Quand le juge se fait un redoutable critique photographique… Un vrai jeu de massacre :
Une photographie n’est protégeable par le droit de la propriété intellectuelle que dans la mesure où elle procède d’un effort créatif et qu’elle ne vise pas seulement à reproduire de la manière la plus fidèle possible, un objet préexistant.
Par ailleurs le seul fait de représenter des avions ou des éléments d’avions ne suffit pas à caractériser l’originalité du sujet dès lors que de tels choix sont le propre de tout passionné d’aéronautique.
a/les photographies revendiquées par Philippe G. :
1re photographie (annexe 5 du procès-verbal du constat du 14/12/2010) : Il s’agit d’une photographie du Concorde prise au salon du Bourget de 1971.
Philippe G. (né en 1960) revendique le choix du sujet, la mise en avant des accès à l’appareil par la passerelle, la prise de vue de biais, de jour à la lumière naturelle sans flash.
Néanmoins l’examen de la pièce fait apparaître l’absence totale de mise en valeur de l’avion photographié sous un angle de vue banal avec une lumière défaillante (selon les reproductions fournies au tribunal) et un cadrage qui n’a pas permis de faire disparaître le public qui se presse autour de l’appareil.
Cette photographie ne révèle aucun effort créateur et n’est nullement empreinte de la personnalité de son auteur.
2e photographie (annexes 8, 9, 10 et 11 du procès-verbal de constat) : Cette photographie représente une sonde carburant du réservoir 3 du Concorde Philippe G. revendique le choix du sujet, la place de la sonde au milieu de la photographie dans un environnement sombre, la présence de leds rouge et de l’ombre de la sonde, et la faible luminosité.
Cependant le fait de placer le sujet au centre d’une photographie ne peut être considéré comme original et les autres éléments invoqués par le demandeur : présence de leds rouges, faible luminosité, présence d’une ombre manifestent plus l’inexpérience du photographe que la réalité de choix esthétiques.
3e photographie (annexe 12 et 13 du procès-verbal de constat) : Il s’agit en réalité de deux photographies représentant un indicateur KW-KVAR d’un Concorde.
Philippe G. revendique le choix du sujet, la composition, l’angle de sa prise de vue et son éclairage.
Néanmoins il ne suffit pas de décrire une composition (1er plan, fond gris posé sur un support plat) il faut indiquer en quoi ce qui apparaît extrêmement banal peut être le résultat de choix artistiques révélateurs de la personnalité de son auteur.
De la même façon il appartient au photographe d’expliquer pourquoi un faible éclairage et la présence d’ombres ne sont pas la manifestation de l’absence de toute qualité technique du cliché mais au contraire le résultat d’un choix personnel en vue de produire un effet particulier.
4e photographie (annexes 14 et 15 du procès-verbal) : Cette photographie représente le poste de pilotage de jour avec les lumières allumées à l’intérieur de telle sorte que l’on aperçoit la casquette du commandant de bord.
Philippe G. revendique le choix du sujet (la casquette), la composition, le choix de l’angle de vue et l’éclairage.
Néanmoins la casquette n’est guère visible et la photographie représente surtout une partie de la cabine de pilotage sans que les caractères de la photographie puissent permettre de lui reconnaître une originalité particulière, les conditions de prise de vue telles que le zoom relevant de contraintes techniques et l’éclairage ne résultant manifestement pas de choix opérés par le photographe.
5e photographie (annexes 16 et 17 du procès-verbal de constat) : Cette photographie représente une calculatrice faisant mention de la vitesse de l’avion.
Philippe G. revendique le choix du sujet, sa composition, l’angle de la prise de vue et l’éclairage.
Néanmoins, il ne suffit pas de décrire les caractéristiques techniques d’une photographie qui en l’espèce sont extrêmement banales ; il convient d’indiquer en quoi celles-ci sont le résultat de choix esthétiques en vue de produire un effet particulier et non pas une exacte reproduction de l’objet en cause.
Les photographies en annexes 18, 19 et 22 du constat : Elles représentent une ailette de turbine BP.
Philippe G. revendique le choix du sujet, sa composition, le choix de l’angle de prise de vue et de l’éclairage qui témoignent d’une recherche esthétique.
Néanmoins le demandeur omet de définir cette recherche esthétique et se contente d’énumérer des éléments sans indiquer les motifs des choix qu’il revendique et les effets voulus.
Les photographies figurant sur les annexes 20 et 21 du constat : Elles représentent une calculatrice IBM en bois.
Elles sont la représentation assez exacte de l’objet en cause et ne présentent aucune originalité, Philippe G. ne définissant pas la recherche esthétique qu’il revendique.
La photographie en annexes 23 et 24 du constat : Elle représente un vérin de tuyère primaire d’un Concorde en gros plan posé à plat sur un fond gris.
Philippe G. revendique le choix du sujet, sa composition, le choix de l’angle de prise de vue et l’usage du flash.
L’ensemble des éléments revendiqués sont banals et la photographie est juste la représentation assez exacte de l’objet en cause, sans aucune recherche esthétique.
les photographies figurant en annexe 28 du procès-verbal de constat : Elles représentent quatre indicateurs KW-KVAR intégrés au tableau de bord d’un Concorde.
Philippe G. revendique un gros plan alors que ce choix technique s‘impose si on souhaite obtenir une vue précise des objets en cause. Il revendique également un éclairage particulier qui en réalité est commun à la plupart des photographies d’objets qu’il a réalisées.
Il ne définit aucune recherche esthétique et les choix techniques réalisés sont la conséquence de sa volonté de présenter une vue précise et exacte des quatre indicateurs.
La photographie figurant en annexes 30 et 32 du procès-verbal de constat : Cette photographie représente une statue du chevalier de la Barre.
Philippe G. revendique le choix du sujet, sa composition, le choix de l’angle de vue et l‘éclairage. Il invoque la présence d’un arbre sans feuille ainsi que d’un immeuble parisien à l’arrière plan, la prise de vue de biais et un éclairage en lumière naturelle.
Néanmoins Philippe G. n’est pas maître de l’environnement de la statue et il ne résulte pas de l’examen de la photographie qu’il ait réalisé des choix particuliers susceptibles de mettre spécialement en valeur la statue qui est le sujet de la photographie. Il ressort au contraire que ce qui apparaît spécialement visible est le socle de la statue alors que celle-ci est mal éclairée et se confond avec l’arbre dont il n’est tiré aucun effet particulier, non plus que de l’immeuble dont la présence est sans intérêt.
les photographies figurant en annexes 30 et 31 du procès-verbal de constat : Elles représentent une plaque de rue, la plaque de la statue et un panneau d’informations.
L’intérêt de ces photographies est de fournir un certain nombre d’informations visibles mais elles ne révèlent aucune démarche esthétique.
Il ressort de l’ensemble de ces éléments que les photographies revendiquées par Philippe G. ne sont pas protégeables par le droit d’auteur.
b/les photographies revendiquées par Alexandra J. :
Photographies figurant en annexes 34 et 35 du procès-verbal de constat : Elles représentent le détail du pied d’une ailette 1er étage BP.
Alexandra J. a précisé que la photographie avait été prise avec un objectif macro pour essayer de jouer avec les formes et la matière, sur un fond mauve.
La demanderesse précise le choix qu’elle a effectué en vue d’obtenir un effet particulier qui ne ressort pas seulement de la volonté de reproduire exactement l’objet en cause. Néanmoins, il n’apparaît pas que sa démarche ait dépassé une simple recherche technique.
Photographies figurant en annexes 36 et 37 du procès-verbal du constat : Ces photographies représentent le nez du Concorde.
Alexandra J. revendique le sujet, sa composition, l’angle de prise de vue et l’éclairage.
Cependant le nez du Concorde étant une de ses caractéristiques essentielles, la décision de mettre spécialement en avant cet élément ne constitue pas un choix original.
Le choix d’une vue de côté en éclairage naturel est également banal ainsi qu’un premier plan sur la piste de décollage ou sur un fond bleu ou blanc, s’agissant d’un avion. Enfin la présence du nom des compagnies aériennes s’imposait au photographe compte tenu de leur emplacement.
Ainsi il n’est fait état d’aucun élément original susceptible de justifier d’une protection par le droit d’auteur.
Les photographies figurant en annexes 38 et 42 du procès-verbal de constat : Elles représentent un groupe de climatisation, un capteur de température, des sondes diverses relatives au conditionnement de l’air.
Alexandra J. revendique le choix du sujet, leur composition, le choix de l’angle de prise de vue et de l’éclairage.
Cependant les choix tenant à l’exiguïté des lieux tiennent à des contraintes techniques et ne relèvent pas de considérations esthétiques ; ils ne peuvent donner lieu à une protection au titre du droit d’auteur.
les photographies figurant en annexes 44 et 47 du procès-verbal de constat : Elles représentent l’intérieur du cockpit du Concorde.
Le cockpit du Concorde est un sujet très attractif même pour des personnes qui ne sont pas spécialement intéressées par l’aéronautique, compte tenu de l’aura particulière de cet avion unique et le choix de ce sujet ne présente pas d’originalité particulière.
Par ailleurs, il n’est pas démontré que les angles de prise de vue et l’éclairage n’étaient pas dictés par les contraintes particulières des lieux. Enfin le fait que les instruments soient allumés, que le pare brise soit visible et que la chaise du pilote soit vide ne relèvent pas de choix originaux.
Les photographies en cause ne présentent pas l’originalité requise pour accéder à la protection du droit d’auteur.
Les deux photographies figurant en annexes 44 et 47 du constat : Elles représentent Alexandra J. dans le cockpit. Celle-ci revendique le choix du sujet, sa composition, l’angle de prise de vue et l’éclairage.
Néanmoins Alexandra J. omet d’indiquer comment elle peut être l’auteur de la photographie tout en étant le sujet.
Si cette seule circonstance ne suffit pas à écarter la qualité d’auteur, il aurait cependant été nécessaire pour plus de crédibilité que la demanderesse indique le recours à une technique particulière ou l’intervention d’un tiers et dans ce dernier cas, qu’elle précise quelles instructions elle lui avait données et quels choix il avait lui-même effectués.
En l’absence de ces indications, la qualité d’auteur ne peut être attribuée à Alexandra J. et il n’y a donc pas lieu de rechercher l’originalité du cliché.
La photographie en annexes 50 et 51 du procès-verbal de constat : Elle représente l’ombre de l’aile du Concorde sur un fond orangé.
Alexandra J. revendique le choix du sujet, sa composition, l’angle de prise de vue et l’éclairage.
Néanmoins le choix de photographier un avion ou une partie d’avion dans un coucher de soleil n’est pas original alors que le coucher de soleil est un élément très recherché des photographes et qu’il est exploité de multiples manières.
En revanche la manière dont ce sujet va être traité peut conférer à la photographie une originalité particulière. En l’espèce, Alexandra J. met en avant le choix de l’angle de vue sur le réacteur et d’un faible éclairage.
Ces choix particuliers en vue d’aboutir à une représentation particulière de l’aile de l’avion sur un fond orangé justifient que la photographie soit protégée par le droit d’auteur.
Legalis : “Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre, 4e section : Jugement du 20 décembre 2012”.
La leçon à retenir est que beaucoup des photographies publiées sur le Web ne sont pas, en droit français, protégeables au titre du droit d’auteur. Il faudrait que vous démontriez avec conviction votre « effort créatif » et l’originalité de votre image devant un juge… Et vu le jugement ci-dessus, ce n’est pas gagné d’avance.
Si votre photo est purement documentaire, elle n’est pas protégée.
narvic
Tu t’es encore transformé en loup-garou cette nuit ? :-p
Gon0S
Comme disent nos voisins Belges, Luxembourgeois, Suisse : la france est bien représenté par son emblème nationnal : le coq, le seul animal qui gueule plus fort que tous les autres tôt le matin pour faire chier tout le monde, mais avec les pieds dans la merde !
Est ce que j’aime la France ? sa culture oui, sa nourriture oui, ses payasages oui, mais le reste… pitié, achever nous !
ossobuco
Ouest-France, c’est pas si moche, vous savez. Par contre Presse-Océan, j’en voudrais pour mon poisson si c’était encore autorisé de l’emballer avec. Faut être quand même bien perméable pour se laisser envahir par la médiocrité médiatique (ou politique). C’est pas bien compliqué de ne pas regarder les infos télé et de n’acheter le journal qu’une fois par semaine. Plus souvent ne sert à rien, vu la lenteur réelle des évènements, qui ne vont pas si vite qu’il soit nécessaire de savoir ce qui a bougé pendant la nuit. Et en lisant le journal, de sélectionner les articles, au besoin en découpant. S’il y a des choses qui tracassent particulièrement, par exemple la Syrie ou le cours de la truffe, et sans être un geek, je pense qu’il y a moyen de se faire des petites alertes sur le web, non ? J’en sais rien par ce que je ne l’ai pas fait. J’entretiens la conversation, j’essaie d’être constructif. Bref je trouve qu’en la matière il y a beaucoup de victimes consentantes mais il si doux de se plaindre puis de se faire consoler par une âme aimante.
ossobuco
En fait, pour Presse-Océan, j’en voudrais PAS pour mon poisson, je tiens à préciser et c’est dire la profondeur de mon mépris. C’est étrange cette habitude de se relire quand c’est trop tard pour que cela serve à quelque chose. « Y’ a pourtant un bouton ” prévisualiser ” », maugrée le Capitaine.
Ça sera tout pour moi aujourd’hui.
karl, La Grange
La collusion media/pourvoir/économie est… un peu partout. Il y a un ordre du monde qui pue. Je ne suis pas sûr quel genre de bouleversements viendra bousculer un peut tout cela, nous faire rêver, créer de nouveaux rebelles qui a leur tour deviendront des bourgeois au pouvoir.
Marie-Aude
Malheureusement, je crains que tu aies raison
Stéphane Deschamps
T’as qu’à voir, je viens de ne pas renouveler mon abonnement à Télérama.
(Je trouve qu’Off-Topic ces jours-ci est moins présent, j’essaie d’assurer l’intérim.)
Stéphane Deschamps
Par contre :
Bon, toi, Karl, François et quelques autres ayant émigré, je prends ça pour un affront personnel. :)
P.C.
Je ne peux pas dire pour la France mais au Québec, les médias savent où regarder pour informer le citoyen/la citoyenne. Combien de fois l’affaire du déneigement de la ville de Montréal a-t-elle occupé la une du site web de La Presse dans les derniers jours? (un tiers des rues déneigé, 50%, 90%, le déneigement retardé pour cause de..neige) Ouf!
Virgile
@ossobuco: Je prends sûrement les choses un peu à cœur, je veux bien le reconnaitre. Mais il est sûrement plus facile d’être indifférent à la merde médiatique quand on n’en est pas la cible. S’entendre dire pratiquement tous les jours qu’on va causer la perte de l’humanité ou qu’on va faciliter la pédophilie, excusez-moi, mais ça use un peu.
ossobuco
C’est la pause. Il faudrait qu’on ne puisse pas envoyer le commentaire avant de l’avoir prévisualisé. Par exemple, on cliquerait le bouton « Envoyer » et alors une fenêtre s’ouvrirait qui dirait : « Vous (on ne se connait pas) voudrez bien prévisualiser votre commentaire avant que de l’envoyer ». À la deuxième tentative frauduleuse, le blogue se fermerait carrément, ou s’ouvrirait un GIF du Capitaine nous montrant ses fesses. Je n’aime pas les gens qui viennent chez moi me dire ce que je devrais faire chez moi comme ceux qui me sortent : « Bah t’as tout peint en blanc !? c’est froid, le blanc ».
ossobuco
Ah ben j’ai publié mon commentaire ci-dessus pendant que Virgile publiait le sien, si bien qu’ils se sont croisés. Mais je ne voudrais pas qu’on prenne le mien pour une non-réponse insensible au sien. À qui je ne répondrais pas parce que je veux pas monopoliser le crachoir et que je n’ai pas vraiment de réponse à faire et que ma pause s’achève.
bituur esztreym
c’est marrant je viens de t’indiquer un billet de blog qui dit à peu près les mêmes choses, en partant d’un point voisin, mais brodant sur la même ligne, sur ton twouittère. #prplXprpgnd
Blah ? Touitter !