Journal de bord

J’ai passé 11 ans à participer à la lutte contre la pédopornographie, en faisant des expertises judiciaires à la demande des enquêteurs. Je ne suis pas pour autant un spécialiste de la traque des sites internet, mais je voudrais rappeler ici, si besoin était, qu’internet ne se limite pas aux sites web. Il y a aussi des sites ftp, des canaux de discussion IRC, des réseaux de stockage distribué (par ex Freenet), etc. Autant de moyens de stocker de l’information, et de cacher des données. Autant de formes de réseaux logiques d’échange.

La lutte contre la pédopornographie n’est qu’un prétexte pour tenter de mettre en place un outil de contrôle de ces différents réseaux.

Je souhaite que l’on arrête de me dire que le gouvernement français ne comprend rien à Internet. Les hommes et femmes politiques sont en général des personnes TRÈS intelligentes. J’aimerais que les geeks arrêtent de les prendre pour des demeurés, cela leur éviterait de se faire enfumer comme c’est le cas depuis longtemps. Les mots du texte sont pesés, les arrières pensées aussi. Le gouvernement sait ce qu’il veut faire.

C’est terrifiant.

Zythom - Blog d’un informaticien expert judiciaire : “Loppsi 2 article 4”.

[Fred Holland Day (1864-1933), Nude youth with pipe seated on leopard skin, in nature. Circa 1896.]

On met dans les mains du gouvernement – donc – un outil qui va leur permettre de faire couper les sites qui les énervent au bonheur la chance. Wikileaks et The Pirate Bay vont peut être se retrouver catégorisés pédophiles. Et peut être aussi les sites qui font de l’ombre à la Française des Jeux? Ou autres.

Gonzague Dambricourt : “LOPPSI 2 : bienvenue en Chine?”.

Une image pédophile s’est glissée dans ce billet. Sauras-tu la retrouver ? L’hystérie antipédophile, tout comme l’alibi antipédophilie utilisé à d’autres fins (contrôle des libertés), commence à nous fatiguer un peu (un peu trop qui rime avec Outreau). Ça ressemble à la chasse aux terroristes. Vous avez déjà vu un terroriste, vous ?

Chez Glenn Greenwald, j’ai lu un commentaire d’un Français à propos d’un nouveau projet de loi en France par lequel on chercherait à « bloquer » les sites « illicites » surtout ceux désignés comme « publiant » de la pornographie enfantine, ce soi-disant fléau omniprésent de la vie moderne (personnellement, je n’en ai jamais vu, car cela ne m’intéresse pas du tout et j’ai bien l’impression qu’il faut aller chercher exprès ce genre de « littérature » spéciale).

Au royaume des aveugles : “C’est bien la saison”.

Pareil ici. Je fréquente Internet et ses recoins depuis un certain nombre d’années (ce qui fait que certains de mes jeunes lecteurs n’étaient pas nés lorsque je téléchargeais mes premières images), j’ai vu bien des horreurs (du genre des joies de Rotten, Mylène Farmer, ou des scènes zoophiles assez crues — Merci Michel V.), mais je ne suis jamais tombé sur la moindre image qui pourrait être qualifiée de pédo-pornographique.

En l’occurrence, la parole de Zythom me paraît fort légitime, c’est un des mecs qui met les mains dans le cambouis. Il sait, lui, de quoi on parle en vrai.

(Un billet avec une photo d’enfant nu, les termes “pédophile” et “terroriste”, je vais bien arriver à me faire blacklister partout. Déjà que j’étais sur certaines listes noires de réseaux d’entreprises pour “contenus homosexuels”.)

Ceci est une discussion parallèle, mais j’ai le sentiment que nous vivons de plus en plus dans une société du danger fantasmé. C’était déjà le cas au cours des siècles précédents, mais les médias contemporains, et en fin de compte Internet, auraient amplifié le phénomène de façon exponentielle.

Cela dit, dans un cadre plus large, le “panem et circenses” n’est pas complet dans les outils de maîtrise du peuple, il manque le troisième larron, la peur. Je ne pense pas que Juvénal me contredise.

Joint au téléphone, le président de la SDA, Christian Yaccarini, confirme que son organisme se trouve « devant un blocage complet ».

« Nous ne pensons pas être capables d’arriver à une entente avec les avocats du Café Cléopâtre, dit-il. Ils ne font que de l’obstruction, et leurs avocasseries démontrent qu’ils ne veulent pas en arriver à une entente. Alors, plutôt que de payer pour assister à des pitreries juridiques, il vaut peut-être mieux laisser tomber. »

Cyberpresse : “Expropriation du Café Cléopâtre: la SDA songe à jeter l’éponge”.

1. Le 21 décembre 2010,
Karl, La Grange

La décision de ne pas exproprier le café serait lourde de conséquences pour ce secteur du centre-ville, qui nécessite plus que jamais d’être modernisé.

hmm… ah ? Pourquoi, comment ? Comment le journaliste en vient-il à cette conclusion ? Quels sont les aspects de cette modernité ? Une seule voie possible ?

2. Le 21 décembre 2010,
Laurent Gloaguen

Le journaliste, Éric Clément, doit être un disciple du baron Haussmann. Nettoyons la ville de ses impuretés. Que le Café Cléopâtre fasse partie du patrimoine de ce quartier, c’est une autre histoire…

Blah ? Touitter !

Spiegel: “The Big Brother of Europe? France Moves Closer to Unprecedented Internet Regulation”.

Ars Technica: “Move over, Australia: France taking ‘Net censorship lead”.

La Quadrature du Net : “La censure gouvernementale du Net adoptée au Parlement”.

Je me fais un devoir d’y répondre : je ne veux pas, par mon silence, laisser croire que je lui donne raison. Une remarque préalable : vous remarquerez que M. Mélenchon, lorsqu’il se sent attaqué, manie l’insulte personnelle, comme savent si bien le faire les extrémistes de tout bord. Car M. Mélenchon, qui s’autoproclame « victime des médias », lui qui passe son temps à la télévision, a une conception très particulière de la liberté de la presse : elle ne mérite le respect que lorsqu’elle pense comme lui ou lorsqu’elle est laudative à l’égard de sa personne. Cette fois-ci, comme j’ai osé pointer la signification de son geste, celle d’un soutien à la dictature cubaine, j’ai droit à toute une série de noms d’oiseau loin de tout débat démocratique. Personnellement, je lis son post comme un appel à la haine à l’égard d’un journaliste, ce qui est grave dans une démocratie et de la part d’un élu du peuple – ce que je ne suis pas — qui se plaint de la « forme de haine qui l’entoure ».

[…] Tout le bréviaire de la haine y est : je suis un « fainéant », une « couleuvre », un être rempli de « morgue » et de « mépris pour les autres », une personne « détestée » par les vrais démocrates qui suscite le « dégout », un père la morale « donneur de leçons », un « menteur ». Vous noterez aussi l’emploi du « ce » pour « ce Quatremer », afin de mieux me déshumaniser. Je suis moins bien traité, de ce point de vue que mon confrère de France Inter, Renaud Dély (victime dans le même long post de la verve du député européen), mais mieux que ma consoeur Audrey Pulvar : comme c’est une femme, elle a droit à un méprisant « la Pulvar » et elle ne rit pas, elle « glousse » comme toutes les dindes on suppose. Bref, même s’il ne le dit pas explicitement, il incite à la juste violence contre les journalistes, ces êtres qu’il déshumanise.

Coulisses de Bruxelles, Jean Quatremer : “Jean-Luc Mélenchon ou le bréviaire de la haine ordinaire”.

Jean Quatremer, un “propagandiste grossier et méprisant” ? La paille, la poutre, etc.