Journal de bord

lundi 15 octobre 2012

Parole de flic

Que serait-il arrivé le 2 octobre si Stéfanie Trudeau n’avait pas été filmée et enregistrée? Il ne serait rien arrivé. On n’aurait jamais entendu parler de cette histoire. En 2018, le Comité de déontologie aurait rejeté la plainte dans l’indifférence générale. Et le directeur de la police n’aurait pas eu à s’excuser jeudi, ni à dire: «Il y a des policiers aujourd’hui qui ne sont pas fiers que Stéfanie Trudeau ait terni le SPVM et l’ensemble de la communauté policière.»

Ce dont ils ne sont pas fiers, c’est du scandale, de l’humiliation médiatique. Si on n’en avait pas fait tout ce tabac dans les médias, les policiers du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) ne seraient ni fiers ni pas fiers. Cela ne leur ferait pas un pli que Stéfanie Trudeau ait dit des citoyens qu’elle a brutalisés ce jour-là: des mangeux de marde, des rats, des carrés rouges, des gratteux de guitare. Cela ne leur ferait pas un pli non plus qu’elle ait accusé d’intimidation les gens qu’elle venait de brutaliser.

D’ailleurs, le moment le plus navrant de toute cette histoire, c’est quand on l’entend dire à son collègue: On va l’essayer (sic) sur l’intimidation. En fait, le plus navrant est de ne pas entendre le collègue à qui elle s’adresse répondre: tu n’as pas le droit de faire ça, Stéfanie. Son silence ponctué de vagues grommellements approbateurs dit assez qu’on est au coeur de la routine policière. Fabriquer et formuler la bonne-fausse infraction qui «va passer», comprenez: qui va rendre toute l’intervention «legit». Trouver le bon motif qui fera qu’à la fin, pas de trouble, pas de témoins, ce sera leur parole de bons policiers contre celle des mangeux de marde.

Dans 98% des cas, le Comité de déontologie ne peut faire autrement que de trancher en faveur des bons policiers.

J’entends ici et là qu’on se demande: comment Stéfanie Trudeau a pu devenir policière? Vous voulez dire la personne qu’elle est? Une personne qui pense que les gratteux de guitare, les citoyens sur le pas de leur porte une bière à la main, les carrés rouges sont des rats?

La pente est glissante. On peut bien sanctionner le langage, mais l’opinion? Votre question suggère que ce genre de cons, de connes ne devraient pas avoir le droit de devenir flics. Qu’est-ce qu’ils feraient? Tout le monde ne peut pas être animateur de radio poubelle. […]

La Presse, Pierre Foglia : “Distanciation”.

1. Le 15 octobre 2012,
Karl, La Grange

Foglia.

Le point à la fin est intéressant et donne toute la dimension des règles déontologiques d’un métier. L’important n’est pas tant ses opinions personnelles mais bien les règles de conduite et d’expression dans l’exercice de sa profession. Ce qu’elle pense, on s’en fout un peu. Son comportement et ses actions en revanche… ce n’est pas son rôle.

2. Le 15 octobre 2012,
Personne

En France on a l’habitude de se moquer des flics, de les faire passer pour de parfaits crétins qui auraient été refusés par toutes les administrations y compris par l’armée pour finalement atterrir dans la police par défaut.

On a même de nombreux comiques qui ont réussi à rendre ce genre de personnages abrutis sympathiques, Coluche avec l’inspecteur Labavure, Gérard Jugnot avec Pinot simple flic, etc.

On a seulement finit par oublier que c’était une triste réalité et qu’un abruti avec une matraque n’a rien de sympathique.

3. Le 15 octobre 2012,
ossobuco

Mutatis mutandis ce débat rappelle celui qui nous avait tenutes en haleine du temps de Sarkozy président (c’est rigolo à écrire comme “BHL philosophe” ou “Tessier docteur d’État” - pire : “Fabrice Luchini comédien”), comme quoi il n’était pas nécessaire de connaître la princesse de Clèves (on est en France où rien ne va pas sans un chouïa de pédanterie) pour être fonctionnaire. Enfin ça y ressemble un peu, non ? Je sais pas. Peut-être pas. J’aime bien et aexequo et bono, mais c’est difficile à placer.

4. Le 16 octobre 2012,
ossobuco

“où rien ne va pas sans” d’habitude je corrige pas mes fautes parce que mon confesseur m’a dit d’être indulgent avec moi mais là c’est un peu troppe, je trouve. Hollande président, on se dit “le style est l’homme”. Bien.

Blah ? Touitter !

Ma Mafia au Canada

Carrure de taureau, cheveux soigneusement coiffés, costume impeccable : avec ses faux airs de Robert De Niro, Lino Zambito a la parfaite gueule de l’emploi. Casting idéal pour le plus gros scandale de l’histoire moderne du Québec : l’incroyable mainmise de la Mafia sicilienne sur la Belle Province. Construction de routes, de ponts, de tunnels, d’universités, d’hôpitaux, réfection des chaussées et des trottoirs, égouts, approvisionnement en eau, dépollution, déneigement… À entendre l’édifiant témoignage livré jour après jour devant la commission d’enquête Charbonneau par Lino Zambito, l’industrie du bâtiment et une bonne partie de la classe politique de Montréal sont de mèche avec la Mafia. Les sommes détournées, issues de contrats passés entre le service public et les entreprises privées, se chiffrent en milliards de dollars.

Joint par le JDD, Zambito s’excuse de ne pouvoir parler : “Je témoignerai encore la semaine prochaine et n’ai pas le droit de m’exprimer devant la presse.” Mais un de ses amis confie : “Il veut faire changer les choses et laver son honneur. Que ses enfants n’aient plus honte de lui, que ceux qui le traitent de menteur soient obligés de cracher le morceau devant les juges. Dans les semaines qui viennent, d’autres vont témoigner et certains politiques vont avoir chaud aux fesses.”

[…] Il y a vingt ans déjà, André Cédilot décrivait les mêmes magouilles dans le quotidien La Presse. “Arrivés pauvres d’Italie, ces familles ont bâti des fortunes, d’abord dans la drogue puis dans la construction”, dénonce-t-il. Des milliards qui ont fait de Montréal la base arrière de la mafia new-yorkaise. “Aujourd’hui, il est plus rentable pour eux de construire un kilomètre de route que d’écouler une tonne de cocaïne. Tout le monde le sait et presque rien n’a été fait. Ce pays est corrompu jusqu’à l’os. Et ces gens sont en train de prendre le contrôle de la ville.”

Le Journal du Dimanche, Alexandre Duyck : “Ma Mafia au Canada, scandale historique”.