Chagrin
Hier, il y avait une manifestation de lycéens contre la guerre place de la Concorde. J’étais donc aux premières loges. Je dois avouer que j’ai été assez consterné par ce que j’ai vu et surtout par ce que j’ai entendu. Un activiste, sans doute plus lycéen depuis longtemps, s’égosillait dans son micro, s’essayait à jouer à l’animateur, gueulait des platitudes anti-américaines tout à fait primaires et des slogans idiots et usés. Absence totale d’intelligence. Caricature d’extrême gauche. C’était navrant et ridicule. Ça puait la récupération et la manipulation. Ça ne servait pas la cause, noble et juste.
Navrant également ces groupes de jeunes d’origine arabe, descendus de leurs banlieues défavorisées, qui paradaient dans l’accoutrement coûteux siglé du symbole de leur aliénation : Nike.
Hier, je suis rentré tôt du bureau et j’ai pu regarder le journal de 20 heures sur France 2. Et je fus abattu par tant de manque de professionnalisme. Consterné par ces informations brutes balancées sans recul, sans mise en perspective, dans l’urgence. Consterné par ces envoyés spéciaux qui ne connaissent manifestement pas grand chose du lieu où ils ont été parachutés. Un journal, ce n’est pas la lecture des fils de l’AFP et de Reuters. J’en suis désolé, mais je dois admettre que même PPDA sur TF1 fait mieux. Heureusement, il y avait une soirée Arte, documentée et passionnante, sur l’Irak et le Moyen-Orient.
Pour me consoler de ce monde de brutes, j’ai sorti le (magnifique) livre sur Hassan Massoudi, Le chemin d’un calligraphe, et je me suis laisser bercer dans les vagues graphiques et enveloppantes de ces tracés d’encre au bec refendu. J’ai vogué du style toulth au diwani en passant par le farsi.
Jean-Pierre Sicre : Vous n’avez rien d’un guerrier…
Hassan Massoudi : J’ai appris la douceur en voyageant. Tant de choses se mettent d’elles-mêmes à leur juste place pour peu que l’on consente soi-même à changer de place.
L’Iraq, de son sein, me donna l’amour ;
Bagdad d’un seul regard me conquit !
Ibn Al-Hassan Moutrif, XIIIe s.
Si l’oiseau du sommeil venait à prendre ma pupille pour nid,
il s’en éloignerait apeuré, croyant filet de pièges ses cils.
Abou Amar Ibn Al-Hamara, Grenade.
Lu sur Mon avis surtout : “Pour comprendre le sentiment des Irakiens, il faut se rappeler de la “libération” de l’Europe de l’Est par l’armée rouge. C’est facile de s’autoproclamer “libérateur”, mais quand on libère à coups de bombe, il faut peut-être pas espérer une haie d’honneur.”
Radio-Canada : Environ 650 soldats irakiens tués près de Najaf.
Libération : Warblogs. Journaux de guerre intimes sur le Net.
Le mot de ce matin : chagrin.
karl
La seule violence qui m’appartient est celle que j’ai contre la guerre et la violence elle même.
Tous ces va-t-en guerres me répugnent et m’indignent. Il n’y a plus beaucoup de mots pour décrire ce qui se passe. Mais l’erreur serait de s’arrêter à ce qui se passe en Irak. Combien de tchétchènes tués ? combien de chinois sans droit à l’expression ? Combien de pays africains sous le joug de la France ? On est sensible à l’Irak à cause de l’hypermédiatisation de l’intervention et donc pour une fois, on voit la réalité de la géopolitque sur les grands médias.
Bien souvent les gouvernements n’ont que cure de ce qui se passe, de la moralité, de la philosophie. Ils agissent sans coups férir, sans remuer la vase, mais tuent tout autant en étant complices : (Non)-Accord de Kyoto, brevets sur un médicament générique pour les malades atteints du HIV, etc.
Mon chagrin à moi, en dehors de ce qui se passe, maintenant, c’est qu’après tout le monde rentrera dans son foyer, tout le monde reprendra sa voiture et ira travailler normalement. Les choses auront peu changé.
Mobilise le personnel hospitalier dans un hôpital pour la qualité des soins, manque de personnel, etc… tu as dû mal à lever les foules. Supprimes des places de parking pour le personnel dans ce même hôpital, et tu as une révolution. (cas réel)
Comment aller plus loin et comment motiver les gens à changer les choses, comment les concerner…
:(
Laurent
“Mon chagrin à moi, en dehors de ce qui se passe, maintenant, c’est qu’après tout le monde rentrera dans son foyer, tout le monde reprendra sa voiture et ira travailler normalement. Les choses auront peu changé.”
Hélas oui… Cela me désespère.
Blah ? Touitter !