“Miscellanées”

actus et opinions

Bénazir martyre médiatique

On a beaucoup glosé sur les vrais coupables de cet assassinat. On s’est jeté sur Al Qaïda, coupable idéal de tous les crimes de la terre, qui est d’ailleurs le premier à revendiquer, car même si ce n’est pas l’une des nombreuses cellules de cette nébuleuse qui a commis l’acte, c’est dans leur intérêt de porter le chapeau. On parle aussi du général Musharaf et de ses services secrets, que cette disparition arrange bien. Mais on parle assez peu des erreurs de Bénazir Buttho. Quand on sait qu’on est menacé par des gens ayant les moyens d’organiser un carnage le jour de votre retour au Pakistan, on ne passe pas le buste par le toit ouvrant de sa voiture blindée. C’est une règle élémentaire de sécurité, surtout au milieu de la foule. Bénazir Buttho est la première responsable de ce qui lui est arrivé !

On a aussi vu à l’oeuvre le reflexe habituel de sympathie envers qui nous ressemble, et encore plus, envers qui est conforme à nos canons de beauté. C’est vrai que Bénazir Buttho était belle femme (même si elle s’est un peu empâtée ces dernières années) et elle peut bien être une aristocrate corrompue et incompétente, et l’ayant prouvé par deux fois lors de ses passages au pouvoir, on s’en fout. Ce qu’on veut, c’est une belle icone sur laquelle greffer nos valeurs.

[Authueil : “Comment occuper les médias entre Noël et nouvel an”.]

Courage, témérité, imprudence ou inconscience ?

En parlant de corruption… Wikipedia anglophone (le “fr”est indigent) : “Benazir Bhutto, Charges of corruption”.

Potentially the most lucrative deal alleged in the documents involved the effort by Dassault Aviation, a French military contractor. French authorities indicated in 1998 that Bhutto’s husband, Zardari, offered exclusive rights to Dassault to replace the air force’s fighter jets in exchange for a five percent commission to be paid to a corporation in Switzerland controlled by Zardari.

At the time, French corruption laws forbade bribery of French officials but permitted payoffs to foreign officials, and even made the payoffs tax-deductible in France. However, France changed this law in 2000.

À lire également au Diner’s, “Le voile de Benazir Bhutto”.

Balayés, en passant, les soupçons de corruption sur la famille Bhutto, et sa considérable richesse, dans un pays où le feu de la radicalité religieuse prospère souvent sur des revendications égalitaires.

Mais jamais oubliée, étrange rémanence, cette mention de la “culture occidentale” de Benazir Bhutto ou de son père. Pour nous la rendre plus proche ou pour nous rendre plus lointain le Pakistan ?

BHL, lui, sait tout. D’un lyrisme indécent, il sait que Benazir Bhutto a été assassinée parcequ’elle était belle, parce qu’elle était femme. Une analyse d’une pauvreté intellectuelle et factuelle consternante.

P.S. The New-Yorker, “Mary Anne Weaver, Bhutto’s Fateful Moments”.

[…] Disillusionment followed, and Benazir’s inexperience showed. In its nearly two years of existence, her government passed virtually no legislation.

She presided over a sliding economy, a deteriorating security situation, a growing communal threat, a confrontation between democracy and the Army, and dangerous diplomatic drift. She was harassed by an energetic opposition, led from Punjab by Nawaz Sharif, she was destabilized by violence in her home province of Sindh; and she was faced with the growing hostility of both the Army and the Muslim clerics. Above and beyond this, she laid her administration open to the charge of corruption. Among the worst offenders, according to the President and the generals, were her flamboyant, controversial husband and her father-in-law.

There was a familiar ring to the President’s charges against her to justify the dismissal of her government: corruption, nepotism, mismanagement, and loss of the people’s confidence. Three times in the last five years, Pakistani Prime Ministers have been dismissed on those grounds—real or imagined—by the President, or the Army, or both. But Benazir had to live up to higher expectations than the others.

“People were expecting a liberal, Western-educated woman with forward-looking programs,” I was told by Dr. Hamida Khuhro, who is a formidable woman herself—an Oxford-educated friend of the Bhutto family but a political opponent in the feudal Larkana constituency. “When Benazir came to power, she could have set the trend, but the first thing she did was to shroud herself in a chador, the most obstructionist, outward manifestation of Islam, and begin praying incessantly at saints’ tombs, the most superstitious part of Islam. She’s vastly superstitious, and it shows. She could have been a reformer, but she wasn’t; she did nothing for women, which she could have done. And, with her education and her background, she simply has no excuse.” (Benazir later told me, “There are some who would have liked me to solely champion women’s causes. As a political leader, I can’t.”)

A Western Ambassador says, “Benazir’s a dreamer, a great conceptualist. She says all the right things, but she has no follow-through. She wasn’t able to focus, to move things forward, or to control situations. Maybe she’ll pick better people next time. It’s her streak of loyalty that kills her; she always goes back to what people have done in the past—how they served her father, how much time they spent in jail—rather than considering what they could do in the future. She therefore failed to tap an enormous pool of brilliant young intellectuals and technocrats who could have turned this country around. Instead, she relied on the feudal landlords, who catered to her illusion that it was her birthright to rule. She’s one of the most bewildering women I’ve ever met: one moment, she is utter charm; the next moment, she’s so antagonistic that she comes perilously close to impertinence. But she’s not a sulker, she’s a battler and a survivor, and that’s not all bad. Basically, she’s driven: She’s a P.P.P. politician with the name Bhutto, and she never stops. She’ll do anything to get elected, and she simply cannot accept that anyone can do this country any good except her. She’s a wonderful campaigner; she gives wonderful speeches. But the basic question we always come back to is: Can she rule?”

1. Le 30 décembre 2007,
Baptiste

Petite rectification, Al Quiada a publié un communiqué niant toute implication dans cet assassinat déclarant qu’ils ne tuaient jamais de femmes. Et ça c’est pas franchement dans leur habitudes…

2. Le 30 décembre 2007,
gasper

Ca me fait toujours marrer de voir des mecs confortablement installés dans leur canapé donner des leçons d’éthique et de bon sens a un ex-dirigeant d’un pays de 160 millions d’habitants déchiré par son histoire, ses groupes ethniques, la présence d’organisations islamistes extrémistes activistes.

oui, c’est vrai l’occident a fait de Buttho le symbole de la démocratie, de l’émancipation des peuples, alors que Buttho en est très éloignée. oui c’est vrai, pour que la photo soit belle, il aurait fallu qu’elle garde les mains biens propres durant ses 2 mandats.

mais c’est dans le contexte qu’il faut juger le bilan de buttho, élue démocratiquement, elle n’est pas a l’origine de massacres, de coup d’état, de grande vague de répression.

qui dit mieux?

3. Le 30 décembre 2007,
Jujupiter

Il n’y avait que des mecs qui bossaient dans le World Trade Center?!

4. Le 30 décembre 2007,
Oliv G.

Baptiste : Petite rectification, Al Quiada a publié un communiqué niant toute implication dans cet assassinat déclarant qu’ils ne tuaient jamais de femmes. Et ça c’est pas franchement dans leur habitudes…

@Baptiste: Ils ont averti les femmes du World Trade Center qu’il y aurait un attentat pour ne pas qu’elles viennent bosser le 11 septembre? Je ne pense pas qu’Al Qaida ait véritablement une éthique en ce qui concerne les attentats…

5. Le 30 décembre 2007,
VinZ

@gasper : je n’aime pas du tout cette façon de penser selon laquelle l’exigence vis-à-vis des gouvernements devrait être moins forte hors de l’Occident, que c’est pas grave d’être corrompu au Pakistan… Je ne vois pas pourquoi les Pakistanais n’auraient pas le droit d’avoir un gouvernement honnête. Et puis, Bhutto, de par le système de corruption qu’elle a installé, est d’une certaine manière responsable du mécontentement de son peuple et des conséquences dramatiques qui ont suivi.

6. Le 30 décembre 2007,
Baptiste

@Oliv G. : C’est une organisation terroriste qui avait organisé une frappe de masse. Ils ont juste nié viser expressément des femmes importantes de par leur qualité de femme. Il y a assez d’hommes à tuer. Et si, même dans la barbarie on peut avoir de l’éthique.

7. Le 30 décembre 2007,
padawan

Tiens, le cadre mobile de mon trollomètre vient de fondre.

8. Le 30 décembre 2007,
gasper

@vinz quand je parle de contexte je parle d’un pays ingouvernable dont l’équilibre precaire repose sur des alliances mouvantes et contre nature, je parle de la difficulté à rester en vie quand on le gouverne ou quand on est en passe de le faire. d’un contexte instable et explosif depuis plus de 50 ans. bien entendu, il ne s’agit pas d’oublier les malversations des époux de Buttho, (pas plus celles qui se passent sous nos latitudes, ne méritons nous pas aussi des gvt honnêtes ? ;-)) mais seulement de ne pas résumer les années Buttho à ce seul aspect des choses. Les Pakistanais s’apprêtaient a lui renouveler leur confiance, depuis son assassinat, on s’interroge sur l’après Bhutto. Les accusations de corruption, voila ce que j’appelle une anecdote a l’heure qu’il est.

9. Le 30 décembre 2007,
Jean

@ jujupiter et Oliv G.

AMHA vousavez mal compris. Baptiste ne fait que citer Al-Qaida. Ceci parce qu’a contrario Authueil écrit que l’« organisation » a revendiqué l’assassinat ce qui est une erreur. Baptiste ne prend pas le démenti pour argent comptant, il ne fait que pointer la contradiction.

De plus « Al-Qaida » n’est qu’une appellation qui ne veut pas dire grand-chose et qui ne représente personne puisque n’importe qui peut s’en revendiquer pour peu qu’il en adopte le discours, le prêt-à-penser et les oripeaux idéologiques. Ainsi cette « signature », ce logo, est aussi bien utile à d’authentiques terroristes qu’à des services spéciaux qui en auraient besoin pour des opérations destinées à frapper de stupeur les opinions publiques, éliminer des adversaires politiques, ou autres manipulations. Pur produit de la société du spectacle mondialisée ce prêt-à-terroriser est un outil à la disposition de qui cherche à épouvanter les foules, musulmanes (les principales victimes), hindouistes, occidentales, etc. pour étayer sa politique dans l’esprit du public.

La fable est tout autant précieuse aux pétro-milliardaires saoudiens, les soutiens, bien décidés à continuer à vendre au prix fort à l’occident impie le précieux liquide qui assure leur fortune, qu’au complexe industrialo-pétrolier états-unien désireux de garder la main sur le trésor en orchestrant une bonne guerre aux frais d’un contribuable terrifié.

Les services pakistanais au service du clan désireux d’éliminer une adversaire politique n’ont fait qu’utiliser la marque franchisée, comme tout le monde. C’est à cela qu’elle sert.

10. Le 31 décembre 2007,
billevesée

J’attends impatiemment le jour où un journaliste écrira, en parlant d’un homme, politique ou non, qu’il est ou était “beau et photogénique”; cela en réponse au billet d’Authueil… Les femmes auront encore du chemin à faire, tant qu’on évoquera leur physique…

11. Le 31 décembre 2007,
Historiettes pas si Gentillettes

Mouais… Beaucoup s’arrêtent sur la mort de Bhutto, pour ce qu’elle représente : une femme, ex-future-chef d’Etat dans le monde arabe. Mais c’est au fond quelqu’un de l’élite comme un autre, qui n’a de spéciale, justement, que d’être femme photogénique. Il est bon de faire son deuil, etc. mais n’oublions pas non plus qu’elle a été mise en examen dans des affaires de corruption.

Bref, quand les européens, à travers les filtres de leurs journaux se mêlent d’affaires auxquelles ils ne comprennent rien, il faut se méfier…

12. Le 1 janvier 2008,
Alacon

C’est un phénomène intéressant que de décapiter une opinion populaire. Je suis toujours étonné que l’on n’assassine pas plus de porteurs d’idées au pouvoir ou pas, car comme chacun Le sait: lorsqu’on frappe à la tête, on désorganisse et affaiblit terriblement un mouvement quelconque.

13. Le 2 janvier 2008,
Regis LEROY-DESCOMPS

BHL, ca veut dire Breveté Hautement Lénifiant ?

14. Le 5 janvier 2008,
kjack

Bonjour, Oui Mme Bhutto n’était pas l’abbé Pierre et alors !! ? Est-ce une raison pour ne pas s’ émouvoir de son assassinat ? Est-ce une raison pour minimiser l’abjection ? Je n’ai aucune légitimité,politiquement mon instruction est médiocre,mais je reste une femme avec ses ressentis. L’annonce de son assassinat m’a plongé dans la stupeur et une profonde tristesse. La barbarie reste la barbarie !

On peut s’émouvoir sans pour autant être dupe !

Quand a sa beauté, pourquoi vouloir toujours se défendre d’y être sensible ? Sarkozy a bel et bien une tête de C et le cul bas, sa politique n’est pas étrangère à ce constat. Il y a la fonction mais il y a aussi l’être et même si les deux sont étroitement liés,je n’ai pleuré que la victoire de l’obscurantisme sur une femme qui n’avait peut-être pas dit son dernier mot.

Benazir était belle ça n’enlève en rien a l’atrocité ..? Bien sure que les tours de New York ont également fait des victimes chez les femmes !

Et alors ..? Dois-je me sentir bête d’avoir pleuré de rage ? expliquez- moi.

Je ne comprends pas bien où se situe le coeur de votre débat mais je vous salue bien.

15. Le 5 janvier 2008,
Kjack Margareta

Bonjour,

C’est ma fille qui a tenu à me faire lire vos commentaires, blessée qu’elle était de se sentir peut-être bête d’avoir souffert la mort de Mme Bhutto Benazir.

Je dois dire que vous semblez tous très au fait de ce qui se trame dans les médias et comment s’articulent les débats partisants de tel ou tel bord des océans. Mais que partant de là, il ne se dégage pas un avis commun, sans tergiversations et explicite sur le fait de condamner ce qui n’est autre qu’un assassinat vis à vis d’une femme qui a eu le courage de se représenter dans un pays d’une grande fragilité démocratique en sachant pertinement les risques encourus … là ; Je ne peux que regretter que vos instructions ne vous permettent pas de trancher plus clairement sans vous égarer dans l’anecdotique ou l’avis personnel. Que faites-vous de l’usage de votre liberté ? Je me demande si la tête fait tout… Cordialement.

16. Le 6 janvier 2008,
gasper

heureusement Pervez Musharraf vient de trancher l’épineuse question: l’a t-elle bien cherchée (ou pas) sa balle dans le cou?

C’est ce qu’affirme le président Pervez Musharraf, qui estime que “pour s’être levée hors de la voiture, (…) elle est la seule responsable”

notez bien “la seule”, et non pas “la première” comme le soutenait Authueil.

17. Le 6 janvier 2008,
Bridget Jones

Elle a en effet ete assez provocante/ imprudente dans ses discours a son retour au Pakistan. Apres avoir essuye un premier attentat, il aurait fallu faire plus attention…

18. Le 9 janvier 2008,
Major Tom

Bonjour. Je vous invite à lire ce qui suit au sujet de la dame.. Vous y apprendrez plein de choses. Cordialement. Le Major Tom http://www.5-yearslater.com/index.php/2007/12/27/1874-les-affaires-de-benazir-bhutto

19. Le 14 janvier 2008,
Condorcee

Qu’elle ait été corrompue c’est possible. Qu’on l’encense exagérément c’est possible aussi. Qu’elle soit en partie responsable de sa mort, c’est possible encore. Qu’elle en soit la “première” responsable, en revanche, ça ne l’est pas. Le premier responsable de sa mort, c’est celui qui a appuyé volontairement et en connaissance de cause sur la détente.

Ne mélangeons pas tout! Aussi naïf cela paraisse, il me semble important de le rappeler.

20. Le 14 janvier 2008,
Condorcee

Oups, je n’avais pas vu que c’était une citation, au temps pour moi. Je vais commenter chez l’intéressé…

21. Le 19 janvier 2008,
Yamin

Bonjour,

Merci pour ce billet qui change de ce qu’on peut entendre en boucle dans les médias “officiels”. Dans le même ordre d’idée je vous conseille la lecture d’un article de René Naba, sur Oumma.com, « Benazir Bhutto, un fantasme exotique absolu pour les intellectuels occidentaux »

Blah ?