“Miscellanées”

actus et opinions

6 jours pour mourir

En France, laisser crever de soif un malade pendant de longs jours, laisser poursuivre une agonie plus d’une semaine, c’est légal. Abréger le calvaire (et cela se pratique souvent sous le manteau), c’est illégal.

Priver un être humain d’alimentation jusqu’au décès, j’appelle ça une mise à mort. Faire une injection létale, j’appelle ça une mise à mort.

La première manière est légale, l’autre non. Le résultat est identique, mais j’y vois une différence d’humanité, une différence morale qui me scandalise. La loi autorise de fait le meurtre, mais de la pire façon qui soit. (Vous aurez du mal à me convaincre qu’une suspension de l’alimentation n’est pas une mise à mort.)

M. Paul Pierra est intervenu à plusieurs reprises dans les commentaires de mon billet sur le reportage de France 3 (la chaîne de télévision qui est à l’origine de la médiatisation de ce que l’on appellera désormais “le cas Chantal Sébire”).

Grâce au Monde, j’en sais un peu plus sur l’histoire et la douleur de M. Pierra.

Son fils, Hervé, a fait une tentative de suicide par pendaison à l’âge de 20 ans. Réanimé par son père, alors pompier, Hervé demeure malheureusement dans un coma profond. Il n’en sortira jamais.

“Je l’ai décroché, j’ai fait un massage cardiaque, un bouche-à-bouche, puis mes collègues ont pratiqué un électrochoc. Son cœur est reparti, j’ai cru que je l’avais sauvé.” Fausse joie, ce n’était en fait que le début d’un très, très long calvaire. En croyant le sauver, M. Paul Pierra a condamné son fils, lui-même et toute sa famille, à un lent chemin de croix, cruelle ironie d’une vie.

Après 8 ans de coma végétatif, Hervé Pierra a été le premier cas d’application de la fameuse loi Leonetti encadrant le droit au “laisser mourir”.

Fin juin 2005, après la parution des décrets de la loi Leonetti autorisant le “laisser-mourir”, la famille Pierra dépose une requête auprès du médecin-chef du centre de long séjour de Saumur pour demander l’application de la loi pour leur fils. Débutent alors quatorze mois de bataille avec les médecins.

Mal informée sur le contenu de la loi, traumatisée par la mise en examen du docteur Frédéric Chaussoy, qui a aidé Vincent Humbert à mourir, l’équipe médicale rejette la requête. Les soignants considèrent que la sonde gastrique relève d’un soin de confort et non d’un traitement. Pour eux, cesser l’alimentation s’assimilerait à une euthanasie.

Les époux Pierra vont alors contacter toutes les instances et les personnalités susceptibles d’attester de la légitimité de leur demande. Des membres du centre d’éthique clinique de l’hôpital Cochin viennent à Saumur. Ils concluent que la demande des parents est “légitime et recevable”. Mais l’équipe médicale continue de refuser de “débrancher” Hervé.

Le médecin-chef du centre de long séjour saisit même le procureur de la République. Il lui dit être confronté à un couple en détresse qui souhaite euthanasier son fils. “Seul le directeur de l’hôpital était de notre côté, raconte M. Pierra. Il nous a même suggéré d’aller en Suisse.”

[…] L’équipe médicale finit par accepter. Le protocole ne prévoit pas de sédation, car elle serait susceptible de prolonger le maintien en vie. Le jour du retrait de la sonde d’alimentation est fixé au 6 novembre 2006. Mais rien ne se passe comme prévu. Au deuxième jour, Hervé se met à trembler. Ses tremblements ne vont cesser de croître.

“On nous disait, ce n’est rien, c’est comme de l’épilepsie.” Au quatrième jour, “nous avions l’impression qu’il était branché sur du courant électrique”, décrit M. Pierra. Les cinquième et sixième jours, “son corps était comme électrocuté, ses convulsions étaient si violentes qu’il se décollait du lit, c’était inhumain”.

[…] Le jeune homme est décédé le 12 novembre. “Je ne peux rien affirmer, glisse M. Pierra, mais je crois que ce jour-là quelqu’un à l’hôpital a fait preuve d’humanité.”

[…] Les parents d’Hervé n’en démordent pas : “Affirmer qu’il existe une différence entre, d’un côté, retirer une sonde d’alimentation et attendre la mort et de l’autre faire une piqûre qui évite le traumatisme et la souffrance est d’une totale hypocrisie.” Ces six jours, ou plus, “lorsqu’ils se passent bien, ne sont pas de l’hypocrisie, répond le docteur Devalois, mais le temps de préparation à la séparation et au deuil”.

[… Le médecin] Régis Aubry a déposé un projet auprès du ministre de la santé, afin d’éviter les situations aussi dramatiques que celle d’Hervé Pierra. La grande majorité des médecins ignorent la loi Leonetti, aucun moyen n’a été donné pour son application et aucun outil d’évaluation n’a été mis en place malgré les demandes incessantes de création d’un Observatoire des pratiques de fin de vie. “La situation ne peut pas être pire qu’actuellement”, lâche M. Aubry.

[Le Monde, Sandrine Blanchard : “Hervé Pierra, six jours pour mourir”.]

Le docteur Bernard Devalois, Janus partagé entre défenseur des soins palliatifs et porte-parole occulte des antieuthanasies, qui se permet de dire que ces six jours sont “le temps de préparation à la séparation et au deuil”, pour des malades qui souffrent et font souffrir leur entourage depuis des mois, et souvent des années, pour des malades privés de tout espoir thérapeutique, me semble un homme totalement déconnecté des réalités.

Je n’ai pas le goût de revenir sur mon expérience personnelle, mais je suis aussi bien placé pour savoir que la mort et le deuil sont des événements de la vie parmi les moins bien pris en charge par nos sociétés modernes. J’y vois trois raisons, la peur, la religion et la technocratie.

Je vous laisse développer vous-même…

Il faut comprendre qu’aider à mourir est parfois plus humain que laisser mourir.

Imaginez-vous soldat en temps de guerre. Votre camarade s’est pris une volée de shrapnel, ses tripes se sont répandues, pissant le sang, sans secours possible, il vous regarde d’un air hagard et douloureux, incapable de formuler un mot. Inutile d’être médecin pour voir que son cas est sans espoir, surtout en plein champ de bataille. Si vous êtes un homme, vous détournez le regard, vous serrez les dents et vous tirez une balle dans sa tempe. Et du courage d’une décision, d’un acte extraordinairement puissant (mais sans doute plus facile qu’on ne pourrait croire plongé au cœur de telles circonstances), vous n’aurez pas à regretter toute votre vie d’avoir pu mieux faire, de porter une épouvantable douleur morale de la responsabilité d’une agonie horrible.

Tu ne tueras pas ton prochain, un bien beau principe, mais un principe qui doit être appliqué selon ce que les circonstances exigent, pas d’une manière intégriste. Les trois principales exceptions sont la guerre, la légitime défense et l’abrégement de souffrances.

Parce que tuer, dans ce troisième cas, peut aussi être un acte d’amour.

Ma mère a 79 ans, elle a bien récupéré de l’AVC de cet été qui nous a fait si peur, et qui m’a fait saisir d’une façon plus concrète, tangible, autant pour elle que pour moi, que sa vie n’était pas éternelle et plutôt proche de sa fin. Qu’il fallait s’y préparer. Avec ma mère, nous en avons beaucoup discuté depuis ces vingt dernières années. C’est un sujet qui revient souvent, entre elle qui entre dans l’hiver de sa vie et qui voit tant de gens de sa génération partir, et moi qui ait vu tant d’amis crever du sida, dans des conditions à l’époque souvent honteuses dans un pays comme le nôtre, moi qui ait aussi perdu mon ami (dois-je dire combien ces événements m’ont rapproché de mère ?)… Bref, nous en parlons régulièrement, sans fards. Et nous en sommes arrivés à un pacte, l’un tuera l’autre, et ce sera notre dernier acte d’amour. Ce ne sera pas facile — comment penser un instant le contraire —, on fermera les yeux et on serrera les dents, mais nous honorerons notre promesse mutuelle. L’un comme l’autre, nous refusons de végéter, nous refusons la dégradation. Le pacte est très encadré. La différence essentielle, c’est que ma mère a été infirmière pendant plus de quarante ans… alors, elle a un gros avantage, elle sait y faire. Et je sais que le cas échéant, elle saura faire. Il suffit à l’occasion de pas grand-chose, une perfusion de chlorure de potassium par exemple, le produit est courant… (En milieu hospitalier, le changement de perf est encore plus simple.) Mais, tout le monde n’a pas la chance d’avoir ma mère.

Nous ne parlons pas assez de la mort, nous nous voilons la face, c’est bien naturel. La pente descendante nous fait glisser toujours vers la couardise. J’en ai pas mal parlé sur ce blogue, il y a quelque temps, puis, je me suis moi aussi fatigué, besoin de légèreté, de suivre des papillons… Lassitude, goût inné du divertissement.

Chantal Sébire remet la question et le débat sur le devant de la scène. Je crois que c’est ce qu’elle voulait avant tout. Nous ne pouvons que nous en enrichir, au-delà de querelles antithétiques, noir contre blanc, carré contre rond. La vie, circonscrire la vie, demande plus que deux couleurs pour appréhender ses défis, son mystère, elle demande toute une échelle de gris, le dogme n’y a pas sa place, surtout pas dans des enjeux aussi sensibles qui sont au cœur de l’existence et qui la définisse.

Le droit à mourir n’attend pas d’éventualité de réponse binaire. Il attend des réponses mesurées, individualisées et humaines. Mais pour revenir à mon point de départ, parce que j’ai tendance à digresser quand le sujet me tient à cœur, pour revenir sur le cas d’Hervé, je prends pour miennes les paroles de son père : “Affirmer qu’il existe une différence entre, d’un côté, retirer une sonde d’alimentation et attendre la mort et de l’autre faire une piqûre qui évite le traumatisme et la souffrance est d’une totale hypocrisie.”

P.S. 21 mars. Lire aussi chez Eolas, “Du droit de mourir”.

1. Le 20 mars 2008,
samantdi

Tu as écrit un billet plein d’humanité.

Je te rejoins dans ce que tu dis, dans le dialogue entre un enfant et sa mère âgée (on peut lire sur le sujet le beau récit de Noëlle Chatelet, la dernière leçon). Bien des gens ont ce même dialogue, un dialogue plein d’amour et de respect, mais à la différence de ta mère, la plupart des gens n’ont pas de connaissances techniques sur les moyens de se donner une fin paisible. Pourtant, s’il y a bien un acte que l’on aimerait accomplir sereinement, c’est celui-là, pour soi et ses proches.

C’est la raison pour laquelle je voudrais pouvoir être accompagnée quand le moment viendra, si j’ai la chance de pouvoir “vivre ma mort”, par une équipe médicale qui saura faire les bons gestes, en conscience et en accord avec la loi. Je n’ai pas envie qu’on me laisse agoniser ni qu’on fasse des gestes furtifs, illégitimes, en regardant ailleurs.

Telle qu’elle est, la loi actuelle me paraît insuffisante. Il se peut qu’elle réponde à l’état de la réflexion : un peu partout, dans des fils de commentaires, on lit la peur bleue qu’inspire le sujet, notre immaturité collective, nos tentations d’appeler à la rescousse des puissances protectrices. Mais il n’y a personne, il faudra se dépatouiller seul et en conscience avec cette question dérangeante;

Merci à Chantal Sebire, dont je salue la mémoire, de nous avoir bousculés.

2. Le 20 mars 2008,
Valérie de haute Savoie

Merci Laurent pour ce billet.

3. Le 20 mars 2008,
Yogi

Sous prétexte d’alléger les souffrances, la loi actuelle peut amener à les aggraver ?? C’est abominable ! Il y a vraiment quelque chose à changer ! Toutes mes pensées à Paul Pierra … j’en tremble.

4. Le 20 mars 2008,
tardif

On ne nous avait pas dit que de nos jours la douleur physique était vaincue ? On n’avait plus qu’à attendre que ça vienne sans se plaindre, car on avait même pas mal… Mais en réalité ça ne se passe pas comme ça.

Chantal Sébire à terminé sa vie dans des douleurs atroces (“des aiguilles dans les yeux”) dont les drogues ne venaient plus à bout. Voilà qui donne tout son sens au mot “enfin” de Laurent, qui a choqué quelques uns apparemment…

Oui, enfin…

Face à un douleur inouie, sans espoir et sans fin, comment ne rien faire ? Qu’est-ce qui peut bien justifier d’imposer à quelqu’un un tel martyre ?

5. Le 20 mars 2008,
Jali

Waouh, c’est plus qu’un billet ça, c’est un réquisitoire pour l’humanité, et plus de justice, nan ?

6. Le 20 mars 2008,
JeandelaXR

Être humain, c’est pas bien compliqué, être humain…

7. Le 20 mars 2008,
Esurnir

Laurent, Je te conseille de revoir l’exemple car les trippes rependu a l’air on peut encore survivre.

8. Le 20 mars 2008,
michel v

Six jours de souffrance, “le temps de préparation à la séparation et au deuil” ?

D’un point de vue terre à terre, n’aurait-il pas été tout à fait équivalent de fixer dans le marbre la décision d’euthanasier Hervé, puis de lui faire une injection léthale au bout de six jours ?

La loi Leonetti est bien gentille, mais elle ne s’applique vraiment qu’aux personnes qui n’ont plus de conscience. Qu’auraient voulu Boutin et consors ? Que Chantal Sébire décide consciemment de se laisser mourir de faim dans une pièce, le tout en étant consciente ?

Qu’il y ait des gens pour considérer que c’est ça, la beauté sacrée de la vie, ça me dépasse. Ce n’est pas de l’hypocrisie, c’est de la fuite de responsabilité.

9. Le 20 mars 2008,
gilda

merci Laurent merci ainsi qu’à monsieur Pierra.

(et aussi à Samantdi qui sait dire doucement ce que je ne sais exprimer qu’avec colère, et je pense que si la loi en France s’humanise enfin, on devra tous une fière chandelle à Chantal Sébire, ce courage qu’elle aura eu, la mesure de ses propos face à l’absurdité qu’on lui a infligée).

10. Le 21 mars 2008,
Oliv G.

Que ce soit Boutin, l’UMP, le PS ou les autres partis, ils fuient tous leurs responsabilités. Ceux qui s’aventurent à se prononcer pour l’euthanasie le font tout simplement parce qu’ils ne sont pas aux responsabilités. Ce sujet doit dépasser les clivages et une eventuelle loi ne doit pas se décider sous le coup de l’émotion. En tout cas, très beau billet laurent.

11. Le 21 mars 2008,
Gilles

Bonne nouvelle pour Boutin et con-sorts : dans 15j on n’en parle plus :) Comme toutes les actus “qui dérangent”.

12. Le 21 mars 2008,
Guillermito

Un sujet très délicat, merci Laurent de le traiter - comme d’habitude - avec beaucoup d’humanité. Je viens justement de lire cet article de Libé a propos de la mort choisie d’Hugo Claus. Grand écrivain, grand érudit, il n’a pas pu supporter les conséquences de la maladie d’Alzheimer, et a choisi le moment de sa mort. En toute légalité.

13. Le 21 mars 2008,
Qui©he

Merci

14. Le 21 mars 2008,
le chafouin

Excuse moi, Laurent, mais il existe une différence entre laisser mourir en aidant, et tuer. Dans le premier cas, le but est de soigner la souffrance, c’est-à-dire l’objectif de toute médecine : on se situe ici dans l’humanité.

Dans le second cas, on tue de sang froid un être humain. Là, on plonge dans la barbarie. On notera le vocabulaire employé par le sémillant blogueur “influent”. Dans un cas, il parle d’abréger le calvaire, dans l’autre, de “laisser crever de soif”!

Et tu dis que tel médecin est déconnecté des réalités! ;)

15. Le 21 mars 2008,
Newick

“il vous regarde d’un air hagard et douloureux, incapable de formuler un mot. Inutile d’être médecin pour voir que son cas est sans espoir, surtout en plein champ de bataille. Si vous êtes un homme, vous détournez le regard, vous serrez les dents et vous tirez une balle dans sa tempe.”

Justement, non. Le débat de l’euthanasie ne se situe pas là, à mon avis. En effet, l’exemple donné est à 1000 lieux de la réalité. Le cadre (la guerre) n’a rien à voir avec le pays où nous nous trouvons. Et désolé, il n’est pas inutile d’être médecin. Même mutilé, tripes à l’air, il peut vivre, si ça se trouve. Sur le moment, il souffre, il voit sa mort arriver. Mais non, je doute qu’il n’ait qu’une envie, mourir. Ce serait plutôt l’inverse dans cette situation, non ?

Et puis, si je suis un homme, je ferais tout pour le sauver, car si je ne suis pas médecin, rien ne me permet de dire s’il va vivre ou mourir. Et rien ne me permet de dire s’il va vivre en souffrant ou s’il va retrouver une vie qu’il pourra apprécier, qui sait ! (cf. le Lt Dan dans Forrest Gump ;)

Non, le débat de l’euthanasie, ce n’est pas juger si l’état de l’autre (ni même en se mettant dans son regard) vaut la peine d’être vécu, c’est juste savoir si la demande à mourir d’une personne souffrante, prise avec de la réflexion et du temps (cela manque parfois), peut être recevable ou non. Et si oui, comment le faire (rares sont les gens capable de donner la mort de sang froid, même dans ce cas) ? Et admettez que pour un médecin ou une infirmière qui passe son temps à vouloir sauver des vies, ça puisse être difficile à admettre.

16. Le 21 mars 2008,
Laurent Gloaguen

@Newick : ne changez pas mon exemple avec des secours possibles, puisqu’il n’a de valeur que s’ils sont impossibles. Ne vous arcboutez pas non plus sur ce paragraphe, il y a beaucoup d’autres choses dans ce texte.

17. Le 21 mars 2008,
Jerome

Merci pour ce billet. Dont je ne partage pas les conclusions, cependant.

D’une part, prendre pour exemple l’horrible cas de la famille Pierra n’est pas faire avancer le débat. Ce n’est pas à cause de la loi, ou de sa supposée inefficacité, que ces parents ont vu leur fils agité de soubresauts, image dont je n’arrive même pas à me représenter combien elle peut être traumatisante. C’est parce que la loi n’a PAS été appliquée que cela a eu lieu. (en passant, et comme par hasard, l’avocat de Mme Sébire, vice-président de l’ADMD, sort un bouquin sur la mort du jeune Pierra ; pas sûr qu’on va y trouver une réflexion saine, posée et rationnelle…)

D’autre part, d’accord avec “le chafouin” : il reste une différence fondamentale, primordiale, entre “laisser mourir en aidant” et “tuer”. Je n’appellerais pas les grands mots (“barbarie”, …), c’est inutile : “tu ne tueras point” n’est pas que l’héritage d’un vieux machin qui nous encombre souvent. C’est un choix de société avant d’être un choix personnel. Analogie : même si à titre individuel certains sont pour la peine de mort, le choix de société a été de supprimer la peine de mort, pour des raisons, des valeurs, supérieures à toute considération personnelle. S’abstraire du choix de société pour des raisons personnelles reste possible, mais il faudra en supporter les conséquences.

Enfin, la décision que ta mère et toi avez prises (que je ne juge pas) n’a pas de sens dans ce débat. OK pour l’appeler, entre vous deux, un “dernier acte d’amour”. Mais en quoi cette décision privée, hors la loi, devrait-elle engager la société ? La société est-elle là pour “un dernier acte d’amour” envers un de ces citoyens ? Le Désir de l’un (ou des deux) peut-il être supérieur à la Loi de tous ? C’est complètement hors sujet, à mon sens.

Encore merci pour ce billet, qui nourrit (ma) la réflexion.

18. Le 21 mars 2008,
MamboJoel

Plutôt Pro-Choice (chic c’est ricain ça) par défaut comme ce billet, en fait je n’avais jamais trop réfléchis sur cette question, et je ne suis pas resté insensible à ce passage de chez Koz:

Je persiste à penser que l’on sera porté à oublier le souci constant et effectif de la dignité du malade, que la mort rapide seule ne préserve pas. On portera progressivement un regard suspicieux sur celui “qui s’accroche”. Celui qui coûte, et qui n’a même pas la dignité et le courage d’affronter la mort en allant au devant d’elle. Cette loque, physique et morale, qui n’est même pas capable de finir dignement. Pas capable de comprendre que sa survie forcenée est pathétique. http://www.koztoujours.fr/?p=647

Et un commentateur:

Tu mets le doigt sur le pire aspect effectivement de ce sujet : commodité. Il y a eu une enquête parue à l’époque dans Libé dans un petit article sur l’évolution de la loi aux Pays Bas et déjà, il se faisait sentir une pression économique sur les familles par les directeurs d’hopitaux ou certains médecins qui commençaient à reprocher aux familles de ne pas “faire ce qui était le mieux pour le malade”. De même quand les malades baissaient de moral et envisageaient le suicide, certains médecins au lieu de passer quelques heures à les réconforter leur filaient plus facilement leur “formulaire d’inscription” http://www.koztoujours.fr/?p=647#comment-72927

Voilà qui apporte un peu de contradiction. Ces dérives existent-elles vraiment? Sont-elles le résultat d’une argumentation bornée à maintenir sa position plutôt qu’à la faire évoluer? C’est un peu le problème des blogs, les débats croisés n’y sont pas très commodes.

19. Le 21 mars 2008,
Glamazone

Merci pour ce billet, touchant et criant de vérité.

20. Le 21 mars 2008,
Ombre

Pour ce qui est des médecins néerlandais, il paraîtrait même qu’ils mangent leurs enfants… Sisi. Sans déconner, les règles d’applications de l’euthanasie sont très strictes là-bas, ce qui est décrit dans le commentaire est tout simplement impossible et même insultant pour le corps médical…

Pour ce qui est de l’extrait du billet de koztoujours, on peut toujours imaginer le pire mais jusqu’à présent cela ne s’est pas produit.

21. Le 21 mars 2008,
Otir

C’est un billet comme celui-ci qui peut nous aider à nous poser la question dans notre for intérieur (le tribunal de la conscience, n’est-ce pas) avant de lancer anathèmes, jugements à l’emporte-pièce, grandes déclarations partisanes, etc.

Parce que nous sommes tous et sans exception amenés à mourir un jour, nous pouvons tous exprimer, ouvertement ou pas, notre désir de mourir d’une manière plutôt que d’une autre, et ce qui est certainement terrible dans les cas qui font l’actualité et l’émotion actuelles, c’est bien que la société, par le biais de ses lois en vigueur, impose à certain une manière de mourir sans leur reconnaître aucunement le droit à choisir autrement (et avoir le choix, ne veut pas dire nécessairement que c’est ce qui sera le jour venu).

Merci à Embruns et à tous ceux qui ont publié des billets sur ces questions essentielles. J’aimerais prendre le temps et l’énergie d’en dire plus moi-même, peut-être.

22. Le 21 mars 2008,
Docteur Peuplu

Ceux qui semblent rejeter en bloc l’euthanaise ne semblent pas avoir vécu de telles expériences. :(

23. Le 21 mars 2008,
Elisabeth

Je ne sais pas si les dérives existent, existeraient, existeront, mais je pense aussi qu’on ne peut pas faire abstraction du contexte.

Et en repensant au débat sur l’euthanasie, il m’est revenu un souvenir, celui de ce médecin me prescrivant une échographie morphologique à 6 mois de grossesse en expliquant: “et là on verra s’il y a une anomalie, un bec de lièvre, s’il manque un membre ou quoi que ce soit, et on pourra toujours pratiquer un avortement”. Comme ça, tel que. Sauf que, un membre en moins, ça m’allait tout à fait et que si je suis descendue dans la rue pour défendre le droit à l’avortement ce n’était pas pour entendre ce genre de conneries et avoir ce regard sur le handicap. Alors l’argument de Koz, je l’entends tout à fait.

Ce qui me gène aussi, c’est le fait de devoir prendre une position tranchée, de devoir faire une loi à partir de cas limites, individuels et tout en nuances. Si on les compte, on en aura combien en un an ?

24. Le 21 mars 2008,
Therion

“Ce qui me gène aussi, c’est le fait de devoir prendre une position tranchée, de devoir faire une loi à partir de cas limites, individuels et tout en nuances. Si on les compte, on en aura combien en un an ?”

On n’a pas vraiment le choix. Je pense que c’est indigne de nous, non pas d’accepter ou de refuser l’euthanasie mais de ne pas se poser la question, de ne pas y réfléchir ou de boycotter une loi car elle s’applique à quelques cas seulement. Leurs souffrances est titanesque, parfois, ne l’oublions pas, et il s’agit d’une grande question d’éthique, de moralité. Si nous sommes des humains nous devons nous la poser. Nous n’aurions que peu d’humanité sinon.

25. Le 21 mars 2008,
Augustissime

Pourquoi le problème serait-il si compliqué ? Il s’agit simplement de savoir si, dans un état laïque, un citoyen majeur peut disposer librement de sa propre vie, y compris en se faisant aider s’il n’est pas en mesure d’agir seul.

On complique le problème, on imagine de possibles dérives, on se pose des questions philosophiques et métaphysiques, … alors que plusieurs pays nous ont montré la voie et prouvent que des solutions simples et pragmatiques peuvent être mises en oeuvre.

Combien de temps faudra-t-il pour surmonter cette montagne de préjugés ?

26. Le 21 mars 2008,
flo

ce n’est pas un problème de laïcité, contrairement à une idée fortement reçue (y compris dans le “camp adverse”). Exactement de la même façon que légiférer et punir le meurtre n’est pas un choix “religieux” ou “laïque”. C’est plus vaste, ça nous renvoie à la question de comment on pense collectivement la mort, à son acceptation aussi, à notre seuil de tolérance à la mort, à la façon dont on sépare le monde des vivants du monde des morts. Il ne faut pas croire qu’une société laïque aura davantage de facilité sur le sujet, qu’une autre. ça ne sera pas moins complexe.

Pourquoi le problème serait si compliqué ? eh bien, Augustissime, ton commentaire te donne un exemple de complication. Quand tu écris “un citoyen majeur…”, qu’en est-il du cas du mineur atteint d’une maladie incurable, cause de souffrances qu’il ne peut plus supporter, et qui chaque matin en se réveillant s’aperçoit avec horreur qu’il est toujours en vie -non, dans cette vie-là ? Celui-là, lui faut-il autorisation des parents ? et s’ils ne peuvent pas prendre cette décision, on fait comment pour être juste et humain, pour ne pas nier ce qu’il éprouve ? Si j’ai 13 ans, 8 ans, et que j’estime ne plus pouvoir continuer comme ça, va-t-on, ou pas, me dire que je suis en âge de l’estimer ?

27. Le 22 mars 2008,
tardif

Souffrance.

Douleur.

Calvaire.

Martyre.

Pourquoi si peu de gens, ici même, et ailleurs, parlent de la souffrance ? Chantal Sébire ne parle que de ça pourtant, et uniquement de ça.. Et je la comprends au plus profond de moi-même, car j’ai le sentiment - à tort ou a raison - de savoir de quoi elle parle.

Au regard de la souffrance, il ne devrait même pas être possible de contester qu’un moment vient où la seule solution moralement acceptable est la mort. Je n’utilise pas le mot “moralement” à la légère, et pas le mot “mort” non plus. Et en disant cela, c’est bien la conception de la “morale” de ceux qui ne sont pas de cet avis que je met en cause.

Que valent les arguties jésuitiques face au scandale absolu d’une mort dans une telle souffrance ? Comment peut-on la justifier d’aucune manière que ce soit, alors que l’on sait très bien comment la faire cesser immédiatement ?

Qu’est-ce qui peut oser s’habiller du terme de morale, quand cette morale conduit à tolérer de ne pas mettre fin à cette négation de la vie qu’est une telle souffrance ?

Je sais bien que certains croient en la valeur rédemptrice de la souffrance. C’est une idéologie qui a cours par chez nous (et pas seulement chez nous). Comment peut-on oser ?

Comment ne pas être soi-même d’une grande violence, face à la violence inouïe du discours qui nous est renvoyé : si ceux qui voulaient tuer Chantal Sébire sont des assassins, ceux qui voulaient la faire vivre sont des tortionnaires.

Que Chantal Sébire repose en paix, et qu’il se trouve quelqu’un pour abréger ma souffrance si je me retrouve dans son cas et que je ne peux pas moi-même. Une balle suffira. Merci d’avance. Amen.

28. Le 22 mars 2008,
Augustissime

@flo “C’est plus vaste, ça nous renvoie…” Le problème n’est vaste qu’en ce qu’il vous dépasse. Et c’est tout imprégnés de morale judéo-chrétienne que les gens inventent une complexité virtuelle là où il y a un problème plutôt simple et concret auquel nos voisins ont trouvé des réponses pragmatiques.

Je n’ai nul besoin d’interroger mon rapport à la mort, à la frontière entre les vivants et les morts ou d’autres vastes sujets pour savoir que si je suis condamné et perclus de souffrance, je veux pouvoir choisir de mourir.

Et quand on en sera à se poser des questions sur le cas des enfants mineurs, on aura déjà bien progressé.

29. Le 22 mars 2008,
dagrouik

Après avoir lu ça, on aura du mal à penser que Laurent puisse être misanthrope ! Au contraire, il est fou amoureux d’une chose : l’Humanité, celle qui fait de chaque être humain un truc unique et universel en même temps.

30. Le 22 mars 2008,
[moi]

Au risque de faire dans la nouveauté: merci pour ce billet. Merci pour l’humanité et la compassion (dans mon dictionnaire) qui s’en dégage.

Deux ou trois choses: pour répondre à la question posée dans “De la richesse de la blogosphère francophone” (en rapport avec celui-ci), il est difficile d’écrire sur ce sujet avec talent et je crois qu’il faut pouvoir supporter ensuite en commentaire la bataille d’arguments manichéens et de “salaud ! - salaud toi même !” qui s’installe très vite.

Concernant le billet (très bien écrit de koztjrs) auquel quelqu’un ici fait référence ça me fait toujours doucement rigoler de lire “et les dérives, hein ???” de la part de quelqu’un (koztjrs en l’occurrence) qui s’accommoderait très bien des quelques innocents qu’un retour à la peine de mort, à laquelle il est favorable, condamnerait certainement (une justice infaillible je n’en ai jamais entendu parler). Mais je suppose qu’il y a des exceptions en matière de “mort active” et de “dérives possibles”…

31. Le 22 mars 2008,
Spierre

En tant que vétérinaire je pratique régulièrement l’euthanasie sur des animaux. Je ne compare pas la vie animale et la vie humaine, et l’animal ne décide pas nous décidons à sa place. Mais effectivement, si l’on fait ce métier pour soigner, être confronté personnellement à des situations de souffrance intense fait que l’euthanasie semble parfois la situation “la plus humaine”. J’ai bien conscience que ce point de vue est limité, qu’il ne comprend pas les dimensions psychologique et philosophique entre autres, mais oui l’euthanasie est parfois une chance. Et oui encore il peut y avoir des dérives qu’il faut empêcher. Je trouve le point de vue du Dr Martin Winckler intéressant : http://martinwinckler.com/ justement sur la différence entre laisser mourir dans le coma ou donner la mort. Quant au chlorure de potassium c’est douloureux ce n’est pas la meilleure idée, le thiopental (Pentothal ND) comme le souhaitait Chantal Sébire c’est mieux.

32. Le 22 mars 2008,
garfieldd

Emu. L’histoire de Chantal Sébire m’a ému. Bouleversé. Et j’ai beaucoup hésité avant d’oser en parler. Au delà de tout ce qui peut être déclaré, que l’on soit pour ou contre le principe de l’euthanasie, il n’en reste pas moins que tous les discours (à de rares exceptions près) sont des postures de principe. Je n’aimerais pas que quelqu’un décide pour moi, or c’est ce que tout le monde fait en prenant position pour ou contre la demande de Ch. Sébire de choisir de partir, en paix, avec les siens, chez elle. Que l’on s’interroge, que cela fasse débat, après tout c’est normal. C’est sain. C’est peut-être une façon de montrer qu’on n’est pas dans une société totalement morte. Alors débattre, oui, mais avec quels arguments ?

Je vais moi aussi théoriser (et tomber dans le travers que je dénonce) : je ne comprends pas que l’on n’accepte pas l’idée de légiférer. Ce refus de la loi qui autoriserait ou, plus exactement, qui accepterait l’euthanasie dans son principe, fait basculer dans le crime ceux qui écoutent leur coeur ou leur raison. Ce n’est pas à moi de décider si le seul avis de la personne malade, demandant qu’on l’assiste dans ce qu’elle aurait décidé comme étant ses derniers instants serait suffisant. Ce n’est pas à moi de décider s’il faudrait s’entourer d’un collège d’avis médicaux. Ou si la position de la famille proche demandant que l’on mette fin à la vie végétative ou à la souffrance d’un homme ou d’une femme qui ne serait plus en état de faire connaitre son choix serait acceptable. En revanche je suis ulcéré de voir que des hommes et des femmes politiques, à qui on confie le pouvoir de légiférer, refusent le principe de l’euthanasie non pas en vertu d’impossibilités constitutionnelles ou légales mais en vertu de considérations morales ou religieuses. Nous sommes dans un état laïc. La loi ne peut souffrir d’être envisagée au travers d’un filtre qui fait référence à des convictions personnelles et non pas à des considérations supérieures, inattaquables. Alors qu’on exige par exemple que l’Ecole de la République soit protégée des influences politiques, philosophiques et religieuses on tolère que l’Assemblée Nationale soit gangrénée par l’intrusion de convictions personnelles qui prennent le pas sur une lecture sereine de la Constitution ou du Code Civil. Et pendant ce temps Chantal Sébire devient le symbole de l’incapacité ou des hésitations d’une classe politique à jouer son rôle. Celui de faire avancer la société.

Des éléments pour enrichir la réflexion Le “défenseur occulte” (comme je suis qualifié par le post) a aussi signé avec l’avocat de Mme S (et VP de l’ADMD) un texte dans le Monde qui mérite peut être mieux que des anathèmes

tribune dans le monde

je vous propose la lecture ci dessous (tribune Figaro 21/03)qui apporte un éclairage différent (cf aussi sur France culture le grain à moudre de vendredi dernier

Que ceux qui croient avoir des solutions simples aux situations compliquées y réfléchissent bien …

B DEVALOIS (dit Janus, mon cher Laurent vous devriez peut être revoir le mythe de Janus Trismégiste dans vos classiques)

*L’histoire tragique de Mme SEBIRE ne doit pas ouvrir un droit au suicide*
Au lendemain du décès de Mme SEBIRE et au-delà de l’émotion suscitée par cet événement tragique il convient de revenir sur un certain nombre d’approximations faites à cette occasion. Une grande confusion est généralement entretenue autour des « affaires » qui sont destinées « à relancer le débat sur l’euthanasie ». Or il convient de bien distinguer 3 problématiques différentes.
La première est celle de l’acharnement thérapeutique (les affaire V Humbert ou H Pierra par exemple). Nous approuvons pleinement la volonté de faire reconnaître le droit des patients à refuser des soins qu’ils considèrent comme inutiles ou disproportionnés. La loi du 22 avril 2005 – dite loi Leonetti – est une réponse législative à ces questions. Elle impose aux médecins de respecter la volonté des malades en ce domaine. Elle institue des outils permettant de mettre en œuvre ce principe lorsque le patient n’est plus en état de décider pour lui-même (procédure collégiale, concertation d’équipe, directives anticipées, désignation d’une personne de confiance, avis de la famille et des proches). C’est le système juridique le plus avancé au monde dans ce domaine. Un problème demeure : cette loi n’est ni assez connue, ni bien appliquée. Notons toutefois que dans l’affaire SEBIRE, aucune obstination déraisonnable n’est évoquée.
Une autre problématique est celle de la phase ultime, agonique, de la vie. Ainsi dans l’affaire de St Astier, un médecin a été reconnue coupable d’avoir abrégé la vie d’une malade moribonde. La phase agonique, qui peut durer plusieurs jours, est d’autant plus difficile à supporter pour le patient et ses proches que les symptômes ne sont pas correctement pris en charge (douleur, essoufflement, angoisse, etc…) et qu’un accompagnement adapté n’est pas mis en œuvre. Certains proposent de mettre en place des procédures légales qui permettraient aux médecins de raccourcir cette phase ultime par la pratique d’injections létales. Sans revenir ici sur l’ensemble des arguments qui plaident contre cette solution, mais plutôt pour une meilleure formation des médecins et une augmentation des moyens pour les soins palliatifs, il faut souligner que dans l’affaire SEBIRE, nous ne sommes pas non plus dans cette situation.
Mme SEBIRE réclamait le droit pour son médecin de mettre fin à ses jours, car elle ne souhaitait ni se suicider elle-même, ni accepter les traitements susceptibles de lui procurer un soulagement. Elle exigeait de la société (via la justice qu’elle a saisie) le droit au suicide, pour elle et ceux qui auraient la même volonté. Une légitime émotion est suscitée par sa situation tragique (mais ni plus ni moins que celle de milliers d’autres : la souffrance et la mort sont toujours tragiques). Mais, en écartant un moment le rideau de l’émotion, que découvre-t-on ? Que la demande ainsi adressée à la société est inopérante au regard des problèmes soulevés. Si notre société mettait en place un tel « droit au suicide » chaque citoyen pourrait exiger « d’être suicidé à sa demande ». Autrement dit : faites ce que je n’ose pas me faire à moi-même, me rayer de la vie. Comment ne pas voir le caractère contradictoire d’un tel transfert sur autrui de la responsabilité première de chacun sur lui-même ? Les partisans de cette mesure évoquent certes un encadrement, des limites précises. Et c’est là que les choses se compliquent. Quelle position adopter pour des patients qui refusent les traitements que la médecine peut leur apporter ? Quel encadrement juridique faudra-t-il mettre en place pour s’assurer qu’aucun intérêt ne se cache derrière la demande ? Le suicide doit rester la quintessence de la liberté individuelle. Ce serait dévoyer toute notre philosophie politique et juridique, héritée des Lumières, que d’en faire un nouveau « droit à » opposable. L’incitation au suicide d’autrui est d’ailleurs prohibée dans notre pays. C’est donc bien à un débat beaucoup plus dérangeant encore qu’il n’y parait auquel nous sommes conviés. Il convient d’y faire bien réfléchir nos concitoyens et leurs responsables politiques afin d’éviter des chantages compassionnels du type : « si le cas de Mme SEBIRE vous a touché, alors vous approuvez la cause qu’elle avait décidé de défendre».
Un second point touchant directement à la situation de Mme SEBIRE devra être éclairci. Au plan médical, des doutes sérieux pèsent sur le caractère « impossible à contrôler » de la douleur de Mme SEBIRE. Il semble bien qu’elle ait en réalité systématiquement refusé toutes les possibilités qui lui étaient offertes pour tenter de contrôler les phénomènes douloureux qu’elle présentait. Il faut rappeler que si des effets secondaires peuvent accompagner la mise en œuvre d’un traitement par la morphine, nous disposons fort heureusement de moyens pour les traiter. En cas d’échec, une technique (dite de rotation des opioïdes) permet de choisir parmi différents autres morphiniques un produit entrainant moins d’effets secondaires. D’autres voies d’administration que la voie orale permettent de diminuer ces effets secondaires gênants. Des solutions plus sophistiquées peuvent aussi être mises en œuvre (Pompes d’Analgésie Contrôlée par le Patient, par exemple). Seule une expertise pluridisciplinaire de son dossier, indispensable du fait des conséquences sociétales que cette histoire tragique pourrait avoir, permettra de vérifier si oui ou non ces alternatives ont bien été proposées à Mme Sebire et si oui ou non, c’est elle qui les a refusées, ce qui était son droit le plus strict, mais qui modifierait significativement les conséquences à tirer de cette situation extrême.
Vouloir à tout prix mettre en avant des drames humains afin de faire croire à la nécessité de substituer un nouveau droit au suicide à l’actuelle liberté de se suicider, est pour nous une erreur. Cela créerait de graves problèmes, aux impacts transgénérationnels sans régler pour autant ceux qui se posent aujourd’hui. Notre société doit être capable de trouver des solutions raisonnables, tant par la loi qui pose des limites, que par la réflexion collégiale pour affronter les situations exceptionnelles. A la dictature des passions, nous préférons le règne de la raison.

Dr Bernard DEVALOIS, Médecin d’Unité de Soins Palliatifs
Pr Louis PUYBASSET, Anesthésiste-Réanimateur
34. Le 22 mars 2008,
GreG

Merci Docteur pour ce commentaire que je trouve intéressant sur certains points mais qui à mon sens révèle aussi la faiblesse d’argumentation des opposants à l’euthanasie. Aussi je vais m’efforcer (ce n’est pas gagné) de ne pas être maladroit dans mes propos.

D’accord, “imaginons” que le cas particulier de Madame Chantal Sébire (paix à son âme), et au vu des récentes informations (info ou intox ?) qui circulent sur son dossier, n’aurait pas été satisfaisant au regard d’une loi sur l’euthanasie telle que nous la préconisons. Je pense d’une part que personne sur ce blog ou ailleurs ne peut en juger sans connaître TOUS les éléments de ce dit dossier, et c’est bien pour cela que nous demandons à ce que ce genre de pratiques (qui existent) soient rigoureusement encadrées par la loi, et non plus pratiquées dans la clandestinité.

Aussi j’ai pu lire à maintes reprises ici et là : “Chantal Sébire souhaite que la société vote une loi rien que pour elle”. Non seulement je pense que ceci est un manque de respect envers le dernier combat qu’elle a mené pour elle mais aussi pour tous les autres, il ne faut pas l’oublier, mais je pense aussi que ce sont les plus fervents opposants à l’euthanasie qui focalisent délibérément sur ce cas particulier pour discréditer une cause qui nous concerne tous.

Comme tout le monde, y compris les “antis” je l’espère, j’ai été choqué par la vision de son visage et touché par son cas personnel. Mais avec travers elle, et comme je l’ai déjà écrit, je pense également aux centaines d’autres personnes (et leurs familles) qui sont directement concernées par ce débat-tabou, et bien plus encore, à travers elle je me vois moi, ma famille, mes amis, vous tous, dans un avenir qui je l’espère n’arrivera pas, mais sachez . Et là, je me dis : qu’est-ce que mon pays, qu’est-ce notre société (qui est la vôtre mais aussi la mienne) a prévu pour cela ? Certes, certains vont préconiser la prière et la compassion, l’acceptation de la souffrance à l’image de Jésus Christ, certains de ces mêmes personnes vont même préconiser le “suicide” (??? carrément choquant venant d’eux), mais plus sérieusement, il y a les soins palliatifs (qui trouvent malheureusement leur limite), et la loi Léonetti qui est insuffisante et ne va pas au bout des choses.

… D’où la nécessité d’un débat public, d’où la nécessité de briser ce tabou qui n’a pas sa place dans une société laïque et moderne. Et là je dis MERCI CHANTAL SEBIRE, MERCI MADAME HUMBERT, ET MERCI L’AMD. Parce qu’en effet, si ces cas particuliers n’avaient pas été médiatisés, personne ne s’en serait soucié et personne n’aurait bougé son cul.

Aussi je comprends que les anti-euthanasie aient intérêt à baillonner le débat public et à dénoncer la complicité des médias, je comprends qu’ils aient intérêt à réduire un débat qui nous concerne tous à de simples cas isolés, mais ce n’est pas de cette façon que pour pourrez apporter du crédit à vos arguments, et que vous ferez avancer les choses. En fouillant bien, je pense qu’on pourrait trouver un nombre incalculable de bonnes lois ou de simples mesures qui ont été prises suite à la médiatisation de cas particuliers. Et puisque nous sommes en train de fêter les 20 ans des évènements de mai 68, que serait notre société actuelle si ces mêmes évènements n’avaient pas eu lieu ? Et que dire de la Révolution Française et des Droits de L’Homme ? Et plus modestement, les innombrables heures supplémentaires non payées des personnels de Santé n’ont-elles pas trouver leur solution face à la médiatisation de ce problème inconnu du grand public ?

Aussi, s’il y a bien une utilité que l’on peut trouver dans ces mêmes médias, ainsi que dans l’action de certaines association ou de syndicats, c’est bien celui-ci : inciter le peuple à s’exprimer et le législateur à trouver des solutions concrêtes.

Certes tout le monde a le droit de défendre son point de vue, ses convictions, et il est clair que la passion doit faire place à la raison, mais réduire le problème de l’euthanasie à quelques cas particuliers et au phénomène de la médiatisation est une insulte à la démocratie et à la liberté.

IL FAUT EN PARLER ET TROUVER DES REPONSES, C’EST TOUT.

Parce que je le rappelle, cette loi ne vise pas à imposer quoique ce soit sur qui que ce soit, mais bien àoffrir un choix, une solution à ceux et seulement ceux qui pourrait y prétendre et le demanderaient.

(désolé Laurent pour la longueur de ce commentaire).

35. Le 23 mars 2008,
bourrico

Dr Levallois : le cas de Mme Sébire est derrière, le débat sur l’euthanasie est devant. Ne nous servons pas de son cas pour aucune des causes. Chantal Sébire a permis ce débat, avançons et laissons-la reposer. Je ne reprendrais qu’une seule de vos phrases : “A la dictature des passions, nous préférons le règne de la raison.” pour vous répondre “A la dictature du vivre à tout prix, nous préférons le règne du respect.”

36. Le 24 mars 2008,
La mouche du coche

Le commentaire du Dr Bernard DEVALOIS et du Pr Louis PUYBASSET montre bien que ce n’est pas aux médecins à qui il faut confier la fin de vie.

On le comprend facilement: ils passent leur vie à soigner les malades, et donc s’acharne à les faire vivre comme c’est la grande noblesse de leur métier, et on leur demande subitement de faire l’inverse : débrancher. C’est physiquement impossible pour eux. Il faut que ce soit une autre personne qui fasse cela.

37. Le 24 mars 2008,
marion

Je déplore que si peu de gens se posent la question de l’euthanasie, et que les politiques fuient les responsabilités. Je regrette que le débat soit baillonné, ou limité aux opinions extremes.

Lorsque l’on a connu quelqu’un victime d’AVC dans son entourage, qui l’a conduit à rester cloué des mois sur un lit d’hopital, sans espoir de jamais pouvoir remarcher ou effectuer le moindre geste de la vie quotidienne, laissant ses enfants et ses petits enfants dans une attente et une peine insupportable, le sujet de l’euthanasie s’impose naturellement Et souvent, on y pense avec culpabilité, et souffrance. C’est pourquoi votre billet est plein d’hummanité.

Toutefois on ne peut pas exercer de pressions morales, forcément passionnées sur le sujet, ou évoquer notre propre drame, pour pousser les pouvoirs publics à légiferer au plus vite.

38. Le 25 mars 2008,
Ombre

Le commentaire du Dr Bernard DEVALOIS et du Pr Louis PUYBASSET montre bien que ce n’est pas aux médecins à qui il faut confier la fin de vie.

Pourtant ce sont bien eux qui pratiquent l’euthanasie à l’heure actuelle. De façon officieuse bien sûr. Si une loi officialisant l’euthanasie sort, il est évident que l’on ne pourra pas forcer un médecin à pratiquer la chose si ça lui pose des problèmes de conscience. Il y en aura toujours bien un dans l’entourage du patient qui sera d’accord pour passer à l’acte.

39. Le 25 mars 2008,
Polydamas

@ Moi:

Où avez vous lu que Koz était pour la peine de mort ? Ce que vous racontez est complétement faux.

@ Ombre:

Les dérives existent, on en a suffisamment parlé sur l’autre billet. Désolé, je ne veux pas que l’idée de la vision d’une blouse blanche puisse effrayer le moindre malade.

Et puis, vous oubliez que l’objection de conscience des médecins, au bout de 30 ans d’application de la loi, on n’en a plus rien à foutre (cf l’autre sujet polémique sur les débuts de la vie).

@ Greg:

mais je pense aussi que ce sont les plus fervents opposants à l’euthanasie qui focalisent délibérément sur ce cas particulier pour discréditer une cause qui nous concerne tous.

Elle est très bonne celle-là…

C’est l’ADMD qui envoie ses milliers de cartes postales aux parlementaires, mais c’est nous qui focalisons.

Et puis, perso, je commence à en avoir plus que marre de l’immixtion sans fin de l’état dans la vie privée. Personne ne vient légitimer le suicide. C’est juste qu’on ne peut pas demander à l’état de le faire à notre place. Vous comprenez ? Allez lire Hugues ou le Swissroll.

Quant au baillonnage du débat public ou les apports (sanglants) de la Révolution Française, ces propos seraient à hurler de rire si les sujets n’étaient pas aussi dramatiques.

40. Le 25 mars 2008,
Ombre

Désolé, je ne veux pas que l’idée de la vision d’une blouse blanche puisse effrayer le moindre malade.

En Belgique, depuis l’entrée en vigueur de la loi, plus personne n’ose entrer dans un hôpital.

Mais non, je déconne… ;-)

Et puis, vous oubliez que l’objection de conscience des médecins, au bout de 30 ans d’application de la loi, on n’en a plus rien à foutre (cf l’autre sujet polémique sur les débuts de la vie).

Vous parlez de l’IVG ? Je suppose que les médecins qui travaillent dans ces centres ont choisit de le faire non ?

Et puis, perso, je commence à en avoir plus que marre de l’immixtion sans fin de l’état dans la vie privée.

Il n’y a pas d’immixtion, si vous êtes contre ne la demandez pas (bis).

Quant au baillonnage du débat public ou les apports (sanglants) de la Révolution Française, ces propos seraient à hurler de rire si les sujets n’étaient pas aussi dramatiques.

Royaliste ?

41. Le 25 mars 2008,
Polydamas
Royaliste ?

Pas spécialement. Je connais juste l’histoire de mon pays…

Vous parlez de l’IVG ? Je suppose que les médecins qui travaillent dans ces centres ont choisit de le faire non ?

Si vous lisez la prose féministe, on trouve souvent très rapidement pas mal de personnes qui sont choquées qu’un médecin puisse refuser de leur faire un IVG. Je suis certain qu’une fois l’euthanasie passée, on y sera en moins de 10 ans.

Quant à l’immixtion de l’état dans la fin de vie, on sait où ça commence, on ne sait pas où ça finit. Et puis, l’idée que les choses resteront en l’état, qu’il n’y aura pas d’évolutions de cette loi, une fois passée l’euthanasie me parait irréaliste. Jamais les choses ne restent en état, on trouve toujours des gens pour aller encore plus loin dans l’obligation de compassion.

42. Le 25 mars 2008,
GreG

@ Polydamas : Je te concède volontiers que mon exemple de la Révolution Française est excessif, mais il illustre le fait que les changements de notre société naissent d’abord de l’initiative et du combat de quelques uns (révolutionnaires, militants, etc…) et que c’est une fois que la cause est acquise au plus grand nombre (grâce notamment à la circulation de l’information par les médias ou autre) que ces changements peuvent s’opérer. Tout ça pour dire qu’effectivement les plus fervents opposants à l’euthanasie réduisent et détournent souvent le sujet principal du débat ( dixit l’euthanasie) en dénonçant sans cesse le phénomène de médiatisation d’un cas particulier ou les actions d’associations comme l’AMD. Que je sache, cette association n’a pas été créée pour et seulement pour Chantal Sébire, mais bien pour défendre une seule et même cause. Aussi, permets-moi de sourire lorsque j’entends certains parler de “prosélytisme” à l’égard des pros-euthanasie. Prosélytisme : n’est-ce pas une tradition séculaire de l’Eglise, voire même le devoir de tout bon chrétien ? Au moins sur ce sujet, Le Salon Beige le revendique et l’assume. Et si les médias accordaient bien plus de place aux paroles de l’Eglise, je pense que tu serais le dernier à t’en plaindre.

Entendons-nous bien, je respecte la foi et les croyances de chacun, mais il eut été plus clair et plus courageux de nous préciser que ton point de vue découle avant tout de ta foi de Chrétien et de ce que te dicte l’Eglise :

En voici un exemple ici, et un autre exemple là.

Bien évidemment, je ne juge en rien ces positions, et je pense même qu’il serait complètement contradictoire et “risqué” pour quelqu’un comme toi d’aller à l’encontre de ce courant de pensée.

Aussi, permets-moi simplement de ne pas penser comme toi, et de ne pas partager ta foi, aussi respectable soit-elle. François de Closets a récemment déclaré que d’offrir le droit à l’euthanasie c’était la démocratie, l’en empêcher est de la théocratie. A mon sens, cela résume bien le problème de fond du débat.

Quant à l’apport “sanglant” de la Révolution Française… oui, si tu veux, mais là je te conseillerai de ne pas m’emmener sur ce terrain glissant.

43. Le 26 mars 2008,
Polydamas

@ Greg:

Ah, mais je reconnais tout à fait que c’est la minorité qui fait bouger les choses, ça a toujours fonctionné ainsi, et qu’une fois le pathos diffusé par les médias, une fois que tout le monde est bien ému à la suite de tel ou tel cas particulier, on légifère sous le coup de l’émotion. Mais ici, dans ce cas, il y a tout de même une légère petite instrumentalisation du cas dramatique de Mme Sébire.

Entendons-nous bien, je respecte la foi et les croyances de chacun, mais il eut été plus clair et plus courageux de nous préciser que ton point de vue découle avant tout de ta foi de Chrétien et de ce que te dicte l’Eglise : (…) Aussi, permets-moi simplement de ne pas penser comme toi, et de ne pas partager ta foi, aussi respectable soit-elle. François de Closets a récemment déclaré que d’offrir le droit à l’euthanasie c’était la démocratie, l’en empêcher est de la théocratie. A mon sens, cela résume bien le problème de fond du débat.

Que dalle, c’est une attaque ad hominem gratuite et hors sujet. François de Closets, sur ce point, est un con. Ma foi n’a rien à voir là-dedans, je pense juste qu’il y a des valeurs qui fondent une société et que la base la plus solide de ces valeurs est la considération portée à la vie ou la mort. Rien à voir avec une théocratie, où ce sont les prêtres qui dirigent et qui édictent les lois.

Par contre, si tu me dis que la démocratie ne doit s’appuyer sur aucune valeur autre que celle de la majorité, ok, très bien, mais alors là, bonjour l’horreur…

@ Ombre:

Vous m’avez dit quelque part qu’il n’y avait aucun problème en Belgique.

Effectivement, vous avez raison:

Les enfants pourraient bientôt être euthanasiés
L’Open Vld annonce de nouvelles initiatives en vue d’étendre la loi sur l’euthanasie aux enfants et aux personnes âgées en état de démence, éventuellement avec une majorité de rechange. C’est ce qu’indiquent mardi plusieurs journaux flamands. Le Premier ministre Yves Leterme (CD&V) ne les arrêtera pas. Le week-end a été marqué par des critiques émanant du monde catholique, notamment via l’homélie de Mgr Danneels, à la suite de l’euthanasie dont à bénéficié l’écrivain flamand Hugo Claus.

Mais non, il n’y a pas de problème en Belgique, puisqu’on vous dit que c’est encadré…

44. Le 26 mars 2008,
GreG

@ Polydamas : Le fait d’avoir précisé que tu étais un croyant pratiquant n’était en rien une “attaque”, arrête de voir le mal partout, et à mon sens cela n’est pas du tout hors sujet puisque ceux qui s’opposent le plus farouchement à une loi sur l’euthanasie (comme pour l’IVG en son temps) sont comme par hasard les défenseurs de l’Eglise. Bien évidemment, cela ne veut pas dire que TOUS les opposants à l’euthanasie sont forcément des bons chrétiens, ne tombons pas dans l’amalgame.

Maintenant, si tu affirmes ici que ta position sur l’euthanasie n’a absolument rien à voir avec ta foi chrétienne, et bien soit, j’en prends acte bien que cela me laisse perplexe.

François de Closets est “un con” parce qu’il défend ses opinions en faveur de l’euthanasie ? j’imagine que l’on fait partie du lot alors.

Quant à la théocratie, Dieu merci l’Eglise n’a plus le pouvoir qu’elle jadis, mais elle a visiblement encore son influence. En effet, si certains se plaignent que la loi Léonetti ne va pas au bout des choses, c’est bien parce que des hauts représentants de l’Eglise ont été consultés dans l’élaboration de ce projet de loi.

45. Le 26 mars 2008,
Ombre

@polydamas : c’est un projet de loi que vont déposer deux députés à la chambre, comme cela se fait dans tous les états démocratiques. Ce n’est pas un point du programme du nouveau gouvernement, c’est pour ça qu’il est dit que le premier ministre ne les arrêtera pas. Pour l’instant on ne connaît pas trop le contenu du projet alors j’attends avant de me faire une opinion. De toutes façons, si le projet va trop loin il ne passera pas à la chambre et encore moins au sénat.

Et pour ce qui est du cardinal Danneels, il ne critiquait pas l’euthanasie (voulue par le peuple belge faut-il le rappeler) mais sa médiatisation.

46. Le 26 mars 2008,
Bourrico

M’enfin, Polydamas, bien sûr que si votre foi a à voir là-dedans. Vos valeurs sur la vie et la mort sont évidemment fortement influencées par votre foi, et vice-et-versa. C’est même vachement bizarre que vous le niiez. Dire que vous êtes influencé par l’église n’est pas une attaque. A quoi servirait l’église si elle n’influençait pas ses ouailles ? Mais que ses ouailles, hein. Parce que l’immixtion de l’église dans la vie privée, ça commence à bien faire. Parce que si l’euthanasie venait à être autorisée, l’état n’obligerait personne à y avoir recours. Peut-on en dire autant de l’église s’agissant de ne pas y avoir recours ?

47. Le 26 mars 2008,
Polydamas

@ Greg:

Closets est un con, en disant qu’on est un théocrate si on affirme que même dans une démocratie, il y a des valeurs. Ce qu’il dit textuellement à Zemmour.

En outre, je serais d’accord avec toi si mon argumentation se fondait sur Dieu, etc. Je ne crois pas l’avoir fait, donc je ne pense pas que cela soit nécessaire de l’évoquer ici. Dire que je suis catholique, c’est en quelque sorte m’exclure du débat démocratique, puisque vous allez me dire ensuite, “oui, mais toi, tu obéis à des valeurs qui ne sont pas les nôtres, donc on peut faire ce que l’on veut”.

Et ben non, même en démocratie, il y a des valeurs qui fondent la société que ça vous plaise ou pas, et c’est en vertu de ces valeurs que je pense que l’euthanasie ne doit pas passer.

@ Ombre:

A voir le silence assourdissant qu’a provoqué cette proposition, je me dis tout de même qu’on est bien parti…

@ Bourrico:

C’est vrai que l’état n’obligerait personne à y avoir recours. Alors, vous m’expliquez comment on fait avec les fous ?

48. Le 26 mars 2008,
Ombre

@polydamas : silence assourdissant ? Bien sûr, je vous rapelle que :

  1. Il n’y a eu pour l’instant qu’une déclaration, à ma connaissance personne n’a vu ce fameux texte.
  2. Les débats doivent se faire dans la sérénité… Outre le fait que l’on sorte ici d’une période assez agitée, il vaut mieux réfléchir calmement et ne pas légiférer dans la précipitation sur de tel sujets.
49. Le 26 mars 2008,
samantdi

Polydamas écrit : ” Dire que je suis catholique, c’est en quelque sorte m’exclure du débat démocratique, puisque vous allez me dire ensuite, “oui, mais toi, tu obéis à des valeurs qui ne sont pas les nôtres, donc on peut faire ce que l’on veut”.

Quelle rigueur dans le raisonnement !

Depuis quand exclut-on les catholiques du débat démocratique ? Qui est ce “on” qui les exclut ?

En France le Le Comité Consultatif National d’Ethique réunit 39 membres, parmi lesquels 5 personnalités appartenant aux « principales familles philosophiques et spirituelles » (courants philosophiques et religions catholique, protestante, juive et musulmane).

Xavier Lacroix, professeur de théologie morale à la Faculté de théologie de Lyon, directeur de l’Institut des sciences de la famille de Lyon, membre du Conseil national de pastorale familiale de l’Église catholique siège au CCNE.

Il y défend des positions réactionnaires, en toute liberté.

50. Le 26 mars 2008,
Polydamas

@ Ombre:

Je fais confiance aux Belges. Il n’y a pas de raison qu’ils ne réussissent pas à mettre en oeuvre les mêmes mesures que les néerlandais.

@ Samandtl:

C’est exactement ce que Closets fait, en qualifiant tout ceux de mon espèce de “théocrate”, ce que n’est pas non plus Xavier Lacroix.

Penser que l’Eglise doit avoir un rôle n’est pas similaire au fait de penser que l’Eglise doit avoir TOUS les rôles, ce que recouvre l’acception de théocratie.

Et oui, me qualifier de “catholique” sur ce sujet, c’est en quelque sorte me discréditer en me faisant passer pour quelqu’un qui ne partage pas les croyances les plus répandues.

51. Le 26 mars 2008,
GreG

@ Polydamas : Tu te stigmatises toi-même en disant “ceux de mon espèce”. Pour ma part, je ne jugerai jamais un catholique (ou autre) d’être contre le principe de l’euthanasie, car cela reste en adéquation avec ses croyances intimes. En revanche, je n’accepte pas que ce même catholique (ou autre) veuille m’imposer (même indirectement) ses propres convictions qui ne sont que les siennes, et qu’il m’empêche ainsi d’accéder à ce droit, qu’il m’empêche de recourir à ce choix ultime, quand bien même je ne puis affirmer aujourd’hui si je le demanderai réellement le moment venu. C’est en sens que François de Closets a parlé de théocratie, ce à quoi Eric Zemmour a répondu par l’affirmative en précisant que dans ce débat la démocratie n’avait pas son rôle. Par théocratie, de Closets a également voulu dénoncer l’influence réelle des représentants de l’Eglise dont les actions ne sont certes pas aussi bruyantes et médiatisées que celles de l’AMD, mais qui savent être encore présents juste là où il le faut (cf le commentaire de Samandti ci-dessus).

Enfin, François de Closets a mis le doigt sur l’hypocrisie qui consiste à dire : Ne faisons pas de loi sur l’euthanasie “par principe”, et bien que nous sachions qu’elle se pratique dans la clandestinité, alors “fermons les yeux” par des acquittements ou des peines de sursis. Ce à quoi Eric Zemmour a répondu : “Mais oui ! C’est de l’hypocrisie, et moi je dis vive l’hypocrisie ! L’hypocrisie c’est la civilisation, la transparence c’est la barbarie”.

Là, il faut qu’on m’explique parce que pour moi ce n’est pas digne d’une société civilisée, et je dirais même “adulte”.

Pour celles et ceux qui n’auraient pas vu cet entretien, voici la video intégrale.

52. Le 28 mars 2008,
Isatruc

Merci pour ce billet. Bienvenue dans mon Google Reader!

53. Le 28 mars 2008,
Hervee

Il me semble bien avoir lu ici (sous un autre billet parlant du cas de Mme Sébire) que certains dans son cas se demandaient pourquoi demander l’euthanasie quand on peut encore se suicider. Et il me semble que certains commentaires ici repartent (un peu seulement) sur cette histoire de suicide. Maintenant qu’elle s’est suicidée (au moins d’après les fait rapporté par http://www.liberation.fr/actualite/societe/318049.FR.php ) on voit bien le problème que pose le suicide : comment se suicider de façon à n’impliquer personne ? Les médicaments qui permettent de se tuer ne sont pas à libre disposition, donc à moins de commettre un vol avec effraction chez un véto avant de se suicider, on a besoin d’aide pour les obtenir … Et c’est là où une loi sur la fin de vie / l’euthanasie / le suicide assisté (ou n’importe quelle dénomination) pourrait être utile : permettre à une personne de se suicider sans que ses proches ne risquent de poursuites. Et même en dehors de l’obtention des médicaments, il y a le risque de poursuites pour non assistance, donc il faut se suicider seul, et si possible d’une manière qui ne permette pas la réanimation en cas de découverte de la personne avant le décès pour éviter le choix entre souffrances plus grandes pour le “suicidé” ou poursuites à la personne qui aurais le malheur de faire cette découverte. Ah, et pour ceux qui me répondront qu’il n’y a pas que le suicide médicamenteux, se jeter sous une voiture ou un train, c’est pas ultra-sympa pour le conducteur ^^

La loi est la loi certes, mais elle peut changer, et dans ce cas, je dirais bien que ça ne serais pas plus mal. Avec une loi envisageant ce cas, elle aurais pu se suicider entourée de ses proches, et son fournisseur de médicaments n’aurait rien à craindre. (Il va de soi, que si loi dans ce sens il y a, il faut mettre en place un cadre pour éviter les débordements et qu’il ne suffit pas de se présenter à la pharmacie en disant “je veux mourir donner moi des médicaments” pour les obtenir.)

(je n’ai pas la certitude d’être au bon endroit pour parler de ces points, si je suis trop hors sujet, n’hésitez pas à ignorer ce message)

54. Le 28 mars 2008,
Polydamas

Ah oui, l’influence occulte des évêques de France, ça faisait longtemps qu’on ne me l’avait pas faite…

Et quand je me “stigmatise”, je ne fais que reprendre les quelques vocables que j’ai entendus ici ou là, je ne cherche pas à m’exclure, on me fait bien comprendre que de toute façon, je suis exclu. Ensuite, je ne vois pas en quoi je t’impose mes convictions, je ne t’oblige pas à croire en Dieu, à assister à la messe, etc.

Par contre, effectivement, il ne me parait pas idiot que l’on respecte tous certains principes fondamentaux qui fondent notre société et dont la primauté de la vie fait partie.

Quant à l’hypocrisie dont vous parlez, elle n’existe que pour ceux qui estiment que la morale est une histoire personnelle (en ce cas, je me demande bien pourquoi on condamne encore certains assassins, après tout, selon leur morale, ils ont raison de le faire).

Oui, à la marge, il y a des cas limites, mais la transparence à outrance, la justification de toutes les pratiques admises dans la nature ne sont rien d’autres que totalitaires et destructrices de l’ordre social. En ce sens, Zemmour n’a pas tort, la loi n’a pas à accepter dans son principe toutes les pratiques existantes, bien au contraire, elle est là pour promouvoir un certain modèle de société, mettre en valeur certains types de comportement, et non pas autoriser toutes les déviances possibles et imaginables. Elle peut tolérer, et laisser faire quelques pratiques, elle n’a pas à les promouvoir en les inscrivant dans le marbre.

Parce qu’il faut être bien naïf pour croire qu’une dépénalisation n’aboutit pas sur une légalisation, elle-même n’enclenchant pas une modification à long terme des comportements.

D’autant qu’on ne s’arrête jamais. Après l’IVG à 10 semaines, c’est l’IVG à 12 et les IMG, après le mariage homo, c’est le mariage à trois, après l’euthanasie des seniors, l’euthanasie des enfants, etc.

Mais on va s’arrêter où ?

55. Le 28 mars 2008,
Ombre

après le mariage homo,

Oui ? C’est une question d’égalité. Pourquoi refuser aux homos le droit de se marier alors que les hétéros en ont le droit ? De plus il s’agit ici de mariage civil et non religieux, les croyants ne devraient pas s’offusquer de ça. Faut arrêter la discrimination.

Je vais même vous dire autre chose qui va vous faire bondir : les homos, chez nous, ont le droit d’adopter des enfants. Sisi.

c’est le mariage à trois,

Rhaaa, avoir deux femmes, le pied. ;-)

après l’euthanasie des seniors, l’euthanasie des enfants, etc.

On verra comment se présente le projet de loi…

56. Le 5 avril 2008,
tipllub

Merci pour cet article… Le monde est dingue…

.· ..· ´¨¨)) -:¦:- ¸.·´ .·´¨¨)) ((¸¸.·´ ..·´ Barbara LEFRANC, Présidente. -:¦:- ((¸¸.·´ le Bulletin Des Lévriers -:¦:- *

57. Le 5 juillet 2008,
Marie

Très beau billet, plein d’humanité et d’émotion. Pour avoir eu la “chance” d’accompagner ma Maman en fin de vie, pour l’avoir vue se battre pour vivre, jour après jour, nuit après nuit, et l’avoir entendue un matin, demander d’une toute petite voix de ne plus souffrir, je crois qu’il faut laisser le droit aux individus de vivre ou de partir dignement quand ils sentent que le moment est venu… Chaque situation est différente et doit être appréhendée de façon particulière…

Blah ?