Journal de bord

dimanche 5 septembre 2004

Citation du jour

Je reproche souvent aux carnetiers “influents” de crier aux loups sans y mettre la forme. C’est la même technique qu’adoptent les politiciens d’extrême droite pour déstabiliser un milieu. Quand on a une voix forte dans le monde du Web, on doit apprendre également à être responsable par rapport à cette voix. Il ne s’agit pas seulement d’écrire, parce-que l’on a envie de dire les choses, mais il faut également être prudent sur la portée des mots que l’on partage. Je suis persuadé que l’intention n’est pas forcément mauvaise, mais le manque de conscience y est certain. J’ai souvent failli arrêter d’écrire ici, car mes mots devenaient trop importants, non par leurs valeurs intrinsèques, mais par leurs valeurs données une fois collectivement lus.

En fait, plus vous êtes “connu” sur le Web, plus vous devez être “éthiquement responsable” de vos mots.

[Karl La Grange.]

Je n’arrive pas à ne pas me sentir concerné (même si, grands dieux, je ne me compare pas à un pape de la blogosphère anglo comme un Mark Pilgrim cité dans le billet).

Ce qui donne l’envie d’avoir un blogue plus “privé”, plus intime et pas sous mon vrai nom, mais est-ce possible, et est-ce responsable ?

Le “éthiquement responsable” résonne dans mon crâne, d’un côté, je lui accorde une très grande valeur et tente de m’y tenir, de l’autre, il résonne avec auto-censure (voire avec politiquement correct). Ambivalence…

“J’ai souvent failli arrêter d’écrire ici, car mes mots devenaient trop importants, non par leurs valeurs intrinsèques, mais par leurs valeurs données une fois collectivement lus.” D’autant plus que l’on a pas le choix de son public, et aussi, que l’on peut parfois mal s’exprimer.

On prête trop aux blogueurs.

PS. Ha, le La Grange, c’est voulu…

1. Le 6 septembre 2004,
karl

La Grange: aucun problème, je trouve cela drôle.

Ce qui est encore plus amusant, c’est que certains se sentent visés alors que je n’y avais même pas pensé. Et là je ne parle pas de toi Laurent. Comme quoi mon article « quand le pathos rejoint le Web » est toujours d’actualité.

En tout cas, c’est un gros problème les carnets Web quelque part, entre l’auto-censure, l’éthique, etc. C’est l’apprentissage de l’utilisation de notre parole face au publique, c’est l’apprentissage de la vie en collectivité aussi. On a beau se réfugier derrière son carnet isolé derrière son écran, il n’en reste pas moins que la parole publique est un acte collectif avec une certaine responsabilité.

2. Le 6 septembre 2004,
Laurent

Je sais bien que tu ne parlais pas de moi, c’est juste entré en résonnance avec certaines de mes préoccupations.

3. Le 6 septembre 2004,
Hoedic

> Ce qui donne l’envie d’avoir un blogue plus “privé”, plus intime

Je ne vais pas remonter dans tes archives mais est-ce que ce n’était pas le but d’Embruns par rapport au Navire ?

Enfin moi j’dis ça, j’dis rien…

4. Le 6 septembre 2004,
karl

trop tard Hoedic, c’est dit et en public :p

5. Le 6 septembre 2004,
Laurent

Hoedic &gt: Je me suis un peu écarté de ma feuille de route depuis.

6. Le 6 septembre 2004,
Thomas

> On a beau se réfugier derrière son carnet isolé derrière son écran, il n’en reste pas moins que la parole publique est un acte collectif avec une certaine responsabilité.

7. Le 6 septembre 2004,
Thomas

On a beau se réfugier derrière son carnet isolé derrière son écran, il n’en reste pas moins que la parole publique est un acte collectif avec une certaine responsabilité.

Comme c’est vrai… Pour référence : http://www.la-grange.net/2002/08/27.html

[la moitié de mon commentaire précédent a été emportée par une vague :-( ]

8. Le 6 septembre 2004,
nicky

“On prête trop au blogueur” ou ce sont seulement les blogueurs qui prêtent trop aux autres blogueurs ? ou ce sont les blogueurs qui veulent être prêter aux autres (à grand renfort de coups de sirène dès qu’on y prette un peu attention) ?

9. Le 6 septembre 2004,
Isabelle

Puis-je me permettre un long commentaire ici, plutôt qu’un billet ailleurs, pour rester dans le lieu du débat ? car il me semble Laurent, que tu es loin d’être le seul à te sentir concerné par cette question de responsabilité et d’anonymat :

La voix, la personnalité, l’intimité sont une composante importante du blog. L’intérêt d’un blog (à mes yeux) est d’entendre le mouvement de la pensée. Pourtant, je suis d’accord avec Karl, lorsque cette parole devient publique, il faut se poser la question de la responsabilité. S’il faut se censurer sur un carnet et céder à la langue de bois, le blog en perd tout intérêt, pour l’auteur comme pour le lecteur.

D’où la tentation d’écrire sous un pseudo et de trouver des hébergments en sous location qui préservent l’anonymat.

Je pense surtout qu’être libre sous une identité fictive, c’est n’avoir gagné qu’une liberté fictive. Cette liberté là est fantasmatique, elle reste à construire dans le réel.

Un blog est intéressant par la tension qu’il crée entre ces deux pôles. La nécessité de penser librement loin des contraintes officielles et professionnelles, et l’effort d’expression et d’argumentation, qui font que cette pensée peut être raisonnablement assumée par l’auteur, qu’il puisse un tant soit peu l’incarner, la réaliser, la partager.

Sinon on verse dans un jeu débridé d’affirmation de ses humeurs qui est parfaitement vain, y compris en tant qu’auto-thérapie. Le carnet qui devait être une quête, un espace de flottement et de doute bouillonnant où le sujet trouve une forme de ductilité, devient le lieu d’une pseudo-liberté assénée, figée, déréalisante et schizophrénique (“ici je suis chez moi, je fais ce que je veux et je vous dis M….”).

Karl dit : “J’ai souvent failli arrêter d’écrire ici, car mes mots devenaient trop importants, non par leurs valeurs intrinsèques, mais par leurs valeurs données une fois collectivement lus.”

et Laurent ajoute : “D’autant plus que l’on a pas le choix de son public, et aussi, que l’on peut parfois mal s’exprimer. On prête trop aux blogueurs.”

La question de savoir qui lit ou ne lit pas rééellement un blog et de quel crédit ce blog jouit dans le public, est-elle si importante ? Publier en ligne, c’est potentiellement être lu par n’importe qui.

Ce qui est important, c’est de créer un espace qui admet la convention d’une liberté raisonnée, c’est à dire une liberté constamment négociée avec soi-même et avec les autres.

Certains carnetiers utilisent un alias sans pour autant barrer l’accès au Who’s, c’est à dire au Nom qui les relie explicitement à la loi et à leur filiation biologique. Il me semble que c’est une assez bonne solution pour désigner un “genre”.

C’est juste une façon de distinguer des registres. Cela permet de créer une petite distance, donner du mou à l’imagination, mais ne pas couper le corps de ce qui fait loi. Autrement, on renonce à exercer une quelconque influence sur le réél et sur la loi. Et ça c’est le comble de l’aliénation!

10. Le 6 septembre 2004,
Steph

Les grands esprits se rencontrent? Isabelle: ce que tu dis résonne à mon sens avec ce que j’écrivais pas plus tard que hier à propos de l’anonymat du blogueur. Je crois que je me trouve en tout point d’accord avec toi.

11. Le 7 septembre 2004,
MGZA

:)

13. Le 18 février 2006,
Saturnin

Moi, je ne vois pas pourquoi on ne peut pas être à la fois anonyme, intimiste et responsable, comme je viens de m’en expliquer.

Blah ? Touitter !