Question aux juristes
Le nom de Michel C. a été livré en pâture aux médias par les bons soins de l’Éducation nationale, pour ce que j’en sais. Il n’y a cependant aucune décision de justice sur le fond. Alors, dans quelle mesure le Ministère et l’État sont-ils responsables de diffamation ? Parce que dire qu’un tel se livre à la pornographie alors que ce n’est vrai, n’est-ce pas de la diffamation ? Porter atteinte à l’honneur et la probité d’une personne, et la livrer au grand public dans des termes peu amènes ? La désigner comme le chien galeux de la fonction publique ? N’est-ce pas un délit pénal ? Messieurs et mesdames les juristes, j’attends vos conclusions. (Je n’ai pas votre science, mais je serai un peu désespéré que vos conclusions n’aillent pas dans ce sens.)
(C’est Dominique qui m’a instillé cette idée.)
P.S. Dendrommatt pose d’autres questions :
J’ai l’impression que De Robien a considéré la requête de Garfieldd non comme un recours gracieux mais comme une demande de grâce.
Si on s’en tient à cette position, jamais on ne saura exactement ce qu’il est reproché à Garfieldd. L’insécurité juridique demeurera pour l’ensemble des blogueurs qui relèvent de la fonction publique. L’ombre de l’homophobie continuera à planer.
C’est la raison pour laquelle à mon sens, il est crucial de ne pas abandonner son poste de combat et de rester mobiliser pour exiger que Gilles de Robien revienne sur cette notion de faute. Il nous faut réclamer un réexamen sérieux du dossier.
Dendromatt
Autre question : dans la mesure où De Robien confirme “la faute”, n’a-t-il pas déjà exercé son contrôle de légalité de la décision ?
En étant péremptoire sur “la faute”, le Ministre n’a-t-il pas déjà statué, sitôt le recours déposé sur la moitié de celui-ci ?
En gros : ne confirme-t-il pas une dose d’injustice, celle qui est liée à la qualification de la faute, telle qu’on a pu la lire dans l’arrêté de révocation et dans les déclarations de Desbeuf ?
Ce communiqué me laisse un goût amer dans la bouche.
Anne
J’imagine que ça dépend de la décision finale. Si une sanction est décidée sur la base du fait que le blogueur proviseur a laissé trop d’éléments permettant de l’identifier en tant que tel et que c’est l’étalage de sa vie privée qui constitue un manquement au devoir de réserve, Robien confirme la légalité de la décision mais pas en ce qui concerne l’aspect “pornographique”.
Donc ce qui c’est dit et passé avant est, je suppose diffamatoire.
Mais ça n’est qu’une intuition, j’imagine que c’est bien plus complexe que ça en raisonnement juridique.
Anne
s’est, pardon, il est encore tôt…
Frederic_le_chauve
C’est alors d’abord aux syndicats, notamment le SNPDEN, un syndicat de proviseurs de faire son boulot de syndicat, dans la défense, et de l’intéressé, notre Garfieldd, et dans la défense de la “corporation” des proviseurs, espèce sans doute menacée par nos temps de très grands troubles au sein de l’Education nationale. C’est ensuite, si jamais cette notion de “faute”, presque de “péché” (!!) censée avoir été commise par Garfieldd est maintenue, qu’il faudra voir si l’on doit attaquer plus avant. C’est aussi une histoire de statut bien plus vaste de la Fonction publique, qui dépasse le cadre étriqué de l’Education nationale, car des Garfieldd bloggeurs et homos, qui occupent des postes de “responsabilité”, il doit y en avoir aussi au sein d’autres administrations. Alors soit on instaure officiellement la délation et le mouchardage tous azimuths via nos numéros IP d’ordinateurs, via les “bons Français” délateurs, soit on considère que tout fonctionnaire, comme tout citoyen du prétendu pays des “droits de l’homme” a droit à sa vie privée, surtout quand elle ne porte pas atteinte au pénal à autrui. Et là ils ne pourront rien dire, ni à Garfieldd, ni aux autres Garfieldd en puissance. Il ne faut pas baisser la garde, effectivement, tant que cette affaire n’est pas complètement élucidée, à cause notamment ici,de cette atmosphère d’homophobie, pour ne pas dire d’amalgame entre homosexualité et pédophilie qui a rôdé dans la révocation de Garfieldd. Et des courriers bien circonstanciés à des gens comme le Premier ministre, comme Jack LANG, comme Roselyne BACHELOT, seront les bienvenus. Bien des problèmes parfois avec nos représentants mais, mais, tout n’est pas manichéen bien souvent, surtout si on met la pression. Amitiés à tous. Je pars me doucher et penser un peu à Bruno Putzulu que Garfieldd aime bien. LOL.
Veuve Tarquine
La révocation est une décision réglementaire qui a l’objet d’une publication au J.O. Le nom de michel n’était donc pas stricto sensu secret. D’autre part les faits rapportés par les journalistes sont véridiques pour la plupart, je ne vois pas ce qui pourrait fonder la prévention de diffamation. Qu’en revanche, ils aient fait preuve d’une incroyable légéreté, il n’y a pas un doute. Mais je pense qu’il vaut mieux se pencher sur la déontologie professionnelle que sur le droit pénal pour entrer en voie de condamnation. Mais c’est Eolas le pénaliste !
Oxygène
Le Ministre peut-il à tout moment revenir sur une sanction pour prononcer sa grâce ? Même après qu’une requête a été déposée au tribunal administratif? Si tel est le cas, nous sommes vraiment en plein Ancien régime !
Frederic_le_chauve
Cher Oxygène, Si je ne m’abuse, il y a eu donc un dépot de recours gracieux auprès de De Robien de la part de Garfieldd. Si le recours est rejeté ou si les termes employés dans la réponse que fera De Robien sont de nature offensante pour Garfieldd et, au-delà, pour tout fonctionnaire de l’Education, Garfield a le droit de porter l’affaire au contentieux, devant le Tribunal administratif. En effet un Ministre n’aurait pas le droit par exemple de t’interdire les jeans ou de t’interdire les cheveux longs si tel était ton désir. S’il le faisait la décision serait automatiquement cassée car attentatoire à ta personne et à tes droits. Si le terme de “faute” est maintenu contre Garfieldd, même si la “punition” est quatre heures de colle contre lui, ou un zéro sur son carnet de correspondance, il pourra avec l’aide d’un avocat, avec l’aide de toute personne compétente, demander la cassation de la décision qui lui fait grief. On est peut-être effectivement tout juste au tout début de cette affaire de PRINCIPE. On doit, à mon avis, outre les démarches que fera, que dirigera Garfieldd lui même, rester vigilants et ne pas oublier que nous savons aussi écrire à qui de droit pour que ça cesse immédiatement ces persécutions. Notre liberté est aussi en jeu dans cette affaire. Amitiés.
florence
Je crois qu’au départ il y a essentiellement un problème d’éthique et de comportement. Un fonctionnaire tient un journal anonyme, sous pseudo. Un blug, quoi. Comme tous les blugs sous pseudo, à un moment donné un lecteur peut reconnaître son auteur. Il y a dans le petit monde des blogs une règle de politesse et de respect, qui veut qu’on ne s’amuse pas à faire l’outing d’un blogueur à sa place. Cette règle n’est pas strictement blogosphérique : dans la vie courante, on ne met pas sur la place publique ce qu’une personne de notre connaissance dit de personnel d’elle-même dans son cercle relationnel. Donc les “zaouteurs” de garfield ne pouvaient ignorer qu’ils faisaient quelque chose de pas correct. Plus que ça : ils ne se sont pas arrêtés à l’indélicatesse, ils sont passés à quelque chose qui, sans être à proprement parler de la délation, s’en rapproche de par ses effets. Ils ont ainsi lancé la fabrication d’un scandale, surfant sur la non-conformité de la vie évoquée (par ailleurs sans ostentation ni pornographie)dans ce blog. Et, alors qu’ils sont ceux par qui le “scandale” arrive, par un effet de rhétorique institutionnelle l’auteur du blog s’est vu attribuer ce “scandale” fabriqué hors cadre de son blog. Et hop, voilà la naissance de la notion de “faute”. Donc un examen d’ordre juridique, à mon avis (mais je ne suis pas avocate alors je me trompe peut-être), ne peut être concluant. La faute (manque au devoir de réserve), si elle est considérée comme constituée, encore faut-il dire par qui elle a été constituée, et comment. Je ne sais pas si le droit permet de rentrer dans ce type de considération, mais c’est important, me semble-t-il. Maintenant, si on veut voir les choses de façon pragmatique : à partir du moment où le blog était “outé”, en effet je comprends (car je connais, nous connaissons tous, la force des convenances sociales, même sans les approuver toujours)que cela puisse être ressenti comme gênant qu’un proviseur parle de sa vie privée sur un media. Car du coup, de par les circonstances, il n’était plus “garfieldd”, mais “proviseur”. Mais il suffisait d’en parler avec l’auteur du blog, pour envisager de mettre hors ligne des billets relevant du champ perso par exemple. Ce n’était pas compliqué, c’était même simple. Et c’est à ce stade qu’il y a un truc qui cloche à nouveau : pourquoi ce choix de ne pas dialoguer ? Pourquoi la rétorsion ? Pourquoi choisir de construire un “coupable” ? Bien sûr il y a la question de l’homosexualité. Mais cela n’explique pas comment ça s’est construit. Vous l’avez peut-être remarqué : souvent les auteurs d’une mesquinerie ou d’une méchanceté se “rattrapent” en en commettant une plus grande encore. Céline disait que “les gens se vengent souvent des services qu’on leur rend”. Ils se vengent aussi des torts qu’ils ont, chargeant leur cible pour justifier de leurs actions précédentes. Peut-être que c’est un mécanisme relationnel en boule de neige de cette sorte qui s’est mis en place. Peut-être que j’imagine à travers. J’essaie de me représenter le comment des choses. Tout ça pour dire que s’il y a une faute à sanctionner, elle est dans le camp de l’institution. Et puis que moi aussi j’en ai marre de la machine à broyer.
Emmanuel
Laurent : en droit administratif, l’administration peut être tenue responsable du préjudice causé par une décision illégale, y compris en matière disciplinaire. Dendromatt : ce n’est pas parce que le ministre dit qu’il y a faute qu’il y aura nécessairement une sanction. Même si le retrait de toute sanction me semble exclue, pour des raisons d’affichage et parce qu’il est tout à fait possible de fonder une sanction, dans le cas qui nous intéresse, sur d’autres considérations (obligation de discrétion, notamment). Veuve Tarquine : la publication des décisions de révocation se fait au B.O. de l’Education Nationale. Mais “conformément à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, la liste des personnes sanctionnées ne peut être consultée que sur la version papier du bulletin officiel du ministère de l’éducation nationale”.
Je ne sais pas dans quelle mesure un simple particulier (sans lien avec l’Education nationale) peut consulter la version papier.
Frédéric : “En effet un Ministre n’aurait pas le droit par exemple de t’interdire les jeans ou de t’interdire les cheveux longs si tel était ton désir.”
Oh que si (sous certaines conditions).
Oxygène
Le Monde du 22 janvier revient sur notre affaire.
florence
Pour prolonger la fin du commentaire d’Emmanuel : oh que si. C’est vrai, et c’est compréhensible (même si le débat est possible). Tout comme en entreprise d’ailleurs… voir par exemple cette affaire ou la jurisprudence a tranché en faveur d’une entreprise qui avait licencié un employé parce qu’il persistait à porter sur son lieu de travail un bermuda. Dans le cadre de nos fonctions, nous avons des codes à respecter, et nous ne pouvons nous produire… en string par exemple. En revanche, sous notre pantalon nous avons le droit de porter un string que ni collègues ni clients ou fournisseurs ne verront. Mais il faut bien dire aussi que nul n’a le droit de baisser notre pantalon pour laisser voir notre string… J’ai l’impression que quelqu’un(s) s’est amusé à baisser le pantalon de Garfieldd.
Dominique
Je tiens à signaler qu’en marge de l’histoire de G., il y a aussi celle de V. qui a supprimé son blog le même jour que lui, qui était dans les liens de G., qui est prof dans une autre académie et qui est lui aussi homo. Je ne sais pas s’il y a des sanctions envisagées contre lui (il était très aisément identifiable malgré l’anonymat).
minouminogue
“Le nom de Michel C. a été livré en pâture aux médias par les bons soins de l’Éducation nationale” Je connais aussi un certain bloggeur très connu qui a jeté ce nom en pature, juste pour être le premier à l’indiquer sur Internet, et alors qu’il était évident que cette publicité serait préjudiciable à Garfieldd…
Laurent
@Minouminogue : qui ? Je ne vois pas.
Blah ? Touitter !