Les Québécois, les plus canadiens des Canadiens
Mon lapin de retour de Montréal m’a rapporté, outre la collection des derniers numéros de Fugues, l’hebdomadaire L’actualité du 1er décembre dernier. Je me suis précipité sur l’article consacré à Pierre Foglia, très décevant, pour ensuite lire l’entretien avec Michael Adams, auteur de Fire and Ice : The United States, Canada and the Myth of Converging Values.
Contrairement aux idées reçues, les Canadiens ne deviennent pas de plus en plus États-uniens, au contraire, ils restent eux-mêmes en se modernisant progressivement et ce sont les États-uniens qui s’écartent à grand pas des valeurs encore défendues au Nord. Pour étayer cette idée forte, Michael Adams, directeur de l’institut de sondages Environics Research, se base sur un sondage ayant concerné 14 413 Canadiens et États-uniens, les interrogeant sur leurs valeurs et leur vision du monde, une étude déjà effectuée 10 ans auparavant, permettant ainsi d’observer des évolutions très nettes. Il en ressort que les Canadiens forment une société de plus en plus “postmoderne” tandis que les États-uniens régressent dans une sorte de darwinisme social.
Non seulement, il n’y a pas convergence, mais au contraire, il y a divergence de plus en plus rapide, creusant un vrai fossé culturel, divergence principalement caractérisée par l’évolution des États-uniens vers une société autoritaire et plus dure. “La société libertaire américaine a fini par produire des gens socialement conservateurs, matérialistes, intolérants, à genoux devant leurs institutions et l’autorité. Aux États-Unis, l’identification collective, l’appartenance, est presque obligatoire ; au Canada, nous avons le narcissisme des petites différences”. “Contrairement aux Européens et aux Canadiens, qui se détachent du patriarcat, des religions organisées, de l’autorité traditionnelle, de la politique partisane, et s’orientent vers l’affirmation de soi et le respect de l’individu, les Américains dérivent vers la colère, l’ordre, l’appui inconditionnel aux autorités, l’exclusion sociale”.
“Sur les cartes sociographiques que nous avons tracées, on les voit glisser dans le territoire de la rage et du nihilisme, l’acceptation de la violence, la xénophobie, le sexisme affirmé, le fatalisme économique, la primauté de la publicité et de la consommation ostentatoire. Ils s’éloignent de notions comme le devoir, le souci écologique, la conscience sociale, la simplicité.”
Michael Adams donne un exemple éclairant ces valeurs : 71 % des habitants du Sud profond, 54 % de ceux du Texarkana (Texas, Arkansas) et, pour les plus progressistes des États-uniens, 29 % des habitants de la Nouvelle-Angleterre, pensent que dans une famille, c’est l’homme qui doit être le maître de la maisonnée, et c’est seulement 21 % des Canadiens les plus conservateurs (Alberta, Manitoba-Saskatchewan) et 15 % des Québécois qui croient encore à la valeur du patriarcat autoritaire. Les États-Unis ont toujours défendu des valeurs masculines et viriles, le guerrier solitaire, le père maître absolu de son domaine dans les Prairies, alors que le Canada, plus européen, célèbre volontiers des valeurs plus traditionnellement féminines, l’harmonie, le compromis et l’égalité. Avec cet éclairage, on comprend mieux le manque d’enthousiasme des Canadiens pour la guerre en Irak.
De fait, sur l’ensemble du questionnaire, on observe que la position canadienne médiane correspond à celle de la minorité progressiste états-unienne. Une minorité de 55 millions de personne quand même, mais qui ne représente que 20 % de la population, et dont le poids politique est faible.
Aux États-Unis, la compétition est de plus en plus rude et la société se fait de plus en plus inégalitaire. En 20 ans, le revenu de la classe moyenne a baissé et les 100 millions d’États-uniens les moins bien nantis ont moins d’argent que les 2,5 millions les plus riches. Il ne reste plus qu’à survivre et même à arriver par tous les moyens. La culture des jeunes est à l’image de cette société : tout, tout de suite, l’argent, le divertissement, le goût du risque, la violence et au diable les autres. “L’individualisme se vit chez eux dans l’aliénation et le nihilisme : après moi le déluge!” Si les jeunes canadiens sont un peu dans le même sillage, ils se distinguent toutefois en étant plus rebelles, plus idéalistes et attachés aux valeurs positives de leur société. Et, chez les personnes âgées étasuniennes, les deux premières valeurs sont la sécurité et le statut social, sa place dans la hiérarchie.
Mais le Canada n’est, pas plus que les États-Unis, monolithique, et d’un océan à l’autre, on rencontre des situations bien diverses. Il apparaît dans l’étude que ce sont les Québécois qui s’écartent le plus des mentalités étasuniennes, et qu’ainsi, ils forment une sorte d’expression de la “canadianité” la plus forte vers laquelle les autres Canadiens tendent à leur tour. C’est aussi au Québec qu’il y a le plus faible pourcentage de gens qui croient encore au diable ou à l’enfer. Le Québec est entré de plein pied dans la post-modernité. C’est là que l’on rencontrera le plus de familles atypiques, la meilleure acceptation pour les gais et lesbiennes, où l’on est le plus sceptique face à la pub, là où on est le moins xénophobe (après les provinces de l’Atlantique), là où on défendra le plus la qualité de la vie et l’hédonisme.
Les Québécois sont les plus canadiens des Canadiens.
Guy
Il en va toujours ainsi dans les sondages. Le Québec est l’empêcheur de tourner dans les ronds canadiens. Cela dit, je n’irais pas vivre ailleurs. Peut-être si, quelques mois par années sur l’Île-du-Prince-Édouard, village insulaire promu au rang de province. J’ai un oncle (maternel) qui réside aux USA. Il n’est plus « parlable », pro-Bush, de droite comme c’est pas possible. Ce peuple est dérangé mentalement (je parle dans son ensemble… d’autant qu’ils n’ont pas de congés pour les Fêtes ! C’est ça qui les rend fous, ils ne peuvent digérer leur réveillon de Noël !
karl
Baisers d’un hédoniste en amour avec le Québec.
a
Op, un petit lien pour vos voyages de fin d’année http://www.pierrecarion.com/mif/ , y a pas que le Canada qui est un bonne destination.
Blah ?