La malle poste
Certains pros américains de l’agit-prop francophobe n’ont plus qu’un mot à la bouche : courriel. This is about the French Fries, isn’t It? Persuadés que les Français ont le même fonctionnement intellectuel, fait de niaiserie et de paranoïa, qu’eux-mêmes, ils sont persuadés que l’arrivée du terme courriel dans le corpus terminologique officiel de l’administration est forcément une mesure de rétorsion, de vengeance.
Ce qu’ils ne savent pas, c’est le peu de cas qui est généralement fait des avis de la Commission générale de terminologie et de néologie publiés au journal officiel. La recommandation n° 638 du 20 juin 2003 nous apprends donc : “courriel, n. m., ce terme annule et remplace ’courrier électronique’ publié au Journal officiel du 2 décembre 1997”. Quelle révolution !
Et cette recommandation n° 638, pour ainsi dire personne n’en a parlé en France et il n’y a qu’Outre-Atlantique qu’elle a connu un succès démesuré. Enfin, si, vous trouverez quelques libertariens français dont les neurones baignent dans le Coke pour y voir encore une manifestation d’un État omnipotent et soviétisé qui ferait ainsi intrusion dans nos libertés individuelles et acte de purification terminologique…
En France, l’usage prévaut comme dans nombreux autres pays, et courriel fonctionnera peut-être. Et de fait, il est assez peu fréquent qu’une recommandation entre dans l’usage, malgré de brillantes exceptions comme baladeur ou disquette. Le cimetière des mots ridicules proposés par les néologistes est très peuplé.
Mais courriel n’a rien de ridicule, il est plutôt euphonique et il a déjà un usage avéré au Québec. Alors je lui prédis un bel avenir en France. Vous remarquerez également que c’est le terme que j’ai adopté dans le formulaire de commentaires de mon blogue depuis sa création, bien avant que la Commission de terminologie ne délivre le moindre édit, et que jusqu’à date, il n’a choqué personne et, mieux encore, tout le monde a compris qu’il s’agit là de l’adresse de courrier électronique.
Mais pour revenir à nos chers amis les étasuniens qui se sont lancés avec brio dans la purification terminologique avec leurs Freedom Fries, leur langage, déjà d’ordinaire si pauvre et si souvent ordurier, risque de se réduire encore s’ils décident de bouter toute trace de français de leur langue et de revenir aux onomatopées barbares des Angles, des Saxons et des Vikings… En effet, selon AskOxford, 28,3 % des 80,000 mots du Shorter Oxford Dictionary sont d’origine française, et 28 % proviennent du latin.
Certains se sont même aperçu que mail venait tout droit du français, de la vieille malle poste qui transportait de courrier…
So they invade jolly old England, conquer the place, foist their lingo on the locals, and then when they get one of their own words back (and with a jaunty Greek combo), say “Ew! Tainted! It’s got those English cooties!” Greg Goelzhauser has a suggestion that will teach them: Expunge all French-origin words from English. It’s only 28% of the language, he points out, shouldn’t be too hard.
[Eugene Volokh].
M. Volokh devrait d’ailleurs être un peu honteux de porter un si joli prénom si français (de Eugenius, du grec “bien né”, évêque et martyr dans le diocèse de Paris au troisième siècle, honoré le 15 novembre)…
On apprendra de plus qu’il n’y a pas moins de 3221 homographes, même orthographe et sens proche, entre le français et l’anglais. Autant de mots qui symbolisent une histoire qui fut tant de fois commune.
Et savez-vous par exemple que le mushroom anglais vient du mousseron français ?
Si les histoires de nos deux langues et leurs influences mutuelles vous passionnent, je vous recommande un bouquin trouvé par mon lapin qui se lit très facilement : Honni soit qui mal y pense, L’incroyable histoire de l’amour entre le français et l’anglais, d’Henriette Walter.
Post-scriptum. Zut alors, après avoir écrit ce billet, je viens de m’apercevoir que la rondelle m’avait grillé la politesse sur le même sujet… Comme quoi, les grands esprits se rencontrent ;-)
PS bis. Toujours égale à elle-même (on se souvient de ses réactions sur le lexicoblogue), la Mouche écrit : “Moi j’aime pas courriel, et je ne compte pas changer de mot”. Libre à toi !
Martine
Ça fait drôle de voir un débat autour de “courriel” (à la fois de la part des américains et des français, chacun de leur côté) quand chez nous ça fait partie du langage courant depuis des années déjà. Allez, cédez! Le mot “mail” c’est affreux!
Le lapin
Ce sont surtout certains Américains qui ont relevé la chose suite à la publication d’une dépêche de l’AFP. Ils y ont trouvé une autre bonne raison de faire du “French bashing”. En France, ça a passé plutôt inaperçu. Seul l’usage validera l’emploi de ce mot à la place d’email ou mel en France. Je sais qu’en Suisse, le mot email est prépondérant mais rien sur l’usage des Belges …
Anne Onyme
“quelques libertariens français dont les neurones baignent dans le Coke pour y voir encore une manifestation dun État omnipotent et soviétisé qui ferait ainsi intrusion dans nos libertés individuelles et acte de purification terminologique”
Ils sont disponibles en livre de poche?
K
Ai dégainé le comment trop vite.
Pierre CARION
Il semble que pollupostage ait egalement ses chances : http://popfile.sourceforge.net/manual/fr/manual.html
Steph-le-Nombril
autre livre à lire sur les sujet des intéractions anglais-français: “Mother Tongue”, de Bill Bryson. Jouissif.
Delphine
Juste en passant, j’aime pas “mel” non plus (c’est vraiment trop ridicule). Pour moi “courriel” est un mot plus etranger qu’”email”, parce que ca n’est pas le mot que j’utilise. Tant que les outils de messageries elctroniques n’utilisetont pas “courriel”, j’ai un peu de mal a voir comment/pourquoi son usage se repandrait.
mdp neige
Excellent ton texte. J’utilise courriel depuis kek années déjà - quant à la France - j’suis toujours étonnée de voir tant et tant de mots anglais dans les pages web, les blogues surtout, faut pas trop compter sur eux pour pour la sauvegarde et l’évolution du français. Surtout que ces mots et phrases anglaises, ils peine à les prononcer correctement. … c mon avis.
mdp neige
Ha ha …. je ne m’étais pas aperçu que navire.net était de France … alors là ma remarque à propos de la prononciation… (mais tout de même vrai, j’en suis certaine pour plusieurs blogueurs qui utilisent l’anglais à profusion) tu peux l’excuser ? - mais quant au reste c bien vrai - trop d’anglais dans vos texte en général (sauf ici) - on peut connaitre l’explication ?
Laurent
Chère Neige, tu trouveras quelques éléments de réponse sur les billets suivant : - Au stop, il y a le parking pour le shopping. - Petite réponse à Martine. - Suites de mon shopping. Bien sûr, je déplore l’envahissement de notre langue d’anglicismes inutiles, ce que l’on contaste dans pas mal de blogues.
mdp-neige
Ah merci - oui jsuis allé lire. !!! le sujet a déjà été couvert, et les explications me satisfont - N’empêche que ceux parmi les blogueurs, blogueuses de France, devraient savoir que c’est très désagréable de lire tout cet anglais dans leurs pages, ça écorche les yeux et l’esprit.
Laurent
Tout à fait d’accord sur ce point.
neige
Autrement -!!! je découvre navire.net et j’aime bien.
TDD
Bon billet.
“Honni soit…” est vraiment excellent, je l’ai lu justement ces vacances, dont je reviens fraîchement, et c’est amusant d’en lire la référence ici.
Pour “courriel”, je préfère bien sûr à “mél”, une véritable horreur. A l’oral, j’utilise plus facilement “mail” et à l’écrit “e-mail” (avec le tiret, car “email” existe déjà en français)… Mais j’imagine facilement un bel avenir à “courriel” dans l’usage, ainsi qu’à “pollupostage”.
Blah ? Touitter !