Pour Maciej
Cher Maciej, je ne t’ai pas oublié mais il se trouve que j’ai eu une semaine un peu chargée et, de plus, la question que tu m’as posée est bien loin d’être simple. Alors je te promets de répondre, mais pas tout de suite, d’autant plus que je pars en voyage demain.
Et puis, réflexion faite, pourquoi ne pas faire travailler les neurones de nos chers blogueurs, d’autant plus qu’il doit y avoir parmi mes lecteurs des blogueurs très compétents en la matière.
Voici donc le questionnement, hautement d’actualité, de Maciej :
J’aimerais bien expliquer à mes lecteurs américains d’où vient cette habitude des français de faire la grève. Quand j’habitais en France, il me semblait que la moindre reforme qui touchait aux fonctionnaires risquait une grève générale. Cela m’intéressait beaucoup comme phénomène social et politique. Comme vous imaginez, on n’a rien de pareil aux États-Unis. Ici, on exaggère plutôt vers l’autre côté; pas de protection sociale, peu d’organismes syndicaux.
Je suggère quelques pistes de réflexion, en vrac :
- Les Français sont latins. Il préfèrent gueuler avant de s’entendre.
- Notre société est peu portée sur le dialogue social.
- Il existe deux types de grèves : la grève contre la perte de l’emploi, souvent propre à une entreprise particulière, et la grève corporatiste à la défense d’avantages sociaux, propre à un secteur, et plus rarement catégorielle.
- Il y a 2,3 millions de fonctionnaires en France pour une population de 60 millions d’habitants.
- Nous avons une histoire marquée de grands mouvements sociaux éruptifs. Je citerai pour exemple : la Révolution, la Commune de Paris en 1871 et mai 1968.
- Il existe en France une règle dite de l’avantage acquis. Tout avantage social acquis ne peut être remis en cause.
- C’est une vison caricaturale : la France n’a pas le monopole européen des grèves. On peut se souvenir de mouvements forts et violents en Allemagne ou en Grande Bretagne. Je pense en particulier au syndicat IG-Metal en Allemagne et à la récente grève dure des pompiers en Grande Bretagne.
- Les grévistes trouvent une certaine “jouissance” à faire grève, une certaine sensation d’exister (enfin) par rapport à un encadrement figé, sourd et aveugle, et en tous cas, peu communiquant.
- Les grèves sont l’objet d’un rapport de forces entres les syndicats et le gouvernement. Les syndicats, en perte de vitesse, y voient un pouvoir de nuisance et d’affirmation de leur puissance.
- Il y a une culture d’affrontement chez les syndicalistes. Lutte Ouvrière étant une caricature de ce mouvement avec Arlette Laguiller qui rêve encore du “grand soir” où l’on pendra tous les bourgeois capitalistes à la lanterne.
- Les fonctionnaires, pour leur majorité, ne vivent pas en environnement concurrentiel et changeant, et sont inaptes à l’idée même de changement et de progrès.
- Le Français est paranoïaque : si il y a réforme, c’est forcément pour “l’entuber”.
- Nous ne vivons que dans des rapports de force et les notions de classes, dépassées ailleurs, sont encore très prégnantes dans la société française.
- Les Français sont nombrilistes. Il ne se rendent pas compte de tous leurs avantages sociaux (code du travail, système de santé, congés payés, etc.) et bien des étrangers nous envient alors que nous ne cessons de nous plaindre. C’est la loi du toujours plus. À quand la semaine de 20 heures payée 40 + les RTT + les deux mois de vacances ? Des Américains seraient bien heureux d’avoir le dixième de ce que nous avons déjà (forcément, ils n’ont rien).
- En France, nous avons le droit de grève et cela n’est pas donné à tout le monde.
Sachez que je ne souscris pas forcément à chacune des idées émises ci-dessus, ce ne sont simplement que des pistes de réflexion. Inutile de m’insulter ou de me traiter de madeliniste (au secours!).
Alors, à votre avis, pourquoi toujours ces grèves en France ? Est-ce un trait proprement Français ? Et est-ce négatif ou positif ?
matt
”- Il y a une culture daffrontement chez les syndicalistes. Force Ouvrière étant une caricature de ce mouvement avec Arlette Laguiller qui rêve encore du « grand soir » où lon pendra tous les bourgeois capitalistes à la lanterne.”
Ca fera plaisir à Blondel que tu confondes son mouvement avec celui d’Arlette :)
Laurent
Arggghhh !!!! Je corrige tout de suite ! Mille excuses à Blondel !
Matoo
La grève est un droit inaliénable je pense. C’est bien, mais il ne faut pas en abuser… toujours la même dialectique quoi…
Marie-Louise
Française habitant en Hollande, j’avoue que je préfère leur façon de régler les conflits : on négocie et on arrive à un compromis (c.-à-d. que toutes les parties considèrent qu’un compromis est un succès !). A ce sujet, voir http://www.courrierinternational.com/mag658/fr.htm
Phil
Cest une vison caricaturale : la France na pas le monopole européen des grèves… Les dernières grandes grèves remontent à 1995… Huit ans déjà…Les dernières études de la commission européenne sur le sujet démontrent (en volume horaire) que les français ne font pas grève à tout bout de champ, loin de là !!! la France est des rares pays industriels où le taux de syndicalisation est le plus bas et qui n’a pas la culture du dialogue social…
Marie-Louise
Elle n’a pas le monopole, mais elle donne l’impression d’être la championne. Et si les dernières grandes grèves ont eu lieu en 95, je me souviens d’être restée en rade plus d’une fois pour cause de “petites” grèves. Enfin, depuis le temps que je n’habite plus en France, je suis peut-être déconnectée de la réalité. L’étude dont tu parles, on peut la trouver en ligne ?
Phil
A ce propos, un dossier sur “les grèves, manifestations et travail en crise”, vient de paraître dans “LE MONDE” du 22 et 23/06/2003…
Pol
Heu…Lutte Ouvrière est un PARTI POLITIQUE et Force Ouvrière est un SYNDICAT !!!
Jac
La problématique est biaisée d’entrée : “…HABITUDE des français de faire la grève”, “… pourquoi TOUJOURS ces grèves en France ?”… Comme si on n’avait que ça à faire ? Comme si faire grève était notre passe-temps favori ? Et qu’est-ce que ça peut vous foutre à vous de l’autre côté de l’Atlantique, en quoi ça vous dérange ? Les premiers concernés et à en baver, ce sont les français et rien d’autres… Ce n’est pas un débat, c’est de la provoc !!!
Maciej Ceglowski
Cher Jac,
Je ne fais pas de provocation. D’accord, j’aurais pu poser la question d’une manière plus equilibrée, mais je l’ai posé en bonne foi. C’est une question que beaucoup d’américains se posent en regardant de grandes grèves en Europe. Si elle ne vous plaît pas, je poserai une autre question: pourquoi les américains n’ont pas d’habitude de faire la grève, même quand leur gouvernement baisse les impôts pour les plus riches, en même temps que les caisses des collectives locales restent vides?
Mais je crois que les français savent beaucoup plus sur la France, et voila pourquoi j’ai posé ma question. Ne m’en voulez pas!
François Granger
La France a une tradition de justice sociale et d’égalité qui remonte à la révolution. Et la devise de la France le dit, “Liberté, Egalité, Fraternité”. La tradition des mouvements sociaux remonte à la fin du 19éme siècle. Les grandes grèves et la solidarité ouvirère dans les mines.
Les Etats Unis ont une tradition similaire de syndicalisme et de grèves, mais les gens l’ont oublié.
manur
“Le Français est paranoïaque : si il y a réforme, cest forcément pour « lentuber ».”
Le hic, ici, c’est que le gouvernement Raffarin/Sarkozy commence à avoir un sacré passif en terme d’ “entubage” (with all due respect pour les adeptes de la pratique), et que la “paranoïa” ressemble de + en + à de la “lucidité”.
(Laurent, j’ai bien compris l’esprit de ta liste, ce n’est pas un commentaire à intention polémique.)
Blah ? Touitter !