Cheminement d’une image
Admirez ce mélange de tradition et modernité… Tellement lybien…
La photographe algéroise Zohra Bensemra a réalisé un reportage, dont cette photographie est extraite, sur le grand spectacle donné pour le 40e anniversaire de la prise de pouvoir de Muammar al-Kadhafi en Lybie, pour le compte de l’agence Reuters.
La légende de Reuters est :
Performers reproduce the scene of a hanging during a ceremony to celebrate the 40th anniversary since Muammar Gaddafi seized power in Libya, at former U.S. base Matega in Tripoli August 31, 2009. Military bands, 400 dancers, aerobatic planes and fireworks are set to electrify a hot and drowsy Tripoli as Muammar Gaddafi throws Libya’s biggest party to mark four decades since taking power. REUTERS/Zohra Bensemra (LIBYA ANNIVERSARY POLITICS)
Cette photo est reprise par le Figaro Magazine avec la légende ambiguë :
La corde au cou sous les lasers blafards et les lumières de boîte de nuit, ces condamnés à mort sont des acteurs du spectacle qui a célébré avec faste, mardi dernier, les quarante ans de pouvoir sans partage du dirigeant libyen Muammar al-Kadhafi. Composé d’une trentaine de tableaux, la « comédie musicale » a enchaîné deux heures de musique, d’illuminations et de danse avec la participation de centaines de danseurs et cavaliers de Libye, de Tunisie, du Maroc, d’Egypte et d’Ukraine. Etaient notamment présents Alain Joyandet, secrétaire d’Etat français à la Coopération, Hugo Chavez, Mahmoud Abbas, l’émir du Koweït et le ministre espagnol des Affaires étrangères (Zohra Bensemra/Reuters)
Ce qui devient chez une blogueuse outrée (sur un blogue que j’apprécie par ailleurs) :
Interrogé sur la question des droits de l’homme, Joyandet assure s’en occuper tout le temps et souligne que la France ne renonce pas à ses valeurs. Et tout de suite, la preuve en images. Voici un exemple d’un des spectacles, d’une des “activités culturelles” auxquelles la France a contribué : [photo.]
Ce que vous voyez ci-dessus, dans une très impressionnante photo publiée par le Figaro Magazine, ce sont des condamnés à mort, acteurs d’une « comédie musicale » ayant enchaîné deux heures de musique, d’illuminations et de danse.
Découvrant cette image frappante chez cette dernière, m’étonnant qu’elle n’ait pas fait plus le tour de la presse, qu’elle n’ait provoqué aucune réaction internationale, et trouvant une telle scénographie avec des condamnés à mort hautement improbable dans ce spectacle ayant, entre autres, pour vocation de redorer l’image internationale de la Lybie, j’ajoute ce commentaire au milieu des “hou, hou, cémal, trop la honte, vilain dictateur” — commentaire resté, je ne sais pourquoi, “en modération” jusqu’à l’heure présente :
Heu, j’ai des doutes sur l’interprétation de la photo. Ne s’agirait-il pas d’une reconstitution d’un événement de l’histoire lybienne ? Comme par exemple la pendaison de l’indépendantiste Omar Mukhtar par les Italiens ? Bref, quelle était la légende du Figaro Magazine accolée à cette photo ?
Je me pose des questions, parce que ça parait un peu gros et que je ne trouve pas de reprises de cette info. Merci de m’éclairer.
Ayant après retrouvé les légendes du Figaro et de Reuters, qui ne sont pas très informatives (ok, une scène de pendaison, je le vois bien, mais pourquoi ?), j’ai enfin trouvé l’explication sous la plume de Ian Black, correspondant du Guardian à Tripoli, ce qui rejoignait ma première intuition :
Large parts of the programme were devoted to Libya’s struggle against Italy, which occupied the country from 1911 until the second world war. One tableau recreated a mass hanging (designed to crush the anti-colonial resistance) complete with wooden gallows and dangling corpses.
The Guardian, Ian Black: “Extravagant celebrations in Libya to mark Gaddafi’s 40 years in power”.
Je n’ai aucune sympathie particulière pour le Guide suprême de la révolution de Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste, ou pour M. Alain Joyandet, secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie, et là n’est pas le sujet. Mais, ce qu’on peut faire dire à une image me passionne toujours autant, ainsi que l’aptitude à dégainer sans réfléchir (très commune chez les blogueurs et commentateurs, et encore plus chez les Touittereurs).
Quirinus
Dans un trio composé d’un pédé, d’un arabe et d’une meuf, cherchez l’erreur.
gilda
Ce qui est terrible et terriblement intéressant c’est qu’on puisse le croire - au sein d’un spectacle organisé en gloire d’un dictateur, la possibilité de faire “admirer” des exécutions -. C’est à dire que dans un coin d’inconscient on (je pense que la personne qui a écrit sans verifier n’est pas la seule à avoir fait la confusion) accepte à ce point l’impensable et l’inhumanité. Presque aussi flippant que s’ils l’avaient vraiment fait.
L'Arabe
@Quirinus: C’est un quatuor. Vous m’oubliez bien vite…
Eric
@ L’Arabe : «@Quirinus: C’est un quatuor. Vous m’oubliez bien vite…»
Il semblerait plutôt que ce soit le Juif qui a été oublié. Mais j’aurais tendance à penser que l’erreur est ailleurs.
Laurent Gloaguen
En fait, le Juif et l’Arabe doivent être le même, d’où l’erreur de l’Arabe ;-)
La Meuf
Si vous me lisiez correctement, vous réaliseriez que je n’ai jamais prétendu qu’il s’agissait là de véritables exécutions. La légende du Figaro Mag disait qu’il s’agissait d’acteurs et je l’ai dit dans l’article. Je trouve simplement ce genre de spectacles un peu déplacés des années après les faits qu’ils illustrent et dans un pays où la peine de mort n’a évidemment pas été abolie.
@L’Arabe: t’étais bourré ou quoi quand t’as laissé le commentaire?
@Quirinus et Eric: quelle est censée être l’erreur entre un arabe, un pédé et une meuf?
Laurent Gloaguen
Heu, veuillez m’excuser…
Vous avez écrit “ce sont des condamnés à mort, acteurs d’une « comédie musicale »”…
Je crois savoir lire.
Vous avez d’ailleurs repris l’ambiguïté de la légende du Figaro “ces condamnés à mort sont des acteurs du spectacle qui a célébré avec faste…”.
Vous n’avez pas précisé qu’il s’agissait d’une reconstitution de faits fondateurs de la Lybie moderne et du nationalisme arabe, remontant aux années 1930, puisque vous étiez dans l’ignorance de ce sujet :
De plus, votre argutie sur la légitimité d’une reconstitution de certaines pages de l’occupation coloniale de la Lybie dans un spectacle historique me semble oiseuse.
Laurent Gloaguen
@Quirinus : laissez-moi réfléchir, êtes-vous homophobe, raciste ou misogyne ?
L'Arabe
Non, effectivement, j’étais bourré… ;-)
Eric
@ L’Arabe et La Meuf : je sous-entendais que l’erreur était Quirinus…
Blah ? Touitter !