Journal de bord

Pas vilain, con. Très con, même. Parce que tirer du plaisir de gâcher celui d’autrui, je vois difficilement plus bas sur l’échelle du méprisable.

Pour les autres : attention, spoiler pour le futur Harry Potter.

Quand Alarc’h se fait plus bête qu’il n’est, on est pris de vertige.

\L’Illiade n’est pas un roman

C’est une poésie antique qui retrace de l’histoire mythologique. Oui, Hector meurt à la fin. Gn. Et Achille, et Troie est détruite, seul Enée parvenant à s’enfuir.

Mais l’Illiade ne s’intitule pas “les Aventures d’Hector”. De même, elle ne repose pas sur un suspens savamment entretenu. Idem pour la Dame aux Camélias, dont le sort est scellé dès lors qu’il est révélé qu’elle a la tuberculose, ce qui n’est pas un coup de théatre dans le roman. Le mérite de ses oeuvres est le déroulement de la trame de l’aventure, quand bien même la fin est inéluctable. C’est un schéma éculé (pas de faute de frappe, Laurent) : ca s’appelle la tragédie. Vous pouvez aussi invoquer toutes les tragédies classiques : la mort des personnages est annoncée dès l’acte I par le Choeur (relisez Antigone, ça vous fera pas de mal).

Comparez ce qui est comparable. Il est des oeuvres qui reposent sur le coup de théatre. Le roman policier anglais en est une parfaite illustration : l’auteur distille au lecteur des indices, il a tous les éléments ou presque pour trouver la solution, au milieu de fausses pistes, et à la fin, le héros lève le voile et met la vérité à jour. Ce suspens (si le mot est anglais et non pas grec, il y a peut être autre chose qu’un hasard) est le ressort essentiel du récit. Si je vous raconte la fin d’un roman d’Agatha Christie que vous n’avez pas encore lu, ou d’un Sherlock Holmes, genre : l’assassin c’est X., vous serez content ? Christie ou Doyle se rangent-ils pour autant dans la catégorie des “consommables” ? Si vous hésitez, j’ai un indice : ça fait 80 ans qu’on lit la première, et plus d’un siècle pour le second. Et au delà de ces auteurs, le ressort de la suprise est essentiel à des oeuvres impérissables. Vous auriez apprécié que quelqu’un vous raconte la fin des Autres, de 6e sens, d’Usual Suspects ?

Les Hary Potter reposent entre autres sur ce ressort. Révéler la fin du 6e tome ne prive pas le livre de tout intérêt, il faut ne pas avoir lu la série pour ne pas s’en rendre compte. Il existe une intrigue se déroulant sur les 7 volumes, au delà des péripéties de chaque tome. Mais l’intrigue de chaque volume, dévoilée dans les derniers chapitres avec un art du récit consommé, car JK Rowling a du talent, peu importe que vous ne vouliez l’admettre, le fait est là, et c’est une partie essentielle du plaisir de la lecture.

Relayer les spoilers, fût ce au nom du plaisir de se faire haïr que prétend le capitaine (il n’y a qu’à voir avec quelle jubilation sereine il a accueilli les salves fielleuses des sbires de Paris Blogue-t-il en son temps, ou comme il se délecte stoïquement des propos homophobes…) ou de la lutte contre le démon capitaliste (horreur : elle vend des livres, vous vous rendez compte ?) ou de l’hydre marketing (horreur : elle en vend beaucoup, vous vous rendez compte ?), relayer ces spoilers, disais-je, cela reste un comportement méprisable, je pèse ce mot. Il n’a pour seul objet que de ruiner le plaisir d’autrui, plaisir qui ne vous nuit ni ne vous coute rien.

Mutatis mutandi, c’est la même joie que celle de Boutin à l’idée de mettre des batons dans les roues au bonheur des homosexuels. C’est pas tant que les homos lui gpachent la vie : c’est l’idée de leur bonheur qui lui est insupportable. Et bien, la démarche des spoilers est la même.

Il s’agit d’un comportement de ténia de la pensée : parce que vous ne voyez que de la merde, vous en déduisez que les autres en mangent.

Depuis quand Hewlett Packard provoque des passions ?

Bon, plus sérieusement, il y a sur ce sujet un art consommé de toujours regarder à côté du problème. Il ne s’agit pas tant de Harry Potter per se : qu’on n’aime pas, peu me chaut. C’est une question de goût, hors de toute discussion. Qu’on aime point ne signifie pas d’ailleurs que ce soit mauvais, sauf pour un fat. Proust me fait chier, mais je lui reconnais un grand talent.

Le problème, en l’espèce, est de tolérer qu’on aime et de laisser ceux qui aiment en jouir en paix. Or le principe du spoiler est : je n’aime pas, donc personne n’en profitera si c’est en mon pouvoir. To spoil veut dire précisément gâcher, pourrir. Et allons-y pour les T-shirts, pour les billets révélant la fin sans avertissements aucun, tous les moyens sont bons.

Voilà ce qui me gêne : ne pas supporter que quelqu’un tire plaisir de ce qui ne nous en a pas donné à soi même. Voilà ce qui provoque chez moi des passions, plus que les aventures truculentes d’un apprenti sorcier de 16 ans, bientôt 17.

C’est de l’intolérance brute, brute parce que libérée de toute inhibition. Voire encouragé par des fausses bonnes causes : la lutte contre le marketing, le goût de la provoc’ qu’on fait passer pour de l’esprit. C’est de l’instinct primaire, de pure méchanceté gratuite, d’où mon terme de méprisable. Peu importe que ce ne soit qu’un livre, fut-il fort bien vendu. Peu importe que nul n’en meurt, que le livre ne perde pas pour autant tout son intérêt. C’est la démarche de ruiner le plaisir d’autrui par mépris pour la source de ce plaisir, alors que cette source ne nuît à personne qui me fout en rogne.

Et accessoirement, le fait que mon blog soit en carafe, du coup je squatte chez toi.

Cher pH|Re, ne vous est-il pas venu à l’esprit que le comportement subséquent des spoilers leur a donné raison d’être particulièrement vigilant sur le sort des ces ouvrages ?

Et à quelle règle marketing obéit l’éditeur qui demande où sont rangés les livres ? Le fait qu’il ne soient pas mis à la vente est donc censé assurer de meilleures ventes ?

Du grand n’importe quoi, effectivement.

Et l’onanisme désigne en premier lieu la masturbation : cela fait allusion à Onan, fils de Juda, qui recourait à de tels travaux manuels avant d’aller coucher avec sa belle soeur afin de ne pas donner de postérité à Er, son frère décédé : Génèse, 38, 9. Par extension, Onan étant alors incapable d’achever sa gymnastique, on parle de coïtus interruptus. Dieu le fera mourir en châtiment (Génèse, 38, 10), mais la Bible est muette sur une éventuelle surdité qui l’affligea avant le trépas.

Kwyxz : on dit pas cher, on dit “équitable”.