Journal de bord

“J’adooooooore mon pays… [mais il a plein de défauts et je m’en rends tellement bien compte quand j’en suis loin]”, c’est vrai que c’est toujours beau et touchant de lire ça chez des expatriés.

Je ne connais pas madame Magellan mais il est vrai que la France a de très (oh là là, très très) gros problèmes, il était utile et bon qu’elle nous le fasse savoir.

J’aime la France aussi, et j’y vis. Je l’aime mais je n’en fais pas un fromage, je n’emmerde personne avec le niveau d’amour que j’ai pour mon pays — que ce soit sur l’échelle de Miam ou sur celle de madame Magellan. J’aime la France parce que j’y suis, je l’aime pour ce que je lui donne et pour les multiples richesses que j’en reçois, et si d’aventure il m’arrive de partir ailleurs, alors je me concentre sur l’endroit où je me trouve plutôt que de chercher des poux au pays que j’adoooooore et que j’ai quitté (car pourquoi m’estimerais-je mieux fondée à ce titre à le conseiller ?).

Ces jugements à distance sont à prendre avec des pincettes : quand on quitte Paul pour aimer Pierre, a-t-on alors plus de légitimité à critiquer Paul que quand on était avec lui ? Pour moi, non : si je suis mal avec Paul, je le lui dis pendant que je suis avec lui, ensuite, si j’ai échoué à obtenir de lui ce que je voulais, je le quitte et je me tourne vers une nouvelle vie au lieu de me mettre à cracher sur les défauts que je n’aimais pas chez lui. Surtout j’évite de dire à tout le monde : “Oh j’adoooore Paul, c’est vraiment dommage qu’il soit impuissant / qu’il manque d’ambition / qu’il ait la tête creuse, etc.” Quand je quitte Paul, je le quitte et basta ! Je lui fais mes critiques s’il m’en demande, mais je ne lui casse pas de sucre sur le dos en présence de tiers.

Les avis des expatriés sont intéressants, certes, mais à condition qu’on les laisse à leur juste place : celle du jugement critique extérieur. On peut s’en inspirer pour s’améliorer, mais vivre à genoux sous leur coupe me paraît illégitime, farfelu. Parce que critiquer sans agir ne laisse jamais aucune trace dans l’histoire. Tout le monde a oublié les noms des critiques de spectacles (vous savez, ceux qui adooooorent les spectacles !), mais on se souvient tous du spectacle lui-même et des hommes et des femmes qui l’ont réalisé.

C’est ce que pense et fait la personne qui vit sur le sol français qui fait LA (VRAIE) VIE de la France. La France est faite de ceux qui s’y trouvent, c’est le seul truc qui compte et le seul truc qui comptera jamais. L’adoraaaation des expats, recevons-la pour ce qu’elle est : un avis extérieur. Que les observateurs donnent leur avis, mais aux acteurs de tracer leur propre route.