“Miscellanées”

actus et opinions

Lynch mobs

Lynch mob.

Aux États-Unis, il y a eu 2 805 victimes de lynchage [cas documentés uniquement], tuées entre 1882 et 1930 dans les États du Sud [principalement dans le Mississippi]. Si près de 300 morts furent des blancs, la grande majorité, presque 2 500, était constituée d’Afro-américains. 94 % de ces victimes noires furent assassinées par des blancs. Pour mesurer l’échelle de ce carnage, on peut dire que chaque semaine, entre 1882 et 1930, un homme, une femme, ou un enfant, était tué par une foule blanche remplie de haine. [Source : Jana Evans Braziel, History of Lynching in the United States.]

Le collectionneur James Allen a publié, en 2000, un livre de photos et cartes postales très troublant : Without Sanctuary: Lynching Photography in America. Parce que, comme souvent dans ces cas, les images disent beaucoup plus que les mots, ont un impact émotionnel immédiat et d’une grande puissance. Vous pouvez en découvrir un aperçu dans cette animation Flash. [Via CCN.]

Les lynchages ont continués jusque dans les année 60, et on documente aujourd’hui jusqu’à 5 000 morts. Il suffisait alors de regarder une femme blanche pour se retrouver pendu, roué de coups, ou encore brûlé vif. Parfois, les gens allaient en famille assister à ce spectacle, et revenaient chez eux avec un souvenir, une mèche de cheveux, un morceau de vêtement, si possible ensanglanté, un doigt, une dent…

Le 13 juin dernier, la sénatrice de Louisiane, Mary L. Andrieu, a présenté à Washington les excuses du Sénat américain aux victimes et à leurs familles.

Car, en d’autres temps, certains sénateurs du Sud jugeaient comme une indignité faite à leurs États les projets de loi anti-lynchage.

Mais que veulent dire ces excuses ? À vrai dire, pas grand chose, si ce n’est une campagne de promotion médiatique pour certains sénateurs en direction des électeurs noirs. Dans un grand pays où les exclus sont encore en grande majorité les héritiers de Laura Nelson.

P.S. Et j’ajouterai que c’est pour cela que les “smart mobs” m’effraient un peu.

P.S. bis.

Southern trees bear strange fruit,
Blood on the leaves and blood at the root,
Black bodies swinging in the southern breeze,
Strange fruit hanging from the poplar trees.

Pastoral scene of the gallant south,
The bulging eyes and the twisted mouth,
Scent of magnolias, sweet and fresh,
Then the sudden smell of burning flesh.

Here is fruit for the crows to pluck,
For the rain to gather, for the wind to suck,
For the sun to rot, for the trees to drop,
Here is a strange and bitter crop.

En 1937, Abel Meeropol a vu une photographie de l’exécution de Thomas Shipp et Abram Smith. Hanté par cette vision d’horreur, il en a écrit un poème : Strange Fruit. Il l’a montré à Billie Holiday qui en a fait une chanson inoubliable. Time Magazine a dénoncé la chanson comme un morceau de propagande honteuse pour la NAACP. Plus tard, Abel Meeropol, communiste, a adopté les deux fils d’Ethel et Julius Rosenberg. Nul ne doute qu’Abel Meeropol est une grande figure des États-Unis. Mais je doute qu’une seule rue ne porte son nom.

1. Le 17 juin 2005,
Guillermito

J’avais visité ce site. Un devoir de mémoire nécessaire pour les habitants des états sudistes des USA. Curieusement, en ce moment meme le FBI ré-ouvre des enquetes sur des meurtres de Noirs dans les années 50, issus de cette abominable culture du lynchage, peut-etre en partie déclencheurs des manifestations pour les droits civiques un peu plus tard (Rosa Parks dans son bus disait qu’elle pensait a Emmett Till, assassiné quelques mois plus tot).

La chanson “Strange Fruits” chantée par Billie Holliday est tres touchante a ce propos, comparant les corps pendus aux arbres a des fruits étranges qui ne fleurissent que dans le sud.

http://www.spartacus.schoolnet.co.uk/USACstrangefruit.htm

Et je suis d’accord aussi avec ta derniere phrase, aussi provocatrice qu’elle soit. Une foule est forcément moins intelligente que la somme des individus qui la composent. La dilution de la responsabilité dans l’anonymat tranquille du nombre n’a que rarement des conséquences positives. Bizuthage, lynchage, humiliations publiques en tout genre, paniques irrationnelles, mouvements de masse, piétinements, ce sont tous des effets de foule qui contredisent l’intelligence.

2. Le 17 juin 2005,
Chryde

Trois ans qu’il me suit ce film. Trois ans qu’à chaque fois qu’on me le rappelle, ça me fait froid dans le dos. Tiens, déjà. Je me souviens avoir corrrespondu avec James Allen, un gars ordinaire soudainement mis face à l’Histoire, l’horreur de l’histoire, et décidant d’en faire sa quête.

3. Le 18 juin 2005,
O.

Le site du Sénat américain mentionne 4742 victimes recensées.

4. Le 18 juin 2005,
Nicolas Krebs

Lire aussi Anne Chaon, « Le lynchage comme art photographique », Le Monde diplomatique, juin 2000 , http://www.monde-diplomatique.fr/2000/06/CHAON/13931 .

5. Le 22 août 2005,
nico

étonant. Sait-on à ce jour quelles sont les statistiques contemporaines de cette mort odieuse dans les pays qui nous entourent ? Allé, tient, en Birmanie, pour l’exemple ?…

6. Le 18 janvier 2007,
elsa

tout d’abord, un site très interessant sur Billie Holiday Je voudrais apporter un petite modification à la fin de sa biographie. En effet Strange Fruit n’a pas été écrit par Abel Meeropol mais par Lewis Allen: “It was during my stint at Café Society that a song was born which became my personal protest-strange fruit.The germ of the song was in a poem written by Lewis Allen.I first met him at Café Society” Billie HOLIDAY,Lady Sings The Blues(1956)

7. Le 22 septembre 2011,
blobop

… Je cite Elsa… “Je voudrais apporter un petite modification à la fin de sa biographie. En effet Strange Fruit n’a pas été écrit par Abel Meeropol mais par Lewis Allen”

… … Lewis Allen était le pseudonyme d’Abel Meeropol… … un nom de plume créé à partir des prénoms de ses fils mort-nés… Renseignez-vous, jeune fille… …

8. Le 22 septembre 2011,
Jean

Voyons blopop, elsa ne fait que citer Billie Holiday, elle fait confiance. S’il fallait commencer à faire une recherche contradictoire à chaque citation que l’on trouve dans une biographie on en finirait pas. Laissons cela aux spécialistes ; comme vous. :-)

Blah ?