Cher le lien hypertexte
La société Cerise Media, société éditrice du site internet www.newsdestars.com, a publié un article intitulé « Marion Cotillard : découvrez la bouille de son petit Marcel ! » consacré à Marion Cotillard et son fils Marcel, et proposant aux internautes un lien hypertexte qui conduit sur une page d’un site américain www.usmagazine.com qui reproduit une photographie de Marion Cotillard tenant son bébé dans ses bras, ainsi qu’il résulte d’un constat d’huissier établi le 9 septembre 2011 par Maître Clotilde Griffon.
Estimant qu’il a ainsi été porté atteinte à son droit à l’image et à sa vie privée Marion Cotillard a fait citer la société Cerise Media par acte d’huissier du 6 octobre 2011 au visa des articles 9 du code civil et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et demande, aux termes de cette assignation et des conclusions signifiées le 24 avril 2012 la condamnation de la défenderesse à lui payer les sommes de 15 000 € en réparation du préjudice causé, 3500 € au titre des frais irrépétibles, l’interdiction de reproduction des photographies litigieuses, le tout avec exécution provisoire.
[…] Les articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 9 du code civil garantissent à toute personne, quelles que soient sa notoriété, sa fortune, ses fonctions présentes ou à venir, le respect de sa vie privée et de son image.
L’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales garantit l’exercice du droit à l’information des organes de presse dans le respect du droit des tiers.
La combinaison de ces deux principes conduit à limiter le droit à l’information du public, d’une part, aux éléments relevant pour les personnes publiques de la vie officielle et, d’autre part, aux informations et images volontairement livrées par les intéressés ou que justifie une actualité ou un débat d’intérêt général.
Ainsi chacun peut s’opposer à la divulgation d’informations ou d’images ne relevant pas de sa vie professionnelle ou de ses activités officielles et fixer les limites de ce qui peut être publié ou non sur sa vie privée, ainsi que les circonstances et les conditions dans lesquelles ces publications peuvent intervenir.
L’article évoque la publication par le site de Us Weekly d’une photographie de Marion Cotillard et de son fils Marcel Cotillard, prise à l’aéroport de Los Angeles et revient sur les projets professionnels de la comédienne.
Au terme de l’article, est publiée une courte phrase « pour découvrir la jolie bouille de Marcel c’est ici qu’il faut cliquer ! » offrant ainsi un lien hypertexte qui donne accès à une page du site Us Weekly présentant une photographie de Marion Cotillard, tenant dans ses bras son fils Marcel.
En offrant la possibilité aux internautes d’accéder par un lien hypertexte à un site différant cette photographie de Marion Cotillard avec son enfant dans les bras, la société Cerise Media participe à la diffusion d’un cliché qui, fixé sans le consentement de l’intéressée, viole son droit à l’image, et la saisissant dans un moment de vie personnelle avec son bébé, porte atteinte à sa vie privée, peu important le caractère public du lieu de fixation de l’image.
[…] Par ces motifs, le tribunal : Condamne la société Cerise Media à payer à Marion Cotillard la somme de 1500 € en réparation de l’atteinte portée à sa vie privée et à son droit à l’image, interdit à la société Cerise Media de procéder à toute nouvelle publication, par quelque moyen que ce soit notamment par un lien hypertexte, de la photographie représentant Marion Cotillard, publiée sur le site www.usweekly.com, sous astreinte de 3000 € par infraction constatée, à compter de la signification du présent jugement, se réserve la liquidation éventuelle de l’astreinte, rejette les autres demandes plus amples ou contraires, condamne la société Cerise Media à payer à Marion Cotillard la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Cerise Media aux entiers dépens, qui pourront être recouvrés directement par maître Vincent Toledano conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le tribunal : Mme Nicole Girerd (vice présidente), Mme Gwenaël Cougard (vice présidente), M. Benoit Chamouard (juge). Avocats : Me Vincent Toledano, Me Marie-Laure Bouze.
Tribunal de grande instance de Nanterre, 1re chambre. Jugement du 6 septembre 2012.
P.S. À ma connaissance, la condamnation d’un hyperlien vers une page web est une première en droit français.
karl, La Grange
Ridicule et dangereux.
Thierry Stœhr
Le lien hypertexte est une référence à l’accès immédiat. Il est à la base du Web. Il doit rester ouvert.
Xuel
Naze comme comparaison. C’est pas le principe de lien hypertexte qui est visé, mais vous le savez déjà.
karl, La Grange
@xuel éclairez nous svp.
à lire aussi deep linking
Jean
Ça n’est pas le lien qui a été sanctionné mais la mise à disposition du public des photos : « la société Cerise Media participe à la diffusion d’un cliché qui, fixé sans le consentement de l’intéressée, viole son droit à l’image… » Le lien en lui même est neutre… et gratuit.
Laurent Gloaguen
“La mise à disposition du public”. Alors il faut sanctionner Internet dans son ensemble, et Google en particulier.
karl, La Grange
@Jean je ne comprends toujours pas :)
A-t-on le droit ou pas de faire un lien hypertexte vers un contenu illicite ?
Clawfire
@Laurent je ne pense pas que Google soit un bon exemple. Il n’est pas fournisseur de contenu et ne l’as jamais été.
Jean
@Karl & @Laurent
L’algorithme Google accomplit sa besogne en listant des liens hypertexte, il n’y a là aucune démarche éditoriale et pas de quoi sanctionner. Je ne vois pas Marion Cotillard faire condamner le moteur pour un référencement. Ça n’est pas le cas de News de stars qui, comme son nom l’indique, a pour fond de commerce infos et milans sur les vedettes à la mode. Si l’image avait entraîné la condamnation d’un journal papier qui l’aurait publiée personne ne se serait posée la question de la licéité ou de la neutralité de l’impression en quadrichromie. AMHA on a parfaitement le droit de mettre en lien un contenu illicite à condition de ne pas enfreindre la loi laquelle ne tranche pas sur le lien en lui même.
Ce qui me turlupine dans cette histoire c’est plutôt la persistance des photos sur le magazine US. Marion Cotillard ne peut s’y opposer ? La loi n’y est pas semblable ? Car à mon avis si elle ne conteste pas l’affichage sur US Magazine il n’y a pas de raison qu’elle obtienne gain de cause en France.
Laurent Gloaguen
@Jean : pas de raison d’être turlupiné, elle n’a aucun droit dans la loi américaine de s’y opposer car les centaines de photos d’elle avec son fils ont toutes été prises dans des lieux considérés comme publics.
Le seule chose qui menace éventuellement les paparazzi est le harcèlement, auquel cas il faut prouver l’infraction en au moins deux occasions différentes (ou bien des actes d’intimidation/violence pour obtenir le cliché).
Je crois me souvenir que les paparazzis se font souvent prendre en Californie pour conduite dangereuse de véhicule motorisé, ce qui est le principal risque de leur activité professionnelle.
Restriction importante : sans autorisation de la personne, la photo prise dans un espace public ne peut être utilisée à des fins de publicité ou promotion d’un produit ou service.
À noter que les lieux publics où tu es en droit d’attendre une certaine intimité, typiquement les toilettes et les vestiaires de salles de sports, sont considérés comme privés pour la photographie.
Laurent Gloaguen
Et j’ajoute qu’ici au Canada, la situation est assez similaire à celle de nos voisins du sud (distinction privé/public), mais la peu nombreuse jurisprudence en la matière, notamment au Québec, est un peu floue et il n’y a aucun texte de loi mentionnant explicitement la photographie.
Pour l’usage éditorial, on peut utiliser une photo de toi dans un lieu public à la condition expresse de ne rien laisser entendre sur ta vie privée. On évitera ainsi d’utiliser ta photo sur un trottoir pour illustrer un article sur la prostitution, ou ta photo avec une bière à la main pour traiter de l’alcoolisme. Dès que ton image est utilisée de façon préjudiciable à ton égard (notamment la diffamation), il peut y avoir lieu à poursuites. Dans tous les cas, il est essentiel de faire admettre au juge que la publication de ta photo t’a causé un préjudice (moral et/ou financier).
Si tu es une personne d’intérêt public (une vedette !), tes droits à la vie privée sont réduits à presque rien, pour la bonne raison que ta vie privée devient de fait un sujet d’intérêt public.
Damien B
En même temps, quand on intitule son article ” Marion Cotillard : découvrez la bouille de son petit Marcel !”, ça fait un peu minable de dire “oui mais la bouille du petit Marcel on ne l’hébergeait pas, il fallait cliquer sur un lien neutre pour la voir”.
Laurent Gloaguen
@Damien : Oui, c’est vrai que c’est un peu minable. C’est ce que souligne l’avocat de la comédienne : “l’article est entièrement consacré à la divulgation fautive de l’image de la comédienne surprise avec son bébé dans des moments de vie personnelle”.
Je note par ailleurs que le site en question était loin d’être le seul français à traiter du sujet. Par exemple :
http://www.aufeminin.com/people/marion-cotillard/marion-cotillard-marcel-photo-n81332.html
http://mode.glamourparis.com/photo-de-marcel-fils-de-marion-cotillard-et-de-guillaume-canet/
http://www.jadorelespotins.com/201109/la-premiere-photo-de-marion-cotillard-et-de-son-fils-marcel/26173/
http://www.actustar.com/43106/photo-marion-cotillard-et-son-petit-marcel
http://www.melty.fr/marion-cotillard-marcel-nouvelle-photo-du-actu78093.html
http://www.planetepeople.com/news/marion-cotillard-voici-la-toute-premiere-photo-de-son-fils-marcel-9893.html
http://www.actucine.com/stars/marion-cotillard-premieres-photos-de-bebe-marcel-50144.html
karl, La Grange
@Damien On ne discute pas le fait que c’est un article de merde et un journal de merde jouant sur la limite.
Que Marion Cotillard dénonce l’article. Soit. Que l’on porte l’enjeu sur le lien hypertexte. Non.
Jean
Je ne vois toujours pas d’enjeu sur le lien. Ce serait en cas d’accident automobile et de condamnation du chauffeur affirmer que c’est la voiture qui a été incriminée :-)
C’est efficace, bravo Marion, toutes les adresses citées par Laurent renvoient une erreur sauf Actuciné qui lie à un site US comme News de Stars.
Ce qui me choque vraiment dans la loi nord-américaine c’est qu’on oblige pas à flouter l’enfant. Je pense à l’affaire Lindbergh.
Blah ? Touitter !