Je suis tombé fortuitement sur cette page du site polange.fr édité par l’EURL Création Nature (RCS 450 692 041) :
RECETTE ANTI CANCER. “Certaines personnes se sont complètement guéries du cancer grâce à ce remède.”
Hmmm, toute une promesse.
Cette recette a été élaborée par le Père Romain Zago. Il a découvert très jeune l’Aloé dans les quartiers défavorisés du Brésil. C’est une «recette-miracle» qui a la réputation de guérir de nombreuses maladies, en particulier le cancer.
En fait, nous explique le Père Zago, cela n’a rien de miraculeux : il s’agit juste des vertus médicinales de l’aloès et du miel, deux merveilles de la nature. Certaines personnes se sont complètement guéries du cancer grâce à ce remède.
Les vertus de l’aloès ont été confirmées par de nombreuses études Américaines, Russes…
Après une brève recherche sur ce Romain Zago, je découvre que ce n’est pas la vraie recette. Et je ne sais pas si vous avez déjà goûté à de l’élixir du Suédois, c’est absolument infect (le goût de l’Enfer dans votre bouche) et c’est un produit toxique.
La recette originale est bien plus sympathique et pourrait figurer à mon répertoire de cocktails. Ce père Zago devait être un hédoniste, rien à voir avec ces austères Suédois qui veulent vous empoisonner :
Si vous demandez au père Romain s’il est réellement capable de guérir le cancer comme le prétend le bouche-à-oreille, il répondra simplement : “Mais, toi aussi tu le peux. N’importe qui peut le faire. La force mystérieuse qui guérit les maladies se trouve dans la nature et donc à la portée de tous. L’important est de bien mélanger ces trois ingrédients : miel, whisky et aloès, et de ne pas oublier de bien agiter le flacon avant chaque usage. Quant à la dose recommandée, elle est de trois cuillerées par jour, à prendre à jeûn un quart d’heure avant les repas, une tôt le matin, une à midi et une le soir, de façon à permettre aux pepsines d’entrer en action et de diffuser la préparation jusqu’aux extrémités du corps. La cure dure habituellement dix jours.”
L’explication du fonctionnement est limpide :
“L’explication est simple”, souligne le père Romain, nullement découragé par les signes d’incrédulité qu’il lit sur votre visage, “le remède opère un nettoyage complet de l’organisme grâce au miel qui atteint les zones les plus lointaines de notre corps. L’aloès, à son tour, véhiculé par le miel, constitue un agent important de cicatrisation. Quant à l’alcool, en dilatant les vaisseaux sanguins, il facilte cette opération de nettoyage général. En l’espace de dix jours, le sang s’est lentement purifié. On peut même ajouter que le remède agit de façon préventive. En effet, grâce au sang purifié, tout l’organisme fonctionne à merveille.”
(Ces textes sont largement distribués sur le Web et attribués au numéro mai-juin 1994 de la revue Terre Sainte.)
Mais attention, un Père peut en cacher un autre. Il y a aussi le Père Andrzej Czesław Klimuszko “devenu célèbre dans toute la Pologne par sa réputation de soigner le cancer et certaines maladies incurables avec une préparation à base de vin, de miel et d’aloès”. (Je ne sais pas qui a copié qui…)
Autant le Père Zago n’a aucune existence sur Internet en dehors de l’article attribué à Terre Sainte, le Père Andrzej Czesław Klimuszko a lui une vie bien documentée. Ce franciscain était doué de nombreux pouvoirs, dont celui de causer avec les morts. Il aurait ainsi “parlé” avec Aldo Moro juste en regardant une photo de l’ancien président du Conseil italien. Bien sûr, il avait prévu la fin précoce de Jean-Paul I et prédit l’élection de Karol Wojtyła. Il est l’auteur de l’ouvrage “Wróćmy do ziół” (“Revenons aux herbes”). La biographie officielle ne dit pas s’il les fumait.
En cherchant dans la galaxie des apôtres de ces deux Pères, on découvre sans surprise que l’aloès guérit aussi du SIDA. (En auriez-vous douté un instant ?)
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Dans mes vieux grimoires, j’ai retrouvé la vieille recette du Père Gloaguen pour abuser des faibles :
L’important est de bien mélanger ces trois ingrédients : religion, fausse-science et bêtise humaine, et de ne pas oublier de bien agiter le flacon avant chaque usage.
Résultats garantis.
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Pour ce qui est de la science :
Available scientific evidence does not support claims that aloe can treat any type of cancer. In fact, used as a cancer treatment, aloe may be dangerous and possibly even deadly.
American Cancer Society: “Aloe”.
Les études scientifiques ne permettent par de dire que l’aloès ait des vertus curatives contre le cancer. Au contraire, l’aloès pourrait être cancérigène et il y a des cas documentés d’hépatites induites par la consommation d’aloès. Le seul consensus autour de l’aloès, c’est qu’il fait vous fait chier (il est laxatif) avec en effets secondaires : des douleurs abdominales, des nausées, des vomissements et des diarrhées. Purification de l’intérieur vous dirons les guérisseurs…
Peu d’études se sont penchées sur l’impact de la consommation de miel en relation avec le cancer. Des chercheurs ont toutefois démontré, à la suite d’une étude réalisée sur des cellules, que la consommation de miel fournirait une protection contre le cancer du sein. Cette protection serait attribuable au pouvoir antioxydant du miel, donc à sa teneur en flavonoïdes. Les miels foncés seraient donc plus efficaces que les miels pâles. Malgré ces résultats très encourageants, de tels effets n’ont pas encore été démontrés chez l’humain. Il faut toutefois noter qu’une étude observatoire menée auprès de plus de 5 000 femmes révèle l’existence d’un lien direct entre une diète riche en aliments sucrés et en sucre (incluant le miel) et l’augmentation des risques de cancer du sein. Il convient par contre de souligner que cette étude ne permettait pas de différencier l’impact de chacune des sources de glucides, ce qui empêche de tirer des conclusions sur le rôle du miel seul. Les flavonoïdes contenus dans le miel ont également fait l’objet d’études. Ces antioxydants sont reconnus comme étant très efficaces pour désactiver les molécules oxydées naturellement dans l’organisme, par exemple les radicaux libres. Ces molécules étant impliquées dans les processus d’endommagement de l’ADN et dans la croissance des tumeurs cancéreuses, leur inactivation ralentirait ces phénomènes et donc la prolifération des cellules cancéreuses. D’ailleurs, une étude de cohorte menée en Finlande auprès de 10 000 hommes et femmes durant plus de 20 ans a démontré qu’une consommation élevée de flavonoïdes permettrait de réduire l’incidence du cancer du poumon.
PasseportSanté.net : “Miel”.
Le miel est parfait pour sucrer le yaourt. Il contient des antioxydants, c’est bien. En utilisation externe, ses capacités antibactériennes sont prouvées (et utilisées en hôpital pour favoriser la cicatrisation). Mais ne comptez pas sur le miel pour vous guérir du cancer, et comme tout sucre, n’en abusez pas.
Enfin, bonne nouvelle, le whisky (mon remède favori) contient aussi des antioxydants.
Hélas, il existe une gigantesque documentation scientifique qui prouve que l’excès d’alcool est associé au développement de cancers…
Enfin, que penser de gens qui vous vendent ces recettes “anti-cancer” ? Ce sont soit des fous dangereux, soit des dangereux escrocs.
Rappelons que Steve Jobs serait probablement encore en vie s’il n’avait pas cru que ses remèdes “alternatifs” à base de “pensée positive”, de bouddhisme, d’acupuncture, de jus de légumes et de poudres de perlimpinpin, seraient plus efficaces que la chirurgie.
Jobs’ cancer had been discovered by chance during a CT scan in 2003 to look for kidney stones, during which doctors saw a “shadow” on his pancreas. Isaacson told CBS’ 60 Minutes last night that while the news was not good, the upside was that the form of pancreatic cancer from which Jobs suffered (a neuroendocrine islet tumor) was one of the 5% or so that are slow growing and most likely to be cured.
But Jobs refused surgery after diagnosis and for nine months after, favoring instead dietary treatments and other alternative methods. Isaacson says that when he asked Jobs why he had resisted it, Jobs said “I didn’t want my body to be opened… I didn’t want to be violated in that way.” His early resistance to surgery was apparently incomprehensible to his wife and close friends, who continually urged him to do it.
But there seemed to be more to his resistance than just fear of surgery.
“I think that he kind of felt that if you ignore something,” Isaacson told CBS, “if you don’t want something to exist, you can have magical thinking. And it had worked for him in the past.”
Forbes, Alice G. Walton: “Steve Jobs’ Cancer Treatment Regrets”.
Blah ? Touitter !