Journal de bord

vendredi 24 octobre 2008

Anglicisme du jour

À chaque fois que je relève dans le journal une phrase qui sonne étrangement, principalement dans La Presse, c’est qu’un anglicisme s’y cache.

Plus d’un Québécois m’a dit “Oh vous, les Français, vous utilisez plein de mots anglais”… Et de ressortir la sainte trilogie stop, parking, shopping, et parfois “manager” ou “e-mail”. N’est pire aveugle qui ne veut pas voir, la langue d’ici comporte au moins 100 fois plus d’anglicismes qu’en France. Alors que dans la patrie de Molière, l’anglicisme se fait principalement lexical, il existe ici dans les formes les plus variées et sournoises : sémantique, syntaxique, morphologique, phonétique, etc.

Revenons donc à notre anglicisme du jour :

Ceux qui croyaient connaître le sort du Grand Prix du Canada ce soir resteront sur leur faim. Au retour de sa rencontre avec Bernie Ecclestone, la délégation québécoise n’a pas voulu élaborer sur les détails de sa discussion avec le patron de la F1.

[La Presse, Catherine Handfield : “Grand Prix du Canada: rien n’est réglé”.]

Aucun mot de la langue de Shakespeare, mais une monstruosité.

To elaborate: [ trans. ] develop or present (a theory, policy, or system) in detail: the key idea of the book is expressed in the title and elaborated in the text. — [ intrans. ] add more detail concerning what has already been said : he would not elaborate on his news.

1. Le 24 octobre 2008,
Nicolas B.

Evidemment, on te préviens trop tard, mais…

2. Le 24 octobre 2008,
Nicolas B.

Argh, on ne peut toujours pas corriger ses fautes après coup.

3. Le 24 octobre 2008,
Laurent Gloaguen

Corrigé. Vraiment mal fichu le site de Lewis Trondheim…

4. Le 24 octobre 2008,
fastclemmy

C’est effectivement la principale différence entre le québécois et le français de France. Nous importons directement les mots anglais dans notre vocabulaire, tandis qu’eux font une traduction littérale. Pourtant, bien souvent, l’équivalent existe déjà en français (ex: “Tomber en amour” sonne si merveilleusement québécois qu’on en oublie que c’est la traduction littérale de “To fall in love” au lieu de notre “Tomber amoureux”).

Nous importons certes des mots anglais dans notre vocabulaire. Mais on les prononce n’importe comment. Notre prononciation n’a plus rien d’anglais. Nous reprocher ces angliscimes est vraiment une histoire de paille et de poutre.

6. Le 24 octobre 2008,
Mox Folder

Ouais, moi on m’a parlé de “piétage” hier au boulot, il m’a fallu 1 min pour comprendre que c’était l’équivalent français de “footage” (en vidéo).

Laurent dans le même genre d’erreur syntaxique dont tu parles j’entend pas mal “J’assume que” utilisé dans le sens “je suppose que” ou “je présume que”… erreure qui vient là aussi directement de la définition de assume en anglais.

Y aussi “Prendre la chance”, pour “take the chance”…

7. Le 24 octobre 2008,
Marc

@Mox Folder : j’ai découvert aussi ce mot avant-hier… en visionnant un montage vidéo avec une foule qui passait en arrière-plan. Je pensais au début que piétage était synonyme de marche, manifestation ou un truc du genre… Mais au bout de quelques minutes, je trouvais que la manière d’utiliser ce mot ne collait pas avec l’idée que je m’en faisait. J’ai du demander que l’on m’explique, et ça a fait rire tout le monde. VDM.

8. Le 24 octobre 2008,
Marc

En passant, j’ajoute que je ne me ferais jamais au terme « inusité », qui ici, signifie inhabituel. Exemple : une température inusitée pour la saison.

9. Le 24 octobre 2008,
Jean

Est-ce pire que d’utiliser opportunité et pathétique n’importe comment ? … Plutôt que leur « traductions » occasion et pitoyable

10. Le 24 octobre 2008,
Bob

Son patronyme est « Handfield », sa langue maternelle n’est peut être pas le français…

Tu insistes sur le verbe élaborer mais c’est surtout les tournures de phrases qui rendent le texte incompréhensible à mon humble avis.

11. Le 24 octobre 2008,
Nicolas Le Gall

To cover for somebody -> couvrir pour quelqu’un (= remplacer quelqu’un)

12. Le 24 octobre 2008,
Franc belge

Je trouve assez comique de prononcer l’anglais « à la française ». Après tout, l’anglais du quinzième siècle (avant le Great Vowel Shift) ressemblait fort à ça.

13. Le 24 octobre 2008,
notafish

Il y a aussi “en charge de”. Qui m’énerve, qui m’énerve.

Mais mon plus beau souvenir du Québec, outre les panneaux “arrêt”, est cette phrase, fière de son non-anglicisme (ahem) :

“J’ai parqué (parké ?) mon char dans un stationnement.”

C’est lorsque je l’ai entendue que j’ai arrêté de penser que les Québécois étaient plus francophones que les français…

14. Le 24 octobre 2008,
Gwynfrid

Le côté positif, c’est la totale disparition des faux amis en anglais: definitely = définitivement, finally = finalement, eventually = éventuellement, actually = actuellement, etc.

Evidemment, tout ceci ce fait aux dépens du français. Bienvenue dans le monde de la langue minoritaire, avec les conséquences qui vont avec.

15. Le 24 octobre 2008,
Bob

@notafish : cette utilisation de verbe « parquer » est française, même si l’on dit plutôt « garer » dans le langage courant.

[TLFI] 3. [Le suj. désigne un véhicule] Stationner dans un parc, dans un parking. Descendons, dit Mrs Sytton. Il nous faut « parquer » par ici, loin du centre où le stationnement est tout à fait défendu (DUHAMEL, Scènes de la vie future, 1930 ds Lar. Lang. fr.).

16. Le 24 octobre 2008,
Putréfié

Ce qui est chiant, ce sont les faux anglicismes que les visiteurs métropolitains sont prompts à condamner lorsqu’ils nous rendent visite. Parce que des termes, parfaitement français, ont disparu de l’usage commun en France, nombreux sont les pédants impériaux à sauter sur l’occasion de nous corriger. Parquer, tel qu’évoqué plus haut, en est un bel exemple.

Il faut faire la distinction, et c’est d’autant plus difficile que les deux langues officielles se cannibalisent l’une l’autre, il n’est pas rare de rencontrer des termes français qui ont séjourné chez nos voisins anglophones avant de nous revenir. D’autres, sont restées en usage de ce côté-ci de l’Atlantique, phénomène favorisé par l’isolement géographique et culturel, alors qu’ils sont désormais considérés comme archaïques ou vieillis en France.

Soit dit en passant, “tomber amoureux” est d’un usage tout aussi discutable que “tomber en amour”. Un anglicisme français n’est pas moins un anglicisme qu’un anglicisme canadien…

17. Le 25 octobre 2008,
Jean

Oui Putréfié, ils sont chiants ces pédants… Sinon lorsque l’automobile n’existait pas, je suppose qu’on pouvait laisser son cheval dans un parc. Non ?

Faux amis : eventually : finalement ; finally : finalement ; definitely : finalement, en fait.

18. Le 25 octobre 2008,
notafish

@Bob Merci, j’aurais dû vérifier !

19. Le 25 octobre 2008,
tehu

Il y a quelques mois, j’ai lu sur cyberpresse un article sur le travail de Jean-Denis Gendron : Comment le québécois, en moins de 50 ans, est devenu un parler de plouc.

20. Le 25 octobre 2008,
Dominique

La thèse de Gendron est absurde et a-historique, le Canada n’a pas été peuplé seulement par des Parisiens cultivés : ils étaient plus que minoritaires dans la colonie. Le français de France ne s’est pas formé seulement à Paris et les changements qu’il observe sont en fait largement antérieurs à la Révolution française. Le passage de wé à wa par exemple date du début du moyen français pour l’est de la France (soit trois siècles d’écart et quelques centaines de kilomètres). On est juste en pleine mythologie québécoise où on se cherche des origines illustres, cela rejoint l’histoire des “Filles de France” qui sont toutes présentées comme issues de la noblesse désargentée. Si cela amuse les Québécois de se trouver des quartiers de noblesse, là où il n’y a que le commun, tant mieux pour eux ! Mais on n’a pas besoin d’être dupe de telles supercheries dignes de Clochemerle.

21. Le 25 octobre 2008,
Laurent Gloaguen

@Dominique : les provinces qui se veulent nation ont parfois besoin de mythologies pour se construire. ;-)

22. Le 25 octobre 2008,
samantdi

Cette discussion me rappelle les cours de phonétique historique et les manuels de François de la Chaussée. C’est une discipline passionnante (mais un peu aride).

23. Le 26 octobre 2008,
Putréfié

@Jean

Tout à fait juste. Avant que Ford ne crache sa formidable invention, la question de garer ou pas la calècle/diligence ne se posait pas, on laissait la bourrique piétiner les avenues jusqu’à plus-soif, il n’y avait plus qu’à l’attraper au galop et prendre place dans le plus tonitruant des “Iiiiiiiiiiaaaaaaaaahhhhh!”

Nostalgie, quand tu nous tiens…

Blah ? Touitter !

Paris Web 2008

Paris Web 2008.

[Une création SunFox — hé, Sunny, “J’y serai pas”, ce serait mieux ;-).]

1. Le 24 octobre 2008,
Xavier

“Je n’y serai pas”, même :)

2. Le 24 octobre 2008,
greg

Ah ben ca nous donnera l’occasion de nous croiser monsieur :)

3. Le 25 octobre 2008,
kuro.myopenid.com

Corrigé depuis :-°

Blah ? Touitter !