Théocratie contre le droit des femmes
Le pape a affirmé que l’avortement menaçait les fondements mêmes de la société. Sa position était connue, mais c’est la première fois depuis son élection en 2005 que Benoît XVI s’oppose aussi directement à l’avortement thérapeutique.
« Combien est amère l’ironie de ceux qui promeuvent l’avortement au rang des soins de la santé des mamans ! Combien est déconcertante la thèse de ceux qui prétendent que la suppression de la vie serait une question de santé reproductive », a-t-il déclaré.
S’il a condamné les violences sexuelles « indicibles » que subisssent les femmes en Afrique, il a aussi réprimandé les pays africains qui ont approuvé l’avortement dans certaines situations. Benoît XVI se référait au Protocole de Maputo, adopté par l’Union africaine en 2003, qui autorise « l’avortement médicalisé, en cas d’agression sexuelle, de viol, d’inceste et lorsque la grossesse met en danger la santé mentale et physique de la mère ou la vie de la mère ou du foetus ».
[Radio Canada : “Benoît XVI en rajoute”.]
L’article qui fâche le plus l’église catholique :
Article 14 — Droit à la santé et au contrôle des fonctions de reproduction
1. Les États assurent le respect et la promotion des droits de la femme à la santé, y compris la santé sexuelle et reproductive.
Ces droits comprennent :a) le droit d’exercer un contrôle sur leur fécondité;
b) le droit de décider de leur maternité, du nombre d’enfants et de l’espacement des naissances ;
c) le libre choix des méthodes de contraception ;
d) le droit de se protéger et d’être protégées contre les infections sexuellement transmissibles, y compris le VIH/SIDA ;
e) le droit d’être informées de leur état de santé et de l’état de santé de leur partenaire, en particulier en cas d’infections sexuellement transmissibles, y compris le VIH/SIDA, conformément aux normes et aux pratiques internationalement reconnues ;
f) le droit à l’éducation sur la planification familiale.
2. Les États prennent toutes les mesures appropriées pour :
a) assurer l’accès des femmes aux services de santé adéquats, à des coûts abordables et à des distances raisonnables, y compris les programmes d’information, d’éducation et de communication pour les femmes, en particulier celles vivant en milieu rural ;
b) fournir aux femmes des services pré et postnatals et nutritionnels pendant la grossesse et la période d’allaitement et améliorer les services existants ;
c) protéger les droits reproductifs des femmes, particulièrement en autorisant l’avortement médicalisé, en cas d’agression sexuelle, de viol, d’inceste et lorsque la grossesse met en danger la santé mentale et physique de la mère ou la vie de la mère ou du fœtus.
[Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes. Maputo, 10-12 Juillet 2003.]
Plus révélateur, c’est dans la communauté catholique que le décrochage est le plus spectaculaire : 55 % des fidèles ont aujourd’hui une image négative du pape. En six mois, il a perdu 36 points parmi ses ouailles ! Seuls les pratiquants mais d’une courte majorité, à 52 % éprouvent encore de la sympathie pour lui, si loin des 86 % qui ont accompagné son premier voyage en France à la mi-septembre. « Ne jouons pas sur les mots, c’est un effondrement. Si c’était un homme politique, je dirais qu’il n’a plus un grand avenir », analyse Jean-Daniel Lévy, directeur du département opinions au CSA.
[Le Parisien : “Les Français n’aiment plus le pape”.]
Nicolas
En même temps, les sondages, le Pape s’en fout un peu. Cela lui en touche une sans réveiller l’autre. Mais bon l’effort dans l’impopularité reste méritoire même s’il n’atteint en rien le panache du regretté Alexandre VI.
Eolas
Je précise que le sondage a été fait par téléphone les 18 et 19 mars, et que les propos si bien rapportés avaient été tenus la veille. Tout le monde gueule sur le fait que le pape aurait dit que le préservatif ne protège pas du SIDA. Monsieur, que pensez-vous du pape ? Une opinion défavorable ? Ça alors ! J’ai un scoop !
Ce sondage vaut celui fait en 1976 par le Figaro sur la peine de mort au lendemain du meurtre de Philippe Bertrand par Patrick Henry : ça alors, une écrasante majorité pour la peine de mort ! Vous voyez bien qu’il ne faut pas l’abolir, et que tous les sondages qui depuis dix ans disaient que les français étaient contre la peine de mort étaient faux.
jrm
@Eolas : je me demande si tout le monde n’a pas simplement très bien compris ce qu’il a dit, à savoir “la distribution de préservatifs agrave le problème [du VIH/SIDA]”.
C’est tout simplement faux et les conséquences de cette affirmation fausse sont potentiellement dévastatrice en Afrique parce que grand nombre de personnes y écoute le pape depuis que des chrétiens y sont allés, pleins de bonnes intentions.
Qu’il soit cohérent (le pape) est une chose. Soit. D’autres l’ont été avant lui. Qu’il pense que la chasteté est plus efficace que le préservatif, tant mieux, ce n’est pas dénué de bon sens même si, bon, hein… Ça n’engage que lui.
Mais qu’il dise “distribution de capote = pire”, là, c’est non.
Si l’argument est : distribuer des préservatifs incite à forniquer, eh bien du moment que c’est avec des capotes, comment ça pourrait agraver le problème du VIH/SIDA ?
On lui demande d’être clair, étant donnée son influence. Donc, on le prend au mot, et son affirmation est claire, fausse et grave.
Dominique
Il faudra m’expliquer pourquoi les pays les plus dévastés par le sida sont alors de confession protestante en majorité ou bien animistes. Superposons une carte des religions à celle de la diffusion du sida, on voit alors que cela ne coïncide que moyennement à la part du catholicisme en Afrique et faiblement à l’islam (largement représenté en Afrique noire sub-saharienne ou de l’est). S’imaginer que tous les Africains écoutent le pape est une idiotie sans nom ! En revanche, la parole de Thabo M’Beki a été largement entendue dans le sud de l’Afrique lorsqu’il déclarait que le Sida était une invention des Blancs et on en voit les conséquences aujourd’hui selon le même mode de raisonnement primaire. Les propos du pape sont maladroits (ou si l’on veut très crétins), mais s’imaginer que le pape possède une sorte de pouvoir magique sur les Africains noirs qui seraient tous soumis au catholicisme, c’est - je crois - prêter aux autres des comportements dignes de Panurge ou de Pavlov (et donc les étiqueter comme des animaux dont le comportement serait prévisible), les classer tous dans une catégorie catholique du simple fait qu’ils sont Africains noirs parce que l’église catholique tente de faire croire qu’elle serait la seule représentante légitime du continent noir, faire une sorte de gros gloubi-boulga de ce qu’est un continent entier, le tout avec de bons amalgames. Il faudrait commencer à replacer exactement le poids du sida dans les différents pays, la place de l’église catholique dans chacun, les politiques de prévention ou de dépistage des différents pays, leur PIB (très important), et on pourrait commencer à discuter un peu plus sereinement. Parce que le pape, c’est un exo-phénomène pour l’Afrique noire et il ne concerne qu’une faible partie de celle-ci.
jrm
@Dominique : au temps pour moi, tu as raison sur ce point, je retire cette approximation hâtive. Cela dit, j’ai parlé de “grand nombre” (même si le chiffrage n’est pas la question).
Reste que défendre cette phrase du pape n’a pas de sens pour moi, en Afrique ou ailleurs.
Koz
Ce petit jeu du chat et de la souris, du “comment je vais pouvoir interpréter les propos du Pape” est gonflant. Le pape n’a jamais parlé d’avortement thérapeutique. A aucun moment il n’emploie ce terme et ce serait, en outre contraire à la position établie de longue date par l’Eglise (cf le lien que j’ai donné).
Laurent, demande-toi seulement pourquoi cette tentative de polémique à la con n’a pas pris. Simplement, parce qu’elle est trop visiblement… une tentative de polémique à la con.
Karl, La Grange
contraception et préservatif sur la carte
Blah ? Touitter !