“Miscellanées”

vie privée

Bienvenue au Québec

J’aurais aimé vous parler de mon voyage, de la tempête sur les bancs de Terre-Neuve, des beautés de la remontée du Saint-Laurent. Mais mon arrivée au Québec s’est transformée en un genre de cauchemar, en une succession d’événements qui m’ont un peu retourné les tripes. Je suis passé de l’abattement à la colère (hier), et aujourd’hui, je recouvre mes esprits (la présence aimante de mon lapin n’y est pas pour rien). Et, sans doute que demain, je rirais de toute cette aventure.

Après avoir veillé la veille jusqu’à la Pointe à la Citrouille et la rivière Champlain, c’est sous l’effet de l’excitation d’arriver après cette longue traversée que je me suis réveillé, ce mardi 16 novembre, à 4 heures du matin. Je me précipite immédiatement regarder par le sabord, des usines, des fumées, nous arrivons à Montréal. Un quart d’heure plus tard, j’aperçois la croix du Mont-Royal et le Stade olympique. Petit pincement au coeur.

À 4 h 25, les premiers quais à conteneurs, des grues jaunes, la tour du Stade qui se rapproche. Nous nous approchons lentement d’une grue rouge pleine de lumières, nous battons arrière, les cloisons vibrent. 5 h 00, nous touchons quai dans un grincement de pare-battages. Je prends ma douche, je fais mon sac et monte à la timonerie. Je regarde Montréal s’éveiller. 8 h 10, notre premier conteneur est saisi par la grue. Le lieutenant de quart s’approche de moi et me dit, en anglais, “Tu vois le bateau devant ? Hier, un docker y a été tué dans des circonstances horribles”. Sale ambiance.

Je sais que les services de douane et d’immigration doivent passer à bord entre 8 et 9 heures. J’ai hâte de les voir arriver afin de pouvoir débarquer. C’est loin d’être la première fois que je débarque d’un bateau dans un pays étranger, y compris hors de l’espace de Schengen. Généralement, la procédure est toujours la même, un officier arrive, va voir le commandant. Ce dernier lui donne en la liste des passagers et les passeports. L’officier lui donne des formulaires de déclaration à remplir en nombre suffisant. Les formulaires sont transmis aux passagers, et une fois remplis, ils reviennent au bureau du commandant. Sauf problème de passeport, généralement, cela s’arrête là, sans même un contact physique entre l’officier et les passagers qui débarquent.

De nationalité française, doté d’un passeport récent à lecture optique et même d’un billet de retour, j’imagine benoîtement que tout allait se passer très vite. Erreur.

De façon fortuite et exceptionnelle, il y a 8 passagers à bord, alors que le CMA-CGM Tage n’a jusqu’alors jamais embarqué de passagers sur cette destination. Outre ma personne, il y a une Française, également embarquée à Anvers, 3 Norvégiens et 3 Hollandais. Ces six derniers sont arrivés en groupe à Hambourg, ils se connaissent tous et se sont présentent comme des amis juifs et communiquent entre eux en hébreu. Des gens que je n’ai guère côtoyés à bord.

Un matelot vient m’informer que nous sommes priés d’attendre dans nos cabines. Mais je n’ai pas le temps de redescendre au pont 3 que je suis appelé au bureau du commandant. Je remonte au pont 5. Dans le salon du commandant, il n’y a pas un officier, comme je m’y attendais, mais quatre. Trois sont assis à la table, un est debout. Le commandant, dans un coin, me jette un sourire triste. Je suis invité à m’asseoir. Ces circonstances inhabituelles me rendent un peu fébrile.

À ma gauche, une jeune blonde, en face, un homme à la bonne figure avec une moustache poivre et sel, à ma droite, une femme brune, replète, d’une cinquantaine d’année et affectée d’un fort strabisme. Debout, un grand, plutôt beau mec, la trentaine, qui s’avérera être l’inquisiteur général. Car ce n’est pas un entretien de douane habituel, c’est un véritable interrogatoire policier que je vais passer, avec les techniques habituelles de déstabilisation.

Je comprends vite au ton employé que je ne suis pas pour eux un touriste, mais un suspect. Suspect de quoi, ils ne le savent pas, mais ils semblent persuadés de trouver.

La blonde me donne le formulaire habituel que je commence à remplir. Je me plante dans ma date de naissance. Ça commence bien. Je tente une plaisanterie sur la question où l’on demande si on a une certaine somme d’argent en espèces en disant que j’aimerai bien pouvoir cocher oui. Mais l’ambiance n’est pas à la rigolade. C’est universel, les douaniers sont dépourvus d’humour.

S’en suit une batterie de questions, menée par l’inquisiteur debout.

— Pourquoi êtes-vous venu en bateau ?
— Parce que j’aime la mer et les bateaux, je fais des voyages en bateau tous les ans.
— Vous venez faire quoi au Québec ?
— Voir des amis.
— Vous êtes déjà venu au Québec ?
— Oui.
— Combien de fois ?
— Je ne sais pas, une douzaine.
— La dernière fois ?
— Heu, en mai, je crois.
— À quelle date ?
— Je ne m’en souviens pas exactement, c’était au moment du référendum sur les “défusions”.
— Vous restez combien de temps ?
— Je repars le 25.
— Vous avez combien de congés en France ?
— 5 semaines, plus que chez vous.
— Vous semblez nerveux, Monsieur.
— J’ai peu dormi, je suis fatigué, et je ne m’attendais pas à un tel comité d’accueil.
— Vous êtes marié ?
— Heu, non.
— Vous avez une alliance.
— Heu, oui, c’est comme une bague de fiançailles.
— C’est pas l’homme qui porte la bague.

Aïe, je sens que je m’embourbe un peu et la tournure subitement personnelle de l’entretien me déstabilise.

— C’est symbolique, c’est pas une vraie bague de fiançailles, c’est pour marquer comme un serment.
— Vous avez quelqu’un en France ?
— Heu…
— Au Québec ?
— Oui…
— Depuis combien de temps ?
— Je ne sais plus, 7, 8 ans…

Ma nervosité commence à laisser place à une immense lassitude. Les questions s’enchaînent à un rythme soutenu. La brune qui louche, que j’appellerai ultérieurement la teigne par souci de simplification, s’y met aussi.

— Vous faites quoi ? Vous travaillez où ? Le nom de votre société ? C’est votre société ? Vous gagnez combien ? Vous avez une carte d’affaires ?
— Non, je suis en vacances, je ne prends pas de cartes en vacances.
— Vous pouvez travailler à distance ?
— Heu, oui, avec Internet, c’est possible.
— Vous avez l’adresse où vous allez résider ?
— Oui, je ne la connais pas par coeur, je l’ai dans ma cabine.
— Vous avez un billet de retour ?
— Oui, dans ma cabine aussi.
— Allez nous chercher tout ça.

Je m’exécute. Je descends chercher mon billet d’avion et mon petit carnet où j’ai noté la nouvelle adresse d’Yves.

Je remonte. Je présente l’adresse sur la première page de mon carnet, carnet où j’ai noté également les coordonnées de contacts à Montréal et différents détails observés au cours du voyage.

La teigne prend le carnet des mains de la blonde.

— “3 brasseurs”, c’est quoi ça ?
— Une taverne sur Saint-Denis. (Cela fait sourire le moustachu.)
— Et tous ces codes, c’est quoi ?
— Heu, c’est les mots de passe de mes boites de courriel.

Me voilà bien avec mes phrases codées. Je sens que la tension monte d’un cran.

La teigne parcourt mes adresses. Elle ne s’arrête pas sur les noms “pure laine” et elle se bloque soudain comme un chien d’arrêt qui a trouvé :

— C’est qui ce Houssein B* A* ?
— Et bien, c’est un ami à Montréal.
— Vous le connaissez comment ?
— Heu, par Internet. (Je me sens pas à me lancer dans une explication des blogues à cette femme disgracieuse).
— Depuis combien de temps ?
— Un an, deux ans…
— Il est citoyen canadien ?
— Heu, non, il est tunisien. (Je sens l’étau qui se ressert.)
— Il fait quoi à Montréal ?

J’ai un blanc, je ne sais plus exactement ce que fait Houssein. Je réponds qu’il est professeur d’informatique à l’Université de Montréal. Et je me glace en voyant qu’elle note les coordonnées de Houssein sur son bloc. J’espère que je ne vais pas lui causer des désagréments.

Tout ça commence à devenir fort désagréable. Je commence à paniquer un peu.

— Vous parlez anglais ?
— Heu, mal.

Les hommes se concertent, en anglais.

— Montrez-nous votre cabine, on va la fouiller.

Les femmes restent assises. Je regarde le commandant impuissant et désolé. Je demande à récupérer le carnet posé devant la teigne :

— Laissez-le là. Je vais le lire.

Je me sens bouillir intérieurement. “Je vais le lire.” En a-t-elle le droit au moins ? Il semblerait que ces kapos en uniformes aient tous les droits. Je prends ça comme un viol de mon intimité. Je sais qu’il n’y rien à cacher dans mes notes de ce carnet (ayant principalement trait à la navigation), mais je n’accepte pas le principe. Une colère sourde et impuissante monte en moi.

Mais les hommes se dirigent vers la porte en m’invitant à les guider jusqu’à ma cabine. Je croise un matelot à l’air inquiet et interrogateur dans la coursive. Arrivé dans ma cabine, l’inquisiteur demande :
— Je peux voir votre carte de crédit ?

Je fouille dans la poche extérieure de mon sac à dos, lui tend ma Visa Gold, il me prend aussi ma Carte Orange que je tenais dans l’autre main. Je lui explique que c’est ma carte de transport à Paris.

— C’est quoi le plafond de votre carte ?
— Je n’en sais rien.
— Comment ça, vous ne savez pas ? Ce n’est pas possible
— Je ne sais pas. Je ne l’ai jamais atteint. (J’hésite à m’embarquer dans une explication des différences entre une carte Visa accréditive au Québec et une carte Visa à débit différé en France.)
— Vous avez de l’argent sur vous ?
— J’ai 5 euros.
— Pourquoi si peu ?
— Je me suis fait surprendre par le prix du taxi à Anvers.
— Il y a quelqu’un à Montréal qui pourra vous supporter financièrement ?
— J’ai ma carte.
— Mais vous avez votre amie à Montréal ?
— Oui.
— C’est qui ?
— Bien, justement, c’est le Yves G. chez qui je vais.
— Ah, c’est “lui” alors.

Je sens que c’est au tour de mon inquisiteur d’être déconcerté par cette révélation. Bizarrement, j’ai le sentiment d’avoir recouvré un peu d’humanité à ses yeux et son ton s’est radouci.

— Vous allez vous marier ?
— Oui, sans doute, je ne sais pas quand, mais ça viendra.
— Pourquoi il ne vit pas en France avec vous ?
— Il a essayé pendant cinq ans, mais il a pas réussi à s’y faire. Alors, il est revenu au Québec.
— Ah.

Le moustachu enfile des gants en latex et commence à fouiller la cabine. Il regarde sous le lit, dans les tiroirs de la commode, l’armoire. Je note, sans rien dire, le manque de professionnalisme de l’opération, il oublie trois endroits importants, le dessus de l’armoire, la petite armoire du cabinet de toilette et le fût de la combinaison de survie. Il demande à voir mon grand sac.

— Y a-t-il quelque chose de coupant ou qui pourrait me blesser dans ce sac ?
— Non, rien, que du linge, des affaires de toilettes et un livre.

Il fouille ma trousse de toilette, examine attentivement ma petite bouteille d’alcool à 90°. Mais à part ça, rien de suspect. Si ce n’est mon deuxième carnet de notes que j’avais aussi glissé dans ce sac. Il s’agit de celui d’un autre voyage, il n’y a dedans que des points à midi (longitude et latitude), des caps et des vitesses, ou des informations aussi passionnantes que “16 h 50. Stoppé, attente pilote devant port. 18 h 00. Franchi jetée. 18 h 06. Pilote à bord. 18 h 12. Première amarre à terre. 18 h 15. Accosté babord à quai. 18 h 18. Amarrage terminé. TPLM.” L’inquisiteur feuillette et semble un peu déçu. Il me rend le carnet.

— Bon, tout semble OK ici.

Je pousse intérieurement un grand soupir de soulagement. Il n’ont pas trouvé la seule chose que je ne voulais pas qu’ils trouvent. Le cahier, celui où j’ai noté mon vrai journal, au jour le jour, avec mes pensées intimes, mes considérations sur le voyage, etc. Et, entre autres, les importants soupçons que j’avais vis-à-vis des autres passagers. Que ces derniers soient nets ou pas, peu importe, simplement, je ne voudrais leur causer du tort de ce qui n’est, de ma part, que des spéculations pleines d’imagination. Le cahier était dans une poche intérieure de mon sac à dos et pouvait sembler n’être, à la palpation, qu’un renfort intérieur du dos du sac.

— On remonte.

Je me sens un peu plus léger et c’est avec courtoisie que je les guide sur le chemin du retour chez le commandant.

Les deux femmes sont toujours assises. Le commandant a viré au gris. Tout le monde reprend place.

La teigne à la main sur mon carnet, elle se penche sur le côté et me fixe de son oeil noir qui dit merde à l’autre.

— J’ai lu votre carnet, vous allez devoir m’expliquer quelque chose.

Je pense “je ne te dois rien, grosse conne”, mais je meurs de curiosité de savoir ce qu’elle a bien pu trouver de compromettant dans ce carnet. Elle feuillette, retrouve le passage, me tend le carnet ouvert. Je lis, en date du samedi 13 novembre, et je comprends immédiatement ses soupçons délirants :

Un telex qui traîne sur la table à cartes : “US President George W Bush said Friday that after the death of Yasser Arafat there was now a ’great chance’ to create an independant Palestinian state living at Peace with Israel by the time he leaves office in 2009”.

— Vous vous intéressez à Arafat ?
— C’est une nouvelle d’importance.
— Il y a quelque chose que je n’arrive pas à comprendre. C’est pourquoi vous avez écrit ça en anglais.
— Et bien, le télex était en anglais, c’est une copie d’une dépêche d’agence.
— Vous êtes Français, je ne comprends pas ça.

Je songe : un copain Houssein, mon intérêt pour Arafat, mes codes secrets, me voilà dans de beaux draps. Quel cauchemar.

La teigne reprend :

— Vous avez un conteneur sur le bateau ?

Je manque de sourire de la stupidité de la question et de ce qu’elle sous-tend.

Ils se concertent à voix basse. La blonde, qui m’était sympathique, dit “je crois qu’il est clair”. L’inquisiteur, qui a semble-t-il basculé de mon côté, explique en anglais qu’il pense je suis bien un habitué des bateaux, pour preuve l’autre carnet qu’il a trouvé dans ma cabine. Mais la teigne ne démords pas. Elle se tourne vers moi, se penche et déclare d’une voix ferme :

— Monsieur, je ne crois pas du tout à ce que vous dites. Vous êtes venu pour travailler au Québec et vous n’allez pas rentrer en France.

Elle semble très fière de son effet et semble penser : “tu vois, mon gars, tu m’auras pas comme les autres, je t’ai percé.”

Je suis estomaqué et je ne sais pas quoi répondre à tant d’assurance stupide, et avec mes réticences et questions actuelles, cela prend une résonance toute particulière. Le conciliabule reprend derrière. C’est finalement encore le grand inquisiteur qui vient à mon secours. Il fait remarquer à la teigne que je n’ai presque rien avec moi, et surtout pas de “laptop” et aucun matériel susceptible d’être en rapport avec une activité professionnelle. Je bénis mes difficultés financières qui m’ont empêché d’acheter un E-book comme j’en avais l’intention avant de partir.

L’inquisiteur prend la parole :

— Vous savez, il y a beaucoup de Français qui viennent ici au Québec. Il y a beaucoup de monde qui vient chez nous.

Je perçois, à leurs mines réjouies, mon auditoire autosatisfait et fier de leur beau pays qui attire tant de gens. C’en est trop pour moi :

— Vous savez, le Québec, c’est un mirage, un mythe, c’est pas mieux qu’ailleurs. Y a bien des Français qui rentrent chez eux. Puis, si j’ai choisi un homme québécois, j’ai pas choisi le pays. Je ne veux pas venir vivre chez vous.

Un voile de consternation générale assombrit les visages. Comment, il n’aime pas le Québec ? Est-ce possible ? Et bien oui, c’est possible, et, c’est pas avec ce genre d’accueil que je vais apprendre à l’aimer.

Il s’en suit, à ce que j’ai compris, des tractations. Ils semblent tous vouloir convaincre la teigne qui semble demeurer rétive. La blonde semble un peu gênée par la tournure des événements, elle me glisse à voix basse “faut nous comprendre, on n’a pas l’habitude d’avoir des passagers sur un cargo, alors, on sait pas trop comment faire.”

Tout cela me semble interminable, la blonde manipule le tampon et mon passeport. Enfin, la teigne se laisse faire et donne son assentiment à regret d’un signe du menton. La blonde ouvre mon passeport et donne un coup de tampon. Ouf, ce long calvaire semble enfin prendre fin. Tout cela a duré plus d’une heure, voire deux.

Je demande à prendre mon passeport, on me dit qu’il faut que j’attende à la timonerie qu’ils aient vu tous les passagers. Je ne suis pas sorti de l’auberge.

Je monte à la passerelle, ignorant de répondre quoique ce soit au “bienvenue au Québec” pathétique prononcé par un officier. En montant, j’analyse mon sentiment d’humiliation et de colère. Je sais que j’ai toujours un problème quand on met en doute ma sincérité. Je ne sais jamais gérer correctement ces situations.

Je retrouve à la passerelle la Française. Si elle n’a pas été fouillée, elle m’explique qu’ils ont été très désagréables avec elle. Il n’y a plus qu’à attendre, j’ai peur que cela soit fort long. Je regarde avec dégoût les opérations de déchargement en cours, j’en ai soupé des conteneurs… de cette ville grise et morne. Je pense au débardeur mort, je cherche des traces du drame sur le quai, mais rien, si ce n’est le visage fermé des gens à l’oeuvre. J’ai le cafard. Je me sens lessivé, épuisé de tension nerveuse.

J’espère être ce soir à la maison, avec Yves, mais un désastreux coup de théâtre arrive en la personne du Second qui entre livide dans la timonerie : “Leurs passeports sont tous faux, les 6, ce sont des Irakiens”.

Les visages de mes compagnons de voyage défilent dans ma tête. Ce n’est pas possible, je suis entré dans une “6e dimension”, ou alors je vais me réveiller, tout cela n’est qu’un mauvais rêve.

Par la suite, les informations vont arriver au compte-gouttes, via les allées et venues à la passerelle, la fameuse “radio-coursives” comme on dit.

“Ce ne sont pas des Irakiens, mais des Iraniens, ils ont retrouvé leurs vrais passeports planqués”. Un détail s’éclaire dans ma tête, ils ne parlaient pas en hébreu, mais en farsi ! Et tous mes soupçons passés trouvent leur explication.

“Ca va coûter 25 000 dollars d’amende par clandestin à la compagnie. 150 000 dollars !”

“L’équipage est consigné à bord”. C’est la consternation, Montréal est la seule escale où les matelots peuvent faire une sortie à terre. Le lieutenant s’emporte en anglais, puis en roumain, sur ces salopards de chiens d’arabes. Le bosco renchérit, les arabes, les juifs et les pédés, sales races.

“Les policiers menacent de fouiller tout le bateau. Un bateau de 215 m, mais ça va prendre au moins deux jours !”

“Ce sont des clandestins qui se sont fait avoir par un passeur, ils auraient payé 6 000 dollars chacun, plus le billet de bateau. Ça faisait un mois qu’ils étaient en Europe.”

Je ne manque pas d’éprouver de la sympathie pour ces pauvres types, et je regrette même de n’avoir pas plus échangé avec eux au cours du voyage.

Je demande au Second une cigarette, j’ai laissé mon paquet de tabac dans la cabine. Tout le monde semble atterré.

Je sors sur l’aileron prendre l’air et quitter cette ambiance tendue. Je reviens pour demander à redescendre à ma cabine récupérer mon tabac. Le Second me dit “vous êtes libre, vous”, sous-entendu, plus personne ne l’est à bord, à part moi et la passagère. Je descends. 3 matelots assurent la garde dans la coursive enfumée. Je passe devant une porte ouverte, l’un des prisonniers est en position du lotus sur la table basse, le visage caché dans ses mains, un autre pleure, prostré sur le lit.

La passagère, qui s’est attachée à ces pauvres hères, veut leur dire au revoir. L’inquisiteur la rembarre et menace de lui reprendre son autorisation de débarquer sur le sol canadien. Le ton monte. C’est tendu. “J’ai été déjà assez patient avec vous, Madame !”

Nous apprenons qu’ils vont être emmenés dans un centre de détention à Laval. Le second arrive, il a nos deux passeports à la main. Je n’ai plus qu’une hâte, débarquer immédiatement, fuir ce mauvais film, je fonce à la cabine récupérer mes affaires. Sur le quai, je respire à grandes goulées l’air froid, je tremble de tout mon corps. Je me sens hagard et hébété, en état de choc.

J’ai envie de pleurer.

Bienvenue au Québec.

1. Le 18 novembre 2004,
Marc

Oh merde… Comment un truc pareil peut se produire ? C’est vraiment pathétique. Je comprends facilement ton état d’esprit, j’imagine que ton séjour ici doit te sentir bien amer, du coup.

Je ne sais pas si ta mésaventure aurait été vraiment différente ailleurs. C’est de toute façon profondement dégueulasse.

Si tu as besoin d’aide ou de n’importe quoi ici, n’hésites pas à me contacter.

2. Le 18 novembre 2004,
karl

:) Bon alors maintenant Martine écrit le script, Qui tourne le film ? Bon c’est bien dommage tout cela, mais la paranoia de tous les gouvernements actuels tient en partie aux agissement d’un mec qui vit un peu plus au sud dans une maison toute blanche.

C’est pathétique, que ce soit en France, et partout ailleurs, le moindre petit détail suspect prend une importance énorme.

Je ne fous plus les pieds aux USA, car c’est le résultat de leur politique agressive sur les autres pays qui génèrent tes désagréments.

Les compagnies aériennes européennes sont forcées de fournir les fichiers personnels des voyageurs aux autorités américaines maintenant.

:((((

3. Le 18 novembre 2004,
Mr Peer

C’est assez affolant, à couper l’envie de voyager… Maintenant il ne faut pas faire une fixation là dessus, ça risquerait de te gacher tes vacances :/

4. Le 18 novembre 2004,
Martine

C’est con les frontières mais c’est partout pareil. Ce qui est encore plus con c’est l’agent des douanes qui fait un trip de pouvoir, qui s’obstine à croire que les techniques d’intimidation dont elle dispose ne sont pas une pâle réalisation de ses rêves d’enfant, elle qui voulait faire détective ou agent secret.

Quel dommage que tu aies vécu un truc pareil. Et ces clandestins… que va-t-il leur arriver? En plus tu as choisi le mois de novembre pour venir en visite, le pire mois de l’année au Québec, toujours moche et gris et froid et sans l’éclat de la neige.

Je suis touchée par cette image de toi, si ironique et si émouvante (compte tenu de ton dilemne d’amoureux à distance) qui insiste malgré tout pour dire aux douaniers que tu n’as pas envie de leur foutu pays!

Ce n’est pas le Québec qui est un mythe, c’est l’ailleurs. On est chez soi là où il y a des gens qui nous aiment. Bienvenue chez toi, Laurent.

5. Le 18 novembre 2004,
Ben

Quelle aventure!

J’ai toujours été consterné par la différence qu’il y a entre débarquer en Europe et débarquer en Amerique du Nord. En Europe, pas le moindre controle, ni pour moi, ni pour ma blonde (qui n’est pas europeenne). Au Canada et aux E-U, c’est à chaque fois soit l’inquisition, soit la fouille! Et ca ne date pas du 11 septembre. D’ailleurs il y a aussi du terrorisme en Europe, donc ca ne justifie pas une telle différence de traitement.

6. Le 18 novembre 2004,
Anthony

Un petit message pour te soutenir après cet affreuse histoire. Je pense qu’il faut le prendre avec un peu plus de légèreté maintenant que cette histoire est terminée. Et puis, ne pas en tenir rigueur au Québec, ça aurait très bien pu arriver dans un autre pays occidental avec la situation actuelle. Et puis, la récente réélection de Bush doit amplifier les craintes. Allez, bon séjour.

7. Le 18 novembre 2004,
Hoedic

Sachant que Ebb est actuellement en train d’étudier avec un chirurgien colo-rectal qui lui a expliqué ce matin comment pratiquer un toucher rectal, je dois bien avouer que la première chose qui m’est arrivé à l’esprit quand tu as parlé de gant en latex m’a fait très peur.

Je me demande dans quelle mesure cette insistance n’était pas motivée par des informations étant donné qu’il y avait véritablement de quoi s’intéresser à votre cargo… Comme les autres, je pense qu’il ne faut pas jeter la pierre au Québec (déjà parce que les douaniers sont du ressort du Canada) et se dire que cette insistance n’est pas généralisée mais tient surtout au personnes (ta teigne semblait pas mal).

Quant aux iraniens, peut-être obtiendront-ils l’asile politique…

8. Le 18 novembre 2004,
Sunshine

Triste expérience, mais malheureusement assez fréquente. J’ai vécu un peu la même chose, en moins inquisiteur, lors d’un voyage à Bruxelles il y a de cela quelques années. Détenteur d’un passeport français, j’ai eu quelques difficultés aux douanes pour reprendre l’Eurostar, direction Lille. Il faut dire que je suis très brun et que j’étais particulièrement bronzé de peau, cette année-là. De plus, je n’étais pas rasé depuis trois jours. Assez certainement pour affoler le douanier en face de moi. Pourtant, mon patronyme est d’origine bretonne… Pour le reste, je pense qu’il ne faut pas en vouloir outre-mesure au Canada, et encore moins au Québec. Le contexte international est très tendu et la réélection du sous-doué Made in Texas n’arrangera rien. De plus, le Canada a été vivement critiqué pour son “laxysme” douanier par les Américains au lendemain des attentats du 11 septembre. Et puis, il n’y a pas de fumée sans feu… Les douaniers ont sans doute été prévenus qu’il y avait un “problème” à bord. Ce qui peut expliquer leur acharnement sur toi. Quant à leur façon de fouiller, il n’y a rien d’anormal là-dedans. La seule chose qu’un douanier ne peut pas faire, c’est de porter la main sur toi. Tout le reste, toutes les questions leur sont permises. Et puis, je préfère perdre un peu de liberté individuelle et être en sécurité là où je vais. Le monde a vraiment changé et tout peut arriver, n’importe où.

9. Le 18 novembre 2004,
Fogara

Tu as envie de pleurer? Et comme j’aimerai pouvoir consoler. Domage que les gens qui nous aiment ne soient pas là dans ces moments ou tout près. Les imaginer sur le quai à nous attendre avec la promesse d’un bon repas et d’un petit coin chez eux pour passer quelques temps. Juste à penser que dans mon pays on va enfermer 6 Iraniens effrayés sans avoir le pouvoir d’y changer quelque chose. Pour notre sécurité qu’ils disent… C’est plutôt par peur de perdre la structure actuelle de notre société. Ce faire lancer au visage d’autre valeur que l’on ne veut pas accepter. Et patati et patata… Y a pas de monde parfait. Ça nous permet de rêver! Se voir justicier ou super héros, tiens.

10. Le 18 novembre 2004,
Oli

Je comprends tes sentiments, j’aurais sans doute craqué avant, fichus temps modernes. Allez, que la suite de ton séjour compense au maximum l’horreur de ce débarquement!

11. Le 18 novembre 2004,
Raoul

Je pense que ca n’était pas si terrible, mais je comprends le sentiment de viol psychologique. le sentiment d’injustice, et d’impuissance face a la mauvaise foi. D’ailleurs, c’est surement un moyen qu’ils utilisent: faire craquer pour mieux exploiter. Bcp de monde (moi y compris) réagissent très mal a ca: je ne me souviens plus du mot. La réaction très émotive a l’autorité mal placée (ou injuste). Bcp de monde ne supportaient pas de faire par ex le service militaire a cause de ca. Si qq’un se souvient du nom.

Raoul

12. Le 18 novembre 2004,
Raoul

En tout cas, c’est un excellent texte! ( a bien des niveaux!)

13. Le 18 novembre 2004,
Édouard

Je suis d’accord avec Martine — il s’agissait surtout d’un petit trip de pouvoir tel qu’on voit chez les douaniers, les flics à stationnement, et cetera. Il y avait probablement une petite lutte interne entre les perspectives des quatre agents à bord — la teigne a voulu se faire plus pure et dure que les autres, pour des raisons de boulot qu’on ne saura jamais en toute probabilité. Ce qui n’excuse rien, bien sûr… En plus, étranger, tu ne votes pas, donc tu n’as aucun pouvoir politique pour avoir de l’influence sur les élus, qui sont finalement leurs chefs. De toute façon, j’espère que tu passeras le reste des vacances sans plus d’inconvénients bureaucratiques !

14. Le 18 novembre 2004,
racontars

Désolée que ton arrivée au Québec ce soit passée ainsi. Ton texte est très prenant et on aimerait que ça ne soit qu’une fiction. Bon séjour chez les cousins

15. Le 19 novembre 2004,
Francois M.

Oh merde. Quelle histoire. Je souhaite tout de même que tu profites à plein de ton séjour, laissant de côté ces zélés. Si tu passes par Québec, fais-moi signe.

16. Le 19 novembre 2004,
ST

Tout a déjà été dit dans les commentaires plus haut, mais je voulais dire que ton récit m’a beaucoup touché. D’autant plus que j’ai de la famille au Québec et que je suis souvent ammené à faire ce voyage (mais pas en bateau). Quel cauchemar, en effet.

17. Le 19 novembre 2004,
Vincent

“Homme libre toujours tu chériras la mer …”, sur terre c’est sans doute un peu plus difficile ! D’autant que j’ai eu une pensée pour toi, le Bélem est à Nantes. Bon courage, et keep zen, chez les hurons.

18. Le 19 novembre 2004,
SteF

Wouaw ! Quelle histoire… Français, résident à Montréal, cette histoire me touche vraiment. C’est vrai que les Douanes sont du ressort du Fédéral, donc du Canada. La province du Québec n’y est pour rien… Bon séjour tout de même ! Novembre n’est pas la meilleure période pour visiter mais il y a plein de choses à faire et à voir pour oublier [un peu] cette arrivée… pathétique…

19. Le 19 novembre 2004,
Matoo

Tu as du être tellement bouffé par l’envie de les envoyer péter, de leur dire comment ils baffouaient des droits élémentaires !!! PUTAIIIIIN ! Rhaaaa ça m’a vénère ce post ! :) Et obligé de les laisser lire et passer au crible tes affaires… grrrr. Heureusement que le Lapin va faire passer tout ça… :))

20. Le 19 novembre 2004,
sally

Je viens d’aller voir la pièce “Le procès” de Kafka au TNM et ton récit m’a fait le même effet sinistre. Je suis désolée que cela t’arrive. Ton histoire nous met plus nez à nez devant la réalité de notre monde. Et c’est triste!

21. Le 19 novembre 2004,
Xavier Borderie

Sympa de vérifier si tu parles anglais pour pouvoir parler tranquilou entre eux. Vraiment des cons, surtout la teigne apparemment.

Désolé d’apprendre cette mésaventure, j’espère que ça ne va pas trop gâcher tes vacances, ni remettre tes prochains voyages là-bas.

22. Le 19 novembre 2004,
karl

s/e-book/ibook/

Cela me rappelle tous mes passages douloureux à certaines frontières, comme une singerie pour Martine d’ailleurs :)

Brésil -> France Canada -> USA Gambie -> Sénégal

Mon plus gros problème d’abus de pouvoir avec des autorités fut en Malaisie, avec solutions par un paiment en billet… si si. :)

23. Le 19 novembre 2004,
Daniel Glazman
  • gloaguen, gloaguen, hmmm, ça sonne pas français ça monsieur ?
  • euh oui, exact, c’est bretonnant de bretagne bretonneuse
  • ah! je le savais! z’avez été rattachés à la France très tardivement vouzautres. paraitrait même qu’il y a encore une resistance armée. z’avez une tronche de terroriste vous. Et d’abord cette pipe, z’avez un permis ?
24. Le 19 novembre 2004,
Tester

Après avoir lu ton blog.. je te comprends.. mais en même temps je comprends assez le comportement des douaniers.. Je suis Québécois et j’ai vécu un an en France… Là-bas ce qui m’a vraiment insulté au plus haut point c’est l’examen médical pour avoir la carte de séjour (collant dans le passeport pour rester plus de 6 mois).. Vraiment insultant pour quelqu’un qui vient du pays avec la meilleure espérence de vie au monde (et un système de santé égal ou meilleur à la France).. avec une radio des poumons pour trouver la tuberculose en plus! Comme si j’étais un Africain! Même les polonais (qui sont de l’EU) ont pas a faire ça.. Complètement ridicule..

En plus, le comportement des douaniers est compréhensible. S’ils étaient 4 c’est sûrement qu’ils avaient eu vent de quelquechose. Et ils se sont peut-être demandé si tu étais pas un passeur. Surement pour ça tout l’interrogatoire! Mais bon ne t’inquiète pas trop pour les Iraniens, je crois que le gouvernement canadien veut surtout savoir si ce sont des espions.. Parce que depuis que la police iranienne a assassiné une journaliste canadienne, le gouv du Canada a des assez mauvaises relation avec l’Iran..

Cela dit, bienvenu à Montréal! Passe pas trop de temps au Taboo/Adonis/Stock/etc ;)

25. Le 19 novembre 2004,
GIANFRANCO RAMOSER

Allez, bon courage.

GIANFRANCO RAMOSER

26. Le 19 novembre 2004,
Fred Lo

Il n’est pas forcément nécessaire de faire des milliers de kilomètres pour être considéré comme un criminel à la douane… Après une semaine passée à Londres, aéroport d’Heathrow, direction Paris. J’ai déjà passé plusieurs contrôles, je fais la queue comme tout le monde. Derrière une vitre, trois types observent les passagers accompagnés d’un labrador (ravissant). Bon, comme j’adore les chiens, je taquinais le clebs du regard et quand je suis arrivé à sa hauteur, j’ai machinalement fait 2 petites tapes sur ma cuisse… Evidemment le chien s’est redressé, a relevé les oreilles et s’est mis à agiter sa queue ’joyeusement’. Sans que je m’en rende compte, 2 secondes plus tard, 2 ou 3 types (des policiers, vous vous en doutiez), m’ont plaqué les bras en l’air contre une cloison vitrée et en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire, m’ont écarté les jambes et se sont mis, devant tout le monde, à fouiller tous mes vêtements dans un style très ’Starsky & Hutch’. Bon, ce fut quand même très rapide, pas plus de 20-30 secondes. Ca n’a donc rien à voir avec ta galère, Laurent.

M’enfin, quand même, sur un Londres-Paris, une fouille au corps juste parcequ’ un chien a frétillé de la queue…

Putain de paranoïa.

27. Le 19 novembre 2004,
anto

En tout cas en lisant ton post, je me dis que j’ai bien fait de venir à Montréal en avion… j’aurais vécu un truc comme ça, je leur aurait sauter dessus… c’est lamentable Bon séjour quand même…

28. Le 20 novembre 2004,
chrysalide

Courage à vous dans ce monde où les libertés s’étiolent, où les mots “menaces” “suspects” et consorts tentent de nous inciter à la claustration. Je rêvais d’aller au Québec…

29. Le 20 novembre 2004,
karl

chrysalide: L’histoire de Laurent n’a rien à voir avec le Québec ou le Canada, cela a à voir avec la paranoia mondiale, des abus de policiers et des autorités, il y en a partout et dans le monde entier.

Personne ne se souvient des sans-abris à Paris et du défonçage du lieu où ils avaient pris refuge. Des intimidations, des menaces, cela se passe en permanence. Laurent a pas eu de chances, vraiment pas de chances. Et en effet, je pense que les douaniers étaient au courant pour qu’ils fassent un tel interrogatoire.

Il est même possible qu’un autre bateau en amène d’autres au même moment et qu’ils soient passer sans problèmes. Coup classique des gens qu’ils veulent faire passer quelque chose aux frontières. On fait attraper du menu fretin et le gros poisson sans que personne n’y voit rien.

Dans les avions aux USA dans le couloir d’accès à l’avion, il y a souvent une fouille aléatoire. Un officier prend un passager au hasard et le fouille, pendant ce temps une vingtaine d’autres passe.

Le Canada est un des pays les plus ouverts que je connaisse en termes d’accueil avec une véritable politique d’immigration (qui a ses défauts aussi).

L’aventure de Laurent est certes malheureuse, elle n’est pas unique, elle n’est pas un fait canadien.

30. Le 20 novembre 2004,
vega

Quand la réalité dépasse la fiction… ça fait vraiment peur. Je pense que si ça m’arrivait, je mettrais aussi un petit moment à m’en remettre… Alors, bon courage !

31. Le 20 novembre 2004,
Guillermito

Courage, Laurent. Tout ça me fait penser à mes retours à l’aéroport de Boston, où je passe toujours deux ou trois heures au bureau de l’immigration, parce que j’ai eu le malheur, un jour, de perdre mon passeport. Ca se passe généralement assez bien techniquement (sauf une fois où j’ai dû aller retirer de l’argent dans la zone américaine, encadré par deux flics - un derrière et un devant - la main sur leur pistolet, devant des centaines de voyageurs), mais il y a toujours cette sordide impression de n’être que de la merde, un morceau de viande sur lequel les douaniers ont un pouvoir absolu. Ils peuvent faire absolument ce qu’ils ont envie, te renvoyer, te mettre en prison, te poser toutes les questions, te faire disparaitre sans prévenir personne. C’est un sentiment très dérangeant. Pour être honnête, la dernière fois je suis tombé sur un jeune douanier très sympa. Bref. Ce monde est dingue, et je déteste toujours autant les frontières. Et encore, on a beaucoup de chance, avec nos cartes bleues internationales et nos passeports valides. On n’est pas un pauvre immigré d’Afrique Noire qui essaye de passer Gibraltar, ou un wetback mexicain qui meurt de soif dans le désert après la traversée du Rio Grande. Monde de merde.

32. Le 21 novembre 2004,
chrysalide

> Karl : Merci de ton éclairage sur mon commentaire qui ne portait pas sur le Québec en particulier, mais bien sur ce que tu nommes “la paranoïa mondiale”.

“L’aventure de Laurent n’est pas unique”, elle en est par conséquent que très symptomatique du malaise actuel entraînant des comportements abusifs restreignant la liberté individuelle (avec le consentement du plus grand nombre) sous prétexte d’assurer la sécurité de tous. Lorsque nous ouvrirons les yeux, ne sera t-il pas trop tard ?

33. Le 21 novembre 2004,
pivwan

On se croirait dans un mauvais SAS.

Content pour toi quand même que tu ais pu faire ce voyage (ca donne des envies) et que tu sois arrivé.

34. Le 22 novembre 2004,
Martin-Éric

On me demande souvent pourquoi j’ai fouttu le camps du Québec et pourquoi j’insiste tant à balancer ma citoyenneté canadienne dès que possible. Ton histoire est un exemple typique de l’imbécilité du fonctionariat canadien, dont j’ai un jour eu mare au point de plier définitivement bagages.

Ceci dit, l’Union Européenne devient elle-aussi petit-à-petit une zone fortifiée dans laquelle être natif de l’extérieur est suspect en soit, quand bien même on serait marié à une fille de l’endroit et résident depuis des lustres.

35. Le 22 novembre 2004,
gregorio

Mwais … Tous les commentaires jusqu’ici dégoulinent de bons sentiments indignés. Mais, quitte à faire grincer quelques dents, je vais avoir du mal à participer à cette déferlante d’indignation vertueuse, et tellement politiquement correcte. Bien sûr, cela n’a pas dû être un moment agréable. Bien sûr, il y a des cons partout, y compris chez les douaniers et douanières. Ce sont des choses qui arrivent. Jusque là, pas de scoop. Mais franchement l’épreuve n’a pas semblé dépasser le stade des questions un peu insistantes, voire franchement désagréables, mais là encore, il est difficile de s’étonner qu’un douanier (ou une douanière) pose des questions insistantes. You know what? C’est précisément son boulot. De là à hurler à la violation des droits de l’homme et verser dans une paranoïa anti-gouvernement, il y a une marge, non ?

Aaah, évidemment, ça fait pas très ’rebelle’, ce genre de réflexions. Ben non, désolé. Mais si quelques douaniers emmerdeurs avaient posé des questions plus insistantes à de sympathiques touristes en goguette sur le territoire américain, un beau matin de septembre 2001, quelques milliers de personnes seraient encore en vie et le monde n’aurait pas exactement la même tronche. Le premier des droits de l’homme, c’est d’être en vie. Et j’ai franchement du mal à m’indigner qu’un gouvernement, quel qu’il soit, prenne dans ce but des mesures à ses frontières, tant que les méthodes ne basculent pas dans l’inacceptable (ce qui, encore une fois, n’a manifestement pas été le cas).

36. Le 22 novembre 2004,
Sunshine

Suis parfaitement d’accord avec toi, gregorio. On ne combat pas le terrorisme avec de bons sentiments. Nous devons nous comporter en citoyens adultes et conscients des nouveaux risques. Le monde relativement sécurisé que nous connaissions a disparu. Les Espagnols en ont fait la triste expérience. Et les Néerlandais, encore plus récemment.

37. Le 22 novembre 2004,
Marc

Gregorio, tout à fait d’accord… Mais ce qui est choquant, ce n’est pas la forme, mais le fond.

38. Le 22 novembre 2004,
C’est Raoul

Je pense qu’on se pleint surtout le ventre plein….

On chiale contre les Américains, les douaniers, les frontières, les formulaires, etc. qui ne nous respectent pas…

Moi, je pense au pauvre Mouhloud qui a expérimenté ca depuis les 15 dernières années ou qui a TOUJOURS vécu ca, a chaque frontière, chaque inscription, école, sécu, chomage, etc…

La bonne grosse suspiscion, le racisme de base, on se choque parce que ca ne nous est jamais arrivé, à nous…

39. Le 28 novembre 2004,
_Thea_o_

Choc.. Méthodes qui m’on fait penser à celles employées dans une dictature..

40. Le 30 novembre 2004,
Alain

Salut,

Québécois d’origine, je réside en France depuis plusieurs années; j’ai la double nationalité Canadienne et Française, tout comme mes enfants et ma compagne (elle, inverse de moi).

Ce que tu racontes ne me surprend pas : j’ai passé à deux cheveux de vivre une histoire, plus banale, mais similaire à Mirabel où le douanier a hésité à me laisser entrer… dans mon propre pays.

Ayant les deux passeports, comme j’avais présenté le passeport français pour l’embarquement à Paris, j’ai pensé que je devais présenter le même passeport en entrant à Montréal. Je ne me doutais pas que cela allait m’immerger dans la peau d’un Français face à une douane canadienne que je savais paranoïaque, mais pas au point de ne même pas prendre la peine de cacher son xéno-chauvisme qui s’agite derrière! On m’a pris pour un Français “pur jus”, pas un Canadien “pure laine”. A la question : “Qu’est-ce que vous venez faire au Québec, monsieur?”, agacé, j’ai répondu : “Je viens par affaires”. “Quelles sortes d’affaires, monsieur?” ….. Et quand j’ai dit à l’agent de regarder mon lieu de naissance sur mon passeport français (Québec), ça été pire, je l’ai senti traversé d’une idée débile : usage d’un faux passeport français agrémenté d’un faux lieu de naissance au Québec pour mieux les berner. Il a fallu que je sorte mon passeport canadien pour qu’on me laisse passer et encore, depuis, chaque fois que je franchie le “long” partaire entre le poste de l’agent des douanes et la porte battante qui donne sur le quai des arrivées, il me revient ce sentiment de ne pas être tout à fait “bienvenue au Québec”, dans mon propre pays.

Ton témoignage est intéressant et fait voler en éclat le mythe de “la plus belle démocratie du monde”. C’est pas vrai! Honnêtement, je trouve la France plus accueillante; c’est quasiment tapis rouge déroulé pour les Canadiens qui débarquent.

C’est vrai que ta mésaventure ferait un joli court métrage. Faut la suggérer à des cinéastes :-)

41. Le 30 novembre 2004,
Le Piou

La lecon a retenir de cette histoire: TOUJOURS, TOU-JOURS fermer sa gueule… Que ce serait-il passe si tu l’avais ouverte face a la teigne!? Bonnes vacances tout de meme… Ps: ca coute combien une traverse en bateau de commerce comme passager? c’est confortable? c’est depaysant?

42. Le 15 janvier 2006,
mimi

Et dire que mon mari voulait prendre le bateau pour notre voyage d’immigration au Québec…

43. Le 18 novembre 2006,
alice

Quelle histoire !!! J’en ai des frissons pour toi, j’espère que tu t’en es remis. ton histoire me fait flipper, car mon Mari et moi-même avec nos 2 petites filles souhaitions saisir notre chance au Québec. Mon époux a 2 maîtrises depuis 3 ans et les seuls jobs qu’on lui propose ici sont dans la resto et l’entretien. Il est Marocain d’origine et voir des propos tels que “arabes, juifs et pédés : sales races” me révoltent et me donnent froid dans le dos et me jette un doute quant à mon projet de partir. Je suis parti au Canada au mois de décembre dernier et je suis tombé sur un gros con (pardon)au service d’immigration qui avait pas mal de préjugés sur les français et je préfère ne pas répéter ses propos, ils m’avaient beaucoup blessé, et je ne vous raconte pas ce qu’il avait dit sur les Indiens avec leurs turbans. J’ai vraiment très peur dans le contexte actuel pour mon mari et mes enfants. Je me souviens que pendant un voyage à Londres, je ne m’étais pas rendue compte que mon mari n’était plus derrière moi lors du contrôle des passeports. En fait c’était la douane anglaise qui était en train de réquisitionner mon époux en anglais, et lui le pauvre était complètement paniqué car il ne comprenait pas ce qu’elle lui disait. J’ai dû courir à sa rescousse pour expliquer que nous étions ensemble comme touriste. Je trouve que c’est vraiment n’importe quoi pourquoi le contrôler lui, et pas moi. Il y a des musulmans de toutes origines : des blancs, des noirs, des arabes, des asiatiques, il y a des arabes chrétiens, des arabes juifs, et des arabes musulmans, comment faire la différence, je suis blanche et musulmane et pas du tout intégriste mais pourquoi toujours flipper des arabes, ce climat ne va que créer des tensions et les gens continueront à se sentir stigmatisés. Au maroc un français converti à l’islam malheureusement intégriste, a fait parti des attentats au maroc contre un hôtel très connu, mais les marocains n’ont pas commencé à psychoter contre les français convertis. Vivement que ce climat cesse car il n’est pas justifié, ces intégristes comme dans toutes religions ne représentent qu’un faible pourcentage, et si c’est la peur qui triomphe, c’est ces fous qui gagnent et nous musulmans ne partageons pas du tout leurs agissements. Bref pour revenir à ton histoire, je vais vraiment réfléchir avant de quitter la france !

44. Le 5 janvier 2007,
vero

Peut etre que le quebec se diferencie de ca aussi. cest une tres belle place, le monde est chaleureux, acceuillant,sociable et tres serviable. Bref, moi tout le monde que je connais ADORE cette endroit.

Ils ne font pas entrer nimporte qui dans leur beau pays. ca les differencie a mon avis. ils ne prennent pas de chance… faut les comprendres…

enfin bref, cest vrai que c relou mais si y avais pas dekoi a sen faire, ten fais pas… ils prenaient juste pas de chance :D

bon voyage ;)

45. Le 16 janvier 2007,
l’arabe

“les chiens d’arabes”: merci pour l’insulte,J’ai des questions à vous poser! 1- pourquoi les francophones sont racistes et Chialent toujours que ce soit les francais,les québequois,les belges est ce que cela est génétique ? 2- pourquoi, les anglais sont plus ouverts et moins racistes? est ce qu’ils sont plus intélégents, c’est pour cela, ils ont le monde (de l’australie en amerique)!! 3- pourquoi, les anglais en générales et les americans spécialement n’aiment pas les québecois, les québecois qui partent en florides en auto sont géneralemnet arcelés par les chérifs, genre contraventions son raisons ….

46. Le 3 novembre 2007,
fred

Eh, commentaire #45! Te rends tu comptes de ce que tu dis? Si tu avais lu les autres commentaires, comme le #43, tu réaliserais que c’est pareil à Londres même s’ils sont anglais! Et pire au États-Unis (pas beaucoup de francophones là-bas)!

47. Le 17 février 2008,
le petit français

Pour répondre à “l’arabe” méditons ensemble mes frères: Pourquoi le chiite n’aime pas le sunnite , pourquoi le sunnite n’aime pas le chrétien (parfois il lui brule le mollet au chalumot!) , pourquoi le turc a laissé mourir plus d’un million de femmes et d’enfants chrétiens de faim et de soif dans le désert, pourquoi l’algérien n’aime pas l’algérien quand il égorge femmes et enfants dans les villages parfois même ses prOpres cousins Pourquoi PolPOT ? pourquoi Hitler, Staline, Khadafi, Saddam, les milliers de Harkis assissinés par les algériens leurs frères etc… .Pourquoi tant de violences physiques affreuses ; alors quelle histoire minable que cet homo vaguement emmerdé par des fonctionnaires cons ( métier choisit souvent par des fainéants et ratés dans tous les pays) Quant au Québec j’y ai rencontré beaucoup de minables et d’ignares mais seulement un peu plus qu”en France. A mon avis c’est un pays ou le mensonge est roi et l’argent rare ce qui explique les mentalités pitoyables. QUANT AU CANADA C’EST UN POLLUEUR ET Y’A QUE LE FRIC QUI COMPTE! merci de méditer en sage

Blah ?