Il y a 25 ans, Malik Oussekine
Photo LPLT / Wikimedia Commons.
Dans la nuit du 5 au 6 décembre 1986 à Paris, en plein conflit gouvernement-étudiants, Malik Oussekine, 22 ans, était matraqué à mort dans le hall d’un immeuble parisien, au 20, rue Monsieur-le-Prince, où il s’était refugié, par deux “voltigeurs motoportés”.
Français d’origine algérienne, étudiant sans histoire à l’Ecole supérieure des professions immobilières (ESPI), il était d’une santé fragile à cause de déficiences rénales, devant être dialysé trois fois par semaine.
Le jeune homme s’était tenu à l’écart du mouvement estudiantin. Les étudiants dénonçaient un projet de loi instaurant, selon eux, la sélection à l’entrée de l’université. Ce jour-là, cependant, selon ses amis, Malik voulait aller voir une manif.
Seul témoin du drame, Paul Bayzelon, fonctionnaire au ministère des Finances, habitant l’immeuble du 20 rue Monsieur le Prince (6ème arrondissement), a raconté: “Je rentrais chez moi. Au moment de refermer la porte après avoir composé le code, je vois le visage affolé d’un jeune homme. Je le fais passer et je veux refermer la porte”.
“Deux policiers s’engouffrent dans le hall, a-t-il poursuivi, se précipitent sur le type réfugié au fond et le frappent avec une violence incroyable. Il est tombé, ils ont continué à frapper à coups de matraque et de pieds dans le ventre et dans le dos. La victime se contentait de crier: ‘je n’ai rien fait, je n’ai rien fait’ “.
Paul Bayzelon a dit avoir voulu s’interposer mais s’être fait lui aussi matraquer jusqu’au moment où il a sorti sa carte de fonctionnaire. Les policiers, présents dans le quartier pour disperser la manifestation, sont alors partis mais Malik Oussekine était mort.
Le lendemain, Alain Devaquet, ministre délégué à l’Enseignement supérieur et auteur du projet de loi polémique, présentait sa démission, cependant que les étudiants défilaient en silence portant des pancartes “Ils ont tué Malik”.
Le lundi 8 décembre, après de nouvelles manifestations, le Premier ministre Jacques Chirac annonçait le retrait du texte.
[…] Dans son récent livre “La tragédie du président”, le journaliste Franz-Olivier Giesbert décrit Jacques Chirac comme particulièrement sensible aux mouvements de la jeunesse depuis l’affaire Malik Oussekine, dont il pense, selon l’auteur, qu’elle lui a coûté son élection à la présidentielle de 1988.
Nouvel Observateur, 5 décembre 2006 : “Il y a 20 ans, Malik Oussekine”.
Nous avions dit après les violences et les répressions du gouvernement de Jacques Chirac, en 1988, on s’en souviendra. Je pense que c’est le moment aujourd’hui, tous ensemble, ici, de rappeler ce message : Jacques Chirac en 1988, on s’en souviendra de la répression, des violences, de la mort de Malik Oussekine et du projet de société qui était le vôtre aujourd’hui, celui de la sélection, celui du refus, celui de l’exclusion, celui qui empêche l’ensemble des jeunes de ce pays de pouvoir avoir une formation, de pouvoir faire des études et donc de pouvoir trouver un emploi, de pouvoir s’intégrer à la vie sociale et économique de ce pays. Je pense que c’est le moment de le rappeler aujourd’hui. Il reste quelques semaines importantes avant l’échéance de l’élection présidentielle. Nous devons mettre toutes nos forces pour rappeler à tous les jeunes, étudiants, lycéens, même aux autres, Jacques Chirac, en 1988, on s’en souviendra.
Isabelle Thomas, à l’occasion de la visite de François Mitterand à l’université de Villetaneuse, le 14 avril 1988.
Blah ? Touitter !