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Homophobie anti-impérialiste

C’est une idée en vogue dans les milieux anti-impérialistes : si le mariage pour tous n’a pas la cote dans « les quartiers populaires », c’est parce que ses habitants — descendant en majorité de « colonisés », ne seraient pas sensibles à cette idée occidentale.

Alors que toute la France débat du mariage homo, StreetPress vous signale la parution d’un essai qui vient apporter de l’eau au moulin à cette surprenante théorie : Les féministes blanches et l’empire, signé Stella Magliani-Belkacem et Félix Boggio Ewanjé-Epée, aux éditions La Fabrique. Un petit livre vert (110 p.) dans lequel les deux auteurs affirment que « l’homosexualité, comme identité » est « une notion » occidentale qui n’est pas adaptée au monde arabe et africain. Et par « analogie », pas adaptée non plus à ceux qui en sont issus : les habitants des « quartiers populaires ».

Vous avez peut-être aperçu Stella Magliani-Belkacem à l’université d’été du Front de Gauche, ce mois d’août à Grenoble où elle était à la tribune pour s’exprimer sur « l’antiracisme et le multiculturalisme ». Félix Boggio Ewanjé-Epée — essayiste précoce puisqu’il n’a que 22 ans — est, lui, un ancien du NPA. Mais c’est surtout grâce à leurs activités dans le monde de l’édition qu’ils bénéficient d’une notoriété certaine dans le milieu anti-impérialiste. La paire a coordonné la rédaction du recueil Nous sommes les Indigènes de la République (Éd. Amsterdam, 435 p.) du mouvement du même nom. Stella Magliani-Belkacem est secrétaire d’édition dans la maison d’édition La Fabrique d’Éric Hazan.

Devant son expresso dans un bistrot de la rue de Belleville, Félix Boggio Ewanjé-Epée résume le leitmotiv du chapitre consacré à la question LGBT de son essai :

« Dénoncer la tentative de faire de l’homosexualité une identité universelle qui serait partagée par tous les peuples et toutes les populations. »

[…] Mais ce que dénoncent aussi les théoriciens de l’anti-impérialisme de La Fabrique, c’est que l’homosexualité est imposée comme identité dans des contrées où elle n’existerait pas. « Dans la tradition des identités arabes par exemple, cette notion-là a été importée », justifie Félix. Stella ajoute elle que les « les conditions matérielles à l’émergence de ce qu’on appelle l’homosexualité ne sont pas forcément réunies dans ces espaces. »

« C’est une question d’organisation de la famille et de la société. »

Ils ne nient pas la réalité de « pratiques homoérotiques », mais minimisent l’existence « d’un mode de vie homosexuel ». Un raisonnement qui vaut « par analogie » dans « les quartiers populaires. »

[…] Jointe par StreetPress, Houria Bouteldja, boss des Indigènes de la République, reprend à son compte la théorie de l’essai qui lui est dédicacé. Mais celle qui est régulièrement invitée par Frédéric Taddéï dans Ce soir ou jamais va encore plus loin en affirmant que « le mode de vie homosexuel n’existe pas dans les quartiers populaires. Ce qui n’est pas une tare » :

« Le mariage pour tous ne concerne que les homos blancs. Quand on est pauvre, précaire et victime de discrimination, c’est la solidarité communautaire qui compte. L’individu compose parce qu’il y a d’autres priorités. »

Bouteldja, qui prépare un article de 7 pages sur le sujet, d’ajouter que le choix de l’homosexualité est un luxe :

« C’est comme si on demandait à un pauvre de manger du caviar. »

[…]

Street Press, Robin d’Angelo : “Plus forts que Frigide Barjot, les Indigènes de la République…”

Un ramassis d’idioties par des sots incultes. Déplorable.

Pour le reste, ce pamphlet vous expliquera que le “féminisme blanc” est hégémonique, raciste, impérialiste, colonialiste, etc.

La joie très plate de Jean-Luc

La défaite de Nicolas Sarkozy a fait s’exhaler un soulagement universel et une formidable bouffée d’envie de vivre autrement. Mais c’est tout. Je veux dire qu’il n’y avait rien qui ait ressemblé à ce que fut 1981 dont le souvenir a pourtant été beaucoup sollicité par les commentaires. En 1981 la gauche avait un programme commun et comptait faire le socialisme. Personne ne sait ce que l’on compte faire au juste à présent. Je veux dire que c’est la première fois que les socialistes gagnent sans aucun projet de société ni aucune réforme emblématique. La pluie des truismes et des mots creux s’est donc vite diluée dans le vide. Et la soirée a vite tourné en rond sur les plateaux de télé. Les dirigeants socialistes n’avaient rien à dire sinon leur émotion et leur compassion pour la tristesse du camp d’en face. Noble retenue et fair-play en bronze antique. Le camp d’en face n’avait rien à dire non plus sinon sa déception et son émotion. Noble fair-play et retenue en marbre antique. Ces salamalecs mutuels, coupés de petites remontées du gaz de la campagne électorale lassèrent vite. Impossible de lancer un débat. J’ai pu en faire l’expérience. A la Bastille, on vit la tribune, une magnifique rangée de costards cravates masculins, recommander à la foule de ne pas rater le dernier métro. Sur les écrans tout échange était sans cesse interrompu par des images à vocation palpitante mais qui, en vérité, rendait totalement virtuelle la réalité qu’elle prétendait cerner au plus près : « la voiture de François Hollande va démarrer ! La voiture a démarré. La voiture roule suivie par de nombreux motards. Les motards sont nombreux qui suivent la voiture. La voiture accélère devant les motards qui roulent en nombre derrière la voiture ». Puis ce fut « l’avion de François Hollande va décoller ! L’avion a décollé » et ainsi de suite. Comme le souvenir de cette immense liesse est encore très frais, respectons la trace de ses vibrations teeeeeellement émouvantes. Mais il est impossible à l’observateur qui a de la mémoire et de la culture de gauche de ne pas se sentir perplexe. Quels mots trouver pour rendre compte de cette étrange ambiance ? « On l’a viré, on l’a viré » lancèrent les nôtres sur l’air de « on lâche rien ». Il est vrai qu’ils se lassaient des « on a gagné, on a gagné » trop platement footballistique à leur goût. La foule reprenait de bon cœur ce résumé du sens de la soirée. Sur la place de la Bastille des groupes de militants socialistes venaient saluer les nôtres amicalement. Beaucoup remerciaient nos camarades venus, avec leurs drapeaux, se joindre au rassemblement. Mais pour les chefs socialistes : le Front de Gauche, quézaco ?

Ils, elles, remercient les « humanistes », et même le Modem, sans oublier « nos amis écologistes ». Bref tout ce qui compte pour du beurre dans le résultat et dont il est possible de caresser la tête sans risque. Mais le « Front de Gauche » ? C’est le parent qui fait honte ? On dirait bien. A moins qu’il soit considéré comme peu avouable de lui devoir autant ! Car il y avait un constat chiffré pourtant facile à faire. Mais j’admets qu’il avait du mal à trouver sa place entre l’observation des mouvements de la voiture de François Hollande, des motos et de l’avion, sans oublier l’émotion des uns et la déception des autres. Un fait qui ne nécessite que des connaissances mathématiques rudimentaires. Nicolas Sarkozy a été battu par le Front de Gauche. Car si l’on retire nos quatre millions de bulletins de vote, François Hollande ne recueille que 40, 2% des voix. Au deuxième tour on élimine. Nous l’avons fait. Nous avons éliminé Sarkozy. Combien « d’humanistes, de Modem » et même de « nos amis écologistes » aurait-il fallu rassembler pour compenser cette masse politiquement active et déterminée au point d’aller mettre un bulletin de vote qui ne la représentait pas ? Le résultat est assez serré pour que nous puissions rappeler notre décisive existence à quelques désinvoltes.

Jean-Luc Mélenchon : “Une déferlante de joie plate”.

Jean-Luc oublie de préciser aussi qu’entre lui et François Hollande, c’est une vieille antipathie et beaucoup de ressentiment. Ça explique d’autant sa joie plate, non dénuée d’arguments recevables, que le risque d’attendre longtemps la moindre reconnaissance à son égard de la part du nouveau président.