Hébergeur condamné à tort
En France, la loi de confiance en l’économie numérique (LCEN) exige de faire figurer le nom du directeur de la publication sur les sites Web professionnels.
Sur le site de l’hebdomadaire VSD, une erreur dans les mentions légales faisait mentionner le nom de l’hébergeur, en l’occurence Octave Klaba, PDG d’OVH, comme directeur de la publication du site.
C’est ainsi qu’Octave a été condamné par la justice française dans un procès intenté contre le journal par Marine Le Pen.
Par acte d’huissier en date des 1er et 15 février 2011, Marion (dite Marine) Le Pen a fait citer devant ce tribunal Octave Klaba, Christelle Bertrand et la société VSD pour y répondre, à la suite de la publication, le 23 décembre 2010 sur le site internet de l’hebdomadaire VSD, d’un article relatif à Marine Le Pen :
- d’une part, de l’infraction de diffamation publique envers particulier, prévue par l’article 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 et réprimée par l’article 32 alinéa 1 de cette loi, pour les passages ci-après reproduits que la partie civile considère attentatoires à son honneur et à sa considération : « En 2003, elle est accusée d’outrage à agent après avoir insulté des policiers intervenus après une plainte pour tapage nocturne », « Certains se souviennent aussi du lancement de la campagne des européennes de 2004. A la fin du repas, Marine Le Pen reprend à tue-tête la chanson du générique d‘Albator, celle du capitaine Flam… et se met à danser. Puis elle s‘approche d’un journaliste et dit : “Vouuus croâââyez qu‘une fille qui danse le rockandrôôôl chan saussures peut devenir présiiiiiiidente du FN ?“, avant de repartir en titubant »,
- d’autre part, de l’infraction d’injure publique envers un particulier, prévue par le second alinéa de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 et réprimée par le second alinéa de l’article 33 de la même loi, pour la phrase suivante : « Mais paradoxalement, “c’est une fille qui aime manger, boire et baiser comme son père” ».
[…] À l’audience du 5 janvier 2012, Octave Klaba n’a pas comparu, tandis que les autres parties étaient représentées par leurs avocats.
Avant toute défense au fond, le conseil de la défense a soulevé la nullité de la citation délivrée à Christelle Bertrand sur le fondement des articles 555 et suivants du code de procédure pénale, ainsi que l’irrecevabilité de l’action dirigée à l’encontre de la seule société éditrice, Octave Klaba n’étant pas le directeur de publication du site VSD.fr ; après avoir entendu les explications des parties sur ces questions, le conseil de la défense ayant eu la parole en dernier, le tribunal a décidé de joindre l’incident au fond.
[…] La partie civile verse aux débats des “conditions générales d’utilisation” portant la date d’impression du 18 janvier 2011 et mentionnant que l’éditeur du site accessible à l’adresse www.vsd.fr est VSD, le directeur de la publication Octave Klaba et l’hébergeur OVH.
Il n’y a pas lieu d’écarter cette pièce, comme le sollicite le ministère public, dès lors qu’il a été donné connaissance de son contenu au cours des débats et que les parties ont pu s’expliquer à cet égard.
Le conseil de la société VSD soutient que le directeur de publication du site n’est pas Octave Klaba, dont le nom a été mentionné par erreur, mais Philippe Labi.
Il produit à ce titre :
- des “conditions générales d’utilisation” portant la date d’impression du 5 janvier 2012 et mentionnant que le directeur de la publication du site est Philippe Labi,
- un extrait Kbis de la SNC VSD au 4 janvier 2012 indiquant que Philippe Labi est co-gérant de cette société,
- un extrait Kbis de la SAS OVH au 4 janvier 2012 indiquant qu’Octave Klaba est directeur général de cette société.
Toutefois et en l’état, ces pièces ne suffisent pas à démontrer qu’Octave Klaba n’était pas directeur de la publication du site lors de la diffusion de l’article litigieux, alors que les “conditions générales d’utilisation” portant la date d’impression du 18 janvier 2011 mentionnent son nom.
Les documents versés aux débats par la société VSD ne suffisant pas à prouver que cette mention était erronée à cette date, Octave Klaba sera maintenu dans les liens de la prévention, en l’état des pièces produites par les parties.
[…] Le tribunal statuant publiquement, en matière correctionnelle, en premier ressort et par jugement contradictoire […]
Déclare Octave Klaba coupable de diffamation publique envers particulier, en l’espèce Marion dite Marine Le P., faits commis le 23 décembre 2010,
Le condamne à une amende de 1000 €,
Vu les articles 132-29 à 132-34 du code pénal :
Dit qu’il sera sursis totalement à l’exécution de cette peine dans les conditions prévues par ces articles.
[…] Condamne Octave Klaba à payer à Marion dite Marine Le Pen un euro à titre de dommages-intérêts et la somme de 1500 € en application de l’article 475-1 du code de procédure pénale, […]
Tribunal de grande instance de Paris, 17e chambre : Jugement du 16 février 2012 (identités rétablies par mes soins).
Damien B
Ayant été personnellement du mauvais côté de l’ovHache, je serais tenté d’appeler ça “le karma” :-)
Eolas
Toute l’explication réside dans quatre mots “n’a pas comparu”. Octave Klaba n’est pas venu à l’audience, n’a pas pris d’avocat, a fait le mort, en espérant que l’Ordre Cosmique s’occuperait du problème à sa place.
Ne pas se défendre est un choix. Il peut se justifier économiquement, mais il n’est pas sans conséquences.
PS : ouin, on a perdu nos galons.
Laurent Gloaguen
Si j’ai bien compris, il n’a pas comparu parce qu’il n’a pas reçu la citation à comparaître, adressée à Prisma Presse.
Eolas
@Laurent : Exact, je viens de voir le jugement dans son intégralité : il est par défaut pour Octave (tu n’as mentionné que “contradictoirement” dans ton extrait, ce qui impliquait qu’il avait été cité à personne : petit chenapan, va).
Donc il peut faire opposition et il sera à nouveau jugé devant le tribunal, où cette fois il pourra faire valoir sa mise hors de cause.
Damien B
Je Google+1 le PS d’Eolas.
Maxime
Le premier geek venu sait que vu les occupations d’Octave, il a mieux à faire de son temps que d’aller insulter un homme politique…
Alors d’un point de vu purement geek, sa présence n’était pas utile ; tout les gens bien connaissent Octave Klaba.
Jean
Curieux, je ne trouve pas trace des mentions légales sur le site du Front National par ailleurs hébergé chez OVH. La page dédiée du site de campagne de Marine Le Pen — hébergé aux Pays-Bas avec DNS chez OVH —, ne me semble pas être conforme quant aux informations qui doivent y figurer, comme très bien expliqué sur le site d’OVH. Il y manque au moins le nom du directeur de publication et celui de l’hébergeur. Mais je peux me tromper, je ne suis pas juriste.
Blah ? Touitter !