PARIS (AFP) — Ambassadeur reconnu du droit pour les nuls, star honnie ou adorée de la twittosphère, le blogueur Maître Eolas, jugé mardi pour diffamation, est en dehors de la toile un avocat parisien qui use sa robe loin des lumières.
Poursuivi par l’Institut pour la justice (IPJ), qui promeut une politique sécuritaire, il déclinera son identité comme tout justiciable. « Un secret de polichinelle » sur la place parisienne, sourit celui qui refuse que son nom soit étalé publiquement.
Que l’avocat veuille rester dans l’ombre peut apparaître curieux dans une profession où beaucoup cherchent les projecteurs. Il en va de sa « crédibilité » : « Je sépare mon métier d’avocat de mon activité de blogueur, je ne veux pas être soupçonné d’en tirer profit pour récupérer des dossiers. »
Derrière Eolas (« connaissance » en gaélique) se cache un monsieur-tout-le-monde amateur de rugby et de blagues. Un père de famille de 44 ans un peu bedonnant et un peu chauve. À son cabinet, le pénaliste accepte « tout ce qui franchit la porte » : SDF, petits dealeurs, migrants, « gentilles crapules » et « gentils tout court ».
Les jours d’audience, ce grand buveur de thé va au palais de justice à vélo avec sa bouilloire de voyage et son thermos, paré pour une longue attente sur les bancs correctionnels.
Ce fils de parents « dans le médical » voulait devenir « père Noël » puis journaliste. À cause d’un bug sur le minitel, son inscription en fac d’histoire-géo lui passe sous le nez. Il atterrit par hasard en droit. « J’ai ouvert un chapitre sur les successions : j’ai eu une attaque de panique, je comprenais les mots mais mis bout à bout ça ne voulait rien dire. » Sans le savoir, sa vocation de blogueur était née.
Elle se concrétise en 2004 avec son blog visant à combler « une demande sur l’information juridique » : « De l’extérieur, le droit est une machine un peu incompréhensible. »
Onze ans et 1.500 billets plus tard, il continue son œuvre de pédagogie dans ses textes — « pourquoi les avocats sont-ils si chers ? », « Comment on fait un procès ? » — et de décortiquer les questions de droit qui agitent la société, en soutenant parfois des causes : état-civil des enfants nés de mères porteuses, loi anti-burqa, défense du gardé à vue, son grand combat avec le droit des étrangers. Les commentaires fusent, de fans comme de détracteurs. Au passage, il égratigne les dysfonctionnements de la justice, « en séparant toujours les faits des opinions ».
« Je ne partage pas ses idées, mais c’est de bonne qualité, documenté et pondéré », reconnaît Me Gilles-William Goldnadel, qui défend l’IPJ, l’une des cibles favorites de Maître Eolas.
La fréquentation du blog a un peu perdu de sa frénésie : de 50.000 visiteurs par jour il y a trois ans, elle est tombée à moins de 5.000. L’avocat aimerait écrire plus de billets tête reposée, mais le temps manque.
Alors qu’avec Twitter et ses 140 caractères, @Maitre_Eolas met à profit le temps passé à « poireauter » dans la salle des pas perdus ou dans les commissariats, auprès de clients en garde à vue, pour réagir sur l’actualité politique et judiciaire avec son humour sarcastique. Sur sa timeline aux 117.000 tweets, il titille les nonistes du référendum européen de 2005, les « islamophobes de gauche et de droite », les antimariage homosexuel. « Un commentaire sur la GPA et pffff, c’est la ruée ! »
Beaucoup lui reprochent d’avoir la dent dure contre la droite. « J’ai voté Europe écologie-Les Verts, PS, UMP, mais jamais communiste », rétorque-t-il.
Il livetweete également ses instantanés de la justice : l’accès au dossier « encore difficile » en garde à vue, un confrère « très mauvais », « le mépris de classe » d’une magistrate.
« Être jugé sur sa pratique professionnelle par quelqu’un qui s’abrite derrière le confort de l’anonymat, c’est un peu agaçant », tacle le ténor du barreau Francis Szpiner. Maître Eolas avait critiqué la manière dont il avait obtenu un appel du parquet dans l’affaire du « gang des barbares ». Depuis, Me Szpiner le trouve « grand donneur de leçons ».
Ça tombe bien : le blogueur aimerait enseigner la faculté.
AFP, Nathalie Alonso : « Maître Eolas, avocat ordinaire et justicier masqué sur la toile ».
Je suspecte la journaliste d’être tombée sous le charme de ce “monsieur-tout-le-monde” “un peu bedonnant et un peu chauve”.
Blah ? Touitter !