Mardi, à ma grande tristesse, le chat avait disparu de la circulation. Sans aucun mot d’adieu.
Il n’était même pas venu souper. Le soir venu, j’avais longuement arpenté les toits qui étaient, sans surprise et malheureusement, tout à fait vides. Pas de petite tête se dressant derrière un muret pour m’observer, pas un signe, rien si ce n’est une désolante brise d’automne sur quelques arpents de graviers.
Pour occuper notre soirée mélancolique, nous avions parcouru des pages et des pages sur Petfinder — “Pourquoi pas adopter ?” — et regardé des vidéos de minous mignons sur YouTube (c’est dire quel était notre niveau de désespoir). C’est quand même fou comment on peut s’attacher vite à ces petites bêtes…
Mais hier mercredi, j’ai découvert que les croquettes que j’avais laissées dehors avaient disparu. Ce qui nous a donné un peu d’espoir, très tempéré par le fait qu’il y a bien d’autres amateurs de croquettes qui auraient pu passer par là, comme les ratons laveurs, la moufette ou encore d’autres chats.
Toutefois, maintenant devenu expert en traces animales, je ne voyais pas dans le ramequin vide les marques classiques du passage d’un raton laveur. La porcelaine était propre avec juste… attendez voir… vite… une loupe… oui, c’est cela : un poil noir ! (Le budget alloué à cette série ne nous a pas permis de faire des analyses ADN.) le poil noir de tous nos plus fous espoirs…
Il nous fallait en avoir le cœur net. Ne reculant devant rien, ou presque, nous avons donc installé un SVC, ou Système de Vidéosurveillance de Croquettes (en pratique, un iPhone collé sur la vitre de la porte de la cuisine avec une application de “time-lapse”).
Vers 23 h 30, alors que j’étais dans le canapé avec le iPad à pester sur iOS7, j’ai perçu sur le bord de mon champ visuel comme une ombre mouvante. Soudain aux aguets, tous mes sens aiguisés, je me suis dirigé à pas de loup vers la porte et j’ai vu un animal noir qui s’attaquait aux croquettes : le chat !
Mon cœur s’est emballé d’un coup. Le chat ! Le chat ! Le chat… Attendez… l’est bien gros ce matou…
Voyons voir… il a les pattes blanches… Tabarnouille, ce n’est pas le bon chat ! C’est le caïd poilu bien connu de la ruelle. Il bouffe toutes mes croquettes à une vitesse incroyable, et pisse deux coups sur mon paillasson pour marquer son territoire. C’en est trop, j’ouvre la porte d’un coup sec et le chat s’en va avec des miaulements menaçants.
[En image : un chat, mais ce n’est pas le bon…]
Faux espoir. L’accablement retombe sur mes épaules. Je remets des croquettes et je retourne insulter Sir Jonathan Ive dans mon canapé.
Toutes les 10 minutes environ, je me lève vérifier le niveau des croquettes, mais il n’y a rien à voir. [Mais j’ai raté quelque chose, voir en note à la fin.]
Enfin, vers 1 heure du matin, un nouveau mangeur de croquettes se présente. Aussi noir que le précédent, mais d’un plus petit gabarit et je reconnais tout de suite les oreilles : mon chat !
Petit fripon ! Yeah !
[En image : un chat, et cette fois-ci, c’est le bon…]
Tapis dans une zone d’ombre de la cuisine, je l’observe longuement manger ses croquettes quand, soudainement, il se redresse, regarde dans la nuit et fuit d’un trait dans l’escalier de fer qui va à l’étage. J’ouvre la porte et je sors pour comprendre la raison de sa peur. Alors que j’entends au-dessus de moi le bruit du chat dans l’échelle qui mène au toit, un autre bruit vient de ma gauche : c’est le chat aux pattes blanches qui revient, et c’est sans doute lui qui a fait peur à mon chat.
Le gros chat paraît surpris de découvrir ma présence en ce lieu à cette heure et s’enfuit comme une flèche par la terrasse du voisin, bousculant maints objets sur son passage. J’entends un vacarme qui doit correspondre à la chute d’un bac de recyclage et de pots de peinture. Une lumière s’allume. Remue-ménage et sacres. J’éteins toutes les lumières et m’éclipse discrètement.
Retranché en planque dans l’obscurité de la cuisine, j’attends, surveillant l’escalier par la fenêtre. Au bout d’une dizaine de minutes, je vois mon chat qui redescend prudemment. Je me déplace sans bruit et l’épie discrétement alors qu’il est retourné aux croquettes.
Au bout d’un moment, le chat rassasié s’assied sur la terrasse et balaye du regard les alentours.
J’ai alors l’idée d’entrouvrir la porte. Surpris, le chat recule d’un mètre et s’immobilise. Je vais me terrer dans le canapé et j’attends. Après quelques minutes, à la seule lueur de la lune, je vois le chat entrer dans la maison, extrêmement lentement et précautionneusement. Il regarde en tous sens, va renifler une paire de chaussures qui traînait, puis, ayant sans doute jugé qu’il avait sa dose d’inconnu pour ce jour, il se retourne d’où il était venu. Mon cœur bat la chamade. Je me lève et je vois le chat monter tranquillement l’escalier de fer extérieur.
Quelle nuit.
Donc, le chat est toujours là, mais je n’ai pas la moindre idée de l’endroit où il se cache désormais le jour.
—
[Note.] En fait, j’avais loupé quelque chose que j’ai découvert ce matin sur les images de mon SVC, j’étais observé :
[En image : alors que je vérifiai les croquettes avec une lampe de poche, le chat m’observait dans l’ombre, mais je ne l’avais pas vu.]
feufol
Je pense que je ne suis pas le seul à penser à sim city à la vue de ces photos ? La vue de dessus avec une division en zones bleues et vertes est saisissante de similitude ;-)
TDM
On se rend bien ici compte de la différence de mentalité entre l’amerique du nord et l’europe : en europe, on essaie de conserver le bati existant, que l’on rénove sans cesse, tandis qu’en amérique du nord quand cela devient trop vieux, on rase et on reconstruit un building flambant neuf. On ne garde que les bâtiments les plus “emblématiques” (encore que dans les années 60-70 même ceux-là y passaient à NY).
sebastien
TDM, j’ai l’impression que votre analyse est complètement fausse. Les cartes que poste Laurent montre très exactement le contraire concernant les États-Unis. La première carte est essentiellement bleue, donc les bâtiments datent de 1850-1900. Sur la seconde carte, idem, et même on voit également beaucoup de bâtiments datant du début du 19ème (ici en rose & violet).
TDM
Vous avez raison, j’avais regardé un peu vite, et à première vue tout cela me semblait très “vert” :)
En fait mon erreur est que je n’ai jamais été à NY et que cette ville n’a en fait pas grand chose à voir avec une ville beaucoup plus récente telle que Vancouver (que je connais très bien), où l’immobilier est très dynamique dans Downtown. J’ai l’impression que Toronto est dans la même veine, ainsi que Miami et Los Angeles.
Blah ? Touitter !