Lettre de départ
Ce parti, je le quitte cependant à regret. Et même à grand regret. Il m’a permis d’être deux fois député, ce qui reste un honneur en dépit de la dévalorisation insoutenable de la réalité du mandat parlementaire. Je l’ai servi autant que j’ai pu. Je garderai une reconnaissance profonde pour ceux des militants de la Drôme qui m’ont soutenu fortement en 1997, colossalement en 2002. Je remercie aussi tous les élus, militants, et sympathisants d’ailleurs en France qui m’ont adressé des messages de soutien et qui m’ont demandé de renoncer à ma démission et de soutenir à nouveau Ségolène Royal. Leurs témoignages m’ont ému et fait vaciller. Sans les attaques personnelles dont j’ai été victime de la part de certains de ceux qui jouent un rôle majeur dans cette campagne auprès de la candidate et, en dépit de mon analyse, je serais revenu. Mais je suis désormais incapable de cohabiter avec ceux qui ont touché à l’essentiel. Le combat politique n’autorise pas tout… surtout dans son propre parti.
Un très beau et touchant texte sous la plume d’Éric Besson à lire dans les pages du Monde…
“Je dis très belle lettre, car elle souligne la personnalité d’un homme sensible, généreux et profondément blessé par les Rastignac de service.” — Patrick.
De son côté, le ségolèniste de service, Hugues, nous livre sa réaction, teintée d’amertume et d’aigreur.
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Au sujet des “éléphants” :
Pour ne pas évoquer le fond du désaccord qui expliquait ma démission j’ai invoqué des “raisons personnelles”. L’expression a été retournée contre moi par plusieurs des proches de la candidate, visiblement excédés par mon départ. Je passerai sous silence, par reste de charité chrétienne, les qualificatifs élogieux dont ils m’ont affublé.
Ils ne grandissent guère la “relève” et le “renouveau” qu’ils prétendent incarner. Les “éléphanteaux” se révèlent plus cruels et moins regardants dans les arguments que les “éléphants” injustement vilipendés.
[…] Certains apprentis-sorciers, proches de la candidate, théorisent cette absence [celle des éléphants, Lionel Jospin, Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius] regrettable : le “plus” de Ségolène Royal serait d’avoir supplanté les “éléphants”. Outre le fait que je n’ai toujours pas compris en quoi, au regard de son parcours politique, Ségolène Royal serait moins “éléphante” que d’autres, cette mise à l’égard de ceux qui ont, à gauche, le mieux dirigé la France me paraît être une funeste erreur.
Juste pour moi, au sujet du référendum sur le TCE :
Après des “états généraux” consécutifs à la défaite de 2002 et le congrès de Dijon, les électeurs ont offert aux socialistes une grande victoire en 2004. Au rejet du gouvernement s’additionnait le remords de 2002. Cette large victoire – probablement trop large au regard de notre travail réel – a été mal gérée. Nous avons, de façon absurde, demandé au président de la République un référendum dont nous ne voulions pas sur une question qui nous divisait et qui ne méritait ni tant d’honneur ni tant d’indignité : le traité constitutionnel européen. Bien qu’ayant voté “oui”, j’étais moi-même très réservé sur son intérêt. Mais il comportait des avancées limitées dont nous nous sommes privés après nous être offerts le luxe d’une division publique.
Ce “non” de beaucoup de dirigeants socialistes après le “oui” des militants restera à mes yeux une faute lourde dont les conséquences se font encore sentir. Le congrès du Mans ne fut ensuite qu’une bataille âpre, achevée par une synthèse improbable (même si, a posteriori, sans doute nécessaire) : je le sais puisque j’eus l’honneur de donner lecture de cette synthèse à la tribune du congrès…
joel ronez
Texte très intéressant, certes. Vraisemblablement sincère. Je suis assez d’accord avec de nombreux points, notamment sur le TCE.
Mais l’homme m’apparait comme un pleurnichard qui se barre au milieu du gué et se confond en justifications prolixes plutot que l’objet d’une injustice.
Il aurait pu attendre le deuxième tour, quel que soit l’offense qui lui était faite. Le feuilleton était vraiment grotesque. Cet homme est député depuis 2 mandatures, c’est un homme public, et il semble découvrir aujourd’hui qu’être exposé c’est dur.
Je trouve sa démarche sincèrement pathétique.
padawan
Marrant, Joël, j’ai une analyse complètement opposée. Au contraire d’un pleurnichard, je sens un homme blessé mais pas abattu. Et je trouve intéressant ce lever de voile sur les coulisses de la machine, outre quelques perles comme “il n’y a qu’en France qu’on se sente obligé de haïr l’adversaire politique”, il a entièrement raison de retourner les projecteurs là où ils devraient pointer. Il n’est pas maître du timing, et il n’a aucune raison d’avoir le dos aussi large que François Hollande :p.
Ankou
Les ségolistes trouveront Besson pitoyable, traitre et lache.
Les autres le trouveront courageux, ou au moins honnête, avec lui et avec les autres.
Honnêtement, aujourd’hui, quel homme politique serait capable d’arrêter sa carrière nette car ses idées & idéaux ne sont plus en phase avec son parti?
Miam
J’ai entendu Eric Besson ce matin sur Europe 1 et ça m’a passionnée (j’avais mis mon réveil, car je savais qu’il serait interrogé par Elkabbach et je savais qu’on irait profond, mais dans un registre que j’attendais très politique — et j’avais soif de ça). J’ai senti un homme blessé et qui tient avant tout à conserver sa carrure, son maintien, son chemin, même dans le bordel total (… à conserver son ego, diront certains.) Trois nuances tout de même, quant à l’utilité et à la qualité de sa prestation : 1) Si l’on ne considère que son intérêt à lui, il s’est exprimé à mon avis un peu trop tôt. On sent trop la blessure, pas assez l’homme politique. 2) On voit que les blessures personnelles le font ruer bien plus que n’importe quelle blessure politique. Ce qui me renvoie au point précédent. 3) Ce qu’il dit sur le TCE minimise mes regrets de le voir partir, mais ça lui donne peut-être des chances de retrouver un poste à droite, à gauche… bref, chez un peu chez n’importe qui…
pauvresse de la technologie
contre la machine à trahir éric besson aura toujours à ses côtés les gens de gauche, ceux qui se battent pour des convictions, les vrais les petits comme nous
Hugues
Voyons voir, Ségolène était stupide, elle devient désormais cruelle… Et ses partisans passent de la crétinerie à l’amertume… Mais je ne savais pas que l’amertume, et même l’aigreur, étaient condamnables dans ce genre de circonstance. Ce type abandonne la campagne, en démolit méthodiquement les acteurs et les principes à quelques semaines de l’élection, en vient même à expliquer aux médias qu’il n’est pas certain de voter pour le PS et, oui, pour les gens qui ont un petit peu envie d’éviter Sarkozy, l’émergence d’un certain agacement n’est pas totalement illégitime.
Le “beau texte” de Besson, son côté “touchant”, au fond, vous décidez simplement de lui accorder le crédit que son auteur vous demande sans même imaginer qu’il puisse y avoir deux faces à la médaille. Je ne connais pas la vie privée de ce type, mais je connais les enjeux de la présidentielle et je reste convaincu qu’il n’avait pas besoin, même pour se retirer, même en colère contre tel ou tel, d’en arriver à saboter la campagne. Amer, oui, pourquoi pas. Et en rogne aussi.
Enfin, attendons que Morano fasse une belle lettre touchante pour protester contre sa mise à l’écart pour vérifier l’universalité de votre empathie.
Laurent
Je ne sais pas si Morano a le talent épistolaire d’un Éric Besson…
Hugues
Forcément, ça change tout.
Laurent
Oui, ça change tout, les gens qui savent écrire et possèdent des talents oratoires emportent plus volontiers mon empathie. Cela dit, il est vrai que mettre une grosse loupe sur la crasse médiocrité de l’équipe de campagne qui entoure Ségolène Royal était superflu en ces temps déjà troublés, le dicton dit : “ne tirez pas sur une ambulance”.
samantdi
Jusque là, le Besson avec un petit talent de plume et des dispositions à semer la zizanie, c’était plutôt Patrick.
Olivier
“Mais l’homme m’apparait comme un pleurnichard qui se barre au milieu du gué et se confond en justifications prolixes plutot que l’objet d’une injustice.”
On parle de Jospin ?
Hugues
Mais une idée désagréable me vient soudain, et qui ne devrait pas te surprendre puisque tu es si attentif aux tournures de phrases : quel est le sens exact de ton “ségolèniste de service, Hugues, nous livre sa réaction, teintée d’amertume et d’aigreur” ?
“Ségoléniste de service”, ça ne serait pas à la limite du sarcasme, voire de l’agression. Un “ségoléniste de service”, ça sonne comme une espèce de crétin aux ordres, un demeuré chargé de faire ceci ou cela. Et “amer” et “aigre” en plus, le ségoléniste de service. On visualise immédiatement un tout petit bonhomme sec et bilieux, enfermé dans son ségolisme ridicule — tout à fait mon portrait, ça…
Mais dis moi vite que je me trompe et que je surinterprète. Ou explique moi au contraire que tu trouves absolument normal de te permettre ce genre de choses.
Marc
Je ne comprends pas bien comment on peut faire des jugements sur le fonctionnement de l’équipe de Royal ?? On est pas dedans (à moins que tu n’ai un scoop Laurent :p)…
En résumé pour juger on a :
quelques bourdes ou écarts de language (en dehors d’une ou deux vraies conneries ce sont surtout des misères montées en épingle grâce au talent de l’équipe UMP, aidé par une volonté de rachat des médias se sentant coupable de leur embalement royaliste préalable) ; au passage j’attends toujours que les âneries de Sarkozy subissent le même traitement que celles de Royal, que l’héritation sur le Mont Saint Michel subisse les mêmes déchaînements de haine que la bravitude sur la grande Muraille (plus classe en plus ihih).
les avis de tel ou tel insider qui donne un avis définitif (soit dit en passant j’en lis autant sur les frasques de l’équipe Sarkozy dans le Canard mais bizarrement ça n’est pas repris ; lisez donc celui d’aujourd’hui tient au hasard, l’encart de la page 2 par exemple).
Bref moi je trouve que le traitement est étonnament déséquilibré, et en plus je m’en tamponne gentillement de savoir si dans l’équipe de la belle du Poitou on se fait la bise ou on se fait des croche-pied dans l’escalier.
Ce sont des milieux durs, où les égos sont démesuré et les acteurs sont tendus comme des cordes à pianos ; forcément dès fois ça sonne faux :))
Marc.
Baptiste
Quelques soient les raisons de sa démission, oui, elle est traître, dans le sens ou elle est destinée à nuire à la campagne du PS. Il se prend pour l’homme médiatique avec ses conférences de presse à deux balles, c’est plus de l’égocentrisme qu’autre chose. On se fout d’Éric Besson. Il y a toujours eu des divergences dans une campagne, des ruptures, et jamais elles n’ont fait la une, parce que ce sont des affaires internes qui ne nous regardent pas et que nous ne sommes pas en mesure de juger. Mais il semble décidé à faire parler de lui, et non, ce n’est pas à son honneur de se faire passer pour un martyre et de vouloir atteindre la campagne du PS.
Laurent
@Hugues : ségoléniste de service, ça veut dire le seul ségoléniste convaincu de mon agrégateur, ça veut dire celui que j’aime bien mais dont je crains l’aveuglement dogmatique. Ségoléniste de service, ça veut dire ségoléniste fréquentable, avec qui on peut converser. Ségoléniste de service, c’est mon prisme qui me sert à décrypter l’engagement socialiste. Ségoléniste de service, c’est celui qui m’est utile à citer intelligemment l’expression d’un mouvement d’opinion. Le ségoléniste de service, c’est un peu comme une boîte de petits pois, indispensable chez soi… Le ségoléniste de service est illustratif, décoratif, bref, irremplacable. C’est aussi celui qui a des réactions prévisibles, qui est ségolénistiquement correct, dans l’attendu, dans l’ordre juste. Un archétype. Un spécimen remarquable. Un phénotype. Tu n’existerais pas que tu me manquerais beaucoup. ;-)
@Marc : ce n’est pas moi qui fait des jugements, c’est Éric Besson, et, jusqu’à preuve du contraire, il était en plein dedans, l’équipe Royal…
Marc
C’est bien ce que je veux dire : on a un bonhomme seul qui, à bout, quitte son équipe. Il vide son sac. Et nous on est tous là à charger la mère Royal en disant “bouh la vilaine, bouh la sale équipe de campagne”. Sans connaître le Besson, savoir ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas… Honnêtement je veux bien croire qu’il y a du vrai dans ce qu’il dit, mais la façon de le dire, l’amplificateur de ses blessures, tout ça me conduit à prendre un recul certain. Comme je le disais, si on est attentif, on s’apperçoit que c’est le souk dans toutes les équipes, composées de personnes aux approches stratégiques de campagne différentes, aux égos surdimensionnés, dans une tensioin croissante. Et en plus ils sont quelques un à jouer leur carrière ou en tout cas espérer leur poste de ministre ou secrétaire d’état… Voir systématiquement sortir un billet, ici ou ailleurs, dès que la Royal a bafouillé sur une syllabe ou qu’un de ses lieutenants a des états d’âmes, je ne trouve ça ni très intéressant ni élevant beaucoup le débat. Ca me fait le même effet qu’à toi, Laurent, quand tu cites les “ségoléniste de service” :) Quand tu es dans ce mode je vois l’anti-ségoléniste de service de la même façon.
Personnellement j’ai tendance à préférer m’en tenir au discours public, sur lequel, pour le coup, on peut discourir sans retenue, qu’on peut décortiquer et mettre en perspective…
Hugues
Du sarcasme à la condescendance, donc.
Alice
Cette lettre de Besson, je crois qu’elle contient beaucoup de vérités, sur l’organisation de la campagne et sur l’état du PS depuis plusieurs mois. Qu’il n’ait pas réussit à faire le message avant le clash est dommage. Mais finalement, dans quelques semaines, nous ne retiendrons pas cette démission, mais n’en retirerons que des bénéfices : une réorganisation du staff de Ségolène Royal qui va dans le sens même de tout ce qui est dénoncé. La campagne va être un peu plus blindée et moins amateure.
Pour avoir entendu justement François Rebsamen descendre Eric Besson et sous-entendre des problèmes conjugaux sur France Inter, je cromprends que Besson ait décidé de démissionner du PS. Mais la mise en scène de sa sortie (une conférence de presse, une radio, une télé) et l’incertitude sur son vote (était-il à ce point peu animé de convictions ?) me gênent.
Blah ? Touitter !