“Miscellanées”

québec

Château-Lafitte

Un jour que nous étions à Saint-Eustache, mon lapin m’a invité au restaurant. Il m’a dit « nous allons au Château Lafitte ». Rien qu’à ce nom prestigieux aux accents de Château Mouton-Rotschild, Château Margaux ou autre Château Latour, je salivais déjà d’avance à ce qui ne saurait être autre qu’une escale gastronomique de charme, comme le Québec peut parfois vous en réserver.

Saint-Eustache, pour ceux qui ne connaîtraient pas, est une bourgade située au nord-ouest de Montréal. L’essentiel du centre-ville se résume à une grand rue qui s’achève à l’église locale, église pareille aux centaines d’autres que le paysage québécois peut vous offrir en masse, si ce n’est qu’elle fut le haut-lieu de faits, ô combien historiques, le 14 décembre 1837, jour qui vit une centaine de Patriotes échanger quelques amabilités avec des Anglais en surnombre.

Mon lapin, qui lit par dessus mon épaule, me prie de vous préciser que l’église de Saint-Eustache est dotée d’une acoustique exceptionnelle, et que donc, elle est loin d’être quelconque. Qui plus est, ce fut le temple qui abrita l’union de ses deux soeurs, la dernière y ayant épousé un représentant de la perfide Albion.

Bon, revenons en à la gastronomie locale. Château-Lafitte n’est en rien ce que son nom seul pourrait laisser entrevoir. Mon lapin avait choisi cette destination sachant combien j’appréciais la chaleur de ces vieux restaurants où l’on est servi par de grosses madames, à la choucroute blonde et au petit tablier impeccable (patrimoine hélas en voie de disparition). Car, eh oui, Château-Lafitte est l’un de ces inénarrables restaurants de cuisine canadienne !

C’est dans la chaleur de cette salle à la décoration préservée, que je découvrais sur l’immense menu en carton les multiples variations des deux plats nationaux du Québec : la pizza all-dressed et les spaghettis en sauce. Sans oublier les mets chinois et les clubs sandwiches… Il y avait bien une poutine de proposée, mais je suppose que cela n’était que pour le folklore. C’est donc une all-dressed avec une pinte de Molson Dry que je commandais.

Mon lapin savait qu’il allait me faire bien plaisir et j’ai encore le souvenir de ce merveilleux repas de tourtereaux énamourés dans ce haut-lieu de québécitude.

Je dois d’ailleurs ajouter que je me désole de voir la disparition progressive de ces restaurants à Montréal. Des menus complets, roboratifs, et peu onéreux, dans des décors qui ont vu des générations de convives s’y sustenter, et servis par des madames hors-d’âge, chaleureuses et quasi-maternelles pour leurs clients. Vous préférez peut-être une salade fusion à l’émincé de tofu, à 12 piastres 95, dans un décors de morgue high tech, servi par une anorexique idiote ou un gars embauché pour son anatomie plus que pour son sens de l’accueil ?

Québec, ton patrimoine fout le camp !

[Republication d’un billet du 23 février 2003.]

1. Le 13 janvier 2004,
wam

à ce stade, le fait qu’il y ait du Lafite ou pas, en effet, ce n’était pas primodial … ça me rapelle une crèperie vers Saint Thurio … pas loin de Pontivy, snif ;)

2. Le 7 janvier 2005,
Richard Bourret

Mon cher Laurent, vous avez une plume tout à fait réjouissante. J’espère que vous appréciez la poutine à sa juste valeur :-)

3. Le 12 février 2009,
Grenouille

La brochette de poulet, exceptionnelle.

Blah ?