Journal de bord

jeudi 28 avril 2011

Futurs enseignants, illettrés et fraudeurs

Les futurs enseignants, toutes matières confondues, doivent passer un test de maîtrise et compréhension de la langue française appelé TECFEE, test de certification en français écrit pour l’enseignement. Ce test, composé d’une rédaction (350 mots) et d’un questionnaire à choix multiples (60 questions), est d’une redoutable difficulté comme en témoigne cet exemple :

Noircir la case correspondant à la bonne définition du mot autodidacte.

A. Qui se déplace par lui-même.
B. Qui s’instruit lui-même.
C. Qui se fait par soi-même.
D. Qui se sert de ses doigts.

Les étudiants sont unanimes : ce test est bien trop ardu en regard de leurs compétences. Des expressions rares comme “recueillir des lauriers”, “garder le cap”, “donner carte blanche”, “sans tambour ni trompette”, “marcher sur des œufs” ou “faire la pluie et le beau temps” n’allument aucune lampe dans leur cerveau. Il ne savent pas écrire des mots à l’orthographe impossible comme “habiliter”, “infarctus”, “artichaut”, “jument”, “hasard”…

Mais le Québécois est futé. Les futurs profs qui passent le test plusieurs fois de suite en raison de leurs échecs, se sont vite rendu compte que les mêmes questions revenaient souvent (il y aurait moins d’une dizaine de versions du test). Rien n’était alors plus simple que de se partager ces informations dans des forums, sur Facebook…

Les résultats de la montée en puissance de la triche ne se sont pas fait attendre : d’une année sur l’autre, le taux de réussite est passé à l’Université de Sherbrooke de 67% à 93%… [Source.] La journaliste Isabelle Pion concluant benoîtement : “Il s’agit d’une bonne nouvelle pour l’UdeS”. (Même progrès spectaculaire à l’Université du Québec à Rimouski qui passe de 25% en 2009 à 51% en 2010).

Peut-être une bonne nouvelle pour l’Université de Sherbrooke, mais assurément une inquiétante pour les parents qui acquièrent la certitude que les professeurs de leurs bambins seront probablement non seulement des illettrés mais également des tricheurs, ce qui tant pour l’apprentissage de la langue que de la morale pourrait être préoccupant.

Grâce à vous, je commence à sérieusement envisager l’enseignement à la maison pour mes futurs enfants. Si vous, les futurs profs, ne pouvez ni ouvrir les portes vers la richesse et la beauté de la langue française, ni piquer la curiosité pour la culture en général, pouvez-vous bien me dire à quoi vous allez servir ? À abrutir la prochaine génération ? Chapeau ! — Catherine Beaumier Lacroix, sur Facebook.

Pascale Lefrançois, directrice du Centre de formation initiale des maîtres à l’Université de Montréal déclare à la presse : “Il n’y a qu’un mot pour qualifier ça : plagiat. C’est très clair.” Aïe, même madame Pascale Lefrançois a des problèmes avec le vocabulaire français… Car il ne s’agit évidemment pas de plagiat, mais bien de triche, de fraude, de truandage.

Intrigué par cette affaire, je suis allé glaner quelques perles sur Facebook :

Nous avons eu les mêmes versions que lors de notre première passation. Alors, tout ce que les gens ont écris sur ce mur m’a été d’une grande utilité. Toutes les expressions et tous les mots de vocabulaires que j’avais dans mon examens avaient été mentionnés sur ce mur !! Merci à tous ! — Jean-Michel Lemieux.

Ce site fut réellement bénéfique! Tous les mots et toutes les expressions qui se retrouvaient dans l’examen avaient été partagés ici! ;) Beau travail à toutes et à tous!! Bonne continuité dans vos études et au plaisir de vous cotoyer dans le milieu scolaire! — Fanny Couture.

Merci à tout le monde pour vos réponses ici !! Un gros merci a jessica également !! LEs mots de vocabulaires !! IL y était toute !!! ENFIN TERMINER CE FOUTU EXAM x — Joannie Chouinard.

Je le fais dans 1h15 le TECFEE, je vous revient sur ce TEST qui ne sert qu’a faire de l’argent au gouvernement. On s’entend qu’on aura toujours un dictionnaire près de nous lorsque nous serons profs. On est pas des dictionnaires… — Nicholas Raymond-Giasson.

Je suis contre ce genre de test qui ne tient pas compte de la réalité linguistique actuelle. Ce n’est ni plus ni moins qu’un piège à con! — Jacques Labelle.

Je cherche la page avec les mots de vocabulaire pour l’examen, je le passe ce soir et j’aimerais bien y jeter un oeil. Merci. — Caroline Machabée.

Si, un jour, j’ai un élève qui m’écrit dans un texte qu’il “a fait des gorges chaudes de (quelquechose)”, je ne le félicite pas pour sa culture linguistique, je l’envoit voir un psychologue pour essayer de sauver sa vie sociale! — David Vigneault.

C’est qui le moron qui s’est dit: on va mettre quatre définitions pratiquement identiques et les étudiants devront deviner laquelle est dans le dictionnaire… WTF!!! — Charles Ménard.

Souvenirs de notre dernière passation… Baliverne: Propos furtile, sans intérêt. Éclectique: Qui emprunte des éléments à plusieurs systèmes. Comme si nous allions dire à des enfants du primaire: Bon aujourd’hui j’affirme de but en blanc que pour réussir votre test, vous devrez faire preuve de retors, car certains de vos questions sont éclectiques. Croyez-moi les enfants, ce n’est pas des balivernes… — Maryline Brousseau.

Ce qui me fâche le plus c’est que le fait que nous avons coulé à 68% Ne fait pas de nous de moins bonne enseignante.. Dans la vie on n’a le dictionnaire et jamais on va utiliser ces expressions et mots !! — Joannie Chouinard.

“Retors” lol. C’est tout ce que j’avais à dire!!! C’était un mot présent lors du test… — Alexandre Gareau.

Je ne me rappelle plus des autres phrase, mais voici la phrase fautive: “Apparamment, il y a beaucoup d’ours par ici, pourtant, je n’en ai pas vu aucuns. ” Il faudrait plutôt dire: j’en ai vu aucuns. — Joanie Laflamme.

Pas besion d’un bon francais pour réussir dans la vie!! mon arriere grand-pere était analfabet et il a élevé une grande famille de 21 enfants! Je peut bien réussir ma vit sans un bon francais! — Kevin Decosse.

Et lorsque nous enseignons, nous avons droit à nos outils(dictionnaire, bescherelle…) Alors qu’à l’examen, nous n’avons pas le droit de les utiliser!!! — Marieve Cote.

Farmé dont tous vos koliss de yeule bande de zouave! Qnaud on ne c’est pas de quoi on parle, et bien on passe son tour pour rabaisser les gens. Au lieu de continuellement insulter des étudiants, il y a un million de problème et de gens malhonnête seulement au Québec autre que l’entraide ( triche selon certain ) entre étudiants. — Nicola Centomo.

Question en bonus : définissez “affligeant”… a) Qui désole, déplorable. b) Marque de bière européenne. c) Réconfortant, réjouissant. d) Broche à foin.

1. Le 28 avril 2011,
Hoedic

Il faut voir le coté positif des choses: en trichant, ils apprennent! Peut-être qu’après avoir passé des heures à réviser leurs grattes, ils réussiront à se souvenir pour plusieurs années de signification de retors et les plus brillants utiliseront peut-être éclectique devant leurs élèves.

Je ne comprends pas que personne ne voit l’intérêt de l’entraide dans un tel contexte.

3. Le 28 avril 2011,
Pascale

Sur le coup j’ai cru qu’il s’agissait du CAPES français. Je suis rassurée ! (c’est de l’ironie bien sûr ;))

4. Le 28 avril 2011,
Christophe D.

De ce côté de l’Atlantique, je me souviens de ce blog dans lequel l’auteur se moquait régulièrement du niveau de ses élèves d’un collège en ZEP. Jusqu’au jour où les lecteurs ont découvert qu’il y avait plus de fautes dans l’énoncé d’un exercice que dans les réponses de l’élève incriminé : http://aucollege.over-blog.fr/article-19746350.html (voir les questions 5 et 7)

5. Le 29 avril 2011,
Ultimo

C’est démoralisant et triste ! J’ose espérer que Kevin Decosse et Nicola Centomo sont des humoristes d’entreprise en devenir …

6. Le 29 avril 2011,
Bezokov

Qu’est-ce que ça veut dire, “me^me” ?

7. Le 29 avril 2011,
Denys

Ah tiens, je découvre que Devine a réouvert un blog ; pas très actif, certes, mais c’est mieux que rien. Merci

8. Le 29 avril 2011,
Shardar

définissez “affligeant”…

b) Marque de bière européenne

Celle là est très drôle :D

9. Le 1 mai 2011,
Tom Roud

En même temps, est-ce que ces idiomes du français de France sont si courant au Québec ? La situation contraire serait amusante à étudier : allez demander à des Français de définir “pogner” par exemple…

10. Le 7 mai 2011,
Rutabuggueur

@Tom : Pogner ? Aucune idée (je suis français) !

Il faut déterminer la signification profonde des ces difficultés d’expression/compréhension du français. C’est un problème qui est loin d’être endémique au Québec, et qui est sans doute lié à la massification de l’usage des nouvelles technologies, qui modifient la grammaire, la syntaxe, le vocabulaire de la langue française, et plus généralement, l’aptitude à conceptualiser.

Le fait de faire passer ce test aussi tardivement interroge aussi sur le parcours scolaire des élèves au prélable, et sur les moyens mis en oeuvre pour les évaluer correctement, avant qu’il ne soit trop tard….

11. Le 9 mai 2011,
Arialia

Un peu étonnée qu’au Québec ce soit un qcm qui soit demandé comme test d’entrée … et une rédaction … même pas une analyse de texte ou une épreuve de philosophie ?

Enfin ahurissant pour ma part …. mais bon de ce côté de l’atlantique ce n’est pas toujours le nirvana que ce soit en orthographe ou sciences …

12. Le 19 février 2015,
tbh

Juste pour demander de l,aide, a savoir : comment réussir la deuxieme partie de tecfee ( redaction). Je l’ai composé deux fois, et chaque fois,je commets les memes erreurs c’est a dire 15/60 sur la partie orthographe, vocabulaire, etc. et 40/40 sur l’organisation du discours, la clarté, la sturcture. Merci

Blah ? Touitter !