Journal de bord

mardi 3 mai 2011

Bloquiste aigri

[…] Nous sommes maintenant un objet de rigolade pour tous ceux qui s’intéressent le moindrement à la politique. Un peuple de consanguins ayant opéré une gigantesque vague de droite adéquiste en 2007 pour ensuite, quatre ans plus tard, en opérer une de gauche pour le NPD. Nous sommes une farce, le summum du ridicule qu’on érige en désir de changement, celui d’un peuple de dégénérés tellement illettrés et abrutis que ceux-ci ne voient même pas la contradiction entre ces deux votes. Nous avons un tel désir, enfoui au fond de nous, de mourir, de crever de cette mort qui attend tous les peuples vaincus et qui ont cessé de croire en nous-mêmes, que nous avons rendu le Bloc Québécois, le seul parti qui nous défendait effectivement contre la nation canadienne, responsable d’un blocage qui était, dans le faits, celui d’une fédération incapable de satisfaire nos aspirations.

Méritons-nous encore de vivre et de survivre? J’en doute. Des individus me donnent envie de la croire. Mais une masse, la masse de l’ignorance qu’on confond avec la passion me laisse ce goût amer d’un venin qu’on a distillé dans nos veines depuis trop longtemps et qui a fini par gangrener jusqu’à notre capacité à nous imaginer libres. Notre choix ne semble plus se résumer qu’à un blocage permanent dans une fédération canadienne que nous n’avons pas le courage d’affronter, trop pleutres que nous sommes, ou à embrasser un parti typiquement canadien et tout à fait hostile à ce qui pourrait permettre à la nation québécoise de réellement s’émanciper.

Cette race de ti-counes, c’est la nôtre. Des ti-counes de classe mondiale, devenus la risée de la planète, ce peuple qui vit en suspens depuis une génération parce qu’il est trop peureux pour se donner un pays et trop stupide pour accepter consciemment sa propre disparition.

« La démocratie a parlé » a dit Gilles Duceppe avant d’annoncer sa démission. Oui, la démocratie a parlé. La majorité d’une race d’abâtardis par des siècles de colonialisme s’est mis à genoux devant la nation qui la domine et a décidé qu’il valait mieux laisser mourir ce que nous sommes que de vivre dans le blocage d’une résistance contre des valeurs qui nous sont contraires.

Louis Préfontaine : “Une race de ti-counes”.

(J’ai toujours trouvé idiot la stratégie, et l’existence même, du Bloc Québécois. Dans une perspective souverainiste, plus les intérêts du Québec seront mal défendus et foulés sur la colline parlementaire, plus les fameuses conditions gagnantes seront réunies au Québec.)

1. Le 3 mai 2011,
Guillermito

“la risée de la planète”, c’est exagéré. Je pense que la planète a d’autres chats a fouetter et se cogne un peu du Québec. Et puis ce monsieur devrait regarder vers la Catalogne pour se donner un peu d’espoir. Pendant quarante ans, il a été interdit aux catalans de parler leur propre langue. Aujourd’hui, la culture, l’identité et la langue catalane n’ont jamais été aussi fortes - au sein de l’Espagne.

2. Le 3 mai 2011,
karl, La Grange

Le problème se résume à peu près dans cette phrase :

le seul parti qui nous défendait effectivement contre la nation canadienne

3. Le 8 mai 2011,
atomicjonas

Je pense l’inverse de ce ‘bloquiste aigri’, je trouve plutôt rassurant de voir que les Québécois ne sont pas ‘endormis’, savent s’indigner et donner des coups de gueule électoraux lorsque les représentant envoyés quelques années auparavant n’ont pas ‘livré la marchandise’. Gilles Duceppe a raison, la démocratie a parlé et les bloquistes devraient plutôt faire une introspection sur leur raison d’être à Ottawa, au lieu d’accuser ces centaines de milliers de québécois qui ont voté NPD de ne rien comprendre… 20 ans d’usure pour le Bloc, il a défendu et défend peut-être les intérêts du Québec, mais les québécois aspirent à autre chose que de ‘bloquer’ le Canada, à passer outre l’éternel débat référendaire.

Blah ? Touitter !

Une chance souverainiste

Les résultats de l’élection parlementaire fédérale sont une chance réelle pour le souverainisme québécois. Nous avons aujourd’hui une Confédération canadienne binaire, avec un clivage gauche-droite clair comme il en existe dans la plupart des démocraties. Une bipolarité de la Chambre qui possède une traduction géographique : l’essentiel de la gauche canadienne, de l’opposition, est québécoise.

La chambre sortante était composée d’une droite idéologiquement libertarienne, assez alignée sur son homologue républicain du sud, les Conservateurs, d’un centre mou et inaudible, carbonisé par son passé au pouvoir, les Libéraux, et de bloquistes québécois sans couleur politique bien affirmée, un tripartisme d’où ne se dégageait aucune majorité. La nouvelle chambre voit les Conservateurs gagner enfin leur majorité, face à un parti clairement socialiste dans son programme (il est membre de l’Internationale socialiste), le Nouveau Parti Démocratique.

Un gouvernement Harper majoritaire va être synonyme de mesures inégalitaires et impopulaires, augmentant la tension sociale. Malgré son discours lénifiant de cette nuit, je ne crois pas que Stephen Harper soit en mesure de contrôler ses pulsions autoritaires et de mettre longtemps un bémol aux idées les plus radicales de son idéologie et de ses troupes. La naissance de la chaîne d’information SunNews, calquée sur FoxNews et créée par le Rupert Murdoch québécois, Pierre Karl Péladeau, est un symbole. Le Canada va prendre dans les quatre années à venir des teintes proches des États-Unis de George W. Bush. La radicalisation à venir du débat politique est inévitable.

La province du Québec a envoyé un message fort et entier au fédéral : nous avons le cœur à gauche et sommes massivement contre des politiques de droite dure calquées sur les Républicains américains. Notre projet de société est différent de celui qui s’exprime majoritairement dans les Restes du Canada. Certains analystes, souvent des souverainistes québécois, voient le Québec comme centriste, volage et inconstant, voire fantasque et inconsistant. J’imagine que c’est du dépit de voir une population frondeuse ne pas adhérer fermement à une coalition arc-en-ciel indépendantiste, mais je doute que l’on gagne des points en stigmatisant sa population. Le peuple québécois n’est pas le dernier à vouloir tester au pouvoir différentes options politiques, c’est le jeu même de la démocratie partout dans le monde. À gauche, à droite, au centre, la roue tourne, et dérape parfois aux extrêmes. Le pouvoir use, l’opposition se refait une santé, c’est le grand manège démocratique. Il n’y a pas de vice particulier qui se rencontrât dans la psyché québécoise qui ne puisse se retrouver ailleurs, et j’ai la perception que le Québec est sociologiquement solidement ancré à gauche, que le vote massif pour le projet socialiste n’est pas l’effet d’un caprice enfantin un peu méprisable, mais bien un signe. Que ce soit sur le mode vitriol d’un activiste comme Louis Préfontaine ou le mode douceâtre et infantilisant d’un Jean-François Lisée, je n’en reviens pas du mépris plus ou moins puissant affiché à l’égard du choix de l’électorat québécois.

Le Bloc Québécois vivait sur le mantra “nous protégeons le Québec”, sans proposer de vision de société bien définie, sans être porteur d’un grand projet politique (jouer au morpion opportuniste n’en étant pas un). À part bloquer, d’où son nom, c’était une force protectionniste négative, un poids mort. L’électorat semble avoir constaté l’inanité de cette stratégie politique. Je ne sais plus qui a dit que l’indépendance ne se ferait pas sur la Colline, c’est bien vu et les gens s’en sont peut-être enfin convaincus. Et quel bilan de l’action du Bloc au parlement un Gilles Duceppe fatigué et acrimonieux avait-il à présenter aux électeurs ? Un bilan bien faible, des résultats fort ténus noyés dans un rabâchage pénible. Des cohortes d’électeurs souverainistes ont voté NPD, pour la simple et bonne raison qu’ils ont compris que l’option Bloc au fédéral était une impasse, que ça ne servait à rien.

Mon analyse est simple : plus ça va mal dans le ROC, plus ça va bien pour le souverainisme au Québec. Croyez-moi, les Conservateurs majoritaires, ça ne peut pas bien se passer, et encore moins dans un Québec de gauche. C’est d’ailleurs une analyse partagée par les Libéraux quand Ignatieff martelait l’action contraire avec ses “Conditions gagnantes pour le Canada”. Le fédéralisme canadien est fragile, c’est une vieille porcelaine qui mérite de la délicatesse, et les Canadiens viennent de faire entrer un éléphant dans la boutique.

La principale condition gagnante pour le projet indépendantiste et mobiliser les foules, c’est la “Marde in the ROC”. Je crois qu’avec Stephen Harper, on tient un bon numéro.

1. Le 3 mai 2011,
vervilleguy

Restera à voir si ce clivage gauche-droite prendra vraiment racine. À voir comment se comportait Harper en situation minoritaire, il est fort à parier que cela renforcera le sentiment d’aliénation des Québécois. Mais ceux-ci bougeront-ils vraiment, euh, les plus américains que les vrais?

2. Le 3 mai 2011,
Magoua

10/10 messire Laurent, quoique je pense que le Bloc était au moins de centre-gauche. Sûr que les racines du NPD sont superficielles et leur percée me semble plus relever de la nouvelle saveur à la mode que de convictions partisanes au sens strict, mais elles marquent au moins un ancrage à gauche.

J’ajouterais à l’équation la profonde aliénation de l’Ouest face aux paiements de péréquation qui est une fissure encore invisible entre la droite modérée ontarienne et celle plus républicaine de l’Alberta. Je ne pense pas non plus que la présence du Bloc à Ottawa ait été si inutile: le camp souverainiste y a acquis une connaissance intime de l’appareil fédéral et des responsabilités qui lui sont associées.

Quant à l’attitude un peu méprisante des élites face aux choix du bon peuple, c’est aussi vieux que la politique elle même, en tous temps et en tous lieux. Me trompe-je ou on aurait entendu le même genre de choses autour du nonisme ? ;-)

3. Le 3 mai 2011,
Laurent Gloaguen

Je ne relèverai pas la dernière assertion :-)

4. Le 3 mai 2011,
Hoedic

C’est également ce type d’idée qui circulait entre mes deux oreilles tandis que se confirmait la débâcle libéro-bloquiste. Et malgré la poussée orange, l’important pour les années à venir demeure la majorité conservatrice clairement rejetée par le Québec et donc un antagonisme fort qui s’annonce. Bref avec le temps les réactions épidermiques du Québec à l’encontre du Canada risquent de croître avec le temps.

Même si mécaniquement cela va surement aider le mouvement souverainiste, il me semble que les tenants de cette option n’arrivent pas à créer un courant favorable. On parle de souveraineté pour la souveraineté mais aucun projet rassembleur. Donc même avec cette situation intéressante, je vois mal les politiciens actuellement en place capables de faire significativement bouger les choses.

5. Le 4 mai 2011,
Karl, La Grange

Et les écologistes ? Ils ont fait combien ? :)

6. Le 8 mai 2011,
atomicjonas

Habitant en France, j’ai suivi avec attention la campagne électorale, et hésitait à voter Libéral ou NPD, alors que j’ai voté Bloc dans le passé. Je voulais avoir un vote de gauche, qui bloquerait dans ma circonscription du Québec le Bloc ou les Conservateurs. J’ai finalement voté NPD par la poste, avant même la montée fulgurante du NPD dans les sondages!

Cette fois-ci, c’est l’Ontario qui s’est laissée convaincre par le message économique des Conservateurs et qui leur a donné la majorité qu’ils demandaient (une cinquantaine de sièges sur 308 viennent de l’Ontario). Les Libéraux n’ont pas su renaître de leurs cendres, avec le lourd passé qu’ils portent toujours (corruption) et un chef peu inspirant.

L’Ouest (Al-Sa-Ma) étant déjà acquis aux Conservateurs, le Québec s’est soulevé pour dire un grand ‘NON’ aux éternelles oppositions Québec-Canada avec le Bloc-Libéraux et a mis presque tous ces oeufs dans le panier de gauche du NPD, rejetant du coup la rhétorique Conservatrice.

Il sera intéressant de voir dans 4 ans si les Ontariens feront toujours aussi confiance au parti de droite… sachant maintenant que le NPD peut se présenter en tant que parti fédéraliste défenseur des valeurs canadiennes, en rechange aux Libéraux, et que les Québécois sont prêts à appuyer ce parti massivement. Après 4 ans à droite, le balancier risque de revenir à gauche (on le souhaite!).

7. Le 8 mai 2011,
Jujupiter

Les Québecois pourront faire ce qu’ils veulent, l’humanité leur en voudra pendant longtemps d’avoir engendré Céline Dion.

8. Le 11 mai 2011,
Karl, La Grange

Blah ? Touitter !