Mollesse
Est-ce un phénomène dépressif lié au raccourcissement des jours ? L’usure d’événements personnels pas toujours faciles à gérer, d’un avenir incertain et sans repères ?
Est-ce le contrecoup dû à la réception par une population toujours plus large, qui engendre des réactions déplacées qui fatiguent, la perte de la notion d’espace intime d’expression à destination d’un public choisi, d’un cercle de pairs, ou encore, le risque à s’exposer de plus en plus mal assumé ?
Est-ce la certitude d’être lu qui inhibe ? Ou la perte du plaisir d’écrire ? La crainte de ne pas répondre aux attentes (car figurez-vous que les lecteurs ont leurs attentes et ne ne privent pas de vous le signaler) ? Le souci de ne pas apparaître comme péremptoire ou infatué de son ego ? Une envie subite d’humilité et de discrétion ?
Est-ce l’exaltation de la découverte d’un nouvel outil qui est retombée ? Je me lasse vite de mes jouets. Peut-être aussi suis-je versatile et inconstant…
J’ai la nostalgie des débuts de ce carnet. Des joies de la découverte, de l’interactivité, du partage, de la rencontre. J’avais vingt lecteurs et je connaissais chacun.
Puis, je suis tombé dans les fossés du cybernarcissime, dont je connaissais pourtant déjà l’existence.
Aujourd’hui la flamme s’est éteinte. Je cherche d’autres pistes, mais je ne trouve pas. Je tente des diversifications, mais dureront-elles ?
Le billet qui m’a le plus marqué ce mois-ci est celui qui a signalé l’arrêt, qu’on ne se sait provisoire ou définitif, de Damelon Kimbrough :
While I will continue to blog in some fashion I am not sure it will be this blog. I’m going to take the next six weeks or so to think about what I really want to do. The one thing that’s certain is that when I do return my engagement on political issues will be close to, if not completely, non-existent. Keeping a journal is enjoyable, but rehashing material that will be beat to death on scores of other sites just strikes me as such a horrible waste of my time. I need to find a way to keep my experience a positive one even no one else bothers to.
Des paroles qui entrent étrangement en écho avec mes préoccupations du moment.
Ce qui m’a refait penser à l’arrêt des Autres, que je n’avais pas compris à l’époque, ou encore aux vacances prolongées d’Emmanuelle. Et puis, tant d’autres, comme Nacara par exemple.
La blogosphère me fait l’effet d’une cours de récréation où l’on vient faire son petit tour, où l’on s’amuse, et puis s’en vient le sentiment de vanité, et on quitte la salle du banquet en catimini.
La blogosphère personnelle est à géométrie variable, d’abord le cercle des amis et proches, des compagnons de route, centré sur vous, puis celui des relations. Et plus on s’éloigne de ce centre de gravité, plus grand est le risque de se brûler les ailes.
Je ne souhaite plus parler d’actualité, de débats. Je ne veux plus m’épuiser dans des procès sans fin à la bêtise. Je ne souhaite pas pour autant étaler ma vie, mon quotidien. Alors, que faire ?
N’est-ce encore qu’une grosse fatigue passagère ? Ou la cassure est-elle plus profonde ? Le soufflé est-il retombé ? Pour l’instant, j’attends l’étincelle qui va raviver la flamme et réfléchir, tenter de me consacrer sur l’essentiel et faire fi de ces divertissements qui, certes plaisants, m’ont sans doute éloigné d’un travail plus exigeant mais plus enrichissant.
Mais pour le moment, je suis fatigué. Chuis tanné.
Thomas
Il y a de l’écho ? http://neiges.blogspot.com/20031101neigesarchive.html#106914077972404815
Steph
Je vois tant de blogueurs autour de moi passer par ces phases de remise en question, d’envie de poser les plaques, de fermer boutique avec ou sans destruction des archives. Tant, que ça finit par donner l’impression que tout le monde y passe. Qui n’a jamais fermé son blog ou songé à le faire?
J’avoue pour ma part que ça ne m’a jamais traversé l’esprit. J’ai des periodes creuses et des périodes intenses, certes, mais en plus de trois ans, jamais je n’ai envisagé de fermer mon weblog. Du coup, je finis par me demander si c’est moi, l’anormale. Y a-t-il d’autres gens qui ressentent les choses ainsi? Quelqu’un a une théorie sur ce sujet?
Quoi qu’il en soit, toute ma sympathie, Laurent. Je te souhaite trouver une réponse qui te conviendra, quelle qu’elle soit!
aqb
Je comprends bien ton sentiment Laurent, et le choix t’appartient tout entier. Peut-être est-ce une envie d’autre chose. Ceci-dit, les questions que tu poses et les pistes que tu esquisses sont interessantes. Et finalement un blog, n’a-t-il pas le droit, à l’image de son auteur, de connaître des moments de fatigue, de vide, des passages d’hibernation?
Guy
L’acte de créer ne possède pas toujours le goût confortable d’un sucre d’abeille. Et même lorsque l’on mord à pleine dents dans le miel, l’ivoire retransmet l’écho apeuré de la pensée : qu’est-ce que je fous sur cette Terre, moi? Le cyber, ou la main, c’est du désir, et le désir, comme la mort, se répète sans cesse. L’humilité qui se pointe dans tes paroles est tout simplement le signe d’une belle maturité.
François Granger
Je pense que c’est le propre des gens qui s’exposent d’être exposés ;-)
Le fait de démarrer un carnet n’est-il pas le signe d’un besoin d’être entendu ee écouté. Et plus le public s’élargit, plus le risque de “retours négatifs” s’accentue…
C’était ma théorie du jours à cent sous qui font cinq francs, donc pas tout à fait un Euro…
Courage, tiens bon !
Isabelle
Je me posais la question du blog-blues hier chez Pierre Carion, eh bien me voilà servie ! Toutes ces hypothèses méritent d’être retenues. Mais je ne peux m’empêcher d’imaginer que le fantasme favori du blogueur qui s’est construit une existence dans la blogosphère et qui respire au rythme de ses posts quotidiens, est de se laisser tenter une petite mort : “comment le monde tournerait-il sans moi?” et “comment existerais-je hors de ce monde et à l’insu de ceux qui font exister ce monde?”.
On avance souvent que le blog est un moyen de dialogue, de convivialité, de démocratie. Finalement ça met peut-être en jeu des questions beaucoup plus existentielles.
Mais ces moments de retrait qui miment la mort sont sûrement nécessaires pour continuer de plus belle :))
manur
pareil que Steph. (non tu n’es pas anormale ! ;o)
Steph
merci manur :-)
et Isabelle, je suis assez séduite par une interprétation qui verrait la fermeture du blog comme une mort symbolique… réversible.
mouche
Jamais eu l’idée de fermer, de toute façon je pourrais pas, je suis bien trop accros. ;)
Blah ? Touitter !