Journal de bord

lundi 25 février 2013

La dernière lettre

Syrie, 20 février 2013.

Enfin j’ai réussi par passer ! Après m’être fait refuser le passage à la frontière par les autorités turques, il a fallu passer la frontière illégalement de nouveau. Un passage pas très loin mais à travers le no man’s land avec quelques mines à gauche et droite et le paiement de trois soldats. Me voilà tout seul à passer par le lit d’une rivière avec à peu près deux kilomètres à faire tout en se cachant pour ne pas se faire remarquer par les miradors. Putain, j’ai eu la trouille de me faire pincer et de faire le mauvais pas. Et puis d’un coup le copain syrien qui m’attend et que je retrouve comme une libération. Le sac et surtout les appareils photos faisaient à la fin 10 000 kg sur les épaules.

La voiture est là avec les mecs de la section de combat que je rejoins au nord de la ville de Hamah, deux heures de route nous attendent et on arrive tous feux éteints pour ne pas se faire voir. Les mecs m’accueillent formidablement bien et sont impressionnés par le passage tout seul de la frontière plus tôt.

Les premiers tirs d’artillerie se font entendre au loin. J’apprends que les forces loyalistes tiennent plus de 25 km au nord de Hamah et que la ligne de front est représentée plutôt par les démarcations entre alaouites et sunnites. Alors les forces d’Assad bombardent à l’aveugle et elles restent très puissantes. Par chance les avions n’attaquent plus, tant le temps est pourri !

[…] Alep vient d’être déclarée la semaine dernière la ville la plus détruite depuis la seconde guerre mondiale depuis Stalingrad.

Le commandant me demande quand la France va leur fournir une aide militaire ? J’en sais rien ! J’ai honte car ça fait deux ans qu’on ne sait pas. On me dit que personne ne les aide et de quoi l’occident a peur. Je n’ai pas envie de lui répondre. On a peur de l’extrémisme qui se nourrit sans cesse du manque d’éducation intellectuelle de ces personnes qui considèrent que le Coran sera le seul livre à lire… Quoi faire ? Et puis merde, je ne suis pas un homme de pouvoir ou politique. Je ne suis que le petit Olivier, qui crève la dalle avec eux et qui les emmerde car les combats directs se font attendre. Le problème, c’est ce que demande l’AFP. Moins j’en fais, moins je gagne aussi et ce que je gagne c’est déjà pas fabuleux et plus les jours passent c’est autant de photos qu’on me demande de faire que je ne fais pas.

Et puis c’est vrai suis accro à cette cam’ de merde. Aucune autre drogue sera aussi puissante que l’adrénaline qui d’un coup fait jaillir en nous des sensations incroyables, notamment celle de vouloir vivre.

[…]

Olivier Voisin.

Le Journal de la Photographie : “La dernière Lettre d’Olivier Voisin”.

1. Le 25 février 2013,
blah

Depuis tout petit j’admire les journalistes, en particulier les reporters de guerre. Est-ce qu’on le dit, au moins, que c’est un métier qui force l’admiration ? Récolter des infos dans des zones de guerre, au mépris du danger, au péril de sa vie.

2. Le 25 février 2013,
agnelo de la crucha

De l’admiration ? pour ceux-là peut-être, mais pour les parisiens qui mangent la soupe de la même cantine que les politicards, j’ai du mal.

3. Le 25 février 2013,
Krysalia

je suis d’accord avec l’agneau…

Blah ? Touitter !

Motoyuki Kubo プラチナプリントの魅力

Motoyuki Kubo, un confrère japonais, est maître tireur aux ateliers Amanasalto, à Tokyo.