Journal de bord

lundi 28 mars 2011

Nouveau copain pour Dieudo

Dieudonné parti soutenir Kadhafi

“Bienvenue en Jamahiriya”. Photographie probablement prise à un poste frontière avec la Tunisie.

Après Ahmadinejad

[Via Le Parisien.]

1. Le 28 mars 2011,
manu

Dites c’est quoi le geste qu’il fait avec son bras, ça a une signification ?

2. Le 28 mars 2011,
Olivier G.

Et pourquoi est-ce que ses bras et main droits sont tendus comme ça ?

3. Le 28 mars 2011,
MB

Selon Pascal Riché, “Dieudonné effectue […] le geste dit de « la quenelle » […] :« L’idée de glisser ma petite quenelle dans le fond du fion du sionisme est un projet personnel qui me reste très cher”.

4. Le 28 mars 2011,
MB

Démo par l’intéressé ici-même.

5. Le 28 mars 2011,
TDM

Ah oui effectivement c’est bien le coup de la quenelle, je ne connaissais pas tiens :)

6. Le 30 mars 2011,
manu

Ah oui, bien vu !

Blah ? Touitter !

La tentation du repli national

Les mantras actuels d’Emmanuel Todd sont au nombre de deux : il faut sortir de l’euro et avoir une politique de protectionnisme européen. Le démographe et sociologue qualifie le libre-échange et l’euro de “concepts zombie”, c’est-à-dire d’idées qui sont “mortes mais que l’on croirait vivantes”. Le “concept zombie” (“Zombie Categories”) est une expression inventée par le sociologue Ulrich Beck : il s’agit de concepts sociaux toujours utilisés, mais vidés de leur substance du fait de leur obsolescence.

Pour Ulrich Beck, la famille, le couple, les classes sociales, la nation sont au nombre des catégorisations zombie. Nous manipulons encore ces représentations mentales soit par romantisme soit parce que nous n’avons pas perçu qu’elles sont devenues creuses. Selon lui, il y a trois principes essentiels qui “zombifient” les catégorisations sociologiques encore en usage. Le premier est l’idée que la proximité géographique créée de la proximité sociale alors qu’à l’ère actuelle des transports et des réseaux de communications, les frontières spatiales et sociales deviennent indépendantes. Le second concept “branlant” est que pour comprendre l’individu, il faudrait forcément le rattacher à une collectivité où il se trouve (ce que je vois comme un dynamitage du situationnisme) et que de nouvelles formes d’individuation fragilisent toute tentative d’analyse faisant passer la catégorie devant l’individu. Nous ne pouvons plus traiter le libre-arbitre comme un épiphénomène, “We can no longer treat volition as an epiphenomenon”, l’individu devient de plus en plus un électron libre échappant aux catégorisations comme aux contraintes. Le dernier pilier d’analyse lézardé serait l’évolutionnisme des sociétés qui laisserait à penser que les sociétés occidentales seraient forcément le modèle le plus évolué d’organisation collective.

Ulrich Beck s’intéresse tout particulièrement aux phénomènes de globalisation économique et culturelle qui font exploser tous les concepts en usage jusqu’alors, à la montée de forces supranationales répondant à la globalisation des risques, montée qui est parallèle à celle de l’individualisation. Il est ainsi devenu un partisan de la “realpolitik cosmopolite”.

La meilleure illustration de la pensée de Ulrich Beck est dans la question du réchauffement climatique. Ce risque global ne peut appeler qu’une réponse collective à grande échelle. Que ce soit en matière de risque écologique ou de risque économique, le concept de nation explose, les nouveaux défis du monde ne peuvent être relevés qu’à des échelles supranationales. Ce qui fait de Ulrich Beck un européaniste convaincu : “Bien que le changement climatique représente un danger effroyable pour l’humanité, il offre également une chance formidable pour transformer la politique en action collective. L’Union européenne mérite des éloges pour ses efforts novateurs contre le changement climatique. Elle peut jouer un rôle de leadership mondial et a la possibilité d’apporter un changement de paradigme dans la politique mondiale. […] Le monde espère un progrès du projet cosmopolite venant de l’Europe et la preuve qu’il est possible de réduire les émissions de dioxyde de carbone sans réduire les prestations sociales et la croissance économique.”

Ulrich Beck fait partie des grands penseurs du contemporain, et je partage son idée que “le nationalisme, ou politique nationale, est un idéalisme rétrograde”. Des institutions supranationales comme l’Union européenne sont des modèles, les premières armes d’un projet de realpolitik cosmopolite.

Vous comprendrez donc qu’il y a une sorte de malhonnêteté à convoquer Ulrich Beck au service d’un repli national en France ou de tout protectionnisme. Si l’économie mondialisée de libre-échange entraîne des conséquences fâcheuses, ce n’est pas un seul pays qui ne peut les résoudre, ni en effacer ses effets à l’échelle nationale, c’est la leçon bien comprise de l’enseignement de M. Beck.

Dans le paysage politique français, qui défend ces valeurs de repli national ? Le Front national (et comme le rappelle aujourd’hui Emmanuel Todd, c’est bien le principal et dernier clivage idéologique entre l’UMP et le Front national rénové de Martine Le Pen quand toutes les thématiques de sécurité, d’identité nationale et de barrage à l’immigration ont été reprises par l’UMP) et les “socialistes souverainistes” et “nonistes de gauche”, je pense principalement à Jean-Pierre Chevènement et Jean-Luc Mélenchon.

Cette voix du chevénementisme s’est récemment fait entendre chez Rue89 sous la plume de Julien Landfried, secrétaire national du Mouvement républicain et citoyen, qui, rebondissant sur les déclarations d’Emmanuel Todd, soutient, en caricaturant quelque peu je vous l’accorde, que la meilleure façon de faire réellement face au Front national est de proposer à peu près les mêmes réponses que lui, validant par là même la justesse des analyses frontistes. Parmi ces analyses est l’idée que depuis l’instauration de la monnaie unique, “non seulement la désindustrialisation de l’économie française s’est poursuivie, mais elle s’est accélérée”, sans toutefois nous étayer cette affirmation et nous prouver que cela tiendrait d’une relation de cause à effet plus que de simple concomitance, cette dernière étant pourtant accréditée du fait que la désindustrialisation a précédé l’avènement de l’euro, et n’est pas propre aux pays de la zone euro.

Si je regarde par ma fenêtre à Montréal, je vois que l’industrie textile jadis florissante est en train d’agoniser autour de la rue Chabanel, toutes les grandes marques ou presque ayant délocalisé en Amérique du Sud et en Asie. Difficile d’accuser la monnaie européenne ou encore de croire que l’indépendantisme québécois apporterait une réponse à la désindustrialisation de Montréal… Rien de franco-français ou d’européen, ce sont des problèmes globaux qui ne peuvent avoir, au même titre que le réchauffement climatique, que des réponses globales, non idéologiques et empreintes de pragmatisme cosmopolitain.

L’euro est sans doute perfectible. Mais certains souverainistes, de gauche comme de droite, préfèrent par pure idéologie nationaliste le voir mourir. Casser plutôt que réparer, et revenir au bon vieux temps du franc (avant le serpent monétaire…). Voilà bien selon moi une véritable “idée zombie”, un idéalisme rétrograde comme dit Ulrich Beck. Un projet plus sous-tendu par la volonté de torpiller la communauté européenne que par une analyse économique un peu simpliste qui tient de la pensée magique “supprimons l’euro et demain tout ira mieux”. Sautons dans le vide plutôt que d’étayer le pont branlant…

Pour finir, Ulrich Beck a soutenu le vote pour le “oui” lors du référendum français de 2005. Certains feraient mieux de choisir plus judicieusement leurs références.

1. Le 28 mars 2011,
Karl, La Grange

À propos des délocalisations, je m’étonne toujours quand les sièges sociaux restent dans le pays d’origine quand tout l’ensemble de la production se trouve ailleurs.

2. Le 28 mars 2011,
vanch'

“…ce sont des problèmes globaux qui ne peuvent avoir, au même titre que le réchauffement climatique, que des réponses globales,”

heureusement que Robespierre & cie ne se sont pas dit la même chose… On aurait pas le cul sorti des ronces…

3. Le 28 mars 2011,
padawan

Si tu avais lu « Après la démocratie » tu saurais qu’Emmanuel Todd n’est pas du tout anti-européen. Faut que je retrouve mon exemplaire pour voir si je peux citer sa conclusion, mais grosso-modo, et je suis d’accord avec lui, l’Europe est une solution à notre portée pour changer concrètement le cours des choses et renforcer la démocratie (qui n’est pas un acquis et reste fragile).

4. Le 28 mars 2011,
Laurent Gloaguen

@padawan : Emmanuel Todd a probablement affiné sa position depuis. La sortie de l’euro serait un coup dur porté à la construction européenne (qui peut prétendre le contraire) et à notre relation avec l’Allemagne, et je n’apprécie pas son discours tel que rapporté qui porte en lui des valeurs de repli national et qui, à juste titre, est repris avec enthousiasme par les souverainistes de gauche. Sa position comme quoi l’euro serait l’argent des riches et que le franc serait tellement plus mieux me semble relever de la pensée magique faute de démonstration suffisante. Tout placer dans une monnaie dévaluable à sa guise relève à mon sens d’une certaine naïveté et n’aurait en aucun cas une influence décisive sur la capitalisme mondial. Je ne dis pas qu’Emmanuel Todd a faux sur tout et c’est un penseur estimable, mais je crois qu’il pense trop petit sur ce point précis. Considérons par ailleurs la situation des pays de la Communauté qui sont hors zone euro, ce qui minore encore plus les soi-disant avantages de cette solution franco-française. Pas besoin d’allez bien loin, la Grande-Bretagne est là. S’en sort-elle tellement mieux que la France ? Qu’apporte la livre sterling ? Souvenons-nous aussi des crises monétaires avant l’euro et avant le SME, si l’histoire devait encore servir à quelque chose. Enfin, l’euro est un instrument de souveraineté supranationale et va dans le sens de l’avenir. Que son fonctionnement ne soit pas satisfaisant, c’est un fait (et il n’y aurait pas eu les nonistes qu’il fonctionnerait déjà beaucoup mieux avec plus d’ambition politique). Que la monnaie nationale soit un instrument de protection des plus démunis, parlez-en à tous les pays hors zone euro, soit l’essentiel du monde. Tiens, allez donc en parler en Argentine par exemple, allez y argumenter sur les subtilités du flottement monétaire…

En matière de monnaie, il y a des troisièmes voies plutôt que de revenir à des systèmes qui ont prouvé leurs limites par le passé. Ironiquement, c’est grâce à Julien Landfried sur Twitter que j’ai découvert des positions originales comme celles de Jean-Pierre Fourcade sur le site du think tank chevénementisme qui héberge des débats riches sur le sujet.

Mais si quelqu’un a des arguments pour me démontrer que la sortie de l’euro et le retour au franc serait bénéfique pour tout le monde, qu’il les avance, je serai heureux de reconsidérer mon opinion.

Par ailleurs, j’ai un grand respect pour Chevènement qui a fait maintes fois fait preuve de courage et d’intégrité, ce qui manque dramatiquement dans la classe politique, mais il est bien trop réactionnaire, jacobin et souverainiste pour moi.

5. Le 28 mars 2011,
Karl, La Grange

Tu aurais pu prendre la Norvège ;) Ils n’ont pas d’idées mais ils ont dû pétrole. En fait les deux, mais le deuxième aide bien le premier.

6. Le 29 mars 2011,
padawan

Oui mais le Todd que je lis dans les médias et celui qui a la place d’écrire posément dans ses bouquins m’apparaissent différents. Je t’envoie ou t’apporte le bouquin si tu veux parce qu’il vaut vraiment la lecture ;-).

Je suis comme toi dubitatif sur la question de l’euro, mais je sens que sa critique ne porte pas sur la monnaie elle-même mais sur la politique de l’euro, le rôle de la BCE, dans ce qu’il appelle « la nécessaire correspondance entre espaces économiques, sociaux et politiques ». Pour lui, ces espaces sociaux et politiques n’ont pas suivi la construction de l’espace économique européen :

« Le gros des échanges induits par l’ouverture des frontières a donné naissance à un espace économique européen, à un espace économique extrême-oriental, à un espace économique nord-américain. L’espace social et l’espace politique n’ont pas pu suivre. La désorganisation actuelle de la vie politique française découle tout simplement de la dissociation géographique entre une société française qui n’a pas changé d’échelle et une économie qui hésite entre échelles européenne et planétaire. »

Il met logiquement en perspective ces espaces, à l’échelle planétaire d’abord, puis logiquement européenne :

« La démocratie planétaire est une utopie. La réalité c’est, à l’opposé, la menace d’une généralisation des dictatures. Si le libre-échange engendre un espace économique planétaire, la seule forme politique concevable est la « gouvernance », désignation pudique du système autoritaire en gestation. Mais pourquoi alors, puisqu’il existe un espace économique européen déjà bien intégré, ne pas élever la démocratie à son niveau ? Des institutions européennes existent déjà, dont il suffirait que des élites politiques s’emparent pour réorienter l’économie dans un sens favorable aux peuples, et les réconcilier avec l’Europe. »

Todd est bien protectionniste, mais à l’échelle européenne. Et il démonte tellement bien les politicards français et leur rapport instrumental et pervers à l’Europe que c’est un vrai plaisir à lire.

7. Le 29 mars 2011,
Marie-Aude

J’ai commencé à vivre en Allemagne au moment du passage à l’euro. J’ai donc constaté au fil des mois à quel point la conversion était approximative (mais toujours à la hausse) en France, et combien elle restait rigoureuse et stable en Allemagne. Aujourd’hui, à “niveau de ville” équivalent, il peut y avoir des différences de près de 40% sur certains articles de la vie quotidienne.

(Curieusement, et je n’ai aucune idée du lien, le double affichage a disparu très rapidement en Allemagne).

La gestion du passage a l’euro a été très mal maîtrisée, mais ce n’est pas seulement “la faute aux riches”. Tous les petits commerçants ont plongé tête baissée dans les délices de l’arrondi à la hausse qui permet de gagner quelques centimes d’euros. La désindustrialisation de l’Allemagne ne saute pas aux yeux, et pourtant ce pays est dans la zone euro.

Il est très facile, trop facile, de rendre un “machin” lointain responsable des indigences de nos politiques. ça marche toujours, entre le musulman et l’euro, la France est mal barrée (mode joke on, est il besoin de le préciser ?)

8. Le 29 mars 2011,
narvic

Pour ma part, je n’ai pas lu “Après la démocratie”, et d’autres intervention de Todd dans les médias, comme un appel à un repli national français, mais comme une dénonciation d’un égoïsme allemand, qui s’est affirmé après la réunification et le passage à l’euro “aux conditions allemandes”.

Sa thèse est que l’Allemagne ne “joue pas collectif” avec l’euro et impose à ses partenaires (France, Italie, Espagne, et bien sûr Grèce et Portugal) une politique économique qui leur est défavorable à court, moyen et long terme, tant sur le plan économique que social, et au bout du compte politique. D’où le risque d’un glissement progressif vers… après la démocratie.

La sortie de l’euro n’est brandie par un économiste comme Jacques Sapir (que je range dans les “amis” de Todd, mais peut-être me trompè-je…) que comme une menace (qui se doit d’être crédible, donc préparée de manière concrète et réaliste), dans un bras de fer avec l’Allemagne. Et si l’Allemagne refuse (ce qui ne serait pas objectivement son intérêt, puisque l’essentiel de ses partenaires économiques sont européens), cette sortie de l’euro ne serait qu’un dernier recours.

9. Le 29 mars 2011,
MB

Je suis également plus convaincu par le diagnostic d’Emmanuel Todd que par le remède qu’il propose. Il est quand même bien que quelqu’un rappelle que la monnaie unique et le libre-échange ne sont pas des fins en soi mais ne peuvent être que des outils, efficaces ou non, au service du bien-être des gens, et en particulier des plus fragiles. Il me semble en fait assez proche de Paul Krugman, avec un mélange de bienveillance et de scepticisme : “It is, however, by no means clear that the euro [is both a political symbol and a good economic idea]. Europe’s limited labor mobility (although there’s more than there used to be) and, crucially, lack of fiscal integration makes a common currency a dubious proposition at best. And that’s a problem for the broader European project. You build solidarity with economic measures that work, not with measures that don’t”. La fin de l’euro ferait beaucoup de mal mais les pays qui ont leur propre monnaie s’en sortent mieux.

Sinon, nous vivons et nous allons devoir continuer à vivre pendant sans doute encore longtemps des temps difficiles parce que, quoi que vous en ayez, le fait national demeure essentiel et le seul cadre actuel de la démocratie, alors même que nombre de politiques ne peuvent en effet être efficaces qu’à une échelle plus importante. Le problème de l’Europe, c’est que l’on ne peut rien faire avec : impossible de décider d’une politique commune en Libye par exemple mais plus certainement encore impossible de décider ensemble de politiques allant dans le sens de celles préconisées par Emmanuel Todd. Le repli national peut avoir du sens comme moyen de pression pour faire évoluer les politiques européennes… peut-être.

10. Le 30 mars 2011,
cmaussan

Emmanuel Todd a soutenu le oui en 2005. @Karl : les sièges sociaux, quand on creuse se révèlent souvent au Luxembourg.

11. Le 30 mars 2011,
Laurent Gloaguen

@cmaussan : soyez complet, Emmanuel Todd s’est opposé à Maastricht et à la création de l’euro, il a soutenu le traité constitutionnel après avoir eu l’illumination du “protectionnisme européen”. Par ailleurs, il dit ne pas sentir européen pour des “raisons anthropologiques”.

12. Le 31 mars 2011,
narvic

Laurent, AMHA, tu n’es pas de bonne foi sur ce coup. ;-) Tu parles de Todd dans ses livres, dans ses interventions à travers le prisme déformant des médias, ou dans un mix à ta sauce des deux?

Précise, et on poursuit le débat si tu veux… (Todd vaut bien mieux que ce que tu sembles en dire, et je dis ça pour l’avoir lu dans ses livres).

13. Le 31 mars 2011,
Laurent Gloaguen

Je ne parle pas de ses livres, cela me semblait clair.

Blah ? Touitter !