Journal de bord

mardi 18 septembre 2012

Chancissure française

J’ai souvent dit que la France était moisie. Cela procède d’un manque d’aération, car ses élites y pratiquent trop volontiers l’autarcie intellectuelle.

Nous avons une occasion supplémentaire d’observer ce processus dans le pseudodébat de société autour du “mariage gay”, de voir qu’à nul n’advient l’idée de regarder ce qui peut bien se passer hors des frontières de l’hexagone.

Lorsque le Cardinal Philippe Barbarin nous explique que “C’est une rupture de civilisation de vouloir dénaturer le mariage qui est depuis toujours une réalité merveilleuse et fragile”, on ne peut qu’être saisi de cette stupéfiante niaiserie. Des observateurs nous assurent pourtant que ledit cardinal serait un “homme fin et intelligent”, ce qui démontre le peu d’exigence qu’ont certains en matière de finesse intellectuelle.

Déjà, nous noterons que le mariage n’a, en aucun cas, été depuis toujours “une réalité merveilleuse et fragile”. Le mariage a toujours été un contrat en vifs de nature plus ou moins coercitive pour l’une des parties, une quasi-servitude légale, et j’ai des difficultés à percevoir quelconque merveilleux dans la situation de la fille du charcutier qui fut mariée au fils du boucher dans l’intérêt économique bien compris des familles, ou les innombrables mariages en milieu rural qui furent décidés principalement en fonction du cadastre sans laisser la moindre liberté aux tourtereaux. Dans d’autres sphères, lorsque l’on observe les mariages pour des raisons dynastiques, au fréquent mépris de la génétique, il est également difficile de percevoir quelconque “réalité merveilleuse et fragile”.

Lorsque Louis fourrage sa cousine Marie-Thérèse, peut-être devant témoins, alors qu’ils ne se connaissent que depuis trois jours, mais avec la bénédiction de l’Église et pour sceller le rapprochement de l’Espagne et de la France, personne ne pourra prétendre que nous nageons là dans le plus pur des romantismes.

Et si nous remontons loin, c’est à dire avant l’existence du christianisme, le mariage n’était de nature guère différente. Car, et certains l’oublient un peu vite, le mariage n’est en rien une invention chrétienne. Mariée à douze ans avec un vieillard sénile pour des motifs purement socio-économiques, les cathos n’ont fait que reprendre d’anciennes coutumes de la Grèce et de Rome et ce n’est pas la sagesse du Christ qui fit de ses officiers des ardents promoteurs de la sortie de la femme de son statut d’éternelle mineure. Je rappelais récemment comment l’Église catholique s’était opposée jusqu’au milieu du siècle dernier au suffrage féminin…

Donc, de l’intemporelle nature merveilleuse et fragile et du mariage, nous ne pouvons que pouffer.

Enfin, de la “rupture de civilisation”, revenons-en. D’autres, moins téméraires, nous parlent de “déstructuration de la société”. Sortez de vos frontières, les homosexuels se marient depuis des années dans bien des pays, dont le mien, et on n’y voit nul indice de fin du monde, l’impact sur la société en général est pour ainsi dire inexistant, si ce n’est que les gens se disent qu’ils vivent dans un pays moderne, ouvert et tolérant, libéré du joug des puceaux rétrogrades habillés de robes et de dentelles.

Pour ce qui est du volet “parentalité homosexuelle”, elle existe et existera toujours, mariage ou pas. Elle fait même partie de la soi-disant “loi naturelle” si on en juge au comportement de certains singes et pingouins… Revenez-en là aussi.

Les contours de la famille ont évolué, les mentalités onT changées, et les homosexuels n’y sont pour rien. Par exemple, ce n’est la faute des gays si tant d’hétéros préfèrent les contrats d’union civile, moins pesants et plus facile à dissoudre, au mariage.

Le mariage est un contrat civil, très encadré par la loi, entre deux personnes. Y mettre des conditions de sexe est discriminatoire. Il n’y a pas d’autre analyse possible.

L’abolition de l’esclavage comme le suffrage des femmes, ou encore le droit à l’avortement, n’ont pas entrainé la fin du monde. Il en est de même pour le mariage homo. Il se trouve que la France n’a jamais été la première sur ces questions, étouffée qu’elle est de ses intellectuels poussiéreux, de sa culture catholique, de son indécrottable passéisme et de son épouvantable nombrilisme.

Ouvrez les fenêtres, faites entrer l’air, ça pue le moisi chez vous.

1. Le 18 septembre 2012,
Krysalia

c’est rigolo d’ailleurs parce que finalement, les raisons pour lesquelles il n’aurait jamais fallu accéder à ces progrès - selon les puceaux en dentelles dont tu parlais - sont toujours les mêmes, les arguments toujours taillés selon les mêmes principes.

  • l’abolition de l’esclavage : C’est dangereux car cela va exposer des gens faibles d’esprit et de nerfs aux complexités de la vie citoyenne, qu’ils ne sont pas capables d’appréhender correctement. c’est une loi naturelle qui a fait cette hiérarchie et c’est la bouleverser que de vouloir faire des esclaves les égaux de leurs maîtres. Si on autorise ça on va bientôt voir accorder des droits aux animaux comme celui d’héritage ou voir interdire les animaux d’élevage.

  • le droit de vote des femmes : c’est dangereux car cela va exposer ces femmes faibles d’esprit et de nerfs aux complexités de la vie citoyenne, qu’elles ne sont pas capables d’appréhender correctement. C’est une loi naturelle qui a fait cette hiérarchie et c’est la bouleverser que de vouloir faire des femmes les égales de leurs maris. Si on autorise ça on va bientôt voir accorder des droits à des animaux comme le droit d’être élu ou celui de voter.

  • le mariage entre gens de couleur différente : c’est dangereux car cela va exposer des enfants faibles d’esprit et de nerfs aux complexités de la vie auprès des racistes qui vont leur faire des réflexions tous les jours, et ils ne sont pas capables de l’appréhender correctement. C’est une loi naturelle qui a fait que les gens sont d’une race ou d’une autre et c’est la bouleverser que d’autoriser n’importe quel mélange de couleur. Si on autorise ça on va bientôt autoriser des humains à se marier avec des animaux.

  • le mariage pour tous : c’est dangereux car ça va exposer des enfants faibles d’esprit et de nerfs aux complexités de la vie auprès des homophobes qui vont leur faire des réflexions tous les jours, et ils ne sont pas capables de l’appréhender correctement. C’est une loi naturelle qui a fait que les gens s’unissent quand ils sont de deux sexes différents et c’est la bouleverser que d’oser autoriser qu’on s’unisse “de même sexe”, si on franchit cela on va bientôt autoriser les gens à se marier à plusieurs, autoriser l’inceste ou alors le mariage avec des animaux.

  • le divorce : c’est dangereux car ça va exposer femmes et enfant faibles d’esprit et de nerfs a l’opprobre publique et au dénuement qui va suivre le manque de père dans le foyer. Ils ne seront pas capables d’appréhender ça correctement. c’est une loi naturelle qui a fait que les familles doivent rester unies du premier au dernier jour et c’est la bouleverser que d’oser briser une union pour des convenances personnelles. Si on franchit cela on va bientôt autoriser les gens à coucher sans se marier ou pire, avoir des enfants hors des sacrements du mariage, voir de se remarier autant de fois qu’ils le souhaitent et on détruit l’image sacrée du sacrement du mariage. (ah, tiens, le divorce ne concerne pas les animaux pour une fois :D.).

  • l’adoption d’enfants par les homosexuels reçoit les mêmes critiques que pour l’adoption par parent isolé, ou l’adoption par une personne obèse, ou l’adoption dans un couple mixte : la situation “spéciale” dans laquelle ça plongerait l’enfant est trop dangereuse pour son bien être, il ne saurait pas gérer ça en terme d’image et ça perturberait son développement… Autant pour toutes les mères obèses et/ou célibataires, tous les couples mixtes, qui ont élevé des enfants depuis que le monde est monde oO… (et autant pour tous les enfants de couples homo qui vont très bien, merci, depuis que le monde est monde aussi !)

en gros merci les cathos, mais on va éviter de prendre des conseils de société de la part de gens qui n’ont jamais vécu en couple, jamais construit de famille (et dont on espère bien qu’ils n’approchent jamais d’enfants :/…).

C’est quand même étonnant qu’aucun d’entre eux ne se dise “hm… mince, ces arguments là ça fait 30x qu’on les sort à l’identique et ça n’a jamais été vrai. Je pense qu’il vaut mieux qu’on change de chanson ou qu’on se taise là”. Je veux dire, même les témoins de Jéhovah ont arrêté de dater la fin du monde après s’être gourés deux fois, mais les cathos eux, rien ne les arrête on dirait (c’est même à ça qu’on les reconnaît :D) !

2. Le 18 septembre 2012,
manur

Je ne suis pas sûr qu’il y ait beaucoup d’intellectuels opposés au mariage pour tous. Même les pas spécialement progressistes se gardent bien d’émettre un avis sur le sujet, voyant bien que la fin de la ségrégation est inévitable. Je ne pense pas qu’on puisse considérer un vieil archevêque sénile et lubrique comme un intellectuel… En l’occurrence, le problème provient beaucoup plus à mon sens d’un manque de courage absolu de la plupart des hommes politiques, et d’une démagogie satisfaite (on dit “décomplexée” je crois de nos jours) de la majorité de la presse. Le catholicisme n’a qu’une influence très restreinte sur l’opinion publique, et c’est très bien comme ça.

Je ne pense pas non plus qu’on puisse en conclure que la France est “moisie”. A ce compte là, on peut prendre n’importe quel pays et trouver des arguments démontrant son inanité étouffante. Je laisse la démonstration en exercice au lecteur, ce n’est pas très difficile : pour le Québec, pour les Etats-Unis, pour d’autres qu’il connaît, etc. Ce qui ne veut pas dire que, spécifiquement, l’immobilisme des élites ne soit un gros problème en France. On ne peut pas dire qu’en 5 ans, Nicolas Sarkozy se soit franchement attaqué à ce problème, en dépit de son réformisme verbal et gestuel. C’était la litote du jour.

3. Le 18 septembre 2012,
Eric

Trollons et caricaturons un peu : peut-on se prévaloir du terme de « puceaux rétrogrades habillés de robes et de dentelles » après des relations pédophiles ou le terme pourceaux serait-il plus approprié ? Plus sérieusement, le truc le plus effarant à mon sens, c’est l’attitude vis-à-vis de l’homoparentalité avec une totale négation d’une situation qui existe déjà, et ce depuis fort longtemps. On parle de 100 000 à 300 000 enfants (ce qui me semble beaucoup mais ce n’est pas le fond du problème…) concernés en France, et donc quasiment autant de familles auxquelles il est urgent de donner un statut et les droits afférents. Mais précisément au nom des droits (fantasmés ?) de l’enfant, on balaie le débat d’un revers de la main en faisant comme si ça n’existait pas déjà.

4. Le 18 septembre 2012,
ossobuco

La mésaventure de Louis et de Marie-Thérèse rappelle le mot de cet autre moisi français, Cartier (Raymond, pas Jacques) : « La Marie-Thérèse avant les gens baise ». Faut que je sorte ?

5. Le 18 septembre 2012,
foo

Aux parallèles pertinents de Krysalia, j’ajouterai le cas des pays vivant sous dictature, dont il faudrait redouter les tentatives d’accès à la démocratie “parce qu’ils vont élire des fanatiques religieux”. Autrement dit, ces gens faibles d’esprit et de nerfs ne sont pas capables d’autodétermination.

En France, en 1789 on a renversé l’Ancien Régime, pour y mettre quoi ? La Terreur, puis l’Empire, puis de nouveau des monarques, au pouvoir de moins en moins absolu, en gros jusqu’à 1871. Autrement dit, il nous a fallu 80 ans pour arriver à un état relativement démocratique et stable. Dit-on pour autant que 1789 fut une erreur ? Il a bien fallu commencer quelque part.

6. Le 19 septembre 2012,
Marie-Aude

Pour ceux qui s’intéressent à l’histoire de la “réalité merveilleuse et fragile”, je conseille “Le Harem et les Cousins” de Germaine Tillon. Où comment le choix entre nomadisme et agriculture influe sur la structure conjugale de la société, ce qui prouve à quel point le romantisme était absent d’un contrat qui a quelques milliers d’années derrière lui…

7. Le 19 septembre 2012,
soph

En fait le même débat a lieu actuellement en Australie. Ils en sont un peu plus loin (débats au parlement fédéral) et les mêmes arguments moisis et homophobes sont de sortie.

8. Le 19 septembre 2012,
franCk

@ossobuco : le wikipedia de Raymond Cartier (éclairant le lapeuprès) me semble bien hagiographique - les moisis (et sous terre) ont des groupies…

9. Le 19 septembre 2012,
jid

Faisons simple: * création d’un contrat (donc économique) d’union civile * fin de la soumission du mariage religieux à un quelconque “mariage” civil

10. Le 19 septembre 2012,
Laurent Gloaguen

Pourquoi pas… Le terme “mariage” gêne certains, alors plutôt que de se battre pour des mots.

11. Le 20 septembre 2012,
soph

Vote hier au parlement australien : 98 contre, 42 pour. Alors que ce même parlement a reconnu un support de 64.3% des australiens au “same-sex marriage” après une consultation faite à sa demande. Yuck.

12. Le 20 septembre 2012,
Virgile

Au contraire, je trouve le mot mariage important. L’avantage de ce mot, c’est qu’il est universel : il n’existe probablement pas une culture au monde où on ignore ce que c’est, ce que ça représente, ce que ça sous-entend, ce que ça véhicule comme valeurs, traditions, etc.

Créer un contrat d’union civile dans la loi française, pourquoi pas, mais on perdrait ce côté universaliste, et donc la facilité à faire reconnaitre ces unions à l’étranger, aussi bien légalement que culturellement.

13. Le 20 septembre 2012,
celui

Virgile, ce mot n’est absolument pas universel. Pour certains, c’est un contrat, pour certains c’est entre deux etres, pour certains uniquement entre deux personnes de sexe différents, pour certains il est exclusif, pour certains il est divin,…

14. Le 20 septembre 2012,
Krysalia

et pour tous, enfin pour chacun surtout, ça reste “le mariage”. je suis d’accord, le mot est important. je refuse de me laisser chasser de termes en termes au prétexte que les gens veulent s’approprier le droit exclusif de mettre quelque chose dans le sens d’un mot. Je dis pédé, et je dirai mariage. parce qu’il n’y a pas plus de mal à vouloir se marier quand on est pédé que d’être pédé, déjà.

celui> pour la société française contemporaine, le terme de mariage recouvre un ensemble de droits et de devoirs, de reconnaissance publique et d’acceptation. Je m’en fous de savoir si ce n’est pas un mariage pour les papous ou les inuits, ce que nous faisons déjà qui s’appelle mariage… en revanche en france aujourd’hui et pour les français, une “union civile” ne serait pas “un mariage”. Et c’est cette universalité du mariage qui est importante : les mêmes êtres humains, le même pays, les mêmes droits. Sinon le pacs aurait suffi, et ce n’est pas le cas (loin s’en faut).

Je ne milite d’ailleurs pas pour qu’une certaine conception du mariage contenant les couples de même sexe soit en vigueur sur toute la planète. je réclame l’égalité devant la loi et la non discrimination sexuelle : que chacun, dans chaque pays ait le droit de se marier avec qui bon lui semble, dans le respect de ce qui fait le mariage accepté par tous, chez lui. (et, donc, en france aussi puisque ça me concerne :D).

15. Le 21 septembre 2012,
La mouche du coche

Franchement, Krysalia, vous m’avez l’air bien mignonne mais en grande déshérence. Je vous en prie, éteignez votre télé, vivez, mariez-vous mais avant imprimez vos commentaires d’aujourd’hui que vous enfermerez dans une boite à chaussure et placerez dans votre grenier. Quand vos les enfants les retrouveront bien plus tard, vous les lirez avec émotion et ne vous direz pas : “qu’est-ce que j’étais conne avant. Comme je pensais comme tout le monde ! “, mais au contraire, vous vous direz : “comme j’ai progressé” et vous comprendrez à ce moment que enfin, vous vous aimez. :-)

16. Le 21 septembre 2012,
Krysalia

hahahahaha :D. j’adore :D.

17. Le 21 septembre 2012,
Krysalia

mais une grande nouvelle est passée inaperçue, là, et il faut absolument fêter ça ! D’après cette personne, supporter avec énergie le mariage pour tous et trouver que l’église est le summum de la ringardise et de l’obscurantisme, ce sont des idées universellement partagées \o/ . ENFIN !

Laurent, champagne :D !

18. Le 22 septembre 2012,
la mouche du coche

Pour vous répondre, et aussi à Laurent qui hésite à franchir le Rubicon dans sa note plus haut “confusion visuelle”, je dirais qu’il devient évident un jour pour ceux qui ont une haute idée de la vie, que le degré supérieur du dandysme est de cultiver la ringarditude comme un des beaux-arts. On entre alors dans le cercle cultivé des gens qui ont compris, et l’air devient tout d’un coup respirable. On comprend que c’est l’état d’esprit que l’on cherchait depuis longtemps. Mais il faut en avoir le courage.

19. Le 22 septembre 2012,
Krysalia

http://img.over-blog.com/600x400/1/39/45/90/photos120/enhanced1.jpeg

http://img.over-blog.com/600x900/1/39/45/90/photos120/enhanced2.jpeg

de bien belles images de circonstance, enfin qui pourraient l’être si certains allaient s’acheter un cerveau, images que j’ai trouvé au bordel, ce qui ne gâte rien :D (http://www.apreslapub.fr/article-c-est-vendredi-c-est-le-bordel-120-107258310.html)

Blah ? Touitter !

Aveuglements

[…] Comme Renaud Camus, Millet est obsédé par l’invasion de la France par les hordes barbares venues d’Afrique. C’est le fond du problème, et de son libelle sur Breivik. Sa manière d’aborder cette question est, pour moi, à la fois délirante, confuse et nocive. Mais l’irénisme de ceux qui lui répondent me gêne aussi parfois. La folie de Millet devient un épouvantail commode qui permet d’esquiver la question. LA question, celle sur laquelle on s’écharpe immanquablement, en se traitant à qui mieux mieux de fasciste, de raciste ou de bobo bien-pensant. D’un côté, un délire paranoïaque, l’éloge de la pureté. De l’autre, le refus d’admettre qu’il puisse y avoir le moindre problème, car parler de problème, c’est déjà être raciste. Deux manières de refuser le réel.

[…] Il y a des banlieues où des groupes de jeunes machos, imbibés des rudiments d’une culture patriarcale et d’une caricature de religion, oppressent les femmes, manifestent leur haine des juifs et des homosexuels, attentent à la liberté de se déplacer, de croire ce qu’on veut, de manger ce qu’on veut, de s’habiller comme on veut, de fréquenter qui on veut. Je n’aime pas l’idée que mon ami Salah doive dissimuler son homosexualité à ses compatriotes Marocains, ni se cacher pour boire un coup. Il y a, en Millet, du fasciste, c’est entendu. Et applaudir Anders Breivik, c’est écœurant. Que dire de ceux qui ont applaudi naguère celui qui a brûlé vive une jeune fille? Qui brûlent vives de jeunes femmes dans les autobus? La haine des juifs, des femmes, des homosexuels, de la mixité, cela a un nom, cela s’appelle aussi du fascisme. Et la pauvreté n’est en rien une excuse. Un fasciste pauvre est quand même un fasciste. Et sur beaucoup de gens aussi pauvres que lui, il exerce sa tyrannie. Il y a des libertés que nous avons mis des siècles de luttes à obtenir, mais on a par moments le sentiment d’une régression. Si on se tait, on met en danger les libertés acquises.

[…] Mais nous devons aussi reposer sainement les termes d’une question qu’il a complètement pervertie. Sa pensée malsaine engendre l’attitude malsaine du déni. Il faut prendre en compte le réel dans sa violence et sa complexité. Il y a un idéal avec lequel nous ne pouvons pas transiger, et que nous devons défendre, d’où que proviennent les attaques, c’est la liberté. C’est sur ce plan qu’il faut poser le problème. Le reste, l’origine, la couleur, la religion, on s’en fout. La Liberté comme droit absolu et fondement du vivre ensemble, dès lors qu’elle n’attente pas à la liberté de l’autre. Liberté de croire ce que l’on veut, de manger ce que l’on veut, d’avoir la sexualité que l’on veut, de se marier avec qui on veut, homme, femme, juif, Arabe, musulman, chrétien.

La liberté, nous devons la maintenir pour les gens qui arrivent en France. Ils nous font le cadeau de leur richesse culturelle et humaine, faisons-leur le cadeau de la liberté, comme on échange des présents. Et cessons de penser qu’il y a pour eux une exception à la liberté. Et par là-même, affirmons qu’ils doivent, eux aussi, respecter cette liberté. Le délire de Millet ne doit pas nous empêcher de veiller sur ces libertés. Et ce n’est pas parce qu’on vit dans des banlieues qu’on devrait être privé de cette liberté dont on jouit tranquillement boulevard Saint-Germain.

Pierre Jourde : “Pourquoi je n’aurais pas signé le texte d’Annie Ernaux”.

(Ça m’a beaucoup amusé l’idée véhiculée par Annie Ernaux d’honneur de la littérature… “Il est encore temps d’agir afin que n’advienne jamais cette réalité, et pour commencer, d’appeler un chat un chat et l’Eloge littéraire d’Anders Breivik un pamphlet fasciste qui déshonore la littérature.”)

1. Le 18 septembre 2012,
Christophe

Annie Ernaux, la vieille au bois dormant, se réveille en 2012 (à quel prince charmant faut-il dire merci pour ça ?). En 2009, par exemple, Alexis Lacroix écrivait : “on est dans un registre qui, je crois, enfin si on sait lire, si on sait lire, fait froid dans le dos.” Et pas un mot contrariant pour les deux éditeurs de Millet (dont celui d’Ernaux…) dans tout ça.

2. Le 18 septembre 2012,
Édouard

Je suis surtout content d’être tombé dans ce texte sur le mot « irénisme » que je ne connaissais pas.

3. Le 19 septembre 2012,
Karl, La Grange

Olympiques À Montréal un castor jovial

4. Le 19 septembre 2012,
Laurent Gloaguen

Gay castor…

Blah ? Touitter !