Journal de bord

dimanche 20 juillet 2003

La malle poste

Certains pros américains de l’agit-prop francophobe n’ont plus qu’un mot à la bouche : courriel. This is about the French Fries, isn’t It? Persuadés que les Français ont le même fonctionnement intellectuel, fait de niaiserie et de paranoïa, qu’eux-mêmes, ils sont persuadés que l’arrivée du terme courriel dans le corpus terminologique officiel de l’administration est forcément une mesure de rétorsion, de vengeance.

Ce qu’ils ne savent pas, c’est le peu de cas qui est généralement fait des avis de la Commission générale de terminologie et de néologie publiés au journal officiel. La recommandation n° 638 du 20 juin 2003 nous apprends donc : “courriel, n. m., ce terme annule et remplace ’courrier électronique’ publié au Journal officiel du 2 décembre 1997”. Quelle révolution !

Et cette recommandation n° 638, pour ainsi dire personne n’en a parlé en France et il n’y a qu’Outre-Atlantique qu’elle a connu un succès démesuré. Enfin, si, vous trouverez quelques libertariens français dont les neurones baignent dans le Coke pour y voir encore une manifestation d’un État omnipotent et soviétisé qui ferait ainsi intrusion dans nos libertés individuelles et acte de purification terminologique…

En France, l’usage prévaut comme dans nombreux autres pays, et courriel fonctionnera peut-être. Et de fait, il est assez peu fréquent qu’une recommandation entre dans l’usage, malgré de brillantes exceptions comme baladeur ou disquette. Le cimetière des mots ridicules proposés par les néologistes est très peuplé.

Mais courriel n’a rien de ridicule, il est plutôt euphonique et il a déjà un usage avéré au Québec. Alors je lui prédis un bel avenir en France. Vous remarquerez également que c’est le terme que j’ai adopté dans le formulaire de commentaires de mon blogue depuis sa création, bien avant que la Commission de terminologie ne délivre le moindre édit, et que jusqu’à date, il n’a choqué personne et, mieux encore, tout le monde a compris qu’il s’agit là de l’adresse de courrier électronique.

Mais pour revenir à nos chers amis les étasuniens qui se sont lancés avec brio dans la purification terminologique avec leurs Freedom Fries, leur langage, déjà d’ordinaire si pauvre et si souvent ordurier, risque de se réduire encore s’ils décident de bouter toute trace de français de leur langue et de revenir aux onomatopées barbares des Angles, des Saxons et des Vikings… En effet, selon AskOxford, 28,3 % des 80,000 mots du Shorter Oxford Dictionary sont d’origine française, et 28 % proviennent du latin.

Certains se sont même aperçu que mail venait tout droit du français, de la vieille malle poste qui transportait de courrier…

So they invade jolly old England, conquer the place, foist their lingo on the locals, and then when they get one of their own words back (and with a jaunty Greek combo), say “Ew! Tainted! It’s got those English cooties!” Greg Goelzhauser has a suggestion that will teach them: Expunge all French-origin words from English. It’s only 28% of the language, he points out, shouldn’t be too hard.
[Eugene Volokh].

M. Volokh devrait d’ailleurs être un peu honteux de porter un si joli prénom si français (de Eugenius, du grec “bien né”, évêque et martyr dans le diocèse de Paris au troisième siècle, honoré le 15 novembre)…

On apprendra de plus qu’il n’y a pas moins de 3221 homographes, même orthographe et sens proche, entre le français et l’anglais. Autant de mots qui symbolisent une histoire qui fut tant de fois commune.

Et savez-vous par exemple que le mushroom anglais vient du mousseron français ?

Si les histoires de nos deux langues et leurs influences mutuelles vous passionnent, je vous recommande un bouquin trouvé par mon lapin qui se lit très facilement : Honni soit qui mal y pense, L’incroyable histoire de l’amour entre le français et l’anglais, d’Henriette Walter.

Post-scriptum. Zut alors, après avoir écrit ce billet, je viens de m’apercevoir que la rondelle m’avait grillé la politesse sur le même sujet… Comme quoi, les grands esprits se rencontrent ;-)

PS bis. Toujours égale à elle-même (on se souvient de ses réactions sur le lexicoblogue), la Mouche écrit : “Moi j’aime pas courriel, et je ne compte pas changer de mot”. Libre à toi !

1. Le 20 juillet 2003,
Martine

Ça fait drôle de voir un débat autour de “courriel” (à la fois de la part des américains et des français, chacun de leur côté) quand chez nous ça fait partie du langage courant depuis des années déjà. Allez, cédez! Le mot “mail” c’est affreux!

2. Le 20 juillet 2003,
Le lapin

Ce sont surtout certains Américains qui ont relevé la chose suite à la publication d’une dépêche de l’AFP. Ils y ont trouvé une autre bonne raison de faire du “French bashing”. En France, ça a passé plutôt inaperçu. Seul l’usage validera l’emploi de ce mot à la place d’email ou mel en France. Je sais qu’en Suisse, le mot email est prépondérant mais rien sur l’usage des Belges …

3. Le 21 juillet 2003,
Anne Onyme

“quelques libertariens français dont les neurones baignent dans le Coke pour y voir encore une manifestation d’un État omnipotent et soviétisé qui ferait ainsi intrusion dans nos libertés individuelles et acte de purification terminologique”

Ils sont disponibles en livre de poche?

4. Le 21 juillet 2003,
K

Ai dégainé le comment trop vite.

5. Le 21 juillet 2003,
Pierre CARION

Il semble que pollupostage ait egalement ses chances : http://popfile.sourceforge.net/manual/fr/manual.html

6. Le 21 juillet 2003,
Steph-le-Nombril

autre livre à lire sur les sujet des intéractions anglais-français: “Mother Tongue”, de Bill Bryson. Jouissif.

7. Le 21 juillet 2003,
Delphine

Juste en passant, j’aime pas “mel” non plus (c’est vraiment trop ridicule). Pour moi “courriel” est un mot plus etranger qu’”email”, parce que ca n’est pas le mot que j’utilise. Tant que les outils de messageries elctroniques n’utilisetont pas “courriel”, j’ai un peu de mal a voir comment/pourquoi son usage se repandrait.

8. Le 22 juillet 2003,
mdp neige

Excellent ton texte. J’utilise courriel depuis kek années déjà - quant à la France - j’suis toujours étonnée de voir tant et tant de mots anglais dans les pages web, les blogues surtout, faut pas trop compter sur eux pour pour la sauvegarde et l’évolution du français. Surtout que ces mots et phrases anglaises, ils peine à les prononcer correctement. … c mon avis.

9. Le 22 juillet 2003,
mdp neige

Ha ha …. je ne m’étais pas aperçu que navire.net était de France … alors là ma remarque à propos de la prononciation… (mais tout de même vrai, j’en suis certaine pour plusieurs blogueurs qui utilisent l’anglais à profusion) tu peux l’excuser ? - mais quant au reste c bien vrai - trop d’anglais dans vos texte en général (sauf ici) - on peut connaitre l’explication ?

10. Le 22 juillet 2003,
Laurent

Chère Neige, tu trouveras quelques éléments de réponse sur les billets suivant : - Au stop, il y a le parking pour le shopping. - Petite réponse à Martine. - Suites de mon shopping. Bien sûr, je déplore l’envahissement de notre langue d’anglicismes inutiles, ce que l’on contaste dans pas mal de blogues.

11. Le 22 juillet 2003,
mdp-neige

Ah merci - oui jsuis allé lire. !!! le sujet a déjà été couvert, et les explications me satisfont - N’empêche que ceux parmi les blogueurs, blogueuses de France, devraient savoir que c’est très désagréable de lire tout cet anglais dans leurs pages, ça écorche les yeux et l’esprit.

12. Le 22 juillet 2003,
Laurent

Tout à fait d’accord sur ce point.

13. Le 22 juillet 2003,
neige

Autrement -!!! je découvre navire.net et j’aime bien.

14. Le 22 juillet 2003,
TDD

Bon billet.

“Honni soit…” est vraiment excellent, je l’ai lu justement ces vacances, dont je reviens fraîchement, et c’est amusant d’en lire la référence ici.

Pour “courriel”, je préfère bien sûr à “mél”, une véritable horreur. A l’oral, j’utilise plus facilement “mail” et à l’écrit “e-mail” (avec le tiret, car “email” existe déjà en français)… Mais j’imagine facilement un bel avenir à “courriel” dans l’usage, ainsi qu’à “pollupostage”.

Blah ? Touitter !

Rétention de courriels

Où l’on apprend que Karl conserve tous ses courriels depuis 12 ans… 130000 messages et 600 Mo de données… Sachez que si vous m’écrivez un courriel (e-mail), que je suis bien moins conservateur que Karl et que votre missive a grande chance de terminer tôt ou tard à la poubelle. Pour moi, la communication électronique est de l’ordre du jetable.

Vos mots auront plus de chance de pérennité si vous m’envoyez un courrier-escargot (snail-mail)

1. Le 27 juillet 2003,
machaut

La conservation d’un cd-r (pour les courriels) prend quand même moins de place que les lettres en papier. Ca compte, qu’on habite à Paris ou qu’on voyage.

Blah ? Touitter !

Jacques en vacances au Québec

Ça c’est une info !

Tout petit

La Terre et la Lune, vues depuis Mars.

Space.com : Earth and Moon Photographed by Mars Express.

Astrobiology Magazine : Earth Without Life?

Profitez bien de ces images de la planète bleue, car l’Independent on Sunday nous révèle aujourd’hui : Bush ready to wreck ozone layer treaty.

Blair Silent On Whether He Has “Blood In His Hands”

Il y a des silences qui peuvent êtres lourds de conséquences dans une carrière politique…

IT MAY come to be seen as the defining moment of his premiership.

With the brutal questions: “Have you got blood on your hands, Prime Minister? Are you going to resign?” hanging in the air, Tony Blair appears to freeze in front of the world’s cameras.

His face ashen, the man who is supposedly never flustered by the media simply stares into space, silent, exhausted, apparently beaten.

For journalists used to an effortlessly relaxed, urbane public style, it is a shocking sight, all the more stark when compared with Blair’s rapturous reception in front of the US Congress only two days earlier.

After several seconds, which feel like an eternity, the Prime Minister is eventually saved at this press conference in the Japanese spa resort of Hakone by an intervention from his hosts. But the damage has been done.

[Scotland on Sunday: Does the PM have blood on his hands?]
1. Le 21 juillet 2003,
Jean-Philippe

J’sais pas à sa place j’aurais répondu “oui”, pour la dérision… et j’aurais quitté la vie publique, comme ça, impulsivement.

En fait je crois que comme politicien j’aurais démissionné la première fois qu’on m’aurait questionné sur mon éventuelle démission. Un peu comme on répond machinament oui quand on vous offre une gomme…

Blah ? Touitter !