Journal de bord

dimanche 27 mai 2012

Un “putsch de gauche”

Le mouvement des étudiants et des casseroles vu par un chroniqueur du Journal de Montréal :

[…] Moi, j’y vois surtout l’aboutissement - pour l’instant - d’une campagne brillante, parfois violente, totalement cynique, entièrement démagogique, et non démocratique menée par une minorité de citoyens qui a pris la majorité en otage, et saboté nos institutions, pour obtenir ce qu’elle voulait.

Une minorité qui pense que la fin justifie les moyens - parce qu’elle est persuadée d’avoir raison dans son idéal révolutionnaire - peu importe ce qu’en pense la majorité.

[…] Il s’agit en vérité d’une minorité d’étudiants (qui dit parler au nom de toute une génération !) qui a pris le public en otage, défié une loi votée par un parlement démocratiquement élu, défié des ordres du tribunal, renié sa propre signature, refusé de condamner la violence, pour obtenir ce qu’elle disait réclamer : un gel de la hausse des frais de scolarité.

La démocratie repose sur un consensus de bonne foi. La police, le Parlement, ne peuvent la défendre quand un groupe déterminé prend les moyens pour empêcher un gouvernement d’appliquer une loi qu’il estime aller dans le sens du bien commun.

Et c’est exactement ce que le mouvement étudiant a fait.

Résister à ce putsch de gauche en ce moment n’équivaut pas à défendre le gouvernement Charest- mais plutôt les structures et la culture démocratiques sur lesquelles repose notre société.

Que ceux qui veulent vivre dans le genre de monde esquissé par la campagne des étudiants - nous méprisons le Parlement, les lois, les tribunaux. Nous savons qui sont les bons et les méchants et savons ce qu’il faut faire - que ceux-là tapent sur leurs casseroles.

Moi ? Non, pas vraiment…

Le Journal de Montréal, Benoît Aubin : “La gauche casserole”.

1. Le 27 mai 2012,
xave

Bâton mardeux

2. Le 28 mai 2012,
Laura

La fin veut tout dire… “Moi?” Moi, moi moi moi, moi je…

Blah ? Touitter !

Le rêve brisé de Jean Charest

[…] L’orgueil de Charest est touché. Il voulait passer à l’histoire comme PM du Canada, c’est raté, il ne sera que PM du Québec. Mais il n’a pas préparé d’héritage à ce titre. Après neuf ans, tout ce qu’il lègue est une commission d’enquête qui accentuera les mauvais souvenirs de sa gestion « intérimaire ». Pour se rattraper, il a un plan. Un Plan Nord. Un plan pour les gens de 20 ans! Mais ça lui prend une réélection pour en faire un héritage digne de l’Histoire. Il est coincé entre la commission d’enquête et les sondages. Mais il est un combattant d’expérience et avec un peu de chance et beaucoup de culot, il gagnera dans une course à trois.

Il n’avait pas vu les étudiants. Il les a ignorés car il était pressé de passer au dossier «réélection». Il n’avait pas vu leur détermination. Il a la sienne et il a la force du pouvoir et des sondages à la hausse. Il a vu que le temps passait. Il a précipité la police pour couper court.

Ce sera court en effet. Les sondages se défont, une ministre démissionne, le gouvernement est pris pour un abuseur. Charest le sait maintenant, il n’aura pas son quatrième mandat. Conséquemment, il ne pourra pas laisser son héritage digne de l’Histoire. Il aura raté et son rêve, et son « intérim ». Et dans sa tête, les étudiants sont coupables de ne pas avoir respecté son « timing » à lui. Les étudiants, ces gens de 20 ans, des blancs-becs quoi, l’ont mis en retard et lui ont fait manquer son train pour l’Histoire.

Charest ne serrera pas la main des étudiants. Son rêve détruit, il n’a plus rien à y gagner. Il a probablement déjà accepté un moratoire et laisse à son nouveau chef de cabinet et à la ministre Courchesne le soin de trouver une formulation qui permettra de sauver un peu la face.

Charest est ailleurs. Dans les jours qui viennent, vous le verrez reprendre sa bonne humeur, vous le verrez tourner la page. Il sera parti avant août.

PoliticoGlobe, Bertrand Lemire : “Pourquoi Jean Charest ne rencontrera pas les leaders étudiants”.

Une contestation de gauche

Intervention de Gabriel Nadeau-Dubois, le 7 avril dernier, lors du rassemblement “Nous ?”.

Oui, je m’appelle Gabriel Nadeau-Dubois, et depuis 54 jours, aujourd’hui, je suis en grève.

Depuis 54 jours, je suis en lutte. 54 jours de lutte, 54 jours de matraques, de gaz, de poivre, moi, mes amis, mes camarades, les étudiants et étudiantes du Québec. 54 jours de grève contre les libéraux, contre les boss, contre la police, contre les chroniqueurs méprisants.

54 jours et déjà, déjà, nous avons gagné.

Déjà, nous avons gagné contre le cynisme, déjà, nous avons gagné contre l’impuissance. Contre ceux qui disaient il y a quelques semaines à peine que le peuple du Québec était mort, que sa jeunesse ne valait pas mieux.

C’est pour ça, je crois, que je vais profiter de la tribune qui m’est offerte aujourd’hui pour remercier, chaleureusement, le premier ministre du Québec, M. Jean Charest. Merci M. Charest, vous nous avez donné une confiance inébranlable en nous-mêmes. Merci M. Charest de nous avoir montré ce que nous pouvions faire contre vous.

Mais maintenant, maintenant, vous êtes en sursis. Vous avez déclaré la guerre à une génération en entier.

Nous avons marqué le sol de l’histoire d’une marque indélébile. L’histoire du Québec dorénavant ne pourra plus se lire sans s’y arrêter.

Vous nous avez montré la violence de votre monde, pour nous permettre, peut-être, d’un peu mieux imaginer le nôtre. Parce que nous aspirons à plus qu’à votre monde qui meurt. Nous aspirons à plus qu’à votre éducation marchandise, qu’à vos écoles laboratoires, et qu’à votre société du Moi Inc.

Nous avons maintenant confiance en nous, nous avons maintenant confiance en l’histoire, nous avons confiance en nos camarades de classe. Nous avons confiance en notre peuple. Et il ne s’arrêtera pas là.

Notre colère, la colère étudiante, a déjà des échos aux quatre coins de la Province. Et déjà les oreilles de nos enfants, de nos nièces, de nos cousins, de nos cousines, en sont emplies.

L’école de la grève pour nous, ce printemps, aura été la meilleure des formations. Elle aura été gratuite en plus… L’école de la grève ce printemps aura été pour nous donc la meilleure des formations, une formation gratuite.

On a appris ce printemps, on a appris pour vrai. On a appris c’est quoi l’injustice, c’est quoi la violence, c’est quoi la violence d’un système. On a appris ça goûte quoi le poivre de cayenne, on a appris ça sent quoi les gaz lacrymogènes. Mais surtout, on a appris la résistance.

On a appris par centaines de milliers à se battre comme jamais on ne l’avait fait dans nos vies, comme jamais on ne l’avait fait dans l’histoire du Québec.

Notre grève, ce n’est pas l’affaire d’une génération, ce n’est pas l’affaire d’un printemps. C’est l’affaire d’un peuple, c’est l’affaire d’un monde.

Notre grève, ce n’est pas un évènement isolé. Notre grève, c’est juste un pas, c’est juste une halte, le long d’une route beaucoup plus longue.

Notre grève, elle est déjà victorieuse. Elle est déjà victorieuse parce qu’elle nous a permis de voire cette route-là, celle de la résistance. Il est là, le vrai sens de notre grève. 250 000 personnes, ça sort pas dans la rue parce que ça veut pas payer 1625$ de plus.

Il est là le sens de notre grève. Dans la durée, dans la poursuite demain de la désobéissance. Nous avons planté ce printemps les graines d’une révolte qui ne germera peut-être que dans plusieurs années.

Mais déjà ce qu’on peut dire, c’est que le peuple du Québec n’est pas endormi. Pas plus que ne l’est sa jeunesse.

Ils on peut-être les matraques les plus dures. Ils ont peut-être les armures les plus épaisses. Ils ont peut-être les plus grands journaux. Ils ont peut-être les portefeuilles les plus épais. Mais nous, nous avons le souffle le plus long.

Nous avons le courage des opprimés, nous avons la force de la multitude.

Mais surtout, surtout, nous avons, tout simplement, raison. On a raison de se lever. On a raison de crier. On a raison de manifester. On a raison de faire la grève. On a raison de bloquer l’entrée à nos CEGEP. De bloquer l’entrée à nos universités.

On a raison de ne pas se laisser impressionner par les injonctions d’un petit con qui a perdu son débat en assemblé générale et qui a des parents assez riches pour se payer un avocat. On a raison de se battre contre ça. Contre un monde…

On a raison de se battre contre un monde qui veut nous couper les ailles. Qui veut nous dresser à coups de dettes, puis à coups de travail.

Mais cette lutte-là, c’est pas seulement une lutte étudiante, en fait, ça ne doit pas être seulement une lutte étudiante. Parce que les gens qui veulent augmenter les frais de scolarité, qui vont augmenter peut-être les frais de scolarité, les gens qui on décider d’imposer une taxe santé, les gens qui ont mis sur pied le Plan Nord, les gens qui ont mis à pied les travailleurs et les travailleuses d’Aveos, les gens qui tentent de mettre à pied les travailleurs et les travailleuses de Rio Tinto Alcan à Alma, les gens qui tentent d’empêcher les travailleurs et les travailleuses de Couche-Tard de se syndiquer. Tous ces gens-là sont les mêmes. C’est les mêmes personnes, avec les mêmes intérêts, dans les mêmes groupes, dans les mêmes partis politiques, dans les mêmes instituts économiques.

C’est gens-là, c’est une seule élite, une élite gloutonne, une élite vulgaire, une élite corrompue. Une élite qui ne voit l’éducation que comme un investissement dans du capital humain, qui ne voit un arbre que comme une feuille de papier, et qui ne voit un enfant que comme un futur employé.

C’est gens-là ont un projet… C’est gens là ont des intérêts convergents, ils ont un projet politique convergent, et c’est contre eux que l’on doit se battre.

Pas seulement contre le gouvernement libéral.

Et je peux aujourd’hui vous transmettre le souhait, je crois le plus cher des étudiants et des étudiantes qui sont en grève actuellement au Québec, et c’est de servir de tremplin. Que notre grève serve de tremplin à une contestation beaucoup plus large, beaucoup plus profonde, et beaucoup plus, oui, radicale, de la direction que prend le Québec depuis les dernières années.

S’il y a une tradition québécoise à conserver, ce n’est pas la poutine ou la xénophobie. S’il y a une tradition québécoise à conserver, c’est celle que les étudiants et étudiantes du Québec sont en train de transmettre. Une tradition de lutte, de lutte syndicale, de lutte étudiante, de lutte populaire.

Et pour parler de cette lutte-là, je n’ai pas pu terminer mon mot aujourd’hui sans vous laisser sur les mots de Gaston Miron :

« Nous avançons, nous avançons, le front comme un delta. “Good-bye, farewell.” Nous reviendrons, nous aurons à dos le passé, et à force d’avoir pris en haine toutes les servitudes, nous serons devenus des bêtes féroces de l’espoir. »

Merci.

De Barthes au Web 2.0

Il est toujours utile de citer Roland Barthes, encore faut-il le comprendre.

Il y a encore des hommes pour qui la grève est un scandale : c’est-à-dire non pas seulement une erreur, un désordre ou un délit, mais un crime moral, une action intolérable qui trouble à leurs yeux la Nature. Inadmissible, scandaleuse, révoltante, ont dit d’une grève récente certains lecteurs du Figaro.

C’est là un langage qui date à vrai dire de la Restauration et qui en exprime la mentalité profonde ; c’est l’époque où la bourgeoisie, au pouvoir depuis encore peu de temps, opère une sorte de crase [contraction] entre la Morale et la Nature, donnant à l’une la caution de l’autre : de peur d’avoir à naturaliser la morale, on moralise la Nature, on feint de confondre l’ordre politique et l’ordre naturel, et l’on conclut en décrétant immoral tout ce qui conteste les lois structurelles de la société que l’on est chargé de défendre.

Aux préfets de Charles X comme aux lecteurs du Figaro d’aujourd’hui, la grève apparaît d’abord comme un défi aux prescriptions de la raison moralisée : faire grève, c’est « se moquer du monde », c’est-à-dire enfreindre moins une légalité civique qu’une légalité « naturelle », attenter au fondement philosophique de la société bourgeoise, ce mixte de morale et de logique, qu’est le bon sens.

Car ceci, le scandale vient d’un illogisme : la grève est scandaleuse parce qu’elle ne gêne précisément ceux qu’elle ne concerne pas. C’est la raison qui souffre et se révolte : la causalité directe, mécanique, computable, pourrait-on dire, qui nous est déjà apparue comme le fondement de la logique petite-bourgeoise dans les discours de M. Poujade, cette causalité-là est troublée : l’effet se disperse incompréhensiblement loin de la cause, et c’est là ce qui est intolérable, choquant. Contrairement à ce que l’on pourrait croire des rêves petits-bourgeois, cette classe a une idée tyrannique, infiniment susceptible de la causalité : le fondement de sa morale n’est nullement magique, mais rationnel. Seulement, il s’agit d’une rationalité linéaire, étroite, fondée sur une correspondance pour ainsi dire numérique des causes et des effets. Ce qui manque à cette rationalité-là, c’est bien évidemment l’idée des fonctions complexes, l’imagination d’un étalement lointain des déterminismes, d’une solidarité des évènements que la tradition matérialiste a systématisé sous le nom de totalité.

La restriction des effets exige une division des fonctions. On pourrait facilement imaginer que les « hommes » sont solidaires : ce que l’on oppose, ce n’est donc pas l’homme à l’homme, c’est le gréviste à l’usager. L’usager (appelé aussi l’homme de la rue, et dont l’assemblage reçoit le nom innocent de population : nous avons déjà vu tout cela dans le vocabulaire de M. Macaigne [Pierre Macaigne, journaliste au Figaro]), l’usager est un personnage imaginaire, algébrique pourrait-on dire, grâce auquel il devient possible de rompre la dispersion contagieuse des effets, et de tenir ferme une causalité réduite sur laquelle on va pouvoir raisonner tranquillement et vertueusement. En découpant dans la condition générale du travailleur un statut particulier, la raison bourgeoise coupe le circuit social et revendique à son profit une solitude à laquelle la grève a précisément pour charge d’apporter un démenti : elle proteste contre ce qui lui est expressement adressé. L’usager, l’homme de la rue, le contribuable sont donc à la lettre des personnages, c’est à dire des acteurs promus selon les besoins de la cause à des rôles de surface, et dont la mission est de préserver la séparation essentialiste des cellules sociales, dont on sait qu’elle a été le premier principe idéologique de la Révolution bourgeoise.

C’est qu’en effet nous retrouvons ici un trait constitutif de la mentalité réactionnaire, qui est de disperser la collectivité en

individus et l’individu en essences. Ce que tout le théâtre bourgeois fait de l’homme psychologique, mettant en conflit le vieillard et le Jeune Homme, le Cocu et l’Amant, le Prêtre et le Mondain, les lecteurs du Figaro le font, eux-aussi de l’être social : opposer le gréviste et l’usager, c’est constituer le monde en théâtre, tirer du monde total un acteur particulier, et confronter ces acteurs arbitraires dans le mensonge d’une symbolique qui feint de croire que la partie n’est qu’une réduction parfaite du tout.

Roland Barthes. “L’usager de la grève”, 1957.

L’otage de la grève revendique un malheur. Par la supplication feinte, le gémissement véhément, l’affliction démonstrative, il réclame l’estime et le respect de ceux qu’il combat et qui le privent de ses repères coutumiers. Il observe une stratégie de l’accablement. La pitié est son négoce. Son désir : l’inspirer afin de s’en prévaloir. Il s’arroge une faiblesse alors qu’il se trouve du côté du manche, du fort institutionnel. Il réagit par une sorte d’absence visible et mime ici où là, à doses homéopathiques, ceux qui le troublent sans le séduire, je veux dire ceux qui prennent des libertés avec un « savoir-vivre » et mettent à l’occasion les pieds dans le plat quand la cantine leur déplaît. Il est dans son rôle d’un champion du désespoir, interprété avec une assurance balbutiante dans les médias, « pour faire plus vrai ». Il s’évertue à produire de la mélancolie et porte sur son environnement limité le regard des chiens battus par d’autres maîtres que le sien, une mélancolie infinitive que des ministres conjuguent pour lui, car l’otage de la grève, en dernier ressort, est un légitimiste, comme l’est, par ailleurs, le petit actionnaire spolié.

L’Humanité, Denis Fernàndez-Recatalà, 10 juin 2003 : “L’otage de la grève”.

Nous avons au Québec une “matante des réseaux sociaux 2.0” qui ne cesse de chialer ces derniers jours. Et d’être “inquiète pour Montréal, pour le Québec et pour la démocratie”. Et de geindre “Nous vivons l’anarcho-syndicalisme”. Et de craindre “la Révolution communiste”. Et de glapir devant le Péril rouge. Et de se lamenter de la prise d’otages par des “wanabe terroristes économiques”, du bruit des manifestants comme de celui de l’hélicoptère de la police. Et de rouspéter qu’elle ne peut plus promener sa chienne tranquillement.

Et de citer Roland Barthes à contresens :

Barthes, L’usager de la grève : la grève est scandaleuse parce qu’elle ne gêne précisément ceux qu’elle ne concerne pas

Instrumentaliser les écrits de Barthes quand on porte la parole de la raison petite-bourgeoise, ce “mixte de morale et de logique qu’est le bon sens”… Ne reculons devant rien.

Oui, comme dans les années 1950, “Il y a encore des hommes pour qui la grève est un scandale : c’est-à-dire non pas seulement une erreur, un désordre ou un délit, mais un crime moral, une action intolérable qui trouble à leurs yeux la Nature.”

“Inadmissible, scandaleuse, révoltante” disaient certains lecteurs du Figaro. 55 ans plus tard, on lit toujours la même chose sous la plume des éditorialistes réactionnaires, comme Aubin au Journal de Montréal et tant d’autres ailleurs.

Michelle Blanc, grande théoricienne du Moi Inc. sur la Toile, à qui la seule vue de Gabriel Nadeau-Dubois pourrait déclencher de disgracieux érythèmes, ne fait que reproduire de vieux schèmes de la pensée bourgeoise et réactionnaire sous le masque d’une pseudomodernité conférée par les médias numériques. Toute sa carrière récente s’inscrit dans la promotion multimédia de l’ego ; il est bien certain qu’elle ne puisse ainsi se retrouver dans les valeurs portées par la jeunesse étudiante en lutte.

1. Le 27 mai 2012,
Marie-Aude

Pourtant tu es dans sa blogroll, au chapître “les copains” :D

2. Le 27 mai 2012,
Laurent Gloaguen

@Marie-Aude : nous entretenons de cordiales relations sado-masochistes, une vieille histoire :-D

3. Le 27 mai 2012,
a

Elle est fort sympathoche la Michelle. Pour le coté : “3615 code Ma Vie 2.0”….mais parfois…. Force est de constater, que malheureusement, ça manque de finesse tout ça…À l’heure des casseroles, elle commence à me les briser. Chère Michelle, je n’ai rien contre Charlotte. Pisse à elle sur le monde mais pas sur nos shoes!

4. Le 27 mai 2012,
Marie-Aude

@Laurent, je ne suis pas sûre de tout comprendre dans le web 2.0 ^^

Blah ? Touitter !

Un peuple dans la rue

1. Le 27 mai 2012,
xave

Putain, ce que j’aime les Québécois en ce moment…

Blah ? Touitter !

Lettre ouverte au Premier ministre du Québec

Monsieur le Premier ministre, je vous fais une lettre que vous ne lirez pas, quand bien même vous en auriez le temps.

Il y a dix ans, on m’a fait venir à l’Université de Montréal pour contribuer à l’excellence en enseignement et en recherche en bio‐informatique, un domaine émergent particulièrement important pour la médecine moléculaire. Pour me faire quitter mon poste de directeur de recherche au CNRS en France, on m’a offert une chaire de recherche du Canada, qui non seulement me fournissait des fonds pour effectuer mes recherches, mais aussi une prime de 30 000 $. Mieux encore, le gouvernement du Québec m’a exonéré d’impôt provincial pendant les cinq premières années. J’aurais dû me méfier, mais les scientifiques sont fort naïfs. Comment considérer qu’un gouvernement est sérieux dans son support à l’université quand il exonère d’impôts les plus riches, mon salaire étant en effet d’environ 100 000 $ ?

En fait, ces considérations financières avaient peu d’importance. L’excellence universitaire, exercice humain très demandant et très délicat, nécessite avant tout un cadre favorable. J’étais donc attiré par un environnement de recherche humainement riche au département de biochimie, et par le Québec, un pays démocratique, respectueux des droits, avec un enseignement de qualité, où il faisait bon vivre. Même si cette vision idyllique s’est un peu modifiée au fil du temps, je n’ai jamais envisagé de revenir en France. Non seulement j’ai payé mes impôts provinciaux avec plaisir il y a cinq ans, mais j’ai aussi choisi de transformer la prime en subvention de recherches pour recruter des étudiants supplémentaires. Bref, tout allait bien jusqu’il y a 100 jours.

Avant de revenir sur ces 100 funestes jours, je tiens à vous indiquer, Monsieur le Premier Ministre, en utilisant un langage économique que vous affectionnez, que mon retour sur investissement est excellent. Mon immodestie, qui est probablement la seule chose que je partage avec vous, n’en souffrira pas. Excusez-­moi pour la nécessaire technicité de ce paragraphe. Le principal critère pour évaluer la recherche fondamentale est le nombre de publications, surtout dans les meilleures revues scientifiques (seules les publications dans les revues Nature et Science sont prises en compte dans le célèbre, bien que critiquable, classement des universités réalisé, par exemple, par l’Université de Shanghai), et le nombre de citations. Avec une petite équipe et des moyens financiers relativement modestes, notre travail s’est traduit par quatre publications dans Nature et Science (l’Université de Montréal dans sa totalité en a publié 49 depuis 2003) et a reçu plus de 1000 citations en 2011. Demandez à vos experts, vous trouverez très peu de chercheurs au Canada, voire aux États-­Unis, ayant une productivité aussi grande, c’est-à­-dire un impact scientifique par dollar investi. Je pense donc avoir rempli ma part du contrat et contribué à l’excellence de la recherche scientifique québécoise.

Depuis 100 jours, tout a changé pour moi. Un mouvement étudiant, massif, démocratique, a soulevé une question primordiale, les frais de scolarité universitaire que votre gouvernement a décidé d’augmenter de 75% sur 5 ans, paraît-­il pour favoriser l’excellence dans la recherche. Faire payer aux étudiants la recherche de pointe, est-­ce une bonne idée ? 100 jours de grève étudiante et aucune négociation, ou si peu. Pire encore, 100 jours de grève étudiante et quasiment aucun débat sur cette question. Tout a été fait pour parler d’autres choses que de l’excellence en enseignement et en recherche. Est-­ce un boycott ou une grève ? Une vitrine brisée par ci, un parcours non annoncé par là. La condamnation de la violence par les associations étudiantes est-­elle suffisante ? En même temps, malgré des blessés graves, nous n’avons jamais entendu le gouvernement appeler à limiter la violence policière, j’y reviendrai.

Monsieur le Premier Ministre, pourquoi donc le Québec et le Canada recrutent­‐ils les chercheurs d’excellence préférentiellement dans des pays où l’éducation est gratuite, ou à tout le moins très peu chère, comme la France, la Chine, l’Allemagne, l’Argentine, l’Autriche, l’Inde ou la Russie ? Pourquoi les recrutements n’ont-­ils pas lieu dans les pays où les frais de scolarité sont très élevés, comme les États-­Unis d’Amérique ? Pourquoi ces mêmes États-­Unis sont-­ils contraints de recruter autant d’étudiants et de professeurs à l’étranger si leur système d’éducation très coûteux pour les étudiants est si performant que le Québec se doive de l’imiter ? Sans prétendre résoudre ce paradoxe, je peux apporter quelques éléments de réflexion. En transformant les étudiants en clients, on introduit plusieurs moyens de pression permettant de dégrader fortement l’excellence de l’enseignement, et par là même l’excellence de la recherche, qui rappelons-­le repose avant tout sur les étudiants. Les clients achètent leur diplôme, et ils s’attendent donc à l’obtenir, même s’ils n’ont pas le niveau. Ensuite, l’université a tout intérêt à garder ses clients, puisqu’ils constituent leur principale source de financement. La pression se transmet aux professeurs, qui doivent réduire le taux d’attrition au maximum. Dans ces conditions, pourquoi faire échouer un client à un examen, puisque cela réduirait les ressources de notre département et de notre université, allant à l’encontre de l’intérêt du professeur ? Les professeurs, qui, vous l’avez peut-­être oublié, Monsieur le Premier Ministre, sont avant tout des êtres humains, se trouvent tous les jours face à des étudiants, qui sont aussi des êtres humains, mais des êtres humains luttant pour survivre dans un monde où les richesses sont de plus en plus accaparées par une petite minorité. Comment, humainement, peut-­on refuser un cours à un étudiant sérieux qui a travaillé fort et qui s’est lourdement endetté, mais qui est juste en dessous du niveau requis pour satisfaire aux hautes exigences du savoir intellectuel actuel ? Comment peut-on, humainement, laisser un jeune avec une grosse dette et sans diplôme ?

Aucune des pressions induites par le clientélisme universitaire n’est à elle seule décisive pour dégrader la qualité de l’enseignement. Mais elles vont toutes dans ce sens et il y a fort peu mesure gouvernementale pour soutenir l’excellence dans l’enseignement, la bonne volonté des étudiants et des professeurs nous préserve, pour combien de temps encore, du naufrage. Aux États-­Unis, où les études sont très chères depuis longtemps, les notes finales d’un étudiant sont corrélées positivement avec le montant des frais de scolarité, est‐ce bien sérieux ! La dette étudiante y est actuellement de plus de mille milliards de dollars, et l’enseignement est déjà sévèrement dégradé. Une question cruciale est de savoir comment elle sera remboursée, si tant est qu’elle puisse l’être. Monsieur le Premier Ministre, oui, la question des frais de scolarité et de l’excellence universitaire est très complexe et ne peut pas se résoudre par une loi spéciale, mais par un large, long et difficile débat démocratique.

Débat démocratique, mais quel étrange concept viens­‐je d’évoquer ? La démocratie semble se résumer, pour vous, au seul dépôt dans l’urne d’un bulletin de vote tous les quatre ans. Mais comment croire que l’on puisse décider intelligemment de toutes les questions complexes auxquelles notre monde est confronté par un seul bulletin ? Quel n’a donc pas été mon désespoir quand une association étudiante, la CLASSE, a été vilipendée, insultée, traînée dans la boue parce que ses représentants respectaient le mandat qui leur avait été confié lors de votes démocratiques ! Quelle horreur, des élus qui refusaient d’abuser de leur pouvoir, qui refusaient de faire passer leur opinion personnelle en lieu et place de celle des gens qu’ils représentaient, et outrage inimaginable, osaient affirmer qu’ils allaient consulter leur base ! Monsieur le Premier Ministre, comment puis‐je accepter de voir ainsi bafouer les principes fondamentaux de la démocratie par un gouvernement censé oeuvrer pour l’épanouissement de la démocratie ?

La vraie démocratie, qui n’est pas la dictature de la majorité, doit mettre en oeuvre de multiples systèmes, des contre-­pouvoirs, pour garantir les droits de tout un chacun. Comment peut-­‐on respecter les minorités, si seul un vote tous les quatre ans est considéré comme suffisant ? Or, du fait du baby-boom, les jeunes, les étudiants, constituent une petite minorité au Québec. Il y a plus de personnes de plus de 75 ans que de jeunes de 15 à 19 ans, fraction de la population qui de toute façon n’avait pas le droit de vote lors des dernières élections. Il y a seulement 500 000 jeunes de 20 à 24 ans, mais plus de 2 millions d’aînés âgés de plus de 65 ans. Dans un tel contexte, et sans un long débat, quelle est la chance de faire passer l’idée d’études universitaires presque gratuites garantissant l’excellence de l’enseignement, alors que l’impact concret d’un tel choix servira l’intérêt des Québécois dans 10, 20 ou 30 ans, avant l’idée d’une baisse immédiate des impôts ?

Cent jours de lutte menée par des centaines de milliers de jeunes Québécois n’ayant comme seul pouvoir que des manifestations pacifiques et le sacrifice de leur propre session. Et quelles réponses le puissant gouvernement québécois a-t-il fourni ? Le mépris, l’absence de dialogue, la répression et maintenant une loi spéciale qui réduit la liberté d’expression de tous et qui laisse à la police, et bientôt peut-­être à l’armée, le soin de régler la question de l’excellence universitaire. Il n’est nul besoin d’être grand clerc pour imaginer la violente répression qui sera nécessaire pour arrêter un mouvement si profond, si massif, si motivé. Chaque fois que mes enfants, ou leurs amis, sortent le soir, c’est avec la peur au ventre que j’attends leur retour, sursautant à chaque coup de téléphone qui pourrait m’annoncer la perte d’un oeil, un traumatisme crânien, voir pire. Oui, je sais, la police fait un métier difficile, oui il y a de très rares casseurs qui veulent en découdre et se cachent parmi la foule, oui il y a maintenant beaucoup de fatigue. Les conditions sont réunies pour que de graves bavures se produisent. Monsieur le Premier Ministre, agissez pour qu’elles ne se produisent pas, soutenez les policiers qui font bien leur travail et condamnez ceux qui abusent de la violence, comme par exemple à la brasserie Saint-­Bock. Croyez-­vous vraiment que poivrer des touristes va permettre de recruter des chercheurs d’excellence et de former d’excellents étudiants ?

Cent jours de lutte à mains nues face à un pouvoir sourd, autoritaire et violent, peuvent-ils s’expliquer seulement par la question des frais de scolarité et de l’excellence universitaire ? Que Nenni. La jeunesse sent bien, voit bien que notre modèle de société est en train de s’effondrer ; tous les marqueurs sont au rouge : un environnement social dégradé, marqué par une montée indécente des inégalités ; un environnement biologique dégradé, avec une disparition accélérée des espèces et des écosystèmes ; un environnement physique dégradé, avec le réchauffement climatique et les multiples pollutions chimiques ; un épuisement généralisé des ressources, qui oblige à exploiter à grands frais les sables bitumineux, les gaz de schiste, les métaux au fond des océans ou dans le Grand Nord ; un système financier démesuré, mais qui ne survit qu’à force de subventions, générant une dette publique impossible à rembourser. Ces cent jours de lutte sont un extraordinaire cri de désespoir de notre jeunesse, désespoir qui s’est cristallisé sur la question des frais de scolarité, mais qui dénote un très profond malaise sociétal.

Le Québec est le premier pays riche à prendre massivement conscience du mur dans lequel nous sommes en train de nous enfoncer avant que la crise économique se manifeste de manière évidente comme en Grèce ou en Espagne. Monsieur le Premier Ministre, vous avez l’opportunité extraordinaire de disposer d’une jeunesse courageuse, innovante, politisée, prête à explorer un nouvel avenir qui nous fera éviter tous les graves dangers évoqués plus tôt. Ou alors, souhaitez-­vous choisir l’obstination, l’aveuglement, la répression, la violence et m’obliger à vivre dans un autre pays où la démocratie, l’éducation, la nature… bref : la société humaine, pourront s’épanouir ?


Hervé Philippe,
Professeur titulaire,
Chaire de Recherche du Canada en Bioinformatique et Génomique Évolutive,
Département de Biochimie – Université de Montréal.

Via La Lanterne.

1. Le 28 mai 2012,
Marie-Aude

Et puis j’ai trouvé ça aussi ^^ http://somadjinn.deviantart.com/art/Red-Quebec-Flag-304814884 (la licence est une “sorte” de CC BY NC ND SA … en tout cas tu peux le mettre sur ton blog si ça te plait)

2. Le 28 mai 2012,
Jean

Une belle lettre et un beau drapeau (Marie-Aude).

3. Le 28 mai 2012,
beldeche

Je suis dubitatif.

Accepter la rémunération, les exonérations d’impôts et les moyens de travail supérieurs aux pays où les études sont bon marcher, découvrir et accepter le système qui le finance, y participer activement en donnant des diplômes à des gens qui n’ont pas le niveau.

Finalement, se rendre compte jusqu’où peut aller un tel système et s’en désolidariser mais sans en remettre en cause le cadre dans lequel on évolue et les avantages dont on dispose. Il y a un problème de cohérence.

4. Le 28 mai 2012,
Jean

@ beldeche

De toute évidence il s’agit de la critique d’un système que l’on souhaite instaurer et qui n’est pas déjà à l’œuvre. Sur le même thème lire Le Monde : Pourquoi Harvard ne fait pas rêver ?

5. Le 28 mai 2012,
Benoît Granger

Après ma brève expérience d’enseignant dans une grande école parisienne, je ne suis pas choqué par les “problèmes de cohérence” du texte d’Hervé Philippe, mais plutôt admiratif !

Je suppose qu’il ne compte pas changer à lui tout seul le système Nord américain… Mais c’est vrai que si les étudiants Québecois gagnent, ce sera un signe positif dans la lutte entre deux systèmes antagonistes, avec plein de nuances au milieu…

  • soit faire payer très cher, au cout de production, des étudiants qui se comporteront comme des clients (certaines grandes écoles en France ne sont pas très éloignées de ce modèle…). Mais les autre conséquences sont dramatiques : la contrainte de trouver du boulot en vitesse, car les dettes n’attendent pas ; etc. Ou alors sélection par les familles riches !

  • soit mixer les droits d’inscription et les ressources du mécénat public et privé, qui garantissent, un peu, l’égalité d’accès.

Il me semble que l’un des problèmes du modèle américain est de vieillir sur un schéma qui ne fonctionne plus.Hors les Harvard, Standford, Ivy League (qui produisent surtout de la solidarité de classe), le niveau moyen de l’enseignement supérieur est à la fois minable ET très couteux ! Et ce ne sont pas les bourses privées qui compensent ces handicaps —contrairement à une légende vieillissante également.

Donc le mixage seul garantit une certaine qualité, mixité, ascension sociale possible… Mais il reste à régler, entre autres, les questions de compétition et de ses critères : car celle ci est un moteur sans doute indispensable ! H Philippe ne les traite que de façon allusive : en commençant par ses titres de gloire ; et il a parfaitement raison !

6. Le 29 mai 2012,
Karl, La Grange

@Jean et en France, école centrale, polytechnique, etc. ainsi que tout la ribambelle d’écoles privées ne font pas rêver non plus.

7. Le 30 mai 2012,
Jean

@ Karl

Peut-être mais l’enseignement n’y est pas distillé sous les auspices du clientélisme et il est gratuit. Pire encore pour un libéral, les étudiants y sont rémunérés ; 700 € par mois pour un polytechnicien ! C’est bien là le propos de l’article du Monde qui concerne plutôt l’université en général. Il est peu pertinent de faire un parallèle entre les grandes écoles en France et les université des États-Unis où il n’existe pas d’établissement de ce type.

8. Le 30 mai 2012,
beldeche

@Jean Oui, il n’est pas question ici de grandes écoles mais d’universités et d’excellence universitaire.

La conception française (mais aussi d’autres pays) de l’université, c’est l’ouverture à tous, sans contrainte d’assiduité, avec des frais minimum et avec un diplôme sanctionnant un niveau. Le niveau d’excellence est assuré par l’universalité de l’accès sans contrepartie.

La conception du Québec, ce sont des frais d’inscription déjà élevés avec pour effet présent que certains élèves n’ayant pas le niveau sortent avec le diplôme. Le niveau d’excellence est partiellement assuré par l’attractivité des moyens fiscaux ainsi que des moyens de recherche.

En acceptant ce poste, l’auteur a fait un compromis, il a pris ses distances avec les valeurs de l’université française pour pouvoir disposer de moyens de recherches supérieurs. Il a vécu au moins 5 ans, c’est un système qu’il cautionnait jusqu’à il y a 100 jours. Je le comprends, il est transparent et je le crois de bonne foi.

Mais aujourd’hui, il vient fortement défendre les étudiants sur des questions humaines qui forcément trouvent un puissant écho en France. Et pourtant, il ne remet pas en cause son statut et c’est là que j’ai un doute. J’ai côtoyé trop d’enseignants-chercheurs français pour adhérer spontanément à cette position.

9. Le 31 mai 2012,
Jean

@ beldeche

Nous ne parlons pas du même auteur. Je fais référence à celui qui a écrit l’article du Monde que j’ai laissé en lien : Emmanuel Jaffelin, agrégé de philosophie, enseignant au lycée Lakanal. Auteur d’un Petit éloge de la gentillesse (François Bourin Editions) et qui ne s’est pas expatrié.

Pour en revenir à Hervé Philippe, je ne pense pas qu’il soit pertinent de le juger après coup, une fois que la crise est là. Celle-ci est un élément moteur du social, expose une problématique et pousse chacun à s’interroger, à se poser des questions, force l’analyse.

Comme tout le monde Hervé Philippe a méné sa vie professionnelle dans le cadre qui lui était offert. Même critique de l’organisation de l’enseignement, il n’avait ni raison ni les moyens d’aller se battre contre des murs. Une fois la question du financement de l’enseignement supérieur (et plus) révélé par la crise, avec le retour du collectif et du choix de société, tout change et chacun est alors investi du pouvoir et de l’efficacité de la multitude. Alors je ne vois pas pourquoi il ne serait pas sincère dans l’analyse qu’il nous présente dans son article.

Blah ? Touitter !

Le mépris

Au milieu des nombreuses poubelles malodorantes qui empuantissent l’air au Journal de Montréal, il y a “Glade® Brume odorante sur demande” qui vous accueille avec un parfum frais Jean Barbe :

Dès le départ de la grève étudiante, il a fait comme s’ils n’existaient pas. Il a fermé les yeux et les oreilles. Il les a laissés crier, en se disant qu’ils finiraient bien par se fatiguer et se rendormir.

Mais ça n’a pas marché.

Alors il a tenté de les ridiculiser, les a traité d’enfants gâtés. Il a voulu faire de leur grève un boycott. Il n’a pas voulu discuter, il n’a pas voulu dialoguer, les yeux dans les yeux. Il a préféré continuer à les regarder de haut.

Nous étions 200 000 dans les rues, le 22 mars. Il n’a pas bronché.

Il a voulu les diviser. Il a encouragé ceux qui avaient voté contre la grève à demander des injonctions et à retourner en classe malgré le vote démocratique des assemblées étudiantes, et sous escorte policière. Mais les étudiants ont maintenu la ligne, et les cours ne se sont pas donnés, et ce sont les policiers qui ont fini par reculer.

Nous étions 300 000 dans les rues, le 22 avril. Il n’a pas bronché.

Il a joué de stratégie, jamais de franchise. Il a gardé les yeux tournés vers le Nord, qu’il veut vendre au plus offrant, tandis que dans le sud des manifestations tournaient aux arrestations de masse. Des milliers. Mais d’autres milliers se joignaient à eux. Pour chaque coup de matraque, pour chaque jet de poivre, pour chaque arrestation arbitraire, d’autres décidaient de lâcher leur confort pour venir appuyer cette jeunesse qui n’a pas peur.

Alors il a décidé de se voter une loi spéciale, qui menaçait de disparition le mouvement étudiant en guise de représailles. Qui suspendait le droit de manifester spontanément. Qui voulait museler. Qui voulait éteindre le feu.

Nous étions 400 000 dans les rues le 22 mai.

C’est un peuple qui dit non à la loi spéciale. Pas un mouvement étudiant. Tout un peuple qui se lève et tape sur ses casseroles, le soir, pour dire non au mépris, au «business as usual», aux politicailleries.

Après trente ans de néolibéralisme pour seul horizon, d’autres façons de voir le monde et son économie percent maintenant le mur de l’indifférence. Après 30 ans de cocooning et de chacun pour soi, de matraquage publicitaire et de déboires boursiers, dans le vacarme du tintamarre, c’est la voix d’un peuple qui se fait entendre à nouveau.

Ce peuple, Monsieur Charest, que vous avez aimé petit, silencieux, manipulable, effrayé. Émietté.

Ce peuple, vous l’avez réuni en le méprisant, vous lui avez redonné une voix en ne l’écoutant pas. Vous l’avez fait se soulever en cherchant à l’écraser.

Ce peuple, Monsieur Charest, est désormais trop grand pour vous.

Journal de Montréal, Jean Barbe : “Un peuple trop grand pour lui”.

1. Le 28 mai 2012,
Thierry

First they ignore you, then they laugh at you, then they fight you, then you win attribué à Ghandi sans garantie…

Blah ? Touitter !