“Miscellanées”

actus et opinions

Communication politique

tract Front National régionales 2004

J’ai trouvé ce dépliant du Front National dans ma boîte à lettres, il y a une dizaine de jours. Ma première réaction fut de penser “comme c’est habile”. Et aujourd’hui encore, je pense la même chose. “Contre l’insécurité sociale”, voilà sans doute le résumé de la principale préoccupation de nombreux Français, soit déjà dans la précarité, soit qui craignent pour leur avenir. À l’heure des délocalisations sauvages qui choquent le citoyen devant le journal de 20 heures, le Front National tape dans le mille. La gauche aurait pu s’approprier cette formule, mais elle est singulièrement absente, et c’est le Front National qui va tirer les marrons du feu aux prochaines Régionales, un FN qui se montre proche des gens, proche de la France d’en bas.

brochure Marine Le Pen régionales 2004

Encore hier, rentrant à la maison les bras encombrés de courses, je trouve dans ma boite à lettres, au milieu des inévitables “Mammouth écrase les prix”, “Avec Leclerc, c’est plus clair”, et autres “Coups de balai sur de vrais tapis d’orient”, cette brochure de 24 pages. Je feuillette rapidement dans le hall de l’immeuble et je me dis “tiens, c’est bien réalisé”. En montant l’escalier, je me fais la réflexion que je n’ai reçu aucune prose du Parti Socialiste… Mais je ne suis plus bien sûr : ça existe encore le PS ?

Une fois rangée mes victuailles, je prends le temps de lire la brochure. On me parle d’éducation, de formation, de culture, de sport, de solidarité, d’emploi, de logement, d’aménagement du territoire, de transports, de défendre les libertés. “Pour redresser cette Région, il faut croire en son avenir, en renforçant l’attractivité de celle-ci, il nous faut faire confiance à la formidable force de nos concitoyens qui souhaitent une politique digne, modeste mais honnête et efficace. Je suis convaincue que le futur se construit sans dogmatisme et sans a priori idéologique. En politique, tout n’est que cohérence et respect de la parole donnée.” Elle a l’air bien cette femme.

Ce samedi, je m’en allai à mon Félix Potin favori, quand je fus arrêté par des panneaux électoraux : tiens donc, déjà les élections qui se préparent ? Déjà les Régionales ? Ah, non, c’est pas les Régionales, c’est les Cantonales. Mais, on vote pour quoi aux Cantonales ? C’est quoi un canton ? Je n’en ai fichtre aucune idée.

Vingt mètres plus loin, une nouvelle floppée de panneaux : les Régionales. Ah, et bien oui, c’est aussi les Régionales en même temps. Ils auraient pu en parler à la télévision… Ça sert à quoi une Région ? J’imagine que cela doit servir à payer des petits fours à des conseillers régionaux, qui sont probablement déjà tous députés-maires. À part de ça, on ne m’a pas vraiment informé, mais c’est bien moins obscur que ces fichues Cantonales. La Région, elle s’occupe de ravaler les lycées, et les écoles… heu, les écoles, c’est pas la mairie ? Je ne sais plus trop. En tout cas, ils font des trucs quand même, pour sûr, enfin, j’espère. Et puis, de toutes façons, la Région, on s’en branle : si on va voter, c’est pour sanctionner le vilain gouvernement Raffarin. Na!

Affiche Nicolas Sarkozy, Cantonales 2004

Si je ne sais toujours pas ce que sont ces Cantonales, le poste doit être intéressant puisque des grandes stars de la politique briguent le fauteuil. Allez Nicolas, tu les auras !

Affiche PCF, Cantonales 2004

Mais attention petit Nicolas ! La concurrence va être féroce car la “gauche populaire” est là ! Une force de progrès et de modernité, à n’en pas douter (il n’y a qu’à voir le graphisme résolument contemporain et efficace de l’affiche, digne de Détective dans les années 60). À voir la tête de tueur de René Brune, on sait déjà que le combat sera sans merci. Allez René !

Affiche Jean-François Copé, Régionales 2004

Retour aux Régionales. Je ne sais pas pourquoi, mais je ne l’aime pas celui-là. Si il croit que l’on va voter seulement pour son sourire de premier de la classe, il rêve en couleurs… (Je sais ce qui ne va pas, il me fait penser à Loïc Le Meur, allez savoir pourquoi…).

Pressé par le temps, j’accélérai le pas quand je fus stoppé net par cette affiche :

Affiche MNR, Régional 2004, Contre l’islmaisation

Et d’un coup, je n’avais plus envie de badiner avec la politique. J’ai trouvé cela grave. Le MNR, ça pue vraiment. D’ailleurs, pour jouer sur un slogan pareil, Nicolas Bay a du trop se branler à la lecture de MerdeInFrance sur Internet.

Ce que l’on ne peut pas enlever au MNR, c’est une honnêteté intellectuelle, le courage de ses idées, ces mêmes idées qui sont dans la tête de la plantureuse blonde évoquée au début de cette article. Mais au FN, on a compris le marketing politique, alors si les idées sont toujours là, elles ne figurent plus sur le papier glacé en quadrichromie, il faut être respectable, il faut être vendeur, fournir un produit calibré et démagogique, et les équipes de communication du FN y excellent.

FN et MNR, c’est la même chose, c’est comme Danone et Nestlé, c’est juste l’emballage qui diffère. Le MNR, c’est le vrai visage du FN.

Alors dimanche prochain, il faut aller voter. Parce que chialer et manifester après le premier tour des présidentielles, c’était vraiment pitoyable, à la limite de l’indécence. Quand on a un cancer du poumon après avoir fumé deux paquets par jour pendant des années, on assume, on va pas pleurer sur son sort ou encore faire un procès aux producteurs de tabac.

Cependant, il est clair que l’on n’aura pas vraiment l’envie d’aller voter. Alors oui, on ira voter contre, mais à reculons…

Guignol

Finalement, il suffisait de baisser le regard pour trouver le bon candidat.

Signé : Capitaine Bonhomme.

PS. Et le PS, oui, il est où le PS ? Allo, Mademoiselle, je voudrai le 10, rue de Solférino. Mais non ! Je ne ne veux pas le 22 à Asnières ! Je veux Solférino pour leur demander le programme. Mais, non, je ne veux pas SOS-Spectacles. Quel programme ? Justement, c’est une bonne question, Mademoiselle…

PS. bis. Vous êtes, comme moi, accablés par la pauvreté de notre vie politique ? Désespérés par ces élections régionales ? Le pipotron UMP souligné par Morgan va vous achever.

PS. ter. Allez, une dernière couche avec l’Aquoiboniste : Quel débat !

Avec un commentaire aigre :

Je repense avec une forme de haut-le-coeur aux lendemains du 21 avril 2002 qui ont vu défiler dans les rues des jeunes gens hyper-motivés pour (re)devenir citoyens et prendre enfin possession de leurs droits civiques, au premier rang desquels celui de voter.
Or, à quoi avons-nous assisté dès les législatives suivantes, pourtant distantes d’à peine quelques semaines ?
A une abstention au moins aussi importante qu’aux scrutins précédents.
N’évoquons même pas les prochaines régionales qui n’intéressent pas même un tiers de nos concitoyens…
Certes, le débat politique français est marécageux. Nous sommes nombreux à en souffrir.
Mais, en profondeur, je crois que c’est notre société qui, pour des raisons diverses, a (définitivement ?) tourné le dos à la res publica.

Bienvenue dans la société de consommation, bienvenue dans la France Star Académie. On veut bien voter, mais par SMS, et si possible pour Nolwenn.

1. Le 13 mars 2004,
aqb

Ca résume parfaitement ce que je pense. Merci pour cette fine analyse de l’”offre” politique. ;)

PS. La canton est une circonscription qui sert à caser les copains, qui se font plus de 2000 euros d’émoluments mensuels… Le département n’a plus aucun sens. Repenser de fond en comble le découpage des circonsciptions électorales est urgent. Ce que fait le département, la région peut le faire. En deça il faut repenser les communautés d’agglomération, pour tenir compte de l’évolution de la géographie urbaine.

2. Le 13 mars 2004,
Pierre CARION

Enfin ! Moi qui desesperait d’avoir des nouvelles des elections en France … merci Laurent. J’aurais au moins vu la tronche de Coppe, ce qui n’est pas deja si mal ;-)

3. Le 13 mars 2004,
W.

Je suis l’auteur de ce commentaire. Il n’est pas aigre, il est simplement affligé.

Je demeure dans l’idée que le pacte républicain, à l’instar de tout contrat, implique l’existence de deux parties.

Or, si, de toute évidence, “l’offre” politique est largement en deça de ce à quoi l’on en est droit d’aspirer dans une démocratie comme la notre, la “demande” politique est, quant à elle, inexistante.

Les français, mais ils ne sont pas les seuls, font preuve d’une totale immaturité politique.

C’est à eux -à nous tous-, de booster nos politiques. C’est à nous de nous engager, ici ou là, pour poser des questions aux responsables de partis.

Le désir politique est, sinon mort, tout au moins amorphe dans ce pays.

Pas étonnant dans ces conditions, que la “classe” politiques somnole, en réponse.

4. Le 13 mars 2004,
Thomas

Pour info, le PS a fait de l’insécurité sociale son cheval de bataille dans de nombreuses régions, Hollande l’a répété à qui voulait bien l’entendre…

5. Le 14 mars 2004,
aqb

Thomas: l’ennui c’est que personne ne semble s’en être rendu compte.

Pour que ce soit crédible il faudrait peut-être que l’on voit davantage les militants et ténors du PS dans les combats contre cette “fameuse” insécurité sociale, et pas seulement à la télé ou la tribune de l’A.N. où le PS est minoritaire, dans l’attente du retour de balancer. Ce balancier qui risque d’aller encore plus loin pour notre plus grand malheur.

Bien sûr que F. Hollande dit des choses sensées. Mais le problème, c’est que cela ne constitue pas un projet politique cohérent. Vos propositions (en ce qui concerne la Bretagne) sont désespérement vagues. Et je ne me remets pas de ne pas avoir vu de cortège PS à la manifestation s’opposant au RMA à Saint-Brieuc. Dommage.

(Désolé pour la tribune Laurent ;) )

6. Le 14 mars 2004,
Philippe

excellent billet. Félicitations.

7. Le 17 mars 2004,
bix

Ha ha ce billet m’a fait mourir de dire. Merci Laurent. Bon, en fait c’est pas drôle, mais c’est comme les Guignols ou le Canard enchaîné, ça fait rire mais c’est désespérant.

8. Le 11 avril 2004,
emi

Bonjour, votre sujet m’intéresse d’autant plus que je fais des études dans la communication et que suis actuellement en train de réaliser un dossier sur la communication politique. Je souhairerais, si ous l’acceptez bien sûr, solliciter votre aide. En effet je recherche des articles sur “la communication politique”.

Si vous acceptez, je vous remerci infiniment et sinon bonne continuation et le travail que vousavez réalisé est très réussi!!! bravo!

9. Le 5 mai 2004,
marand

je trouve vos commentaires pertinants et réalistes. je recherche des informations sur la communication des politiques, de leurs partis pour mes études et présensentable à l’exam. j’espère avoir de vos nouvelles rapidement. merci

10. Le 15 mai 2004,
yann

Finalement que reprochez vous aux hommes et femmes politiques? De ne pas faire assez de communication ou d’en faire trop? Peut être n’en font il pas comme il faut…

Sachez que pour avoir lu, écrit et ressenti une certaine sympathie envers ce texte, vous êtes des personnes que l’on appelle “politisées”.

Pensez à ceux qui n’ont pas le capital pour comprendre ce que vous écrivez. Là, le constat est encore plus effrayant.

C’est ce que certain appelle le “knowledge gap” ou la differenciation entre les profanes de la politique et ses acteurs. Ces derniers agissent, en partie, par des logiques d’investissements et de gratifications. La politique est leur gagne-pain. Les logiques de Res publica sont bien loin de ses considérations materielles. Le politique ce n’est pas que des idées, c’est un travail.

Cependant votre article traduit tout a fait bien cette distanciation entre les individus citoyens votant et les individus citoyens élus. Mais le fait d’écrire cet article vous met dans une position de recul, de distanciation. Vous vous posez des questions. Vous êtes un privilégié.

Autre hypothèse: Les problèmes politiques n’ont pas vraiment de solutions car ce ne sont pas des problèmes en soi mais des problèmes construits. Des gens se mobilisent. Ils en font assez pour que les politiques soient forcés de ne plus faire semblant de ne pas les voir. Il va falloir de l’argent que l’état n’a pas pour assouvir leurs revendications. On dira oui…et on fera ou ne fera pas. On sera obligé de prendre de l’argent ici pour le mettre là.

Penser que la politique est là pour regler les vrais problèmes est un vice de formulation. Elle traite les problèmes voilà tout. Seulement ce sont des problèmes infinis car ils sont construit. Les politiques essayent seulement de les déconstruire… Et avec cette médiatisation grandissante, ça se voit…

Bien à vous

Yannick

Blah ?