Journal de bord

dimanche 6 juillet 2003

Caisse bleue #2

Imprimante matricielle sur papier à bandes caroll. Circa mes 18-20 ans, ou plus tôt. Devinez l’auteur qui était ma source d’inspiration à l’époque…

Les vigoureuses lianes d’une clématite, dont l’abondante floraison printanière attire de nombreux insectes butineurs, encore engourdis par le froid, enlacent la vieille serre abandonnée à l’intérieur de laquelle des pots, où prospèrent désormais les orties, sont alignés sur des tables pourries. Le sol est jonché des débris du vitrage qui font crisser chacun de mes pas. Toutes les orchidées et autres curiosités tropicales qui nous avaient tant enchantées ont maintenant cédé la place aux lamiers et au volubile liseron qui grimpe à l’assaut des élégantes volutes de fer rouillé. Rien de ce désolant spectacle ne fait partie de mes souvenirs.
Souvenez-vous du lieu gai et clair où l’on pouvait admirer une des plus belles collections de fleurs rares, surtout de sophistiquées et précieuses orchidées, qui témoignait du goût et de la folle passion de l’esthète qui nous accueillait ici. Sous les dômes vitrés, rutilants de soleil, le jardinier en chef s’activait presque continuellement pour maintenir l’artificiel climat et veiller les plantes les plus délicates, déplaçant des ombrières, vaporisant là un feuillage, tuteurant ici une branche trop chargée de fleurs ou dosant précautionneusement l’entrebâillement d’un châssis, l’oeil fixé sur les aiguilles des hygromètres et des thermomètres. Je le vois encore, penché sur ses semis, le regard attendri, tel un père au berceau de son enfant, admirant la vigueur de ces jeunes plantules qui redressaient lentement leur lourde tête pour enfin éclater en de larges cotylédones qui nourriraient en leur sein les premières feuilles de ce qui deviendrait, à force de patience, une nouvelle merveille dont on ajouterait le nom sur le livre de bord de la serre. Et ce vaisseau de verre traverserait les saisons, abritant en ses cales la précieuse cargaison, sous le commandement du capitaine jardinier. Parfois, un visiteur chargé de catalogues venait proposer de nouvelles recrues pour l’équipage, un autre venait pour supplier la moindre bouture, la moindre graine.
Vous rappelez-vous de ces énormes potées d’orchidées, des cymbidium, je crois, qui vous avaient tant impressionnées ? Ces fleurs sont bien quelconques depuis qu’on les trouve chez tout fleuriste pour un prix modique à toute époque de l’année. Leurs tissus turgescents et cireux, leurs pétales jaunis, leurs labelles margés d’éclaboussures terreuses n’en faisaient pas des fleurs très séduisantes ; elles avaient le mérite d’être rares et étranges, symboles de lointains horizons. Elles sont aujourd’hui communes et vulgaires.
Mais il y avait bien d’autres merveilles, de ces épiphytes capricieux pour lesquels un entreprenant explorateur avait bravé mille dangers, traversé maintes jungles étouffantes, afin que nous puissions admirer ces joyaux végétaux, tantôt pleins de grâce et de charme, tantôt monstrueux et hideux ; bien que la plus laide d’entre toutes soit souvent aux yeux du botaniste et de l’amateur la plus séduisante. Je ne me lassais pas d’observer ces cattleyas, odontoglossum, miltonia, satyrium, phragmopedilum, phaius, oncidium, sophronites, etc. Tous ces noms étaient pour moi autant de sujets de rêverie et j’imaginais d’étranges légendes qui pouvaient expliquer ces mystérieuses appellations. J’étais parfois suffoqué de surprise devant un spécimen, tel un des Esseintes fasciné, entouré de ces folies végétales.
Certaines, parmi les plus déconcertantes, semblaient artificielles tant leur matière évoquait celle des fleurs imputrescibles qui ornent tant de tombes. Elles poussaient parfois la perfection jusqu’à exhaler des senteurs de caoutchouc brûlé, fruits de l’incroyable complexité qui règne dans la chimie des végétaux. Il fallait parfois toucher la chose, tant elle semblait factice pour se convaincre que cela n’était pas le résultat du labeur de l’homme, mais bien celui de cette nature qui nous dépasse tant. Il y avait aussi des monstres simulant des chairs putrides, des pétales sillonnés de varices violacées, des labelles velus aux extrémités pustuleuses, des sépales aux excroissances verruqueuses, des plantes atteintes de vésanie exhibaient des peaux vésiculeuses striées d’artères rougeâtres, d’autres avaient des fleurs en forme de pipes aux fourneaux emplis de liqueurs délétères, pièges immondes pour l’insecte avide de nectar qui se retrouve prisonnier d’un cul de basse-fosse où il trouvera sa fin, noyé de sucs digestifs.
Ici une feuille succulente aux extravagantes déformations, là un pétale charnu et cramoisi aux reflets verdâtres, ravagé de brûlures suintantes, ou encore une tige émeraude cérusée de rose, supportant des feuilles diaphanes et chlorosées, tout donnait l’impression d’un recueil des pires maladies. On pouvait distinguer des variétés lépreuses, d’autres syphilitiques. Un dermatologiste aurait reconnu chancres, roséoles, bouffissures, bubons, chéloïdes, bourbillons, chloasmas sur ces feuilles et un spécialiste aurait pu diagnostiquer hydropisies, oedèmes, cirrhoses, anévrismes, tumeurs, anasarques, etc. Toute cette invraisemblable aliénation n’était qu’organes de procréation, je n’avais sous mes yeux que sexes tropicaux.

Caisse bleue #3

[supprimé]

Caisse bleue #4

Je feuillette fébrilement le contenu de cette maudite caisse, je suis saisi de vertige. Mon dieu, tant de choses, tant d’eau écoulée sous les ponts. Je ne savais plus ma vie si riche. Et je découvre finalement l’intérêt de laisser une trace écrite. Ah, si j’avais connu le blogue à l’époque, ma vie en eut été changée. Ne riez pas, mon blogue, c’est ma caisse bleue à moi ouverte sur le monde et offerte en partage.

Mourir

Mourir, ce n’est qu’un pas de plus. J’espère que je vous aurais marqués dans vos coeurs car c’est le seul lieu où l’on peut espérer survivre.

Mourir, un geste si simple que nos sociétés modernes acculent au fond de placards aseptisés et vides de sens.

Mourir, quel gâchis, tout cet ouvrage pour en arriver là, à cette fin si définitive et inéluctable. Pour rejoindre tous ces cimetières peuplés de gens irremplaçables.

Mourir de mort violente quand j’étais jeune, aujourd’hui, mourir doucement entouré de soins aimants.

Mourir, finalement cela ne me fera rien, je compatis pour les survivants qui en auront la charge. La souffrance est celle de celui qui reste et qui mesure l’aune de l’injustice de notre humanité.

Mourir, cela me fera du bien si je sais que mes cendres seront dispersées à la pointe de l’île Saint-Hélène et que, dispersées dans les flots tumultueux du Saint-Laurent, elles rejoindront l’océan qui m’est si cher.

Mourir alors que j’ai encore tant à donner, ce ne serait pas juste, mais pourtant, il faut à chaque jour s’y résoudre pour apprécier à sa juste valeur le coucher du soleil.

Mourir, ce sera mon dernier acte d’amour pour cette vie non choisie. On dit que les pendus ont une érection, la mienne sera intellectuelle.

Mourir, c’est physico-chimique, ce sont vos synapses qui se disjoignent, vos empreintes cérébrales qui s’évaporent dans une décomposition privée d’oxygène.

Mourir, c’est une mémoire vive qui s’évanouit. Une erreur système fatale, seuls vos écrits en constitueront une sauvegarde à léguer à ceux qui auront le courage de la relire.

Mourir, c’est rejoindre le grand mystère de votre naissance.

Mourir, voilà ce qui scelle notre existence.

Mourir, c’est la source du bonheur de vivre, songez-y.

1. Le 14 février 2008,
Reno

C’est joli.

Blah ? Touitter !

Caisse bleue #5

En fin de compte, je vais peut-être refermer la caisse bleue. Trop vieux, trop intime.

P.S. Peut être qu’il y a des choses qui méritent de rester au fond de la caisse bleue. À quoi bon fouiller le passé, c’est le présent qu’il faut créer.

Déclaration d’amour

Finalement, il n’y a qu’en mer que je me sens bien. Je ne suis peut-être pas un terrien. J’ai raté ma vocation. C’est entre ciel et mer que je me sens vivre. Il faut que je me confronte à une nature brute et exigeante pour mesurer l’étendue de ma vie. Si cela était possible, j’aimerais embarquer pour un navire qui n’accosterait jamais. La mer, c’est un peu ma patrie.

1. Le 17 novembre 2003,
Emma

Laurent, si tu fais ca un jour, tiens un journal de bord, fais-moi rever. Enfermee dans mon bureau, je ne reve plus que de mer.

Blah ? Touitter !

Maciej au Québec

And at night, you can watch the Simpsons dubbed into French, an experience guaranteed to deflate every pretension you may have about your ability to speak that langugage. D’ouh!

Maciej Ceglowski.

Je me demande s’il s’agissait d’une version doublée en québécois ou en français. Si c’est le premier cas, il ne faut pas s’inquiéter…

Certains béotiens vont me dire : ils ne parlent donc pas français les Québécois ? Et bien, pas toujours… ainsi je défie n’importe lequel Français, qui n’a pas une longue expérience du Québec, de comprendre un épisode de la télésérie La petite vie.

1. Le 6 juillet 2003,
Matoo

Après avoir vu une image de La petite vie dont tu donnes l’url, ça me donne vraiment envie d’un extrait. Avec l’accent, ça doit être tordant !! :o)

2. Le 6 juillet 2003,
Jean-Philippe

Hum encore un brin de “France centre du monde” ? Et nous au Québec, on doit endurer les westerns doublés en France où les durs avec une voie aigue se plaignent en argot…

3. Le 6 juillet 2003,
Jean-Philippe

voix, dis-je…

4. Le 7 juillet 2003,
Maciej Ceglowski

En Québecois! La seule personne que je suis arrivé à comprendre, c’était un hotellier né à Perpignan. Désastre linguistique totale, cela me rappelait les six mois qu’il m’avait fallu pour comprendre mon ancien propriétaire en Provence.

5. Le 9 juillet 2003,
François

Et les Simpson en anglais, vous avez essayé ?

Par contre les Simpson en Québécois et les western doublés en France j’aimerais beaucoup entendre ;-)

Blah ? Touitter !