“Miscellanées”

etude du blogue

François contre Loïc

Livres de François Nonnenmacher et Loïc Le Meur.

Deux livres viennent d’être publiés sur le thème de l’utilisation du blogue en entreprise, et, plus largement, dans le cadre professionnel. Il m’a paru tout naturel de les confronter, et de mettre en regard leurs qualités respectives. Voici donc mon match “François contre Loïc”…

François, “Blogueur d’entreprise”

Je dois d’abord préciser que François est un ami, afin que vous puissiez remettre à sa juste mesure mon enthousiasme, bien que l’une de mes marques d’amitié soit le manque de complaisance, ce qui fait que j’ai très peu d’amis et je ne m’en plains pas (3 vrais amis valent mieux que 100). La première fois que j’ai rencontré physiquement le Padawan, c’était en août 2003, en pleine hécatombe gériatrique, et je l’avais alors publiquement appelé “le traître”, ce qui fait que mon premier jugement n’augure en rien du futur d’une relation… Mais, je m’égare, revenons à son livre.

Ce qui est intéressant dans le livre de François, c’est que son auteur n’a rien à vendre (si ce n’est lui-même), ce n’est pas un bateleur, et qu’il s’agit davantage d’un témoignage, d’un “retour d’expérience” que d’un ouvrage apologétique et prosélyte sur la pseudo-nécessité pour les entreprises à se mettre au blogue. Car, la “bulle”, le “buzz”, le “web 2.0”, etc., le François, vieux routier du Net, ainsi que de la blogosphère, il en a vu d’autres et on ne lui fait pas.

Il sait mettre assez de recul, de distance et d’esprit critique pour dresser un tableau juste et objectif des enjeux de blogue dans le monde de l’entreprise. Ce qui fait de son livre une référence crédible et une indispensable lecture pour toute personne intéressée à titre professionnel par le sujet.

Concrètement, “Blogueur d’entreprise” s’ouvre par un texte présentant en chiffres l’ampleur de l’explosion de la publication personnelle, suivi d’une longue préface de Cyril Fievet qui brosse un portrait général du phénomène. Préface que je trouve un peu longue, mais qui est sans doute indispensable pour un public néophyte afin de le mettre dans le bain. Elle est d’ailleurs titrée “États des lieux”, état qui ne saurait se faire en deux pages.

Ensuite, l’auteur répertorie et illustre de cas concrets, et pas toujours des réussites, tous les territoires de la vie de l’entreprise où le blogue a déjà été amené à faire irruption. Et ces territoires sont bien plus nombreux qu’on ne le croit de prime abord. Cela constitue la première moitié du livre et ça se lit comme un roman. Le seconde moitié du livre est dédiée aux aspects pratiques et aux bonnes questions à se poser avant de se lancer. On entre directement dans l’opérationnel, et c’est sans doute la partie la plus utile au lecteur qui souhaite passer à l’acte dans son environnement professionnel. Encore une fois, François ne vous vend pas des blogues, ne vous dit pas que c’est une panacée, il vous alerte régulièrement sur tous les réels écueils et dangers qui peuvent vous menacer, il vous indique les limites de l’outil et quand il est préférable de penser à autre chose.

Comme dit avec humour François, il n’y a pas la recette miracle qui rend à coup sûr riche et intelligent grâce au blogue dans son livre. C’est un gage de qualité et de sérieux. “Blogueur d’entreprise”, c’est un sacré bon petit livre et à coup sûr la référence actuelle sur le sujet.

(Le seul manque d’intérêt, à mes yeux, de ce livre presque parfait, c’est bien sûr qu’il ne parle pas de moi.)

Loïc, “Blogs pour les pros”

Au premier contact, le livre de Loïc Le Meur parait un peu désorganisé et brouillon, effet qui est renforcé par ses pages inondées de copies d’écrans et diagrammes dans tous les sens. À le feuilleter, le livre donne le sentiment que “Blogs pour les pros” appartient à cette famille de bouquins que l’on trouve à la pelle au rayon informatique, édités dans l’urgence et sans vraiment grand soin. À le lire, le sentiment persiste : “ça part dans tous les sens”, ça manque d’organisation et de structure.

Si vous doutez de mon jugement quant au manque de soin dans la réalisation un peu bâclée de cette édition, consultez juste l’index, page 267, qui ne sert strictement à rien au vu de sa pauvreté… Allez, un extrait pour faire rire les médisants de tout poil (ils sont nombreux dans la blogosphère…) :

T
TypePad 50

U
Ublog 50

Ceci étant dit sur la forme, le lecteur habituel de Loïc ne sera guère surpris par les textes, car l’auteur reprend dans ce livre nombre d’idées déjà abondamment développées sur son blogue. Ainsi, vous ne vous étonnerez pas de trouver un chapitre complet sur son sujet du moment “blogueurs contre journalistes”. La différence essentielle, c’est qu’il n’y a pas de commentaires pour râler discuter et que l’on ne peut pas cliquer sur les URL (ce qui, comme chez François, est très agaçant, c’est le problème du blogue sur papier).

De fait, malgré son titre, “Blogs pour les pros” est beaucoup plus généraliste que “Blogueur d’entreprise”, car Loïc dresse un portrait très large du phénomène, y compris de tous ses outils annexes. Peut-être justement a-t-il voulu mettre trop de choses et eut-il été plus avisé de traiter d’un peu moins de sujets, mais de manière plus approfondie, car ce survol de mille et un aspects du phénomène donne un peu le vertige.

Difficile de le dissimuler, je n’ai pas apprécié le livre de Loïc, que je trouve décousu, brouillon, et parfois superficiel. C’est un jugement sans complaisance, mais je sais que Loïc n’en prendra pas ombrage. De plus, j’ai entendu dire que son livre se vendait très bien (il est actuellement en retirage) et qu’il trouvait donc son public. C’est bien que beaucoup y trouvent leur compte.

Si vous voulez un son de cloches différent, d’autres ont apprécié : Thomas Clément salue son “enthousiasme” (le corollaire, c’est qu’effectivement LLM va trop vite…), Bertrand Duperrin le trouve “très pédagogique” et anticipe “les esprits chagrins qui trouveront que ça manque d’approfondissement”, certains osent l’”Évangile selon Saint Bloïc™”, Jérôme Charré l’a “dévoré”, Denis Lapère conclue qu’il est “facile à lire”, Marie Hulin pense “qu’il est une réponse à tous ceux qui sont encore sceptiques quant à l’utilité d’un blog pour sa société”, Henri Kaufman le trouve “simple, pédagogique, intéressant”, Anthony Hamelle juge que c’est “un très bon ouvrage”, enfin, le grand Tristan Nitot a vraiment apprécié

Résultat du match

Je déclare François “vainqueur”. Son livre correspond bien plus à mes attentes et interrogations sur l’utilisation du blogue à titre professionnel et, en particulier, en entreprise.

“Blogueur d’entreprise” est de fait bien plus professionnel que “Blogs pour les pros”. Pour mon opinion, achetez le premier en priorité, et éventuellement le second à titre d’illustration.

1. Le 14 janvier 2006,
Da Bourz

J’avais perdu un Troll des cavernes, particulièrement malicieux, je crois que je l’ai retrouvé !! ;-)

2. Le 14 janvier 2006,
Jean-Marc Bondon

J’ai acheté les deux et je partage globalement ton avis. Les deux livres s’adressent en réalité à des publics différents. Pour modérer le jugement porté sur le livre de Loïc, “le côté brouillon”, j’aimerais ajouté ceci. Le résultat est sans doute le manque d’habitude de la pédagogie d’écriture nécessaire à ce genre d’ouvrage.

Il est essentiel de bien présenter, souvent dans des encadrés, les notions abordées, les mots compliqués au fur et à mesure que ces notions apparaissent dans le livre sans présupposer que le lecteur est complètement ignorant (laisser une place à un futur blog pour les nuls), sans présupposer non plus qu’il est complètement affranchi. Le lecteur doit également sentir un fil conducteur et doit avoir envie de suivre l’auteur.

Le livre de François semble plus agréable parce qu’il nous raconte une histoire et qu’il nous entraine à le suivre au fil des chapitres.

J’ai aimé les deux livres de façon différente, ils constituent sans doute les meilleures références actuelles pour ceux qui s’intéressent au sujet.

Le rôle fondamental des deux éditeurs n’est sans doute pas étranger à la forme assez différente des deux livres

J’ai regretté que le fait d’écrire la préface interdise à Cyril Fiévet de parler dans PointBlog du livre de François.

J’ai regretté également que les deux auteurs ou leurs éditeurs n’aient pas eu l’idée pourtant simple de mettre en ligne l’ensemble des liens cités dans leurs livres. Ils étaient pourtant bien placés pour bien comprendre le bénéfice d’une relation étroite entre un livre et un site. En parler est une chose, nous donner quelques chapitres sans doute intéressant, mais l’homme de la rue est sans doute exigeant et pense que ce n’était pas suffisant.

3. Le 14 janvier 2006,
Laurent

Pour ce qui est des liens, François Nonnenmacher a déjà exaucé tes vœux. Pour le reste, je souscris à ton analyse sur la différence entre les deux ouvrages.

4. Le 15 janvier 2006,
neuro

Je connaissais le résultat du comparatif avant même de le lire. Parce que même si le bouquin de Loïc avait été 1000 fois supérieur, ça t’aurait fait trop mal de l’admettre.

5. Le 15 janvier 2006,
Charles Liebert

1 - Tu es cité dans le livre de François …

2 - Le Livre de Loic n’est pas “Blog pour les Pros”, mais plutôt “Blog pour les pros qui sont nuls et qui voudraient se donner l’impression de connaître le sujet” …

3 - Le livre met du temps à démarrer, mais cela tient aussi à la maîtrise du sujet par le lecteur, qui ne trouve ses attentes que dans les 2 derniers tiers du Livre de François.

4 - J’ai fait ma propre critique du livre, plus synthétique, moins détaillé, mais je l’espère objective

5 - j’ai acheté le livre de François, cela me dédouane de tout partisanisme, ou de critique amicale … votre vision est toujours pollué lorsque l’on a fait de vous un “A-lister”, un VIP qui reçoit le livre ou l’objet pour le critiquer … tout est donnant, donnant dans la vie, même inconsciemment.

6 - J’ai lu le livre de Loic, mais de là a en faire une critique … comment dire : trouver moi une version sans “images” et je pourrais sans doute le lire moins vite (ça dépends, vu le nombre de pages que cela ferait gagner ;op).

6. Le 15 janvier 2006,
Laurent

@Neuro : pourquoi me dénies-tu toute liberté de pensée ? J’aurais été très heureux de faire une bonne critique du livre de Loïc.

7. Le 15 janvier 2006,
Kozlika

C’est finalement assez drôle de constater que tu n’as absolument aucun droit à quelconque autonomie de penser, à comparer les commentaires sur les voeux sarkoziens et ceux-ci. Je résume, voici les choix :

SARKOZY * En cas de critique vaguement positive (modernité, intelligence, etc.), choisir l’option Gloaguen dupé, Gloaguen, récupéré, Gloaguen ancillaire. * En cas de critique négative, choisir l’option Gloaguen engoncé dans ses préjugés, Gloaguen t’avais qu’à pas y aller, Gloaguen c’était couru d’avance que tu lui taperais dessus.

LOIC vs FRANÇOIS * En cas de préférence pour François : Gloaguen flatté d’être cité, Gloaguen aveuglé par l’amitié, Gloaguen toujours prêt à dire du mal de Le Meur. * En cas de préférence pour Loïc : Gloaguen totalement récupéré par le star-blog system, Gloaguen traître aux purs blogueurs, Gloaguen au fait, rappelons-nous que tu bosses dans la pub et la comm.

Mais surtout n’arrête pas de faire des articles comme ça parce que sinon on a aussi l’autre option : Gloaguen ne fait plus que du lancer de troll, ne traite plus aucun sujet sérieusement, Gloaguen n’est plus ce qu’il était.

Et sinon, ça va toi ? :-P

8. Le 15 janvier 2006,
Jean-Marc Bondon

Merci Laurent pour le lien de François que j’avais loupé.

Je pense que le match ne peut être complet sans comprendre le rôle joué par l’éditeur dans l’avènement d’un livre.

Le site des éditions d’organisation indique sur la page présentant l’ouvrage de François que l’auteur “L’auteur partage points de vue, expériences et conseils sur son blog.” avec un lien sur le blog de François.

Chez Dunod l’accroche est différente “Le blog de Loïc compte environ 100 000 visiteurs uniques par mois et près de 15 000 commentaires. Il est cité par plus d’un million de pages web. Si vous souhaitez parvenir au même résultat, il vous est fortement conseillé de lire et ouvrage!”

Nous voyons ici que la communication des éditeurs est très différente. Ils n’ont pas, à ma connaissance, poussé l’audace jusqu’à prendre parti, expliquer leur point de vue en commentant sur les blogs qui parlent de leurs livres. J’imagine des organisations à l’ancienne avec deux réunions et trois visas pour autoriser la mise en ligne d’un commentaire au nom de l’éditeur.

Le point de vue de Pierre Bilger sur le livre de François François Nonnenmacher : blogueur d’entreprise

9. Le 15 janvier 2006,
Cedric

Merci pour cette analyse qui est très pertinente et qui pourra en aider plus d’un a choisir quel livre acheter. Je vais donc me presser d’acheter le livre de Francois Nonnenmacher. Pour celui de Bloic, j’attendrai qu’il soit en version poche…

10. Le 15 janvier 2006,
Philippe

Laurent, je partage ton analyse avec un plus dans mon cas : d’avoir François comme architecte pragmatique et réaliste de mon blog journalistique.

11. Le 15 janvier 2006,
damien

Je n’ai pas eu grand mérite à oser ironiser en titrant “L’évangile selon St-Bloïc” …

12. Le 16 janvier 2006,
Shino

Le problème c’est que Loïc n’est pas un professionel, car c’est un blogeur, un vrai. Il faut bien faire la diffèrence à ce point là. En tout cas bravo aux deux. :)

13. Le 16 janvier 2006,
florence

En effet. Tu as raison. Le livre de LLM est facile à lire.

14. Le 17 janvier 2006,
Nico

relayé ! intéressante critique, par un vieux routard, de deux guides du routard, écrits par des routards-icones… Reste à faire le tient > “Blog pour les mouettes” ou “blog de haute mer” ?!

beau papier en tout cas ;)

15. Le 18 janvier 2006,
Jacques Froissant (Altaide)

Le blog d’Altaïde étant cité dans les 2 livres, j’aurais un avis objectif (si cela existe l’objectivité … mais bon cela c’est une question de philo pour le BAC). Ma perception rejoint complétement la tienne : le livre de François plus structuré, moins partisan vis à vis du phénomène, et surtout partage une expérience d’entreprise vu de l’intérieur. Les clients, déjà un peu initié aux blogs, à qui j’ai offert les deux livres ont beaucoup plus accroché aux conseils de François que de Loic. Ma conclusion : Loic pour les non initiés, et François pour ceux qui veulent creuser un peu plus.

16. Le 19 janvier 2006,
karl

Kozikla: Excellent commentaire sur le droit de penser et d’avoir une opinion ou la sur la volonté d’étiquetage. De nombreuses personnes ont tendance aux raisonnements binaires. Cela me fatigue tellement qu’il n’y a pas une semaine où je ne me demande pas si je vais pas arrêter de publier les photos et les textes. J’ai déjà arrêté de causer de normes web sur mon carnet Web. :)

Pour avoir la paix, fermons là :)

Karl très fatigué par les commentaires vindicatifs, les mails stupides, les gens ne respectant pas la confidentialité des communications, etc.

:)))) M’enfin!

Pour les deux livres, je ne les ai pas lu.

17. Le 24 janvier 2006,
bertrand (duperrin.com)

Je confirme mon opinion: le livre de Loïc est pédagogique dans le sens où il traite le sujet de manière large ce qui pourra aider un néophyte à se faire une première idée sur l’outil blog. Avec, et je te rejoins là dessus, un aspect un peu brouillon et un manque d’approfondissement que je trouve logique car à traiter large on traite moins en profondeur.

J’ai trouvé que celui de François correspondait plus à mes attentes mais mon jugement est biaisé car désormais je recherche des points précis. Je pense que pour le lire il faut avoir déjà “taté du blog” afin de l’apprécier à sa juste valeur. Pour quelqu’un qui ne sait même pas ce qu’est un blog, Loïc est un bon début.

En fait je n’offrirai pas les deux aux mêmes personnes. Il s’agit de deux niveau de lecture différents, et donc de deux publics différents. Et en ce sens je trouve les deux bons car chacun remplit en quelque sorte sa mission qui a mon sens n’est pas la même.

18. Le 18 février 2006,
Christelle

Pour ma part, j’ai opté pour ’blogueur d’entreprise’. En effet, Loïc me semblait trop blogomédiatisé à mon sens et le titre de son livre me fait trop penser à ’blog pour les nuls’! Je voulais juste attirer l’attention sur le phénomène de’synchronicité’ : Stephen BROWN, auteur de Harry Potter, comment le petit sorcier est devenu roi du marketing’ nous raconte que 9 mois après la sortie de son livre ’free gift insight’, Seth GODIN a sorti ’Free prize insight’ avec le succés qu’on lui connaît. Cela m’amène à me poser une question : Loïc sera t-il reconnu comme plus légitime que François auprès de la ’cible’ de leurs livres? Sa notoriété et son charisme lui donneront-ils la légitimité auprès des entreprises souhaitant s’aventurer dans la blogosphère? Affaire à suivre …

Blah ?