Communautarisme homophobe
Dans aucun pays au monde, une fois le mariage pour les couples de même sexe adopté, la mobilisation conservatrice n’aura déployé autant d’énergie pour dénoncer une loi démocratique comme la droite extrême française. Si le mouvement dépasse aujourd’hui la dénonciation de la loi Taubira, il ne faut pas oublier que ce qui fédère le Tea Party hexagonal est d’abord et principalement le sentiment anti-homosexuel. L’acte fondateur de « la génération manif pour tous », pour reprendre la une d’un grand journal conservateur, est la négation des familles homoparentales.
Pendant longtemps, à chaque avancée des droits, ces mêmes médias et ses idéologues n’hésitaient pas à brandir la menace du communautarisme gay, désintégrateur du tissu républicain. En revanche, face à l’organisation d’une minorité agissante basée sur le refus des droits pour une partie des citoyens, personne ne fait référence au communautarisme homophobe. D’abord, il s’agit d’une minorité. Contrairement à l’idée répandue par certains médias selon lesquels la loi Taubira diviserait les Français, les opposant à l’égalité des droits pour les LGBT constituent une minorité. Une large majorité est favorable au mariage (67%) et si l’opinion sur l’adoption recule de 53% à 49% cela s’explique par la confusion, entretenue de manière irresponsable par l’opposition, entre adoption, PMA et GPA. Et rappelons-nous que près de trois quarts des Français (72%) pensent que les manifestations contre la loi sur le mariage pour tous doivent s’arrêter.
Il s’agit bien d’une communauté, dans le sens donné par la sociologie, c’est-à-dire un groupe d’individus caractérisé par l’attachement spontané à certaines valeurs : la famille traditionnelle, la patrie, la religion… Valeurs considérées comme relevant du sens commun (« un père + une mère c’est élémentaire », « il n’y a pas d’ovules dans les testicules » pouvait on lire dans les pancartes de la manif pour tous). Le moteur de cette communauté n’est autre que l’antipathie envers l’homosexualité. En effet, d’autres lois sociétales « menaçant » les valeurs défendues par la communauté homophobe n’ont pas suscité autant d’acharnement que la loi sur le mariage pour tous. Ni la loi sur l’adoption plénière pour un individu en 1966, ni la loi Neuwirth légalisant la contraception en 1967, ni la reconnaissance des enfants nés hors mariage en 1972, ni la loi Veil sur l’IVG en 1975, ni encore l’abolition de la peine de mort en 1981 n’ont mobilisés autant les parlementaires conservateurs et les forces réactionnaires que le mariage pour tous. Mobilisation d’autant plus étonnante qu’elle reproduit une autre grande réaction contre le Pacs en 1999.
Le sentiment anti-homosexuel (plus ou moins déguisée en défense de l’intérêt de l’enfant) se déployant de surcroit sur les allures de la Gay Pride (Manif pour tous) ou aux accents de révolte à la Act-Up (le Printemps français), constitue le lien unissant des groupes aussi variés que le Renouveau français, les Jeunesses nationalistes, le GUD, les catholiques traditionnalistes, certains militants et représentants du Front National et de l’UMP. Toutefois, sans la complicité de milliers de personnes qui disent ne pas appartenir à ces formations mais qui n’hésitent pas à manifester à leurs côtés, ce type d’expression se réduirait à sa dimension purement folklorique. Aussi, les explications des politologues médiatiques qui non seulement se refusent à qualifier ces expressions d’homophobes mais de surcroit nous expliquent que cela va bien au-delà du mariage pour tous, devraient seulement un instant se mettre dans la peau des millions de gays et de lesbiennes qui assistent désolés à la violence d’une minorité, à l’indifférence d’une majorité et à la relativisation des experts, bref à tous les éléments permettant de faire de cette haine anti-homosexuelle une chose banale…
Libération, Daniel Borrillo : “Le communautarisme homophobe”.
GB
13-11-1981 : Vendredi 13 pour le malheureux élu. Au moins une dent cassée mais il l’a bien cherché le pervers. Tout ça a commencé rue du Dragon pour finir dans une chambre de bonne à deux pas de là. Il devrait s’estimer chanceux. Pas de trop de casse comparé à ceux qui ont suivi. A suivre.
Laurent Gloaguen
Gnéh ?
JMU
Pas d’accord avec l’article.
Certes il existe une “communauté homophobe”, mais c’est plutôt celle des cathos traditionnels (par là je n’entends pas forcément les catholiques très croyants et pratiquants, mais plutôt ceux qui vont à la messe parce que tout le monde le fait dans leur entourage, qui sont un peu xénophobes et islamophobes, et pas mal conservateurs). L’homophobie n’est qu’un facteur parmi d’autres, dans ce qui les soude.
Mais ceux-là sont une minorité assez restreinte dans les rangs de la manif “pour tous” (contre certains ?). Autant je veux bien croire qu’ils soient nombreux en milieu rural (à vrai dire je n’en sais rien), mais les manifs, c’est le fait des citadins ; dans les grandes villes on n’en trouve plus beaucoup des cathos tradi.
La vraie horreur à mes yeux, c’est que le noyau dur des manifs a réussi par une communication habile à se faire passer auprès de certains pour la “vraie” France, fière de ses valeurs ancestrales, etc. et que du coup des gens qui au départ s’en foutaient les ont rejoint. Pour ceux-là, c’est sûr que c’est plus séduisant de se poser en protecteur des valeurs traditionnelles que de défendre un progrès qui ne les “concerne pas”.
Le problème, c’est qu’après ce sont les hard-liners qui montent au créneau sur internet (y a qu’à voir les commentaires du monde.fr sur la centaine d’articles depuis le début du “débat”), et qu’il prétendent que ce sont exclusivement eux sur les photos de manif.
Krysalia
JMU> tu oublies la france des bistrots. C’est celle des vieux cons hétéros blancs CIS qui méprisent ces salauds de tarlouzes. Ou alors ils en ont certains parmi leurs amis mais ces pédés leur ont assuré qu’ils savaient ou était leur place. pas de mariage, et bien sûr pas d’enfants “parce qu’allez on sait bien qu’on est un peu pervers quand même hein”.
c’est un peu pareil pour la france de la militance d’extrême droite ou de droite. C’est la france qui n’en finit plus de chercher des catégories de gens sur les épaules de qui marcher pour se sentir exister.
la france militaire pose problème aussi (et il me semble avoir vu passer un article s’inquiétant de la terrible proportion de femmes d’officiers parmi les vieilles merdeuses avec leur bougie, là). De la même façon les micro manifsdelahonte à l’étranger seraient corrélées à la présence de garnisons…
il y a aussi la france des petits bourgeois et des commerçants, qui s’en foutent des pédés mais qui n’aimeraient pas être pris “sans opinion” par leurs voisins et leurs concurrents. En conséquence de quoi ils préfèrent être “contre, menton levé, nez pincé” parce ça les élève mécaniquement dans leur idée de l’échelle humaine. Ils manifestent surtout pour faire savoir que ce ne sont pas les gens comme eux sur le dernier barreau.
je dis chaque fois “la france des xxx” , mais c’est de leur point de vue évidemment. Leurs œillères à la con les empêchent de considérer que “la france la vraie” ne se réduit pas au cliché qu’ils représentent.
En gros oui, il y a ainsi une vraie communauté homophobe française, sauf qu’elle est plurielle. Elle se rassemble néanmoins sous l’idée même d’homophobie, à savoir cette hiérarchie qu’ils font entre les différentes orientations sexuelles.
Chacune de ces entités tire quelque chose de différent de cette hiérarchie homophobe qu’ils souhaitent, mais avec toujours le sentiment d’être “le peuple”, dans cet accord effrayant de bêtise et de haine.
Krysalia
ah ben tiens, la france des bistrots ! c’est exactement ce que je disais :-}
Blah ? Touitter !