait, je vous donne mon téléphone : 01 47 45 67 80 et mon email: guillaumebiro@hotmail.fr, car je serai heureux de vous rencontrer et vous inviter à diner à un moment à votre convenance. Sur cet espoir, je reste bien à vous. Guillaume Biro

Blah ?