Complexité des lectures
Les élèves en France lisent au moins une pièce de Molière (Le Bourgeois gentilhomme, Les Fourberies de Scapin, Le Malade imaginaire) en classe de 5e (jeunes âgés de 12 ans).
Au Québec, une “professeuse” de français a osé inscrire Le Malade imaginaire dans son programme de CEGEP (jeunes âgés de 17 ans). Émoi de parents, ce genre d’œuvre d’une rare complexité devrait être réservé aux étudiants en Lettres à l’université.
Revenons à la lettre du papa. Il se décrit comme un parent responsable qui, dans les circonstances agitées que l’on sait, essayait d’aider son ado à reprendre ses cours, en particulier son cours de français, et c’est ce faisant qu’il a découvert Le malade imaginaire dans le plan de cours de la prof. Il est alors saisi d’un immense découragement, pour la première fois de sa vie de parent, il baisse les bras : j’étais désespéré, sans voix, pour la première fois de ma vie, je me suis vu incapable de l’aider. Je me suis senti désarmé devant des mots, des expressions, des réflexions, des analyses d’une lecture indigeste QUI S’ADRESSE PLUS À DES ÉTUDIANTS EN ART ET LETTRES ou à des futurs enseignants ou écrivains qu’à des étudiants qui doivent malheureusement passer par le cégep et des cours obligatoires pour accéder à l’université.
Les majuscules sont de moi. En fait, ce qu’il faudrait mettre en majuscules, c’est cette idée qui sous-tend le discours du monsieur, que la culture est une spécialité pour étudiants en arts et lettres, qu’on aille surtout pas emmerder les futurs ingénieurs du Plan Nord avec ça, quand ils s’ennuieront le dimanche après-midi à Fermont, ils iront se relouer Starbuck et puis voilà, c’est bien, Starbuck, vous l’avez vu?
La Presse, Pierre Foglia : “Starbuck”.
(À toutes fins utiles, nous rappellerons que la moitié des Québécois ne savent pas lire correctement.)
Sur le site du Ministère de l’Éducation consacré aux suggestions de lectures pour les jeunes, la complexité des livres est notée sur une échelle de 1 à 11. La note 11 veut dire “difficile à lire, haut degré de complexité, pour les 16 ans et plus”.
Sur les 24 livres de niveau 11 (sur une base de 6624 livres), on trouve Vendredi ou les limbes du Pacifique, Les Trois Mousquetaires, Le Seigneur des Anneaux, Les Misérables, David Copperfield, Au Bonheur des Dames, Le Capitaine Fracasse. (De mon point de vue, c’est probablement Le Seigneur des Anneaux qui emporte la palme de la difficulté… mais le succès de son adaptation cinématographique lui confère un supplément de motivation à le lire.)
isabelle
mon fils de 8 ans est allé voir le malade imaginaire en octobre dernier au théâtre . Je lui ai demandé après ce qu’il en avait compris , ne lui ayant rien expliqué . Il a compris l’histoire , pas vraiment tout le texte mais il a parfaitement saisi la problématique de ce brave homme et a su rire au x moments opportuns . C’est un petit garçon qui aime les pokemons et bob l’eponge mais bon visiblement il a passé un bon moment . J’ ai lu l’intégrale des hommes de bonnes volonté de Balzac en 6ème parce que j’ aimais bien l’histoire du 1er tome . Je trouve cela dommage de réserver cela à des étudiants en littérature . je viens de voir dans la liste le theorème du perroquet que j’ ai lu l’année dernière par hasard : même des étudiants en littérature ont du mal , il faut être mathématicien pour saisir la subtilité mais l’histoire en elle même ne pose pas de difficulté . par contre Fondation de Asimov de niveau 10 m’ a posé plus de difficultés.
xave
Je ne vois pas ce qui est choquant. Ces gens expliquent simplement qu’à moins qu’il soit capable de poursuivre des études supérieures spécialisées, un Québécois, quel que soit son âge (puisque c’est le cas du parent, ici), est moins intelligent qu’un gamin français de 12 ans.
Je ne vois pas où est la nouveauté.
Krysalia
toujours ce drame terrible dès qu’on touche à l’intellectuel… On croirait entendre cette pub où une jeune fille annonce à ses parents catastrophés qu’elle est myope et que ça va leur coûter leurs vacances.
“papa, maman, j’ai lu des livres #11 et j’ai aimé ça. je crois qu’il va m’en falloir d’autres”…
Oh mon dieu, notre enfant est un intellectuel oO ! est-ce que c’est de notre faute ? c’est peut être seulement une phase ?
Yaume
@isabelle : en même temps la difficulté c’est très subjectif, j’ai lu le cycle Fondation en 3e (donc 14/15 ans) et je n’ai pas trouvé ça compliqué du tout. Il y a tout un tas de critères qui jouent, de l’habitude de lire à l’attraction du sujet :) Il y a surement des livres qui me sont tombés des mains que vous avez lu d’un trait.
Perso le livre le plus compliqué à lire que j’ai terminé (parce qu’obligé par l’école) c’est la Condition humaine de Malraux en 1ere (donc 17 ans), mais une fois fini j’étais content de l’avoir lu (par contre j’ai tenté un autre Malraux et je n’ai pas réussi à aller au bout) alors un livre “compliqué” de temps en temps ça peut aussi faire du bien. (bien que j’ai du mal à classer du Molière en compliqué … :D)
Karl, La Grange
Au Bonheur Des Dames… compliqué ? Soupir. Quoique c’est peut-être une directive des gouvernements libéraux du Québec pour éviter que la notion de critique sociale s’éveille trop tôt.
Lavraienutrition
Ancien élève de France ici: Quand je pense qu’on ma donné du Zola à bouffer à 12 ans, Molière l’année d’avant, c’était un moment de plaisir.
Maxime
xave: +1
Je ne vois pas où est le troll.
Laurent Gloaguen
Moi, je vois où sont les trolls.
lolosquared
xave : +1 que dire de Proust, Duras et d’autres ??? ils sont hors catégories ? Mais où sont les trolls ?
Maxime
Les trolls ne sont certainement pas au Québec, il faut un certain niveau de maîtrise de la langue française pour cela.
Hoedic
En effet, pour être un bon troll, il faut connaitre par cœur L’art d’avoir toujours raison de Schopenhauer qui doit bien être classé 10 sur 11 rien que pour la difficulté du nom de l’auteur. Et que dire de Nietzsche que bien des contemporains persistent à prononcer “nicht”.
Karl, La Grange
Je suis à peu près sûr que l’on peut trouver une version du bonheur des dames où Michel Simon est sous-titré pour que les québécois comprennent.
André Levasseur
Parmi les titres classés 10 sur 11, il y aurait, du côté québécois: Prochain Épisode d’Hubert Aquin, Le Torrent d’Anne Hébert, Enfantômes de Réjean Ducharme, La Nuitte de Malcomm Hudd de Victor-Lévy Beaulieu, Les Oranges sont vertes de Claude Gauvreau. Et combien d’autres.
Et ils n’ont pas de sous-titres pour les Français, Karl. Désolé.
Ces ouvrages, que je classe 10 sur 11, j’aurais aimé les lire au primaire ou au début du secondaire.
Sacrip'Anne
Expérience faite : deux miniatures de 6 ans + Les Fourberies de Scapin = éclats de rire pendant pas loin de deux heures. Ok il a fallu réexpliquer des détails, mais dans l’ensemble, ils ont bien suivi et saisi.
J’imagine qu’en dehors de questions de langues (je ne peux pas dire qu’au Québec et en France, on ne parle pas la même langue, c’est vrai, mais c’est aussi vrai du français de Molière et du français contemporain, du coup l’argument ne tient pas !), il y a aussi un rapport un peu moins complexé (d’une partie) des français au texte.
Mais quand même. C’est triste cette sorte d’auto-complexe qui fait qu’on nivelle par le bas sans même chercher pourquoi diable on a envie de faire découvrir Molière aux enfants, grands ou moins grands…
samantdi
Professeur de français en France depuis 1985, je me souviens que lors de ma deuxième année d’enseignement, j’avais reçu une lettre indignée de la mère d’un élève de 6ème (11ans) parce que j’avais imposé une fable de La Fontaine en récitation. “C’est trop difficile, on n’y comprend rien, mon fils n’apprendra pas ce texte !”
Karl, La Grange
Blah ? Touitter !