Bloguer pour ne rien dire
Il n’a pas tout à fait tort, M. François Cardinal, dans son éditorial publié dans La Presse. Le seul reproche que l’on puisse lui faire, c’est de donner une vision bien limitée et orientée du phénomène à un public néophyte.
Come on! C’est vrai que les blogues sont “l’équivalent de la machine à café, c’est-à-dire l’endroit où; les gens discutent de manière informelle de tout et de rien”.
Il y a toutefois une différence importante, c’est la question d’ampleur et de richesse. à la machine à café (ou lors de la pause cigarette) de mon entreprise, je n’ai pas le choix de mes interlocuteurs et ils ne sont pas nombreux. Et les conversations sont toujours les mêmes : élevage des lardons, émissions à la télé, pratiques sexuelles, petites misères de la vie quotidienne, etc. La blogosphère m’offre un choix plus large et une autre qualité de conversations. Ce n’est pas à la machine à café que je discuterais de la valeur sémantique de l’italique, de l’identité juive ou de la “fracture numérique”. La blogosphère, c’est une machine à café mondiale.
Quant à la question mille fois rebattue du blogueur versus le journaliste, je suis fatigué de l’entendre. C’est un faux débat. Et qui plus est, un débat essentiellement étasunien où; le blogue est devenu un instrument de lobbying et de propagande politique. Pour preuve, dans tous les articles francophones qui traitent du sujet, on nous ressort les mêmes (et peu nombreux) exemples exclusivement étasuniens, jusqu’à l’usure. Il y a les journalistes (qui vivent de leur travail et ont un code de déontologie), il y a les blogueurs (qui n’ont aucune nécessité ni obligation), et, marginalement, il y a les journalistes-blogueurs (qui tentent de concilier les deux). Et tout cela continuera à coexister longtemps.
Les blogues, c’est comme les pages “libre opinion” d’un quotidien. C’est juste plus souple, plus rapide, sans choix de la rédaction, sans coupes d’un secrétaire, et ouvert à des conversations instantanées en direct avec les lecteurs. Cela ne remet nullement en cause les journalistes, enfin, pas plus que le courrier des lecteurs d’un magazine qui pointe les erreurs factuelles ou des manques dans un article. Et ce sera toujours le journaliste, et les moyens logistiques et financiers de son média, qui permettra l’envoi sur le terrain. Le blogueur ne fait que commenter l’information livrée par les médias, éventuellement pour la recouper entre médias, rarement pour témoigner d’événements dont il pourrait être l’acteur ou le spectateur (et dans ce cas anecdotique, journalisme ou témoignage ?). Imaginez un blogueur traitant de l’actualité sans fil d’agence, sans AFP, sans Reuters, sans quotidien, sans télévision. Le roi est nu.
Ce que dit M. François Cardinal est assez juste, mais incroyablement limité (ne serait-ce que par la taille de son papier) et superficiel. Il n’y a pas de quoi lui jeter une pierre.
Quant à “bloguer pour ne rien dire”, oui, je revendique ça aussi si cela me chante. Bloguer, c’est un loisir social et intellectuel. Rien de plus. Quoiqu’en disent les pro de la branlette cérébrale et les marchands du temple qui nous jouent une resucée de la “nouvelle économie”.
Michel D.
Si je puis me permettre…
Pour bien comprendre le contexte, les lecteurs d’Embruns devraient aussi lire l’introduction à cet éditorial de François Cardinal (À propos de l’éditorial… ) ainsi que sa réplique (Réplique de François Cardinal).
Laurent
Je vous en prie, cher Michel, permettez vous… :-)
tao
“bloguer pour ne rien dire…”
le genre de phrases qui me rappelle les préchis-préchas productivistes, à croire que tout pratiquant d’une activité “improductive” serait coupable de qqch… ne pas être un agent économique ?
yuk !
Thomas
« Bloguer pour ne rien dire », cela peut aussi relever de la branlette cérébrale… Et pourquoi pas ? Après tout, il n’y a pas de mal à se faire du bien !
lithium
On fait quoi, alors ? On opte sagement pour le silence ? Dans ce cas, il faut arrêter de publier 90% de la presse papier, 98% des programmes télévisés. Il a raison, c’est mieux le silence, ça évite de se poser trop de questions… et puis de toute façon ma machine à café est en panne.
Wendy
Voilà un nouvel éditorialiste qui a bien compris comment faire référencer ses articles sur google. Tous les blogs en parlent. Entre nous soit dit, si les blogs étaient aussi nuls, pourquoi en faire un éditorial ? Vraisemblablement parce que les blogs enquiquinent sérieusement la presse.
Une suggestion, pourquoi ne pas faire une presse en RSS avec une possibilité de commentaires ? Ils seraient vite débordés. compte tenu de l´autocensure à laquelle les journalistes s´astreignent sur les grands problèmes de la société, de la vie publique, politique et économique.
Maxime R.
Pas tout a fait d’accord sur le fait que les bloggueurs ne peuvent se passer des grands médias, ou tout au moins des dépêches d’agence. J’ai un contre-exemple où les blogueurs ont été plus rapides que les journalistes, et plus précis : « L’affaire Guillermito ». Certes, le cas est un peu spécial, un blogueur étant en première ligne.
Mais prenons la manif de tout à l’heure. J’y étais (un peu par accident), et je vais publier une note à ce sujet demain matin. Je pourrais donc dans mon blog couvrir ce qu’il s’est passé à la manif (presque) aussi bien que les journalistes présents. Et donc, à mon tour, tenir le rôle de journaliste. Au final, beaucoup d’évenements peuvent être rapportés par des blogueurs devenant ainsi journalistes pour un temps. Mais je ne le ferais pas, puisque je saurais que cette information se trouve ailleurs. Tout au plus vais-je commenter les articles de journaux. Rien que sur la dépêche AFP que j’ai lu, j’aurai des choses à dire…
Donc effectivement, ces médias continuent de jouer un rôle, tous les blogueurs sont bien contents qu’ils existent. Je vois mal Gaymard interviewé par Loïc Le Meur annoncer sa démission sur le blog de ce dernier…
Blog et journaux, coexistance. Ce qui créé une richesse. Du moins pour le moment, il n’y a aucune raison de remettre en doute l’existance de journaux, dès lors qu’ils ne font que relater des faits. Néanmoins, on pourrait remettre en cause la “valeur ajoutée” qu’ils apportent, et obtenir des journaux qui ne feraient plus la moindre analyse des faits, laissant tout aux blogueurs. Mais d’ici là, de l’eau aura coulé sous les ponts. Et puis embruns ne se lit pas aisémment dans les transports.
Blah ? Touitter !